Édition Albin Michel. Traduit de l’américain par Sarah Gurcel

Je vais vous parler d’un roman qui a plombé tout mon été 2022, et pourtant les quatre coquillages vous montrent que je vous en conseille la lecture. J’avais tellement aimé « le fils » du même auteur que je me suis lancée sans hésitation dans ce roman. Soutenue par l’enthousiasme de Krol qui dit dans son commentaire qu’elle aurait bien continué 500 pages de plus !

Le sujet est intéressant, mais vous l’avez certainement déjà rencontré dans d’autres pavés américain : la désindustrialisation de ce ce grand pays – grand, autant par la taille que par les problèmes qu’il engendre et qu’il doit affronter- a laissé des régions entières sans emploi et dans une misère noire. Qui dit misère, dit problème de violence et ce roman le raconte très bien.

D’où viennent mes réserves ? D’abord du style de l’écrivain, je reconnais que, comme il veut écrire un roman choral il cherche à varier son style suivant les personnages du drame. D’abord nous rencontrons Isaac un être supérieurement intelligent mais inadapté socialement. Ils font souvent des bons personnages de films ou de séries ces gens quelque peu autistes à haut potentiel. Le style de l’écrivain devient haché car Isaac parle par phrases lapidaires et est difficilement compréhensible. Ensuite nous serons avec Poe, l’abruti au grand cœur qui cogne avant de réfléchir, il fera le malheur de Grace sa mère qui ne réfléchit pas beaucoup non plus mais qui fera tout pour sauver son fils. La sœur d’Isaac, Lee, a fui cet endroit mortifère en faisant de brillantes études à Yale, mais elle se sent coupable d’avoir abandonné son frère qui doit s’occuper de son père Henry accidenté du travail. Il me reste à vous parler de Harris le policier amoureux de Grace et qui va essayer de sauver Poe.

Voilà, vous les connaissez tous maintenant et ces personnages vont être pris dans un drame provoqué par Isaac qui a décidé de fuir cet endroit en volant l’argent de son père. L’auteur fait parler les personnages les uns après les autres et cela permet au lecteur de ne donner raison à personne. Ils ont tous leur part de responsabilité. Ils sont pris dans un engrenage infernal dont le moteur principal est la misère, dans une région où plus rien ne marche ce n’est pas le meilleur de chaque homme qui est aux manettes.
Comme souvent pour les romanciers américains, il faut à Philipp Meyer cinq cents pages pour nous raconter cette histoire. Il est vrai que la toile de fond du récit est bien rendu : dans une très belle nature qui peu à peu reprend ses droits, les hommes qui l’ont tellement abîmée par une industrialisation intensive sont aujourd’hui les victimes et non plus les maîtres. Ils ont perdu leur pouvoir et semblent bien peu de chose. C’est un récit implacable donc plombant pour le moral et ce n’est pas la fin, dont hélas je ne peux rien dire ici, qui sauvera l’impression de l’énorme gâchis qui ressort de cette lecture si éprouvante.

Citations

L’usine désaffectée :

 Vertes collines ondoyantes, lacets de rivière boueuse, étendues de forêts que seules déchiraient la ville de Buel et son aciérie, une petite ville en elle-même avant qu’elle ne ferme en 1987 et soit partiellement démantelée dix ans plus tard ; elle se dressait maintenant telle une ruine antique, envahie d’herbe aux cent nœuds, et de célastre grimpant et d’ailantes glanduleux.

La fin d’un monde.

Pendant un siècle, la vallée de la Monongahela River, que tout le monde appelait la Mo et qui avait été la plus grosse régions productrice d’acier du pays, même du monde en fait, mais le temps qu’Isaac et Poe grandissent, cent cinquante mille emploi avait disparu et nombre de villes n’avaient plus les moyens d’assurer les services publics de base -la police notamment. comme la sœur d’Isaac l’avait dit un ami de fac « la moitié des gens se sont tournées vers et services sociaux, les autres sont redevenus chasseurs-cueilleurs ». Une exagération, mais pas tant que ça.

Un pays qui va mal.

 Il ne voyait comment le pays pouvait survivre à long-terme, la stabilité sociale repose sur la stabilité de l’emploi, c’est aussi simple que ça. La police ne pouvait pas résoudre ce genre de problèmes. Les gens qui avaient des retraites et des mutuelles, on les voyait rarement voler leurs voisins, battre leur femme ou se cuisiner de la meth dans leur cabane de jardin. Et pourtant, c’était toujours la faute des flics -comme s’ils avaient les moyens d’empêcher toute une société de s’effondrer. La police doit faire preuve de plus d’agressivité, disaient les gens -jusqu’au jour où vous pinciez leurs fils en train de voler une voiture et que vous lui tordiez un peu violemment le bras : la, vous étiez un monstre et un violateur des libertés publiques. Les gens voulaient des réponses simples, mais elles n’existaient pas. Faites en sorte que vos enfants ne sèchent pas les cours. Priez pour que des compagnies biomédicales viennent s’installer par ici.

Différence USA/France.

Il y avait là, dans cette propension à se considérer comme responsable de sa propre malchance, quelque chose de typiquement américain : une réticence à admettre que l’existence puissent être affectée par des forces sociales, et une tendance à ramener les problèmes plus généraux aux comportements individuels. Négatif peu ragoûtant du rêve américain. En France, se dit-elle, les gens auraient paralysé le pays. Ils auraient empêché les usines de fermer.

 

26 Thoughts on “American Rust – Philipp MEYER

  1. J’ai beaucoup aimé ce roman de Philipp Meyer. La peinture de cette Amérique n’est pas nouvelle mais ce qui est passionnant dans ce roman, c’est le point de vue. Le lecteur suit les personnages et observent leurs façons de réagir, leurs interactions avec les autres. Et moi j’aurais bien continué sur 500 autres pages…

  2. keisha on 12 septembre 2022 at 10:38 said:

    AIe, je l’ai noté, mais pour le lire en vO, ça promet. ^_^

  3. j’avais tellement aimé le fils lu grâce à toi que j’ai voulu lire celui là mais comme toi mon impression est nettement plus mitigée je n’ai pas vraiment accroché un rien trop plombant pour moi en ce moment

    • je suis contente de te revoir sur la blogosphère, les liens que ce mode de communication créent sont aussi fragiles que précieux je craignais pour toi et me voilà rassurée.
      Tu vois que Krol a beaucoup aimé , moi comme toi cela m’a plombé le moral et du coup rester 500 pages avec ce désespoir sans fond j’ai eu du mal. Je continue à penser qu’en littérature les américains ont un siècle de retard ils sont restés aux romans fleuves quand les français ont compris que l’ellipse est plus forte que les descriptions et les analyses trop longues. Disons qu’ils sont plus proches de Zola que d’Annie Ernaux !

  4. Bon … Je crois que je vais en rester à mon excellent souvenir du Fils. Je ne doute pas des qualités de ce roman, mais il me paraît décidément trop copieux ET désespérant pour moi (ça fait deux obstacles d’une taille non négligeable) !

    • Et tu vois aussi que certaines lectrices ont beaucoup aimé, pour moi ce fut un pensum mais je le répète il faut le lire car c’est une réalité non discutable.

  5. J’ai adoré Le fils, et celui-ci est sur ma pile, je l’ai trouvé d’occasion ! J’aime assez les récits plombants…

  6. Je vois en lisant les commentaires qu’on a tous tellement apprécié « Le Fils » qu’on craint la déception… c’est dur d »écrire un excellent premier roman…

  7. Comme je n’ai pas encore lu « le fils », je ne vais pas m’aventurer dans celui-ci, qui visiblement a moins plu.

  8. J’avais beaucoup aimé ce roman, je m’en souviens. Par contre, je n’ai pas encore franchi le pas avec Le fils, que je crois très sombre aussi.

  9. Le sujet déjà ne me tente pas plus que ça. et en plus, si c’est plombant… ben je fuis !!!

  10. Un excellent roman !

  11. éprouvant mais 4 coquillages…? Je n’ai toujours pas lu cet auteur (oui, je me répète!)

  12. Un magnifique roman choral où de multiples acteurs vont apporter une dimension psychologique intense à ce drame riche en émotions. Excellent roman.

    • Je l’ai lu car j’avais vu beaucoup de commentaires allant dans ce sens. Moi j’ai été un peu déçue par la longueur et la tristesse de cette histoire

  13. Je n’ai pas lu le livre, par contre j’ai regardé la série sur Canal plus cet été, et j’ai beaucoup aimé :)

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