Édition Zoé . Traduit de l’anglais par Christine Raguet

Et pour une fois le nom de la traductrice est sur la couverture, bravo aux éditions Zoé.
Il y avait pour ce livre tant de tentatrices ,que je savais que je le lirai, heureusement que je n’avais pas dit quand ! Aifelle en novembre 2019, Athalie en octobre 2019, et Kathel en juin 2020. À chaque fois, je me disais que ce roman était pour moi, je confirme totalement cette impression. Merci à vous de m’avoir guidée vers ce roman.

Dans un quartier chic du Cap, deux femmes vieillissent, rien ne les unit, si ce n’est une haine farouche. Toutes les deux deviennent veuves au début du roman. Marion, la femme blanche architecte était mariée à un certain Marc, elle découvre que celui-ci ne lui a laissé que des dettes . La vente d’un tableau acquis il y a bien longtemps pourrait la tirer d’affaire, il s’agit d’un tableau de Pierneef peintre qui a une belle côte aujourd’hui en Afrique du Sud :

Seulement voilà , Hortensia a entrepris des travaux et une grue s’est abattue sur sa maison et le tableau a disparu. Ne croyez surtout pas que cette anecdote soit très importante. En fait ce qui est important c’est pourquoi ces deux femmes sont arrivées à se haïr avec une telle force : Hortensia, sait mieux que quiconque déceler le racisme ordinaire qui dicte la conduite de Marion. Celle-ci a déjà perdu le contact avec ses enfants à cause de ses comportements humiliants pour leur employée Agnes. Hortensia n’a plus d’illusion sur l’humanité, et elle sait très bien débusquer toutes les petitesses de chacun même si elle est souvent méchante, elle est aussi très drôle et j’ai beaucoup appréciée quand elle bouscule le côté dame patronnesse de Marion. C’est une femme qui a très bien réussi dans le design et qui au contraire de Marion , n’a aucun soucis d’argent. Son mari Peter meurt et laisse une clause très étrange dans son testament. Il demande à Hortensia de prendre contact avec Emée une jeune femme de 40 ans qui est sa fille légitime. Il manque un élément pour que le décor soit planté. La maison dans laquelle habite Hortensia a été conçue par Marion et celle-ci aurait voulu l’habiter. Les deux femmes vont être amenées à devoir se supporter. Il n’y aura pas de renversement de situation mais une sorte de paix des braves ! Au fil de l’histoire on en apprend beaucoup sur le racisme ordinaire en Grande-Bretagne, et les horreurs de l’Afrique du Sud . La façon dont l’auteure nous présente les deux personnalités est passionnante. Tout en se doutant de la suite, on laisse l’auteur nous emmener sur les chemins de deux femmes qui n’auraient jamais dû se rencontrer. Il n’y a pas de « gentilles » mais des femmes qui ont connu une vie originale, la dureté d’Hortensia cache une grande intelligence et une sensibilité qui n’a jamais pu s’épanouir complètement . Marion est plus prévisible mais on la sent prête à abandonner quelques une de ces certitudes. Enfin !

Bref, je joins ma voix à celles qui ont avant moi découvert ce roman, c’est un roman qui m’a laissé une très forte impression et dont j’ai savouré toutes les pages.

Citations

 

Le ton est donné

La rivalité était assez tristement célèbre pour que les autres représentantes du comité se tiennent en retrait afin d’assister au spectacle. Il était de notoriété publique que les deux femmes partageaient une haine et une haie, qu’elles élaguaient l’une comme l’autre avec une ardeur qui démentait leur âge.

Marion et Hortensia

-Je suis convaincu que si on les contraignait, ces gens auraient du mal à justifier leur droit. Des gens à l’affût d’argent facile, si vous voulez mon avis.
– Quand vous dites ces gens, ce que vous voulez dire en fait, c’est « des Noirs », si j’ai bien compris ?
– Absolument pas et je voudrais..
– . Marion, je ne suis pas d’humeur aujourd’hui à supporter votre sectarisme. J’ai le souvenir précis de vous avoir demandé de garder vos conversations racistes pour votre propre salle à manger.

 Le mari d’Hortensia

Peter n’avait jamais été croyant, mais il avait affecté des postures de croyant qu’Hortensia n’avait jamais été capable de déchiffrer parfaitement. Il sifflotait « Morning has broken », puis l’entonnait, mais il s’embrouillait dans les paroles, le cantique disparaissant dans sa gorge. Il jouait au golf le dimanche, mais à Noël il voulait des chants de Noël. Et maintenant, il meurt et voilà qu’il veut une église.

Les sentiments d’Hortensia

Hortensia en vint à comprendre la qualité de sa vie aurait grandement gagné à connaître plus de colère et moins de ressentiment. Le ressentiment est différent de la colère. La colère est un dragon brûlant tout le reste. Le ressentiment dévore vos entrailles, perfore votre estomac.

L’intelligence et la jeunesse

Hortensia était en désaccord avec l’opinion répandue qui veut que les jeunes aient l’esprit vif et de la jugeote. Au contraire, sur ses vieux jours, elle avait découvert que les jeunes (d’une manière générale) se protégeaient sous une sorte de douillet cocon d’idées arrêtées, qui les mettaient à l’abri du monde et que l’on pouvait aisément prendre pour de l’intelligence, à la condition que vous, l’observateur, manquiez un peu de vigilance dans vos appréciations.

L’ histoire du papier toilette(qui permet de comprendre la photo d’Athalie)

Lara avait couru à l’office pour aller chercher un rouleau de papier toilette et elle était revenue avec le papier simple épaisseur.
« Celui-là est pour Agnes, avait hurlé sa grand-mère, avant de marmonner  » pourquoi est-ce qu’elle va mettre ses affaires dans mon office ? »
 La fillette eut l’air troublée. Pourquoi sa grand-mère achetait-elle deux qualités de papier toilette ? « Parce que » avait dit Marion.
 Parce que le double épaisseur est plus cher et que, compte tenu de sa condition, il paraissait parfaitement raisonnable de penser qu’Agnes se contenterait du simple épaisseur. La fillette posait des questions sur les choses auxquelles Marion n’avait jamais eu de raison de réfléchir, mais c’était ainsi -la voilà la raison. Mais les dégâts avaient déjà été faits. Lara était contrarié, Marelena était contrariée. Elle consola sa fille et fit une moue réprobatrice à sa mère. « Je croyais qu’après tout ce temps tu en aurais fini avec ces choses-là. » Marion était jugée. Amère à l’idée d’être mal comprise, elle souleva l’affaire avec Agnès.
« Pourquoi mets-tu tes rouleaux de papier toilette dans mon office Agnes ? Quand les courses arrivent, quand tu vides les sacs, prends ce qui te revient et mets-le dans ton studio.
-Non, patronne.
-Quoi ?
Agnès avait rarement l’occasion d’utiliser le mot « non » quand elle parlait avec Marion. En fait, Marion ne pouvait se rappeler qu’une seule fois elle l’avait entendu l’employer.
-Celui-ci n’est pas mon papier papier toilette, patronne. Le mien, je l’achète moi-même. – Pourquoi achètes- tu ton propre papier ? avait demandé Marion. Quel changement avait bien pu se produire ? Elle travaillait ici depuis des dizaines d’années et connaissait les règles. Agnès, qui était en train d’essayer les petites taches sur le marbre du plan de travail de la cuisine, haussa les épaules.
– J’avais besoin de quelque chose de meilleure qualité, patronne.
Un jour, peu après cette conversation, alors qu’Agnes était occupée avec le linge sale, Marion se glissa dans le studio pour en inspecter la salle de bain. Là se trouvait le papier toilette en cause. Triple épaisseur. Elle rougit et, pour ne jamais être en reste, lors de son déplacement suivant chez Woolworths Marion choisit une grande quantité de rouleaux de papier toilette triple épaisseur pour elle-même.

Vieillir

– De toute façon, je suis trop vieille. Je ne peux pas avoir un copain. J’ai toutes sortes de douleurs. Trop.
-C’est ainsi, et oui.
-Quoi ?
-Ça. Vieillir. Avoir de plus en plus de douleurs.
 Marion fit une grimace.
-Et essayer de tout réparer.
– Et ça marche ?
-Quoi ?
-D’essayer de tout réparer ?
– Pas vraiment. J’ai quatre enfants, Hortensia. Trois à qui je n’ai pas parlé depuis presque un an. Je ne les vois jamais. Marelena, mon aînée , elle appelle, mais j’ai toujours l’impression, quand on parle, qu’elle me braque un revolver sur la tempe. Et que j’en braque un sur la sienne.

 

 

 

 

22 Thoughts on “La voisine – Yewande OMOTOSO

  1. Je suis contente (et pas étonnée) que tu aies aimé ce roman !

    • La blogosphère est le plus souvent une bonne source d’inspiration pour les lectures.on peut se faire une idée assez exacte à travers les billets, car ils sont toujours écrits par des gens qui ont lu les livres dont ils parlent.

  2. J’avais vraiment aimé aussi ce titre, lu en compagnie d’Athalie. Il aborde le thème du racisme de façon très intelligente, sans tomber dans le manichéisme.

    • Un excellent roman et la personnalité de Marion et son racisme « ordinaire » est très bien analysée. Ce qui m’a fait plaisir c’est de voir que ses propres enfants ne sont pas dupes de son hypocrisie.

  3. Il m’attend !!!

    • Comme toutes les blogueuses, il suffit de ne pas dire quand … Lorsqu’on sent qu’un livre est pour nous on finit toujours par le lire.

  4. Je garde un très bon souvenir de ce roman et j’espère que l’auteure en écrira d’autres qui seront traduits .. J’aurais été étonnée que tu n’aimes pas :-)

    • On finit par connaître les goûts des uns et des unes que l’ont suit sur leur blog. Un très bon livre que j’ai depuis beaucoup prêté .

  5. keisha on 11 mai 2021 at 07:36 said:

    Je sais que ce roman me plairait, mais rien à la bibli. Peu importe, un jour peut être en livres d’occasion?

  6. J’ai lu ce roman et je ne sais pas pourquoi je n’ai pas été séduite… je ne m’en souviens d’ailleurs plus guère, je n’avais pas fait de billet parce que je n’avais rien à en dire… bref, j’ai fait ma grognon !

    • J’adore ce commentaire. Alors comme ça on peut être grognon à propos d’un roman …. je maintiens que c’est un très bon roman et que Krol a bien le droit de n’être pas d’accord.

  7. Tu me rappelles qu’il est sur ma PAL depuis un moment !

  8. oh oh voilà qui est extrèmement tentant et j’avais raté le bouquin donc merciiii :-)

  9. Cinq coquillages ! c’est rare, mais il est vrai que ce roman les mérite. Il n’a pas de « gentilles », mais deux personnages qui frottent leurs certitudes l’une à l’autre …

  10. Je note et encadre ! Il y a deux ans, pour me préparer à un futur voyage en Afrique du Sud, j’ai commencé à lire d’avantage sur l’Afrique du Sud… Et de ce fait, en arrivant, sur place, je me suis rendue compte que jamais je n’avais aussi bien appréhendé un pays compliqué lors de mes voyages. J’étais beaucoup mieux armée pour comprendre et analyser mes observations… Et ce grâce à la littérature. Et depuis, quand je peux, je continue à m’intéresser à ce pays qui m’a marquée ! Donc oui pour ce roman.

    • quelle bonne idée d’appréhender un pays par la littérature avant de s’y rendre tu aimeras ce roman j’en suis certaine. Pas que pour l’Afrique du Sud pour le caractère de ces deux femmes vieillissantes.

  11. On me l’a offert à noël l’année dernière, et toujours pas lu; Merci de la piqure de rappel!! :)

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