Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. Édition Grasset

Je sais que cette écrivaine ravit Dominique et qu’elle a bien aimé ce roman ; pour ma part, j’ai beaucoup de réserves. Je le dis en avant propos, j’ai du mal avec les romans ayant pour objet le retour à la nature sauvage et sans doute encore plus aujourd’hui où il est de bon ton de ne parler que de ça. Je suis gênée, aussi, par le style et le propos du livre. Claudie Hunziger aime l’accumulation des phrases courtes, sans verbe, parfois réduite à un seul mot. Moi, moins. J’aime bien les phrases où je sens la pensée se construire avec des hésitations et des retours sur soi. Pour cela il faut douter, et l’auteure ne doute pas, elle sait qu’elle est du bon côté celui des animaux et tous les autres sont des assassins de la pire espèce. (On est bien loin du roman, d’Olag Tokarczuk qui pourtant défend la même cause). Elle construit son roman comme une œuvre de la nature, il faut du temps pour construire une harde de Cerfs il en faut aussi pour écrire son roman. La narratrice se fond dans sa forêt au service d’une cause. Celle de défendre ces superbes animaux :

 

Dans les Vosges, le cerf n’a plus de prédateur naturel, les forestiers estiment qu’ils sont en surnombre et abîment les arbres. L’ONF prend donc la décision d’en appeler aux chasseurs pour diviser par quatre la population de cervidés. C’est là que se situe ce roman : est-ce que cette décision ne fait pas trop la part belle aux seuls exploitants forestiers ? Est-ce que l’on tient compte du bien être animal et de la beauté de la nature ? Vous devinez les réponses de l’auteure qui voit même une collusion de l’ONF avec la boucherie qui vend la viande de cerf.

Il y a de très beaux passages dans ce roman auxquels, j’en suis certaine, toutes celles et tous ceux qui aiment les évocations de la nature seront sensibles. Et depuis que j’ai écrit ce billet j’ai lu le billet de Keisha beaucoup plus séduite que moi.

 

Citations

Genre de passage qui m’agace

Il était temps de passer à mon premier affût. Chacun une aventure. 
Les phrases aussi, chacune une aventure.

De combien de morts est responsable l’homme qui fait tant pleurer son ami ?

C‘était l’été de la première sécheresse, et celle-ci s’était conclue par la mort de Mao. À son annonce, je le vois encore s’écrouler sous un arbre du verger, gisant face contre terre, et je crois bien qu’il pleurait, soudain orphelin, tandis que les petites mirabelles des Hautes-Huttes précocement mûres, le bombardaient d’une pluie d’or.

Mélange évolution de la nature et création d’un livre

La repousse peut atteindre un centimètre par nuit. 
La tige d’une ronce peut, elle, bondir de cinq centimètres la même nuit.
Une ruche, pesée le matin, repesée le soir, peut avoir pris un kilo de miel. 
Tôt le matin, quand on surprend les aubépiniers sortant en fleur de la nuit, gonflés d’humidité, on ne sait pas tout de suite si on voit des cumulo-nimbus d’orage ou des amas de vaches aux mufles blancs. 
En une semaine, les cerfs ont allongé de dix centimètres. Mon livre, de quelques pages.

Je ne savais pas ça

(Remarquez les phrases réduites aux mots que je n’aime pas beaucoup.)

C’est à la mi-juillet exactement que les cerfs se mettent à « frayer », c’est-à-dire à fracturer l’enveloppe de velours qui enrobe leurs bois solidifiés. Quand elle sèche , on dirait qu’elle les brûle comme une tunique de Nessus, et que fou de douleur ils cognent leur bois contre les arbres, allant au même arbre chaque année. Et cette peau velue , brisée, ensuite, il la mange. Oui, il mange les lambeaux de ce velours sanguinolent qu’ils se sont fendus et qui pend devant leurs yeux. Impossible d’en trouver des débris, ils les font disparaître. J’ai beaucoup cherché sur les troncs blessés, dégoulinant de résine.. Pas un petit bout resté collé. Pas un indice traînant sous un buisson. On dirait que c’est hautement réservé. Animal. Interdit. Pour initié. Un moment de métamorphose sanglante. Nocturne et bref.
(PS je ne comprends pas ce « qu’ils se sont fendus » est ce qu’il faut lire « qu’ils ont fendu » )

24 Thoughts on “Les Grands Cerfs – Claudie HUNZINGER

  1. keisha on 23 décembre 2020 at 08:00 said:

    J’ai préféré les romans précédents, mais les cerfs, quels animaux!
    Actuellement je lis « Pas de fusils dans la nature » et j’en suis baba!

    • Un jour tu finiras dans une cabane au milieu de la forêt mais une cabane remplie de livres et tu pourras contempler la nature … garde une connexion internet quand même, pour ton blog.

  2. C’est tentant, malgré tes bémols… ne serait-ce que pour en apprendre davantage sur ces animaux..

  3. Il est dans ma pile à lire sans doute grâce ou à cause des billets que tu cites… J’essayerai de trouver le bon moment pour le lire ! ;-)

  4. ah oui moi je marche et même je cours avec ce type de roman mais c’est mon côté écolo campagnard alors que je suis totalement une fille des villes !!! Allez comprendre

    • Depuis Marie-Antoinette qui demandait qu’on lave le smoutons pour qu’ils restent bien blanc et qu’elle puisse les caresser, je sais qu’on peut aimer la campagne en n’ayant rien d’une paysanne!

  5. Ça pourrait être totalement mon style mais je dois dire que les extraits que tu cites ne m’enthousiasme pas vraiment. Bon, en même temps, ce ne sont pas les livre de nature writing qui manquent dans ma PAL alors…

  6. Pour comprendre l’auteure, il faudrait que tu lises un de ses premiers textes, surtout « Bambois la vie verte », il y a une continuité dans ses écrits. En général j’aime son écriture et sa manière de voir ; j’ai l’intention de lire « les grands cerfs » tôt ou tard.

  7. Je n’étais pas très attiré par ce titre que je vois pourtant beaucoup sur les blogs. Et pourtant, j’aime la campagne, j’y vis, j’aime les cerfs et surtout j’aime entendre leur brame pendant tout le mois de septembre, mais je ne suis pas sensible à l’écriture de cette auteure.

  8. je l’avais déjà repéré et ce justement tes bémols qui m’intriguent encore plus ^^

  9. Je n’ai pas lu ce livre mais je suis d’accord avec toi sur le fait que le retour à la vie sauvage fait « moderne » aujourd’hui… Sur les cerfs, difficile à juger de mon côté, mais j’avais lu aussi qu’en Allemagne, les repeuplements en arbres (nécessaires à cause des dégâts des ravageurs et du réchauffement climatique) se heurtaient aux dégâts de gibier. Ca me paraît donc être un mal nécessaire de réguler le nombre ; enfin, c’est juste un avis !

  10. A voir car le sujet me touche. MAis pour l’instant, j’ai « la vie secrète des animaux » à lire, que je me suis fait offrir à Noël !

  11. Pas convaincue non plus, je crains un propos didactique et « être du bon côté » n’est pas toujours suffisant pour faire un bon roman.

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