Édition Buchet-Castel

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

J’ai un faible pour cet auteur qui raconte si bien le milieu dont je suis originaire. Je ne sais absolument pas si ce roman peut plaire à un large public, car il se situe dans un microcosme que peu de gens ont connu : les logements de fonction pour les institutrices et instituteurs des écoles primaires. J’ai envié celles et ceux de mes amis filles et fils d’instit, comme moi, qui pouvaien,t en dehors des heures d’ouverture scolaires, faire de la cour de récréation leur aire de jeux. Le roman se situe en 1975, année où s’impose un peu partout la mixité ce qui n’est pas du goût de tout le monde. Le roman commence par une tragédie évitée de peu : la chute de Philippe 11 ans du toit de l’école. En effet, si les enfants du roman jouent assez peu dans la cour, ils investissent le grenier qui donne sur le toit. Bien sûr après l’intervention des pompiers pour sauver l’enfant, ils seront interdits de grenier et se réfugieront sur un terrain vague. Ce qui me frappe dans ce roman, c’est l’incroyable liberté dont profite ces enfants. Ils sont laissés à eux même beaucoup plus que ce que je connais des enfants de cette époque. Leur terrain vague est mitoyen d’une ligne de chemin de fer, ils ont, évidemment, interdiction de la traverser , ce qu’ils font, évidemment !
Le livre se divise en quatre chapitre, la présentation des résidents du groupe scolaire Denis Diderot, le second s’appelle « Automne », puis « Printemps » et enfin « Été ». Cela permet de suivre tout ce petit monde une année scolaire, l’auteur raconte avec précision toutes les tensions et des relations plus ou moins réussies entre les enseignants. Il y a donc quelques intrigues qui, à mes yeux, sont secondaires par rapport à l’intérêt principal du livre : je n’avais pas idée à quel point les mœurs de l’école ont évolué : entre la paire de claque (« bien méritée, celle-là ! ») que les instituteurs et institutrices n’hésitent pas à distribuer, les cheveux sur lesquels ils tirent au point d’en arracher des touffes (« ça t’apprendra à faire attention ! »), les oreilles qui gardent les traces d’avoir été largement décollées à chaque mauvaise réponse ou manquement à la discipline (« ça va finir par entrer, oui ou non ! »), aucun enfant d’aujourd’hui ne reconnaîtrait son école ! J’ai aimé tous les petits changement de la vie en société, nous sommes bien sûr après 1968, une référence pour l’évolution des mœurs mais en réalité, comme souvent, il a fallu bien des années pour que cela soit vrai et que les enfants ne soient plus jamais battus à l’école même si chez eux ce n’est pas encore acquis en 2020…

 

Citations

 

Les gauchers

Michèle soupire car Dieu sait à quel point Philippe est empoté. Ce n’est pas de sa faute, à expliquer le rééducateur, c’est à cause de sa patte gauche, c’est un gaucher franc (parce qu’apparemment il y en a des hypocrites, des qui se font passer pour gaucher alors qu’en fait ils sont droitier, heureusement qu’on ne compte pas Philippe parmi ces fourbes-là) et, à partir de là, on ne peut pas remédier à son handicap.

Autre temps autres mœurs

Tous les parents s’accordent à dire que c’est un excellent maître parce qu’avec lui, au moins, ça file droit et qu’on entendrait une mouche voler. On concède qu’il est un peu soupe au lait et qu’il monte facilement en mayonnaise, mais on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. Du côté des parents, on aime les proverbes et les expressions consacrées. Et l’ordre, surtout. On ne cille pas devant les témoignages de touffes de cheveux arrachés ou de gifles retentissantes. On répète que c’est comme ça que ça rentre et tu verras plus tard au service militaire.

22 Thoughts on “La grande escapade -Jean-Philippe BLONDEL

  1. keisha on 1 juin 2020 at 08:44 said:

    Ah c’était encore comme ça début des années 70? Pas de souvenirs… Sinon, oui, la liberté d’aller et venir, pour les enfants, c’était chouette

    • Ton commentaire m’oblige à me dire que moi aussi cela m’a étonnée. Car je peux assure que je n’ai jamais été frappée à l’école mais cela existait à mon époque dans les années 60. Après 68 je croyais que ces pratiques avaient complètement disparu.

  2. Oh mais oui, j’ai eu droit à une gifle (en CP, comme quoi, ça marque..), quelques coups de règles sur le bout des doigts, et j’ai même vu, en CM2, l’instituteur (qui était aussi le directeur de l’école) cogner la tête d’une élève sur le tableau… Et je suis de 1973.. !
    J’ai moi aussi un faible pour cet auteur, même si je ne l’ai pas lu tant que ça, mais cela a été à chaque fois avec plaisir.. je note, donc.

    • je me disais que ces pratiques avaient disparu plus tôt donc l’auteur est dans le vrai. Comme toi j’aime bien cet auteur.

  3. Un auteur que je n’ai toujours pas lu .. L’école n’était pas tendre pour les enfants à mon époque (avant 68). Une claque je m’en suis pris une magistrale, coup de règle sur le bout des doigts aussi. Je me suis promenée également avec mon cahier dans le dos (taché) et humiliation suprême, obligation d’aller le montrer dans l’école des garçons. Je ne suis pas sûre que les élèves ne soient pas encore humiliés aujourd’hui, sous des formes différentes.

    • Ces violences et surtout ces humiliations de la part des enseignants sont des marques que l’ont n’oublie pas. J’espère que si elles n’ont pas totalement disparu elles ne sont que l’exception aujourd’hui.

  4. un microcosme en somme, en te lisant j’ai pensé au Grand Meaulnes avec ces heures dans l’école

  5. Je ne connais que ses romans jeunesse mais je pense que ça production adulte pourrait beaucoup me plaire.

  6. J’ai vécu dans un logement de fonction au début de mon enseignement. Habiter dans l’école voulait dire travailler à toute heure, tous les jours, avec la classe à côté, c’était bien pratique mais on ne coupait pas trop avec le travail ! Cependant, je ne le regrette pas. C’était il n’y a pas si longtemps, j’ai vécu la fin de ces logements dans les années 1990.
    Sinon, cet auteur ne me convient pas et je ne crois pas que je lirai son livre, j’ai toujours été déçue par ce que je lisais de lui.

    • Il décrit peut-être une vie trop ordinaire pour toi. Mai sje te recommande, malgré tes réticences ces romans pour la jeunesse je pense que son honnêteté intellectuelle te séduira.

  7. C’est très tentant en tout cas. Heureux de voir que ces « pratiques éducatives » ont disparu entre temps… J’avais lu « Mariages de saison » du même auteur, qui m’avait bien plu à l’époque. Pourquoi pas :-)

  8. J’ai eu du mal avec ce roman alors qu’en général, je dévore les livres de Blondel. ici, j’y ai trouvé beaucoup de longueurs et j’ai eu beaucoup de mal à différencier certains protagonistes des autres.

    • Je crois que pour moi il avait deux atouts : la description d’un milieu que je connais bien, et puis quand il s’agit de Blondel je ne suis pas vraiment objective. En plus il m’a remis en mémoire les traitements des enfants dans les écoles et comme tu le vois dans les commentaires c’était très répandu de frapper les enfants même dans les années 70 alors que, je croyais, cela s’était arrêté dans les années 60.

  9. Un auteur que je ne situe pas très bien, je le mélange sans arrêt avec d’autres …. Comme Dubois et Joncour … Va-t-‘en savoir pourquoi ? Ce titre là sera peut-être le premier,

    • C’est un auteur que j’ai découvert grâce à un livre pour ado « le rebond » , toutes celles et tous ceux qui ont lu ses livres pour la jeunesse sont unanimes pour le trouver excellent. Ses romans pour adultes séduisent moins unanimement. Moi je te conseillerai de commencer par « minuscule inventaire » car c’est grâce à ce livre que je me suis fait une idée de cet écrivain : un écrivain du quotidien du monde enseignant , un peu mais pas trop dépressif, et qui aime malgré tout son métier.

  10. Je n’ai pas lu ce roman mais ta chronique me rappelle que certains Blondel m’attendent sur ma PAL…

  11. J’ai apprécié, moi aussi, de me replonger dans cette période et ces usages disparus à tout jamais.
    J’aurais plus aimé encore si le personnage grand-guignolesque de la mère (si je me souviens bien) avait été plus sobrement présenté.

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