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Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

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Encore un roman construit avec de multiples retour en arrière, avec de multiples interpellations directes au lecteur qui ont le don de m’agacer prodigieusement . J’ai détesté ce roman, j’ai eu l’impression d’ouvrir les poubelles de l’histoire. Ce mélange de la vérité avec la fiction à propos du communisme des années 50 m’a totalement écœurée. Je comprends la démarche de Gérard Guégan, il était communiste à cette époque et il connaît donc bien les arcanes du grand Parti des travailleurs, l’exclusion de Marty et de Tillon en 1952, il en connaît tout le déroulement. Il se sent porteur de cette histoire et veut la transmettre.

Mais voilà comme l’auteur le dit lui-même, le parti communiste n’intéresse plus personne et pour les jeunes, « il fait figure d’inoffensive amicale », alors en y mêlant la vie amoureuse d’Aragon avec un émissaire du Komintern, Mahé, il espère intéresser un plus large public : on parle moins en effet, de la rigueur morale et rétrograde des communistes mais elle était très forte et sans pitié là où les communistes avaient le pouvoir. Mahé et Aragon ont quelques jours pour s’aimer, pendant que le congrès du parti fait subir des outrages dégradants à deux hommes entièrement dévoués à la Cause.

Les deux personnages se sont aimés passionnément, en se cachant comme Aragon a dû le faire tant qu’il était au Parti, car l’homosexualité était une tare punie d’une mort honteuse en URSS et d’exclusion du Parti en France ! Ils sont tous plus ou moins abjects ces personnages qui auraient pu prendre le pouvoir chez nous. Marty dit « le boucher d’Albacete », qui a réprimé dans le sang les anarchistes espagnols, Duclos qui ne pense qu’à bien manger, Jeannette Vermeersch, qui ne pense qu’à sa vengeance personnelle et dont les positions sur la contraception sont au moins aussi réactionnaires que celles de l’église catholique. Tous, ils sont petits et lâches et sans doute le plus lâche de tous c’est Aragon, même si le romancier en a fait un personnage lucide.

Comme le dit l’auteur en introduction ce roman est : « l’histoire d’un temps et d’un parti, où le reniement de soi était souvent le prix à payer pour échapper à l’exclusion ». Tout ce que je peux dire c’est que ça ne sent pas bon le reniement…

Citation

L’importance du Parti en 1952

Le Parti n’est pas qu’un idéal, pas qu’une vérité immuable, pas que l’expression de la transcendance historique, le Parti est aussi une famille où la critique du père, qu’il s’appelle Staline ou Thorez, est assimilé à une trahison méritant l’exclusion, le bannissement, ou la balle dans la nuque si l’on a la malchance de vivre de l’autre côté du Rideau de fer.

Les différentes épurations

Autant dire que les héros vénérés ne seront bientôt plus que des traîtres, la présomption d’innocence n’ayant jamais existé au sein d’un parti dans lequel celui qui tient les rênes du pouvoir doit tuer tous les Brutus s’il veut continuer de régner sans partage.

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Un ami m’a confié son livre paru en 2013, avec ces mots : « Je voudrais que la lecture de ce témoignage dure le temps d’une consultation ». Que se cache-t-il derrière ce désir de brièveté ? Une grande modestie, et, un paradoxe pour ce médecin qui avoue lui-même s’être mortellement ennuyé au lycée pendant les cours de français. Ni Flaubert , ni Balzac, n’ont su séduire ce futur amateur des sciences médicales. Alors pourquoi commettre un livre ? Sans doute un trop plein de souffrance humaine qu’il a voulu nous faire partager. Lui qui soigne les corps en prenant grand soin de soulager chacune des souffrances, comment ne pas être révolté par les sociétés humaines qui les massacrent à plaisir ? Deux patients roumains sont venus un soir lui confier leur parcours pour arriver jusqu’en France et vivre une vie « normale ». Nous voici, donc, plongés sous le régime de Ceaușescu , triste dictateur communiste, que nous avons peut être oublié mais qui a ravagé son pays et torturé de mille et une façon ses habitants.

Les deux patients sont originaires des Carpates de « Poiana » petite ville à côté de Brasov, régions qui semblent aujourd’hui entièrement tournées vers le tourisme. A l’époque , un des chantier fou du Conducator voulait faire de ce lieu un endroit réservé à un membre de sa famille, on a donc expulsé tous les paysans de cet endroit (beaucoup trop beau pour eux !). La famille paysanne roumaine est arrivée, comme tant d’autres, dans la sinistre banlieue de Bucarest et a été livrée au bon vouloir d’une milice si folle et si imprévisible que les parents ont compris que leur vie était menacée ; cette menace est devenue plus précise le jour où le chef de la milice les a fait recompter le nombre de poires sur leur arbre en leur prouvant qu’ils se trompaient, et que donc, ils voulaient dissimuler leur production pour faire des profits . Ces pauvres paysans ont donc décidé d’organiser l’exil de leur fils avec son épouse enceinte. Ils étaient, à l’époque, persuadés ne jamais les revoir. Ce témoignage nous replonge dans l’horreur communiste, avec des gens ordinaires, qui voulaient simplement vivre puis finalement, survivre.

Chaque époque invente son lot de souffrances, comme toujours face à ce témoignage on se demande : pourquoi ? L’idéologie ? la soif de pouvoir ? la folie d’un homme ? Peu importe les réponses, Xavier Guézénnec a voulu donner la parole à ces deux anciens paysans, ces gens qu’on entend si rarement et qui laissent si peu de traces dans l’Histoire. La sensibilité avec laquelle il a su rendre compte de leur récit, montre bien que si la littérature était éloignée de lui quand il avait seize ans, c’est, sans doute, plus la responsabilité de l’enseignement que celle des grands auteurs.

Citations

Lettre que les parents doivent lire à l’usine après le départ de leurs enfants en espérant, ainsi, ne pas être inquiétés par la milice

« Camarades,

Nous sommes les camarades X, et nous avons le devoir de vous annoncer la honte qui frappe notre famille. Notre fils et sa femme ont renié leur patrie et leur famille en fuyant à l’étranger. Ces traîtres sont une infamie pour notre grande République Socialiste de Roumanie. C’est un crime que de succomber aux sirènes des exploiteurs capitalistes pour des travailleurs de la classe ouvrière et prolétarienne. Ils ont trahi et renié la classe ouvrière et prolétarienne. Nous avons guidé ces enfants sur les pas de notre illustre Conducator, le Génie des Carpates, le Danube de la Pensée, le guide sublime que le monde nous envie ; à notre tour nous les renions et nous les chassons de notre mémoire. Camarades ouvriers, nous vous souhaitons de ne jamais connaitre la même infamie ! Nous sommes coupables de ne pas avoir su enseigner la Vérité Socialiste et nous ne sommes plus dignes d’être appelés camarades. avec votre aide nous essaierons de nous corriger et d’effacer la honte qui nous frappe. »

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Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

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Je l’avais repéré en novembre chez Dominique. Je m’étais bien promis de le lire, et je suis ravie de ma lecture. Il a eu un coup de cœur au club de lecture, malgré les réticences de certaines lectrices qui m’ont étonnée. J’ai cru comprendre que le personnage du météorologue Alexexeï Féodossiévitch Vangenheim ne les a pas intéressées. « Ce n’est pas un héros » « Il n’a rien fait d’extraordinaire » … Mais ce sont exactement les raisons pour lesquelles j’ai aimé le travail d’Olivier Rollin. Il a choisi ce personnage parmi les millions de victimes du communisme. Je pense qu’il a été ému par les dessins que ce savant a envoyés à sa petite fille qui avait quatre ans quand il l’a vue pour la dernière fois. Ces dessins sont parvenus jusqu’à lui grâce au livre que sa fille lui a consacré .

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Ensuite, il a lu ses lettres , et toutes témoignent de sa foi en Staline, et dans le communisme. Il voulait qu’on lui redonne son honneur, comme tant d’autres, jusqu’au bout il s’est estimé victime d’une erreur et que si les « bons et loyaux communistes » pouvaient lire ses lettres, il serait immédiatement réhabilité. Ses lettres m’ont fait penser à celles que Dreyfus écrivait de l’île du Diable, lui aussi ne voulait qu’une chose : qu’on lui rende son honneur, lui aussi adressait ses suppliques à l’état major de l’armée qui avait ourdi le complot contre lui. Le météorologue, n’a donc pas vu ou pas voulu voir les excès du stalinisme, il n’a rien d’un héros. C’est un homme brillant, un véritable savant doué pour les arts, la musique, peinture, la sculpture…. Mais voilà , le communisme russe a inventé un système de terreur bien particulier, que l’on soit pour son régime ou contre lui, cela n’a vraiment aucune espèce d’importance, il faut remplir les quotas de prisonniers et de morts.

Heureusement, grâce à l’énergie des descendants, on a fini par retrouver les fosses communes et les circonstances de sa mort sont aujourd’hui complètement élucidées. Il ne s’agissait pas vraiment d’une appendicite comme on l’avait d’abord annoncé à son épouse. Olivier Rollin décrit sa mise à mort avec tous les détails qu’il a pu rassembler, se demandant à chaque fois à quel moment le météorologue a ouvert les yeux sur le système qui le broyait ainsi, pour finalement l’assassiner et jeter son corps dans une fosse cachée au cœur d’une forêt. Comme l’auteur, je me console en pensant que la plupart des commanditaires de ces meurtres abominable seront eux mêmes et fusillés, car lorsque la terreur s’emballe elle a beaucoup de mal à s’arrêter. A la fin de ce livre Olivier Rollin, remercie Nicolas Werth dont je veux lire depuis longtemps les livres, il a réussi à retrouver dans les archives russes ce qu’a représenté l’ordre opérationnel n° 04447 du NKVD qui a fait « disparaître » Alexexeï Féodossiévitch Vangenheim ainsi que 1111 personnes fusillées à Medvejégorsk.

Citations

Les saboteurs

Il y avait encore, à ma droite, du côté des saboteurs, le camarade (pour combien de temps ? ) Roussanov, directeur du chemin de fer Moscou-Bielomorsk (qu’emprunterait bientôt dans un wagon à bestiaux, Alexei Feodossievitch), qui se plaignait de ne pas avoir assez de matériel roulant alors qu’il en avait bien suffisamment, seulement il laissait prospérer les tire-au- flanc de telle façon que les trains n’étaient jamais prêts au départ. Et le camarade ou bientôt l’ex-camarade Joukov était dans le même cas. Et celui du chemin de fer du Sud, qui retardait le chargement du charbon du Donbass.Et les vauriens de la centrale électrique de Perm, alors, qui depuis le début de l’hiver désorganisaient la production par des coupures de courant intempestives.

Un Cadeau venant du Goulag

Aujourd’hui, jour de ton anniversaire, écrit-il le dix-sept décembre, j’ai pensé à t’envoyer un portrait du camarade Staline et une tête de cheval en éclat de pierre. Drôle de cadeau d’anniversaire.

La disparition de 1100 êtres humains

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Traduit du chinois par François Sastourné.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.
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Un grand talent d’écrivain ce Mo Yan, d’ailleurs consacré par le prix Nobel de littérature en 2012, il arrive à nous faire revivre le monde rural chinois en racontant, de façon simple et apparemment naïve, la vie d’un village. Mo Yan part d’un acte fréquent à la campagne : la castration d’un petit veau, mais hélas celui-ci se passe mal, pour nous montrer toutes les forces qui sont en jeu dans le village où la survie alimentaire est à peine assurée. Lorsque la faim tenaille les gens, un plat de « couilles de veau » sautées à la ciboulette devient un plat de roi, pour lequel bien des passions vont se déchaîner. C’est drôle et tragique à la fois.

La deuxième nouvelle : le coureur de fond a ma préférence, le village apparaît dans toute sa variété. Comme le village est un lieu de rééducation des « droitiers » cela permet aux paysans d’être confrontés et parfois d’utiliser des compétences dont ils n’avaient aucune idée. C’est un monde absurde, où personne n’est à l’abri de l’arbitraire, un monde violent où la force physique a souvent le dernier mot. Souvent seulement, car au-dessus de tous les liens bons ou mauvais que les habitants peuvent tisser entre eux et parfois avec les « droitiers », il y a la police qui peut enfermer qui bon lui semble sur une simple dénonciation. Quel pays ! et en même temps quelle énergie pour vivre quand même de toutes les façons possibles. Ces récits m’ont fait penser aux images naïves dont la révolution culturelle relayée par les amitiés franco-chinoises ont inondé la France à une certaine époque.

Citations

la fin de la nouvelle « Le veau », c’est à prendre au deuxième degré

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 Traduit du finnois par Sébastien CAGNOLI.

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Livre terrible et éprouvant, mais livre à lire certainement. On comprend pourquoi des jeunes filles de l’est se font prendre aux pièges terribles de la prostitution. Le destin de la vieille Aliide et de la jeune Sara se réunissent dans l’horreur, jusqu’au bout on se demande si celle qui a connu les purges staliniennes (mais qui a collaboré) va aider celle qui est tombée dans les griffes d’un souteneur. Sara ne sait pas comment expliquer sa situation à la vieille femme et elle a tellement peur que les mafieux tortionnaires la retrouvent. Sara comprend l’Estonien mais le parle mal ce qui rajoute à son angoisse : la vieille femme va-t-elle la comprendre ?

Aliide la peur ça la connaît, cela fait plus de 60 ans qu’elle vit avec  : est-il possible qu’un membre de sa famille qu’elle a contribué à envoyer en Sibérie vienne lui demander des comptes… c’est si loin tout ça ! Sara et Aliide sont liées par l’angoisse et la peur qui rôde à la porte même de la maison : rien dans ce livre n’est léger ! La construction du roman est étonnante, comme des cercles qui se resserrent, comme un serpent qui entoure sa proie en l’étouffant peu à peu, la vérité se fera jour. Sara pourra-t-elle revivre et éloigner d’elle l’horreur. À lire donc (si on est en forme et si on a le moral !)

Citations

Pour le studio de tatouage, Pacha se faisait la main sur des filles hors d’usage. Comme avec Katia… Il avait piqué sur les seins de Katia : une femme à forte poitrine qui taillait une pipe à un diable… il avait orné le bras de Katia d’une deuxième image du diable. Ce dernier avait une grosse bite velue.
« Aussi grosse que la mienne ! » avait rigolé Pacha.

Après cela, Katia disparu.

 

Zara ouvrit un flacon de poppers et renifla. Quand Pacha la prendrait pour se faire la main, elle saurait que son heure était venue.

 

Mais la terreur de la fille était tellement vive qu’Aliide la ressentit soudain en elle-même…Mais maintenant qu’il y avait dans sa cuisine une fille qui dégoulinait de peur par tous les pores sur sa toile cirée … . La peur s’installait là, en faisant comme chez soi. Comme si elle ne s’était jamais absentée. Comme si elle était juste allée se promener quelque part et que, le soir venu, elle rentrait à la maison.

 

Alors que cette fille, avec sa jeune crasse, était ancrée dans le présent, ses phrases rigides sortaient d’un monde de papiers jaunis et d’albums mités remplis de photos.

 

On en parle

link.

Traduit de l’anglais (États-Unis)par FRance Camus Pichon

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J’avais été tellement surprise par Enfant 44 que lorsque j’ai vu Kolyma sur le rayon nouveautés de ma bibliothèque préférée, je n’ai pas pu m’empêcher, je l’ai pris et aussitôt lu. Je pense que, maintenant, l’auteur tient son héros pour plusieurs romans. Pour apprécier complètement ce genre de livres, il faut aimer les séries. Autant à la télévision, je trouve ça sympa (je connais tout sur le docteur House…) autant en livres je n’accroche pas. Léo est pourtant un personnage complexe et attachant, ancien du KGB il vit dans le remord permanent de ses crimes. Si tous ceux qu’il a tués veulent se venger on est vraiment qu’au début d’une longue, très longue série.Les ressorts du thriller-policier sont comme souvent dans ce genre de littérature hautement improbables : Léo échappe aux gangs de Moscou, au KGB, à une tempête en mer sur un bateau qui le conduisait à la Kolyma , à une révolte du goulag et pour finir en beauté à l’insurrection de Budapest ; tout cela avec des genoux cassés et pour sauver sa fille adoptive qui le déteste car il a tué son père… Résumé ainsi cela ne donne peut-être pas envie de lire Kolyma, pourtant, je suis certaine que les amateurs du genre vont apprécier, et peu à peu devenir des aficionados de Léo et Raïssa.La Russie poststalinienne se prête bien à l’horreur et si Léo est encore vivant pendant la guerre de Tchétchénie cela promet quelques belles pages d’horreur.

Citations

Je n’ai pas eu le choix.
Des milliers d’innocents étaient morts à cause de cette phrase, pas sous les balles, mais au nom d’une logique perverse et de savant calculs.

On en parle

Link.

http://www.atoutlivre.com/newsletter/090925/enfantsdestaline.jpg

Traduit de l’anglais par Karine Reignier.

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Owen Matthews, journaliste correspondant de guerre part à la recherche du passé de ses parents. Sa mère, fille de dignitaire soviétique exécuté lors des purges de 1937 a été élevée en orphelinat. Son père épris de culture Russe, tombera amoureux de sa mère en 1963, lors d’un séjour dans un pays qui le fascine. Ils se marieront finalement en 1969 après un combat qu’ils ont cru l’un et l’autre souvent perdu tant les obstacles étaient importants. Plusieurs récits se mêlent donc :

  • celui du fils, narrateur, qui vit dans la Russie contemporaine, il connaîtra l’horreur de la guerre en Tchétchénie et tous les excès de ce pays aujourd’hui
  • Celui de sa mère qui a connu les tragédies de la guerre , les orphelinats russes, la famine…
  • Celle de son père, cet intellectuel typiquement britannique qui a dû lutter contre le KGB pour épouser celle qu’il aimait au péril de sa carrière universitaire.

Sans être passionnée par ce livre, je l’ai trouvé intéressant et sûrement proche des personnages réels, parfois les situations sont tellement incroyables que j’aurais aimé un souffle plus romanesque. Je trouve que Makine, et bien sûr, Soljenitsyne savent mieux raconter la Russie soviétique. Au milieu des horreurs que les enfants ont connues, j’ai bien aimé que sa mère lui dise « Il faudra que tu parles des gens bien » comme ce directeur d’orphelinat qui a accepté qu’on ne sépare pas les deux sœurs. Et j’ai alors pensé au livre de Makine : La vie d’un homme inconnu.

 Citations

La sentence a été exécutée dès le lendemain, soit le 14 octobre 1937. Le bourreau y a apposé un vague gribouillis. Les bureaucrates méticuleux qui se sont chargés de l’instruction ayant négligé d’indiquer l’endroit où Boris Bibikov fut enterré, ce tas de papier lui tient lieu de sépulture.

 

Pourtant, lorsqu’ils se sont enfin retrouvés, mes parents ont constaté que leur amour s’était presque tari. Mué en encre, il s’était figé sur les milliers de feuilles qui s’empilent maintenant au fond d’une malle, dans le grenier d’un petit pavillon londonien.

 

Ma mère a passé une grande partie de sa vie à attendre des jours meilleurs. Ses parents ont été arrêtés lorsqu’elle avait trois ans. Dès cet instant, le régime soviétique s’est chargé de son éducation, modelant ses pensées, sinon son âme. L’avenir radieux était à portée de main, expliquait-on à sa génération, mais, tel un dieu aztèque, il ne saurait être atteint sans sacrifices : il faudrait faire couler le sang et subordonner la volonté de chacun au bien de tous.

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Traduit de l’anglais par France Camus-Pichon

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Voici mon premier thriller, je n’ai réussi à le finir que, parce que j’ai lu le dernier chapitre avant la fin : le suspens étant presqu’intolérable pour moi.

L’idée du romancier est géniale : imaginer un « Sérial killer » commettant ses crimes en Russie soviétique en 1953. La date est importante, pour ce roman là aussi, la mort du « petit père des peuples », permet une fin plus heureuse que celle à laquelle le personnage principal s’attendait. Par un curieux hasard, j’avais lu très peu de temps auparavant, un livre témoignage : les enfants de Staline se passant à la même période, j’ai eu une impression étrange : comme si j’avais gardé en mémoire le cadre, l’arrière plan dans lequel l’imaginaire morbide de celui-ci pouvait se déployer.

Si ce roman reste une pure fiction, il n’empêche que la peinture de l’Union Soviétique sous Staline, de la famine en Ukraine en 1933, des méthodes de la police secrète, des interrogatoires des suspects si vite coupables, des orphelinats… en fait tout l’intérêt. L’enquête elle-même est passionnante, la réalité du pays y est intimement liée. Comme dans toute enquête, le héros devra lutter contre tout le monde ou presque pour que la vérité apparaisse dans un pays où le meurtre n’existe plus, contrairement aux pays capitalistes.

On ne peut pas conseiller Enfant 44 aux âmes sensibles car le meurtrier y est particulièrement abominable, mais tous les amateurs de thriller doivent (vont) adorer. Si ce livre n’est pas dans mes Préférence, c’est uniquement à cause de la violence des crimes. J’ai mis quelques temps à m’en remettre !

Citations

Ces rumeurs de meurtre prolifèreraient comme du chiendent au sein de la communauté déstabiliseraient ses membres, les inciteraient à douter d’un des principes fondamentaux sur lesquels reposait leur nouvelle société : La délinquance n’existe plus.

On en parle

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 Traduit de l’anglais ( États Unis ) par Cécile Arnaud.
3
Récit des purges staliniennes de 1934 à 1937. Le personnage principal, Ossip Mandelstam est arrêté pour avoir écrit un pamphlet contre Staline sous forme d’une ode. Le récit suit plusieurs personnages qui ont, pour leur malheur, croisé ou partagé la vie du poète .C’est un livre éprouvant comme souvent les livres décrivant cette époque, la réalité est sans doute pire que le roman. C’est mieux d’avoir un bon moral avant de se plonger dans cette lecture. Je préfère toujours les témoignages, ou les études historiques à la création romanesque sur des sujets si sensibles et pour lesquels ils existent encore des témoins vivants.

Citation

 Étrange prière prononcée par la femme du poète avant de se rendre à une convocation à la Loubianka.
Notre père qui êtes aux cieux
S’il a encore une muse et une érection
Faites que le soleil oublie tout simplement
De se lever demain matin
Amen

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Impression étrange, la première partie du roman a très peu d’intérêt, un homme se fait plaquer par son amie beaucoup plus jeune. Il est russe et repart à Saint-Pétersbourg au milieu de la Russie moderne, là il rencontre un vieil homme, Volski, qui lui raconte son passé d’homme russe : le blocus de Leningrad, la guerre, le goulag, la mort de sa compagne dans un camp, son travail auprès des enfants handicapés. Makine le raconte très bien, le roman prend alors tout son intérêt. J’ai pensé à la citation de Tchékhov que Makine cite plusieurs fois :

« Il nous encourageait à couper le début et la fin de nos nouvelles. Je ne sais pas si le remède du docteur Tchékhov peut guérir un roman. En tout cas, mon héroïne vit dans la partie qu’il conseillait de couper ».

Je me demande si l’écrivain avait besoin de nous faire passer par les petitesses de notre monde actuel pour nous intéresser à la grandeur du tragique destin de Volski.

Citations

Un jeune russe dans l’édition. Alors j’ai voulu me payer sa tête, j’ai cité Marx « le seul critère de la vérité est le résultat pratique » et dans l’édition, le résultat c’est le nombre de ventes, n’est ce pas ? Si des livres de merde se vendent, c’est qu’on en a besoin.

On en parle

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