Citation de Charles de Gaulle

 » Les possédants sont possédés par ce qu’ils possèdent « 

Je trouve que ce livre complète bien la lecture du précédent car il permet de découvrir le principal dirigeant qui a vu grandir ma génération et celle de Jean-Pierre Le Goff. On sent la très grande admiration de Gérad Badry pour « le » Général. Derrière l’homme de la résistance, celui qui a sorti la France des erreurs de la quatrième République et qui a permis la décolonisation, il y a donc un homme chrétien et respectueux des femmes. Il n’a rien d’un féministe et pourtant … il voulait depuis longtemps donner le droit de vote aux femmes, il a permis la contraception et a voulu que les femmes puissent travailler et élever leurs enfants. Sa vision de la femme est marquée par le rôle de mère qui lui semble sacré. C’est à ce titre, qu’il a systématiquement exercé son droit de grâce pour les femmes à la libération. Mais plus que ses idées politiques, ce qui m’a intéressée c’est son entière probité, son respect des femmes et ce qui m’a le plus touchée sa grande affection pour sa petite Anne enfant trisomique qu’il a tant aimée. C’est un homme étonnant, d’une autre époque et d’une autre culture, il vient à la fois de la chrétienté et de l’amour de la patrie et son caractère a été forgé par l’armée française. Je ne savais pas qu’il avait fait entrer au gouvernement une femme musulmane d’origine algérienne Nafissa Sid Cara qui a un parcours très intéressant. Le portrait de Geneviève de Gaulle-Anthonioz est passionnant et mériterait à lui seul un livre entier. C’est une plongée dans un autre monde, celui justement qui a vu naître et grandir Jean-Pierre Le Goff mais un monde ne pouvait pas comprendre que les adolescents de mai 1968 n’étaient pas uniquement porteurs de « chienlit ».

 

Citations

Entrée en bourse des femmes

C’est aussi sous de Gaulle, en 1967, que les femmes seront autorisées à entrer à la Bourse de Paris pour y spéculer. Leur arrivée à la corbeille ou s’affairaient depuis toujours un aéropage exclusif de messieurs, en cravate et costumes sombres, fait d’abord sensation, avant que d’élégantes jeunes diplômées en finance n’occupent des poste de commis. Dans les milieux boursier, un authentique bastion masculin, la résistance avait été très forte pour refuser de partager les codes, les secrets et les moeurs avec la gente féminine. La seule femme ayant pu s’introduire à la corbeille l’avait fait, en 1925, habillée en homme et portant une barbe postiche. Condamnée à 3 ans de prison pour escroquerie et abus de confiance pour avoir vendu des titres appuyés sur des société fictives, Marthe Hanau avait fini par se donner la mort en prison, en 1935, renforçant l’opposition des hommes à l’entrée de toute femme dans l’univers de la Bourse. L’histoire romanesque de Marthe Hanau devait, en 1980, inspirer le film « la Banquière » de Francis Girod avec Romy Schneider.

Trente-deux ans plus tard, les portes du palais Brongniart s’ouvraient enfin aux femmes.

la loi Neuwirth

En Conseil des ministres, le général se montre résigné. Il déclare : « Les mœurs se modifient. C’est évolution est en cours depuis longtemps, nous n’y pouvons à peu près rien. En revanche, il faut accentuer notre politique nataliste. Puis il ajoute.

 : » Il ne faut pas faire payer les pilules par la sécurité sociale. Ce ne sont pas des remèdes. Les Français veulent une plus grande liberté des mœurs mais nous n’allons tout de même pas leur rembourser la bagatelle. »

Probité

Leur première tâche a été de remettre de l’ordre dans le fonctionnement de la présidence pour y introduire plus de rigueur. Il a été souvent raconté que, le jour même de leur arrivée, les de Gaulle avait exigé qu’un compteur individuel soit posé pour payer de leur poche l’électricité de leurs appartements. C’est exact. Mais on s’est moins qu’Yvonne a mis immédiatement fin à l’utilisation de la vaisselle d’État, en porcelaine de Sèvres, pour leurs repas quotidiens en tête à tête. Au volant de sa voiture, au premier jour de leur installation, elle s’est rendue au Bon Marché, son magasin préféré, pour y acheter -avec leur argent- un service de table ordinaire qui fut utilisé jusqu’à la démission du général en 1969. De même, Yvonne demandera à l’intendant de l’Élysée de lui présenter chaque fin de mois la note correspondant au repas pris par les membres de la famille venus déjeuner avec eux le dimanche.

 On trouve un autre exemple de cette honnêteté sans faille des de Gaulle dans leur décision de faire installer un oratoire à l’Élysée pour y assister à la messe dominicale à l’abri des regards. Créé dans l’ancien bureau des chauffeurs encore envahi par les odeurs de pastis, cette petite chapelle – une table servant d’autel, quatre chaises prie-Dieu et quelques ornements- a été totalement payé avec l’argent personnel du couple.

Portrait de la secrétaire de de Gaulle Elisabeth de Miribel

Les Miribel, comme les Mac-Mahon, ont le culte de l’honneur et de la discipline. Ils affichent leur dédain pour l’argent et pour la politique.  » Élevée dans ce milieu conservateur et catholique, je n’ai jamais entendu mes parents discuter de politique à la maison. Autant il leur paraît normal de mourir pour la patrie, si possible en gants blancs, autant il faut éviter de se salir les mains en se mêlant de politique » expliquera-t-elle dans son autobiographie.

Le patriotisme, le don de soi pour la France, la foi chrétienne, le dédain pour l’argent et pour la politique, c’est tout ce qu’elle retrouvera et qu’elle aimera chez de Gaulle.

 

Ce livre reçu en cadeau m’a beaucoup intéressée, il faut dire que nous sommes contemporains. Jean Pierre Le Goff est issu de la tradition catholique alors que j’ai fréquenté les écoles laïques. Mais nous avons été pris dans le même maelstrom en mai 1968. Le sous-titre de son essai est important et résume la thèse de son livre

Récit d’un monde adolescent, des années 1950 à Mai 1968

 

Le début est passionnant, il décrit le creuset à la fois catholique et rural de la pointe de la Hague dans lequel l’enfant a été élevé, dans le souvenir très présent de la guerre qui venait de s’achever. Souvenirs matériels avec les nombreux blockhaus, souvenirs du mur de l’Atlantique mais aussi, certainement psychologiques à travers l’éducation de ceux qui avaient subi ou fait cette guerre. Cette génération du « baby-boom » que le père de l’auteur appelle « la génération des enfants gâtés », il la décrit très bien, élevée dans un confort qui arrive dans les maisons et qui profite de la « société de consommation et des loisirs » , elle s’inscrira à jamais dans la révolte adolescente. Elle »jouera » à la révolution, Jean-Pierre Le Goff s’amuse à comparer les chiffres des morts des événements de Mai de 68 et du Weekend de pentecôte où les pompes à essence avaient été remplies. Évidemment les 6 ou 8 morts des événements semblent ridicules au regard de la centaine de gens qui se tuaient sur les routes tous les Weekend à l’époque. (en 1968 plus 16 000 morts sur les routes et plus de 300 000 blessés).

Dans son essai, le sociologue Jean-Pierre Le Goff sait très bien faire revivre tout ce qui définit une époque aussi bien sur un plan général comme celui de la nation que pour les individus qui la composent. Alors, les années 60, verront soutenues par ce nouveau média, la télévision, les chansons yéyé pour les jeunes et la politique de la France, menée par le Général de Gaulle. Tous les changements qui conduisent à l’affirmation de cette génération adolescente de Mai 68, l’auteur les décrit avec minutie et ses contemporains s’y retrouvent avec bonheur mais aussi réalise – s’ils ne l’avaient pas déjà fait- l’aspect quelque peu dérisoire de leurs engagements divers et variés..

Citations

Différence ouvriers et pêcheurs

Les ouvriers de l’Arsenal avait un surnom : les  » cocus du port ». Cette expression ironique renvoyait sans doute à la chance d’avoir un métier protégé et sûr, de mener une activité à heures fixes. Ce n’était pas le cas de la majorité de la population locale et tout particulièrement les marins-pêcheurs qui travaillaient durement.

 

Les préjugés et les dictons

Les noirs de peau – peu nombreux dans La région- étaient considérés comme des êtres étranges et primitifs, suscitant quelques réflexions grossières du genre : « Ils se ressemblent tous et avec une couleur pareille , je me demande comment ils font pour se distinguer les uns des autres  » …
Ces préjugés et ces superstitions se mêlaient à un sens commun issu de l’observation des comportements :  » grand diseu, p’tit faiseu. « 

La grande liberté des enfants des années 50

À cette époque, il était normal et « sain » que les enfants s’amusent à leur façon, du moment qu’ils ne faisaient pas de trop grosses bêtises. Les enfants avaient leur propre monde dans lequel les adultes ne s’immisçaient pas trop. Ces derniers travaillaient beaucoup ou avaient bien d’autres préoccupations en tête que celles de surveiller leurs jeunes enfants. Nos jeux se déroulaient dans des espaces, ceux de la rue et de la maison, qui nous étaient proches et familiers.

Après une brutalité d’un enfant de la bande adverse
On attrapa vite le coupable et on l’amena devant moi en le forçant à se mettre à genoux et à me demander pardon. Je n’aimais pas ce garçon qui était plus grand et plus fort que moi, mais je n’appréciais pas pour autant qu’on l’humilie de cette façon. J’avais l’habitude que les conflits se règlent entre jeunes, en dehors des adultes et d’une tout autre façon. Les plaies et les bosses étaient le prix à payer pour jouer librement.

La confession

Tous ces péchés n’étaient pas des péchés mortels mais leur accumulation permettait peut-être de s’en rapprocher. En fin de compte, l’abbé finissait toujours par poser la question. : « As-tu eu de mauvaises pensées ? As-tu regardé avec plaisir de vilaines choses ? »
En d’autres termes, « le vilain péché » était lié à la sexualité naissance et à la masturbation. Certains curés avaient les mains baladeuses, c’est du moins ce qui se disait parmi les élèves, mais, bien que m’étant confessé à l’un d’eux de, je n’ai jamais eu affaire à ce genre d’attouchement. L’abbé se contentait de me prendre la main ou de mettre la sienne sur ma joue de temps à autre comme un signe d’affection. Cela me gênait un peu, d’autant plus que je trouvais qu’il « puait la Gauloise », marque de cigarette brune très connue à l’époque, et que sa soutane ne sentait pas bon.

L’éducation

Malgré nos apparences d’enfant et d’élève obéissant, nous gardions un rapport à nous-mêmes qu’ils ne pouvaient maîtriser. Cette liberté intérieure était un secret bien gardé qui était partagé seulement avec quelques amis qui nous ressemblaient comme des frères. Quelles que soient les contraintes, la sévérité de la discipline et des punitions, nous n’étions pas, malgré les apparences, des enfants soumis et serviles.Les interminables grand-messe où, comme le disait Bernanos, on « ne saurait rien partager avec Dieu que l’ennui », permettait de rêver et de voyager dans un autre monde plus joyeux et plus coloré, tout en donnant le change de l’apparence de la docilité et de la piété par des paroles et des gestes convenus. Le silence et l’ennui stimulaient l’imagination.

L’arrivée de la télé

Je n’ai pas de récepteur chez moi, déclare en 1962 un directeur d’école dans la presse locale, mais je connais chaque jour parfaitement le programme de la veille, lorsqu’il y a du catch, j’ai 150 catcheur dans la cour de l’école à la récréation. Après un western, c’est 300 cowboy qui se battent, affublés de revolver, de lassos… Dans l’ensemble, les enfants en profitent et sont beaucoup plus documentés qu’autre fois sur les questions géographiques ou scientifiques par exemple. Malheureusement, beaucoup de parents n’ont pas l’autorité suffisante pour les renvoyer se coucher à 8h30 ou à 9h. Les enfants en sortant de l’école, s’installent devant le poste et n’en bougent plus avant la fin du programme.

L’église évolue …

Un de mes premiers souvenirs du changement dans l »‘enseignement religieux » fut celui d’un cours ou le jeune prêtre vint avec sa guitare nous chanter quelques chansons de sa composition. Il s’inspirait, avec plus ou moins de bonheur, de religieux de l’époque qui avaient connu un succès certain en enregistrant des disques. Il en allait ainsi du Père Duval, jésuite, compositeur et chanteur, qui, dans les années 1950, rassemblait les foules (avant tout catholiques), dans les nombreux concerts en France et dans les autres pays. Surnommé, le « Bécaud » de la foi, où « le Brassens » en soutane, il semblait venir d’un autre âge à l’heure des yéyés et de la pop anglaise. La jeune sœur Sourire, Dominicaine et chanteuse, avait connu le succès avec une célèbre chanson enjouée dont on retenait facilement l’air et les premières paroles du refrain : » Dominique, nique, nique, s’en allait tout simplement…  » Je n’étais pas le seul parmi les élèves à considérer cette chanson mièvre comme l’un des sommets d’expression des « culs-bénis ».

Le nerf de son explication

Ces interprétations « révolutionnaires » de mai 68 demeurent aveugles sur une nouvelle donne historique qui n’entre pas dans le cadre de l’action militante : la venue sur la scène sociale et politique d’un nouvel acteur social, le « peuple adolescent » élevé et éduqué dans la nouvelle société de consommation et des loisirs. La « Commune étudiante » de mai 68 en porte la marque.

Rôle des médias

Les médias ont accompagné le mouvement et accentué ses aspects violents et spectaculaires lui donnant une portée une signification révolutionnaire qui confortaient les interprétations et les actions gauchistes. En mai 68, s’est développé un nouveau rapport à l’information qui annihile le recul et la distance au profit du règne de l’émotion. L’information dans sa forme même (le direct) et dans sa façon de rendre compte de la réalité ( le ton émotionnel et dramatique) est partie intégrante de la mise en scène de la Commune étudiante pour qui l’intensité du présent, l’expression débridée et la dramatisation sont les signes évidents d’une révolution en acte. Ces caractéristiques de la Commune étudiants de mai 68 vont constituer un moule premier dans lequel viendront se couler des luttes étudiante et lycéenne, et ce qu’on appellera les « mouvements sociaux ».

Incroyable coquille ou erreur ?

J‘admirais,comme beaucoup d’autres,les pages de Montaigne après la mort de son ami Du Bellay ….
et si vous voulez l’entendre je dois vous dire que son livre est beaucoup plus clair que son entretien car il a ce défaut de ne pas toujours finir ses phrases à l’oral

Je sais que je dois cette lecture à la blogosphère en particulier à Jérôme mais à d’autres aussi. J’ai d’abord dégusté et beaucoup souri à la lecture de ce petit livre et puis je me suis sentie si triste devant tant de destructions, à la fois humaines et écologiques. Le regard de cet auteur est implacable, il sait nous faire partager ses révoltes. Comme lui, j’ai été indignée par le comportement de Philippe Boulet qui refuse de donner un simple coup de fil pour sauver de pauvres Malgaches partis en pirogues. Un de ses adjoint finira par l’y contraindre , mais trop tard si bien que seuls 2 sur 8 de ces malheureux ont été sauvés et vous savez quoi ?

 

En tant que chef de mission, Philippe Boulet a été décoré d’une belle médaille par le gouvernement malgache pour son rôle émérite dans le sauvetage des pêcheurs. un article de presse en atteste. Il sourit sur la photo.

 

La vision de la Chine est particulièrement gratinée, entre les ambiances de façades et la réalité il y a comme un hiatus. Comme souvent dans les pays à fort contrastes « le gringo » ou le »blanc » est considéré comme un porte monnaie ambulant. L’auteur se moque autant de ses propres comportements que ceux des touristes qui veulent absolument voir de « l’authentique ». Mais souvent la charge est lourde et quelque peu caricaturale. C’est peut être mon âme bretonne qui m’a fait être agacée aux portraits de bretons alcooliques. Ceci dit, pour voyager comme il le fait, il vaut mieux résister à l’alcool car on est souvent obligé de partager le verre de l’amitié qui est rarement un verre de jus de fruit quand on veut absolument vivre avec et comme les autochtones.

Enfin, le pire c’est le traitement de la nature par l’homme, c’est vraiment angoissant de voir les destructions s’accumuler sous le regard des gens qui se baladent de lieux en lieux sans réaliser que, par leur simple présence, (dont celle de l’auteur !) ils contribuent à détruire ce qu’ils trouvent, si « jolis », si « authentiques », si « typiques »….

 

Citations

 

Humour

J’ai passé des journées à marcher dans les rues, fouiner chez les disquaires de Soho, contempler l’agitation de Notting Hill ou des puces de Camden. Tout cela était très intéressant, je rencontrais d’autres possibles, mais ça ne m’aidait pas réellement à savoir qui j’étais. Le déclic eut lieu une nuit que j’étais à me morfondre dans quelque pub anglais au cœur de Londres. Accoudé sur un comptoir, je noircissais des page de cahier à spirale, dans une navrantes tentative postadolescente de devenir Arthur Morrison. Je zonais depuis une semaine, le groupe du pub reprenait Walk Of Life et j’en étais à écrire des sonnets sous Kronenbourg quand quelqu’un a renversé son verre de Guinness sur mes vers de détresse. Une vision, féminine, chevelure fatal et hormones au vent. Note pour les jeunes poètes maudits : écrire la nuit dans les bars, pour pathétique que ce soit, peut attirer la gourgandine. C’était une vieille, elle avait au moins 25 ans. Elle portait une robe noire sophistiquée et des talons arrogants ; elle travaillait dans la mode. Ses yeux brillaient d’une assurance alcoolisée. Volubile et pleins d’histoires.

Très drôle

Il existe, à l’est de Leeds, localité dont peu de gens soupçonne l’existence. Un port où le soleil n’est qu’un concept lointain, une cité prolétaire ou Margaret Thatcher est Satan et Tony Blair, Judas. Une riante bourgade ravagée par la crise postindustrielle, où l’on repère les étrangers à leur absence de tatouages et de cirrhose. Liverpool sans groupe de rock mythique, Manchester sans le foot. Hull est un sujet de moquerie pour le reste de l’Angleterre. Sa page Wikipédia se résume à 5 lignes, c’est que pour une ville de 250000 habitants.
PS  : Vérification Hull a plus que 5 lignes sur Wikipedia

Cette envie de recopier le livre !

Toutes ses économies dilapidées dans un voyage à pile ou face, des mafias engraissées, le cache cache avec la police de deux continents, la peur et le froid. Tout cela pour devenir esclave à Hull, qui concourt au titre de la ville la plus pourrie d’Europe. Khalid n’exprimait aucun regret : « Il vaut mieux être ouvrier à Hul que mort à Kaboul. » Une évidence contre laquelle aucune loi ne peut lutter.
… Dix kilomètres jusqu’à la maison. Des cités décaties où descendaient les rouquins à capuche, un immense supermarché Tesco, qui était une des raisons pour lesquelles Azad, Mohamed et Khalid, victimes de la géographie politique avez tenté la vie en Europe. Je travaille à l’usine pour pouvoir voyager. Ils avaient beaucoup, beaucoup voyagé pour venir travailler à l’usine.

Bombay

J’ai entendu quelques histoires de jeunes Anglais venus faire de l’humanitaire en Inde en sortant de chez leurs parents, et repartant au bout de trois jours, traumatisés par la réalité de la misères. Impossible de faire abstraction, dans cette ville où il faut prendre garde à ne pas marcher sur les nouveaux nés qui dorment sur le goudron.

Portrait de surfeurs

Tous ces garçons vivent entre eux dans une colonie de vacances perpétuelle, voyageant d’un spot à l’autre autour du monde, mangeant des corn flakes et des sandwichs à la mayonnaise dans des maisons de location, torse nu, pendant que le coach les dorlote. Le soir, ils boivent des bières autour d’un barbecue. Chaque année, à date fixe, il retrouve Hawaï, la Gold Coast australienne, le Brésil, l’Afrique du Sud ou Lacanau, sans avoir le temps de connaître les endroits qu’ils traversent. Ils ne se préoccupent pas de descendre sous la surface, leur fonction est de rester à flot. Ils gagnent très bien leur vie, ce sont des stars. Leurs performances sportives leur permettent de postuler au Statut de surhomme. Musclés et bronzés, ça va sans dire. Pas très grands, pour des histoires de centre de gravité. Leurs copines sont des splendeurs, rayonnantes de santé et de jeunesse, tout cela est très logique. On pourrait moquer la spiritualité de pacotille qui entoure le monde du surf, bric-à-brac de panthéisme cool où l’homme fusionne avec la nature dans l’action, mais ce n’est pas nécessaire. Ces types consacrent leur vie à la beauté du geste, dans un dépassement de soi photogénique. Ils tracent des sillons parfaits, en équilibre constant entre la perfection et la mort. Ce n’est pas rien.

La Chine

À Chongqing, je je trouve ce que j’aime dans lex tiers-monde. Le chaos organisé, la vie dans la rue, les gens qui vendent n’importe quoi à même le sol, les cireurs de chaussures,( l’un deux a voulu s’occuper de mes tongs), les vieux porteurs voûtés qui charrient le double de leur poids, les bars qui appartiennent à la mafia et les chiens qui n’appartiennent à personne.

À Pékin, on a posé une Chine en plastique sur la Chine. Et ça fonctionne très bien. Ils ont réussi à cacher les pauvres et les crasseux. À Chongqing, il n’y a pas de jeux olympiques. Les pauvres et les crasseux côtoient les costards cravates. Des ouvriers cassent les vieux immeubles à la masse, torse et pieds nus, à 15 mètres du sol. Les normes de sécurité ne sont pas optimales. Mais un centre commercial doit ouvrir dans 20 minutes à cet emplacement , alors il faut faire le boulot.

Portrait féroce et réducteur de l’autre….

Elle est prof. De maths. Allemande. Un sacré boute-en-train. Elle passe son temps à détailler de A à Z, tous les points de désaccord avec la culture chinoise. Je ne comprendrai jamais les gens qui, sortant de chez eux, ne supportent pas qu’on ne se comporte pas comme chez eux. De son côté, elle ne comprend pas que les Françaises s’épilent les jambes régulièrement. C’est pour l’instant, le plus gros choc culturel de mon séjour.

Fierté française

Pour ceux qui l’auraient un peu oublié, le béton précontraint figure au nombre des fiertés françaises, avec le romanée-conti, la cathédrale de Chartes, le N°5 de Chanel et bien d’autres. 


Merci Keisha, qui a été la première à me donner envie de lire ce livre, depuis j’ai lu d’autres avis tout aussi élogieux sur ce « roman » qui mérite plus le titre de « documentaire », à mon avis. J’ai écouté Laurence Cossé parler de son livre, elle explique qu’elle voit ce monument comme l’expression de la tragédie de son architecte : Johann Otto von Spreckelsen. Celui-ci a démissionné de ce projet en 1986 lorsque le gouvernement de Jacques Chirac renonce au « Carrefour International de la Communication » et il meurt quelques mois plus tard en exigeant que son nom ne soit pas associé à la « grande Arche ». Mais auparavant, il avait négocié des royalties sur toutes les photos prises de la grande Arche, et c’est d’ailleurs le seul lien que sa veuve gardera avec la France : les royalties !

L’auteure est très critique aussi pour le monde politique mais curieusement dans les entretiens, elle en veut plus à la droite (Juppé et Chirac) qu’à Mitterrand. Or en lisant ce livre, on est abasourdi par la façon dont ce président a dépensé l’argent de la France. C’est peu de dire qu’il n’avait aucun soucis d’économie et que le fait du prince a coûté très cher aux français et pas toujours pour de bonnes raisons. Comme cette volonté de ne pas traiter le marbre qu’il faut aujourd’hui remplacer. Laurence Cossé critique la droite de ne pas savoir su donner vie « au Carrefour International de Communication » mais personne ne savait quoi mettre derrière ce nom ronflant. La lecture de l’article de Libération explique bien les enjeux politiques de ce projet. Il est vrai que chaque gouvernement avait son idée pour occuper cet espace et que ce n’est pas la plus mauvaise des idées qui a été retenue. Seulement voilà Spreckelsen (qui touchera quand même ces 10 pour cent d’un bâtiment qui coûtera trois milliards sept), n’avait pas derrière lui un bureau d’études capable de mener ce projet à son terme et si, deux noms peuvent être rattachés à ce bâtiment c’est celui de Paul Andreu qui fera tout pour que ce bâtiment se construise malgré les énormes défis architecturaux et les magouilles politiques et Robert Lion directeur de la caisse et des dépôts et consignation qui a trouvé les budgets pour financer la construction.

Le problème majeur de ce bâtiment ce n’est pas tant les prouesses techniques auxquelles il a fallu faire face que le fait que personne n’ait pu lui donner une affectation qui permette aux communs des mortels de venir le visiter. Il s’inscrit à tout jamais dans une belle perspective parisienne et même si son entretien est compliqué à cause des choix esthétiques de l’architecte danois il reste un monument qui a de l’allure. Encore aujourd’hui, l’affectation de la grande Arche n’est pas définie mais on peut de nouveau monter sur son toit et apparemment s’y restaurer. Laurence Cossé vous entraînera dans cette aventure avec un talent étonnant, moi qui suis peu technique j’ai lu avec grand intérêt ce qu’elle dit sur les difficultés des maître d’ouvrages. J’ai soupiré avec elle, quand elle avoue avoir souffert en cherchant à rendre clairs les problèmes architecturaux , mais elle a réussi son pari : on comprend très bien ce qu’elle explique. Comme elle, je vous conseille l’article de Wikipédia, c’est beaucoup moins intéressant que son roman mais cela permet de suivre les différentes péripéties de la construction jusqu’à aujourd’hui..

Citations

Le début de Mitterrand

Il y avait une ambiance extraordinaire, de foi d’espoir… inimaginable aujourd’hui. On baignait dans l’illusion lyrique, tous les fantasmes de la gauche au cœur. N’ayant jamais été au pouvoir, à part de rares exceptions, les nouveaux dirigeants pensaient qu’il y avait énormément à distribuer.

Les absurdités des musées et bibliothèques

Ces films et les quelques livres sur Spreckelsen se trouvent à la bibliothèque de la Cité de l’Architecture, au Trocadéro. Un endroit lumineux, mais où il faut éviter de se rendre en juillet et en août. Car, si la cité est ouverte ces mois-là, la bibliothèque est fermée. Sans doute les autorités font-elles l’hypothèse que ceux qui s’intéressent à l’architecture ont le dos fatigué et doivent aller s’allonger deux bons mois sur la plage. 
C’est pourtant là une bibliothèque idéale, il serait heureux de pouvoir s’y poser une heure ou deux en été : un aquarium calme et blanc en plein Paris, des milliers de livres, des milliers d’articles, des ordinateurs, vingt lecteur jeunes et du genre le plus sérieux et dix bibliothécaires aux petits soins.

Gabegie d’état

Il y a des pratiques un peu difficile à comprendre dans l’urbanisme, en France. Par exemple d’un candidat puisse gagner un concours, ou une consultation, et que jamais ensuite son projet ne soit construit. Cela s’est pourtant fait cent fois. Souvent c’est politique….

Ce que l’on ne dit pas au contribuable, c’est que l’on fait accepter l’arbitraire à l’architecte évincé en le dédommageant. Toutes les maquettes de projet écartés qui s’entassent dans les réserves des musée de l’architecture valent chacune leur poids d’or.

Les Danois et nous

 Il portait ces préventions en lui depuis longtemps, avec tous les Danois. Nous avons du mal à le croire, nous autres français qui nous croyons rationalistes, organisés et pour tout dire très intelligents, mais aux yeux de beaucoup de nos voisins nous sommes des passionnels, des idéologues, des phraseurs, des agités, des individualistes, enfin des gens peu sûrs.
Le plus triste c’est que la réalité a donné raison à Spreckelsen et à ses craintes. Dans les derniers moments de sa vie, trois ans plus tard, dans le film de Tschernia-, il parle sans rancoeur mais il a des mots définitifs sur le peu de sens du contrat en France, sur les remises en cause incessantes des choix collectifs, sur la violence des affrontements entre camps politiques. Et là, il parle d’expérience.

Les débuts de l’informatique

Spreckelsen n’a jamais touché un ordinateur mais ADP commence à en être équipé. La période est unique dans l’histoire. On est à cheval sur deux ères. Les quantités documents ont été dessinés à la main sur papier. Après les avoir numérisé, il faut les faire viser par les auteurs puis obtenir l’approbation des architecte en chef. À vouloir concilier les deux systèmes, certains se demande si on ne perd pas plus de temps qu’on en gagne. À l’époque, à l’observatoire de Meudon, un vieil astronome qui se méfie de l’informatique refait tous les calculs de l’ordinateur, de la façon dont tu as toujours fait.

PARLONS CHIFFRES

Un point n’est pas conflictuel -et d’ailleurs jamais évoqué dans la littérature sur les grands travaux-, les architectes sont très bien payés. Inge Reitzel en sourit :  » Nous étions voisins des Spreckelsen, à côté de Copenhague. Dans l’été 1985, allant chez eux, nous avons vu deux Jaguar devant la maison. »

Rien là d’exceptionnel. Pei pour le Louvre, Ott et Bick pour la Bastille, Tschumi et Fainsilber pour la Vilette, Chemetov pour Bercy, tous les architectes des grands travaux touchent les honoraires d’usage, quelque dix pour cent du total du coût de la construction. La modernisation du Louvre atteindra plus de six milliards de francs, la grande bibliothèque huit milliards, l’Opéra Bastille trois milliards, la Cité de la Musique un milliard trois , l’Arche trois milliards sept. Cela fait pour chacun des architectes,  » une bonne pincée », comme dit Andreu.
Spreckelsen est particulièrement bien traité quand on sait que son travail n’est pas comparable à ce que produit Pei, par exemple. Le second a dans sa manche un grand bureau d’études et va très loin dans le détail. Les entreprises qui construisent sous sa gouverne n’ont qu’à exécuter ses plans. Le premier à quelques collaborateurs pour la circonstance, et la qualité du travail technique indispensable à son projet est sous la responsabilité d’Andreu. « Je ne sais pas comment Spreckelsen s’était débrouillé pour obtenir des honoraires pareils », se demande encore Dauge qui, aussitôt, esquisse une hypothèse  : « Il avait l’appui du président « .
Sur un autre chapitre de son contrat, Spreckelsen a été bien conseillé aussi. Il a obtenu l’exclusivité des droits sur l’image. On aura besoin de son autorisation pour reproduire l’Arche et, qu’on l’ait ou non demandé, tous les droits de reproduction lui reviendront. Il ne se publiera pas une carte postale qu’il n’ait droit à une redevance.
En théorie, rien de nouveau. Cela fait plus d’un siècle que les architectes se sont vu reconnaître ce droit dérivé de la propriété artistique. Dans les années 80, cependant, la plupart en sont restés à la conception selon laquelle ce qui appartient à la rue, à la ville ou au paysage appartient à tout le monde, et ne demande pas de droits sur l’image de leurs œuvres. Spreckelsen en demande. Il en demande.l’exclusivité. 
Quand ses confrères découvriront de quoi il retourne, ils commenceront par s’offusquer, puis ils s’y mettront à leur tour. Il y a souvent plus à gagner aujourd’hui à vendre les images que ses œuvres mêmes. Un architecte comme Pei touche des millions sur les photos de ses ouvrages architecturaux. Les peintres et les sculpteurs ne sont pas en reste. Buren s’en est fait une spécialité. Jusqu’aux propriétaires de sites naturels, qui ont pensé être fondés à prélever leur dîme sur des photos publicitaires où figuraient leurs terres – en vain, quant à eux.

Des aspects techniques

Les fondation n’en sont pas , du moins au sens classique. L’ Arche n’est pas ancrée en profondeur comme usuellement les immeubles et les tours, elle repose sur des pilliers. Ce n’est pas le premier édifice fondé de la sorte, les ponts le sont souvent, quelques centrales nucléaires, et Paul Andreu a eu recours au procédé de l’aérogare de Roissy. Mais on n’a jamais vu cela dans le bâtiment. Le toit n’a pas grand-chose d’un toit puisque c’est un palais suspendu d’un hectare posé sur deux immeubles aux extrémités. La cage à ascenseurs externe sera le plus grand ouvrage en acier inoxydable jamais assemblé, les dômes en altuglas qui coifferont les ascenseurs les plus spacieux jamais réalisés. …tout est exceptionnel, on va donc devoir innover beaucoup. Ainsi, on emploie pour la première dans ces proportions un hyperbéton, deux fois plus résistant que le béton ordinaire mais beaucoup plus fluide, et difficile à manier.
Ça n’a l’air de rien pour le béotien, mais quand Andreu écrit « personnellement je n’avais jamais utilisé ce béton à haute résistance » , c’est un peu comme si un commandant de sous-marin déclarait au moment de plonger qu’il est curieux de découvrir un nouveau système de ballast. 

Les fêtes de la mitterandie

Dans l’après-midi de semaine 14 juillet , le quinzième sommet des sept pays les plus riches du monde s’est ouvert au Louvre où François Mitterrand a inauguré cette fois la petite pyramide et l’immense sous-sol signé Peu. Le lendemain le 15, les chefs d’État, leurs suites et la presse du monde entier se transportent en haut de l’Arche. 
Le faste du moment et inimaginable aujourd’hui en France. Un des grands espaces carrés du toit a été transformé en salle de conférence ronde par l’architecte et le musicien Franck Hammoutène. Chacun des meuble de ce Saint des saints, dessiné pour la circonstance, ne servira qu’à cette unique occasion, y compris la table-monument de verre et de granit, ronde, elle aussi, comme il se doit,et si vaste, avec ses sept mètres vingt de diamètre, qu’il a fallu la monter en pièces détachées en hélicoptère. Quelques Rodin, Minet et Picasso ont été prêtée par les musées nationaux pour égayer la pièce. Dans les autres salles du toit, Andrée Putman à installé des lieux de repos dont elle a conçu le mobilier lui aussi éphémère au sens littéral, une salle à manger, un bar en demi cercle, autant de salons que de délégations, strictement identiques à part les couleurs, « taupe, ivoire, cigogne, camel », d’une banalité parfaite et donc propres à éviter tout incident diplomatique. 
Tout cela sera démonté dans les jours suivants. Grosse rentrée en vue pour le Mobilier national.

 Les mesquineries des politiques

   Habilement, le concours est ouvert aux seuls architecte français. Très ouvert : une esquisse seule est requise, et le règlement est léger. Le président Mitterrand se dit favorable au projet d’une tour de bureau, lui dont ce n’est pourtant pas le genre. Une seule explication : c’est que Michel Rocard, son premier ministre et le vieil adversaire à gauche, s’oppose pour sa part à de nouveaux immeubles de bureaux à la Défense. 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.


Roman très vivant qui permet de retracer l’histoire d’un engagement personnel d’un homme Edmond Charlot pour diffuser la culture en Algérie. Autour de lui et de sa librairie les énergies positives de Camus, Jacques Temple, Robles, Amrouche, Jean Roy, Kateb Yacine, Mouloud Feraoun….et tant d’autres, se regroupent pour lui permettent de faire exister son projet. Ce roman mêlent trois fils, le plus puissant et le plus positif celui de la création littéraire, Le plus fort celui de l’ âme algérienne qui veut être reconnue. Et enfin ce jeune Rhyad qui doit vider la vieille librairie bibliothèque et qui n’aime pas les livres. Trois époques, trois points de vue qui se retrouvent dans ce tout petit lieu destiné dans l’Algérie moderne à la vente des beignets. Il faut ajouter à cela que Kaouther Adimi sait très bien rendre l’atmosphère de l’endroit chargé d’une histoire sanglante. Elle nous rappelle dans des passages courts mais très forts les deux épisodes qui ont tragiquement scellé le sort de la France en Algérie. Les événements de Sétif et la répression par Papon de la manifestation des Algériens à Paris.
Mais ce n’est pas du tout le thème principal de son livre. Elle a cherché à retrouver l’élan littéraire qui dans les années 1930-1940 faisait de l’Algérie un lieu de l’effervescence littéraire. Et évidemment faire de cet endroit un magasin de beignets doit la dépiter quelque peu. La fin de ce livre assez court, se défait la tension qui était à la création de cette petite librairie retombe dans les méandres de l’administration algérienne qui n’a pris de sa consœur française que sa lourdeur et son inefficacité. La voix d’Edmond Charlot est transmise via un carnet sur lequel il note tous ses succès et difficultés. C’est quelque peu ennuyeux, le monde des lettres n’est guère glorieux et en parler sans le traiter à fond fait perdre l’intensité de ce roman.

Citations

 C’est encore comme ça

17 décembre 1938
Aujourd’hui encore, des clients intéressés uniquement par les derniers prix littéraires. J’ai essayé de leur faire découvrir de nouveaux auteurs, de les inciter à acheter « L’envers et l’endroit » de Camus, mais totale indifférence. Je parle littérature, ils répondent auteur à succès !

Alger 1923

On nous exhibe parce que nous ressemblons à des cartes postales orientalistes et devenons exotiques dans notre propre pays. Jean Guillemin, le directeur de l’École Normale, écrit un rapport sur la réorganisation de l’enseignement des indigènes. Le 20 mars 1923, il alerte l’inspection d’Académie d’Alger sur le danger qu’il y aurait à mélanger indigènes et français. C’est un homme éminent. Il a la mine grave. Sa mission est fort importante, faire en sorte que les deux communautés cohabitent au sein de l’école sans se rencontrer. Il recommande système à deux vitesses, deux niveaux, car il serait trop humiliant d’avoir un indigène meilleur qu’un français dans la même classe. Jean Guillemin se préoccupe de la fierté de certains de ses élèves.

Changement de propriétaire fermeture d’une bibliothèque

Il a pensé naïvement pouvoir convaincre les représentants de l’État de l’importance de maintenir ce lieu ouvert. Il a téléphoné au ministère de la Culture mais personne ne lui a répondu. Le numéro de téléphone était occupé en permanence et il n’y avait pas moyen de laisser un message car le répondeur était saturé. Il s’est déplacé pour entendre le gardien lui rire au nez. À la Bibliothèque nationale, on l’écoute longuement avant de le raccompagner à la porte sans un mot, sans une promesse. Lorsque le nouveau propriétaire est venu visiter « les vraies richesses », Abdallah lui a demandé ce qu’il comptait faire de la librairie. « La vider entièrement, virer ses vieilles étagères, repeindre les murs pour permettre à l’un de mes neveux d’y vendre des beignets. Il y aura tout type de beignet possibles : au sucre, à la pomme, au chocolat. Nous sommes proche de l’Université, il y a un gros potentiel. J’espère que vous serez l’un de nos premiers clients. »

Humour

Que fait quelqu’un qui préfère les maladies aux livres dans une librairie ?
-Je dois la vider et la repeindre.
– Pourquoi ?
– Cest mon travail.
-Détruire une librairie c’est un travail ça ?
-C’est un stage.
– Un stage ? Tu veux devenir destructeur de librairie ? C’est un métier ?
-Non, ingénieur.
– Les ingénieurs construisent, ils ne détruisent pas.
– Je dois faire un stage ouvrier.
– tu es ingénieur ou ouvrier ?
– Je dois faire un stage manuel pour valider mon année d’ingénierie. Je vide le lieu, je répond, je pars. Sans réfléchir.
– Tu vas dans une librairie pour ne pas réfléchir, Toi ?
– Je dois juste la vider, pas lire les livres qui s’y trouvent.
– Dans quelle université on t’a prend une chose pareille ?
-À Paris.
– Pff…Maintenant on nous envoie des démolisseurs de France. Des ouvriers-ingénieurs, oui monsieur ! Ceux d’ici ne sont pas assez bien ! Vous les jeunes, vous ne savez que casser.
-Nous les jeunes, nous les jeunes…
– Quoi ?
-Rien, « nous les jeunes »,rien du tout. On fait ce qu’on peut avec ce que vous nous avez laissé.
– Qui t’envoie ?
-Personne. J’ai juste accepter ce travail j’ai froid nous devrions rentrer.
-Il ne fait pas froid, c’est dans ta tête. Qui t’envoie qui t’a donné ce travail ? Il s’appelle comment ?
-Je ne connais pas c’est quelqu’un qui connaît quelqu’un qui en a parlé à mon père.
-Même pour détruire il faut du piston…… Partout la même chose piston et corruption partout depuis le gardien de cimetière jusqu’au sommet de l’État.

Traduit du russe par Sophie Benech.


Merci Dominique qui a la suite d’un article de Goran, m’a conseillé et prêté ce petit livre. Il est enrichi par des dessins d’Alexeï Rémizov et de beaux poèmes de Marina Tsvétaïeva. Cet essai témoigne d’une expérience vécue par l’auteur qui a d’abord fui la Russie tsariste pour revenir ensuite participer à la révolution. Sous le régime bolchevique, s’installe une censure impitoyable, un régime de terreur et une grande famine. Comment ces gens qui faisaient vivre une librairie indépendante ont-ils réussi à survivre et à ce qu’elle dure quelques années ? Sans doute, parce qu’au début « on » ne les a pas remarqués puis, ensuite, parce que leurs compétences étaient utiles. On voit dans cet ouvrage l’énergie que des êtres humains sont capables de déployer pour faire vivre la culture. Les écrivains créaient de petits livres manuscrits pour faire connaître leurs œuvres. J’avais appris dans mes cours d’histoire que la NEP avait été un moment de répit pour les populations. en réalité c’est la NEP qui aura raison de la librairie car si la propriété privée est bien rétablie tout ce qui peut rapporter un peu d’argent est très lourdement taxé avant même d’avoir rapporté .

L’autre aspect très douloureux qui sous-tend cet essai, c’est l’extrême pauvreté dans laquelle doivent vivre les classes éduquées à Moscou. C’est terrible d’imaginer ces vieux lettrés venir vendre de superbes ouvrages pour un peu de nourriture. Et c’est terrible aussi, d’imaginer tout ce qui a été perdu de la mémoire de ce grand pays parce qu’il n’y avait plus personne pour s’y intéresser.

Citations

Ambiance dans la librairie qui a fonctionné à Moscou jusqu’en 1924

Et le client de hasard qui entrait, attiré par l’enseigne, s’étonnait d’entendre un commis discuter avec un client de grands problèmes philosophiques, de littérature occidentale ou de subtiles questions d’art, tout en continuant à travailler, à empaqueter des livres, à faire les additions, à essuyer la poussière et à charger le poêle . La politique était le seul domaine que nous n’abordions pas -non par peur, mais simplement parce que notre but, notre principal désir était justement d’échapper à la politique et de nous cantonner dans les sphères culturelles.

La pauvreté après la révolution de 17

J’espère avoir un jour – moi ou un autre -, l’occasion de revenir sur les types humains rencontrés parmi nos fournisseurs et nos acheteurs. Nous parlerons alors de ses vieux professeurs qui arrivaient d’abord avec des ouvrages inutiles, puis avec les trésors de leur bibliothèque, ainsi qu’avec ensuite avec des vieilleries sans valeur, et pour finir… Avec des livres des autres qu’ils se chargeaient d’écouler.

Les nationalisations

À Moscou, pendant les dures années 1919-1921, les années de chaos et de famine, il était presque impossible aux écrivains d’imprimer leurs livres. Le problème ne tenait pas à la censure (elle n’existait pas encore vraiment), mais à notre immense misère. Les imprimeries, le papier, l’encre, tout avait été « nationalisé », c’est-à-dire que tout avait disparu, il n’y avait pas de commerce du livre, de même qu’il n’existait pas un seul éditeur qui ne fût au bord de la faillite. Mais la vie créatrice n’avait pas cessé, les manuscrits s’entassaient chez les écrivains, et tous avaient envie d’imprimer, sinon un livre, du moins quelques pages. Ce désir était bien sur une façon de protester contre les nouvelles conditions de travail des écrivains. Et puis il fallait bien vivre. Nous décidâmes donc d’éditer et de vendre des plaquettes manuscrites, chaque auteur devant écrire et illustrer son ouvrage à la main.


Apres Homo Sapiens, je savais que je lirai ce livre qui fait tant parler de lui et de son auteur. On retrouve l’esprit vif et peu conventionnel de Yuval Noah Harari mais c’est moins agréable à lire. Car, si de nouveau, il remet en cause la façon dont Homo Sapiens, (c’est à dire nous) a conquis la planète, au détriment des animaux et au risque de détruire l’équilibre de la nature, il projette dans le futur les conséquences de nos récentes découvertes. Nous sommes donc, selon lui, au bord de créer l’Homo-Deus qui aura sans doute aussi peu de considération pour Homo Sapiens que celui-ci en a eu pour les animaux. L’auteur consacre de longues pages sur le sort que nous avons réservé à l’espèce animale, c’est terriblement angoissant. Les démonstrations sont brillantes et souvent implacables. Mais c’est aussi très triste, car cet avenir n’est guère réjouissant. Yuval Noah Harari ne veut être ni gourou, ni prophète, il peut se tromper mais il nous demande de réfléchir. Il termine son livre en nous laissant trois thèmes de réflexions que je vous livre :

Tous les autres problèmes et évolution sont éclipsés par trois processus liés les uns aux autres :
1/ la science converge dans un dogme universel, suivant lequel les organismes sont des algorithmes et la vie se réduit au traitement des données.
2/ l’intelligence se découple de la conscience.
 3/ Des algorithmes non conscients mais fort intelligents, pourraient bientôt nous connaître mieux que nous-mêmes.
Ces trois processus soulèvent trois questions cruciales, dont j’espère qu’elle resteront présentes à votre esprit longtemps après que vous aurez refermé ce livre :
1/ Les organismes ne sont-ils réellement que des algorithmes, et la vie se réduit-elle au traitement des données ? 
2/ De l’intelligence ou de la conscience, laquelle est la plus précieuse ?
3/ Qu’adviendra-t-il de la société, de la politique et de la vie quotidienne quand les algorithmes non conscients mais hautement intelligents nous connaîtrons mieux que nous ne nous connaissons ?
Ne croyez pas pouvoir sortir de ces questions par une simple boutade, ou par un geste rapide de dénégation. Même si ces questions ne vous intéressent pas sachez que ces problèmes vont venir vers vous que vous le vouliez ou non. Il a fallu 500 pages à l’auteur pour en arriver là. Il vous entraînera auparavant dans l’histoire humaine avec beaucoup d’humour et de sagesse. Vous verrez Homo Sapiens conquérir, domestiquer et dominer complètement la planète et après avoir vaincu les trois fléaux qui l’ont occupé des millénaires durant, à savoir : la famine, la maladie et les guerres, s’il suit les tendances actuelles, il se prendra pour Dieu et voudra vivre une vie augmentée de tous les services rendus par les nouvelles technologies. Vous croyez qu’il délire, et pourtant entre le Bitcoin, les blokschains et les big-data , dites moi un peu où se trouvent l’individu, le pouvoir politique ou les nations. Que deviennent nos conceptions de l’humanisme ?
J’ai annoté ce livre au fur et à mesure de ma lecture et si je mets toutes mes notes dans mon article c’est que parfois elles me font sourire mais surtout elles me permettent de mieux me souvenir des raisonnements de cet auteur, Yuval Noah Harari : juif, athée, végétarien, homosexuel et surtout incroyablement intelligent. Il a déclaré que le fait de n’être pas dans le moule de l’Israélien classique lui avait permis d’être libre dans son mode de pensée.
Un livre implacable donc, vous le lirez sans doute mais avec moins de jubilation que son précédent ouvrage.

Citation

la fin des famines

En 2012, autour de 56 million de personnes sont mortes à travers le monde. ; 620000 ont été victimes de la violence humaine, (la guerre en a tué 120000, le crime 500 000). En revanche, on a dénombré 800 000 suicides, tandis que 1,5 million de gens mouraient du diabète. Le sucre est devenu plus dangereux que la poudre à canon.

Une formule et un exemple frappant : l’art de convaincre de cet auteur

Le mot « paix » a pris un sens nouveau. Les générations antérieures envisageaient la paix comme l’absence temporaire de guerre. Aujourd’hui, la Paix, c’est l’invraisemblance de la guerre. En 1913, quand les gens parlaient de la paix entre la France et l’Allemagne, ils voulaient dire : » pour l’instant, il n’y a pas de guerre entre les deux pays, et qui sait ce que l’année prochaine nous réserve ? » Quand nous disons aujourd’hui que la paix règne entre la France et l’Allemagne, nous voulons dire que, pour autant que l’on puisse prévoir, il est inconcevable qu’une guerre puisse éclater entre elles.

La fin des masses

De surcroît, malgré toutes les percées médicales, nous ne saurions être absolument certain qu’en 2070 les plus pauvres jouiront de meilleurs soins qu’aujourd’hui. L’État et L’élite pourraient se désintéresser de la question. Au 20e siècle, la médecine a profité aux masses parce que ce siècle était l’ère des masses. Les armées avaient besoin de millions de soldats en bonne santé, et les économies de millions de travailleurs sains. Aussi les États ont-ils mis en place des services publics pour veiller à la santé et à la vigueur de tous. Nos plus grandes réalisations médicales ont été la création d’installation d’hygiène de masse, de campagne massive de vaccination et l’éradication des épidémies de masse. En 1914, l’élite japonaise avait tout intérêt à vacciner les plus pauvres, et à construire des hôpitaux et le tout-à-l’égout dans les taudis : pour que le pays deviennent une nation forte à l’armée puissante et à l’économie robuste, il lui fallait des millions de soldats et d’ouvriers en bonne santé. 

L’ère des masses pourrait bien être terminée et, avec elle, l’âge de la médecine de masse. Tandis que soldats et travailleurs humains laissent place aux algorithmes, certaines élites au moins en concluent peut-être qu’il ne rime à rien d’assurer des niveaux de santé améliorés ou même standards aux masses pauvres, et qu’il est bien plus raisonnable de chercher à augmenter une poignée de surhommes hors norme.

Victoire du libéralisme économique sur le totalitarisme communiste

Si le capitalisme a vaincu le communisme, ce n’est pas parce qu’il était plus éthique, que les libertés individuelles sont sacrées où que Dieu était en colère contre les communistes païens. Le capitalisme a gagné la guerre froide parce que le traitement distribué des données marche mieux que le traitement centralisé, du moins dans les périodes d’accélération du changement technique. Le comité central du Parti communiste ne pouvait tout simplement pas faire face au changement rapide du monde à la fin du 20e siècle. Quand la totalité des Data s’accumule dans un seul bunker secret, et qu’un groupe de vieux apparatchiks prend toutes les décisions importantes, ils peuvent certes produire des bombes nucléaires à la pelle, mais ni Apple ni Wikipédia. 
On raconte une anecdote probablement apocryphe, comme toutes les bonnes anecdotes, lorsque Michael Gorbatchev tenta de ressusciter l’économie soviétique moribonde, il envoya à Londres un de ses principaux collaborateurs pour voir ce qu’il en était du thatchérisme et comment fonctionnait réellement un système capitaliste. Ses hôtes guiderent le visiteur soviétique, à travers la City, la bourse de Londres et la London School of Economics, où il discuta avec des directeurs de banque, dès entrepreneurs et des professeurs. Après de longues heures, l’expert soviétique ne plus se retenir : » Un instant, je vous prie. Oubliee toutes ces théories économiques compliquées. Cela fait maintenant une journée que nous parcourons Londres en long et en large, il y a une chose que je n’arrive pas à comprendre. À Moscou nos meilleurs esprits travaillent sur le système de fourniture du pain, et pourtant il y a des queues interminables devant les boulangeries et les épiceries. Ici, à Londres, vivent des millions de gens, et nous sommes passés aujourd’hui devant quantité de magasin et de supermarché, je n’ai pas vu une seule queue pour le pain. Je vous en prie, conduisez-moi auprès de la personne chargée de ravitailler Londres en pain. Il faut que je connaisse son secret. » Ses hôtes se gratterent la tête, réfléchirent un instant, et dirent : » Personne n’est chargé de ravitailler Londres en pain. »
Tel est le secret de la réussite capitaliste. Aucune unité centrale de traitement ne monopolise toutes les données concernant la fourniture en pain de la capitale.

L’avenir de l’internet

les gouvernement et les ONG poursuivent en conséquence des débats intenses sur la restructuration d’internet , mais il est beaucoup plus difficile de changer un système existant que d’intervenir à ses débuts. De plus, le temps que la pesante bureaucratie officielle ait arrêté sa décision en matière de Cyber-régulation, Internet ce sera métamorphosé dix fois. La tortue gouvernementale ne saurait rattraper le lièvre technologique. Les data la submergent. La NSA (National Security Agency) peut bien espionner chacun de nos mots, à en juger d’après les échecs répétés de la politique étrangère américaine, personne, à Washington, ne sait que faire de toutes les données. Jamais dans l’histoire on en a su autant sur ce qui se passe dans le monde, mais peu d’Empires ont gâché les choses aussi maladroitement que les États-Unis contemporains. Un peu comme un joueur de poker qui c’est quelles cartes détiennent ses adversaires mais se débrouille pour perdre à chaque coup.

Connais-toi toi même….

Vous voulez savoir quoi ? Payez à « 23andMe » la modique somme de 99 dollars, et on vous enverra un petit paquet dans lequel vous trouverez une éprouvette. Vous crachez dedans, vous la fermez hermétiquement et vous la renvoyer à Mountain View, en Californie. Là, l’ADN de votre salive est lu, et vous recevez les résultats en ligne. Vous obtenez une liste des problèmes de santé qui vous guettent et le bilan de vos prédispositions génétiques a plus de quatre-vingt-dix traits et conditions, de la calvitie à la cécité. « Connais-toi toi-même ? » Cela n’a jamais été plus facile ni meilleur marché. Puisque tout repose sur des statistiques, la taille de la base de données de la société est la clé pour des prédictions exactes Aussi la première société à construire une base de données génétiques géante fournira-t-elle à la clientèle les meilleures prédiction et accapara-t-elle potentiellement le marché. Les sociétés américaines de bio-technologie redoutent de plus en plus que la rigueur des lois sur la vie privée aux États-Unis, alliée au mépris chinois pour l’intimité, n’apporte à la Chine sur un plateau le marché génétique.

Fin de l’humanisme

Les hommes sont menacés de perdre leur valeur économique parce que l’intelligence est découplée de la conscience. 
Jusqu’à aujourd’hui, la grande intelligence est toujours allée de pair avec une conscience développée. Seuls des êtres conscients pouvaient accomplir des tâches qui nécessitaient beaucoup d’intelligence, comme jouer aux échecs, conduire une voiture, diagnostiquer une maladie ou identifier des terroristes. Toutefois, nous mettons au point de nouveaux types d’intelligences non conscientes susceptibles d’accomplir ses tâches bien mieux que les êtres humains. Toutes ces tâches sont en effet fondées sur la reconnaissance de forme, il est possible que, bientôt, des algorithmes non conscients surpassent la conscience humaine en la matière.

Justification de la guerre

L’humanisme évolutionniste soutient que l’expérience de la guerre est précieuse, et même essentielle. Le film « le troisième homme » a pour cadre la ville de Vienne au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Réfléchissant au conflit récent, le personnage Harry Lime observe : « Après tout, ce n’est pas si terrible… En Italie, sous les Borgia, ils ont eu trente années de guerre, de terreur, de meurtre et de bain de sang, mais ils ont produit Michel-Ange, Léonard de Vinci et la Renaissance. En Suisse, ils ont eu l’amour fraternel, cinq siècles de démocratie et de paix, et qu’ont-ils produit ? Le coucou. » Il a tort sur presque tous les points, au début des temps modernes, la Suisse a probablement été la région d’Europe la plus assoiffée de sang et exportait surtout des mercenaires, et le coucou est en fait une invention allemande.

Humour en Israël

De nos jours, il est assez intéressant de le constater, même les fanatiques religieux adoptent ce discours humaniste quand ils veulent influencer l’opinion publique. Chaque année depuis une décennie, par exemple, la communauté israélienne LGBT
 (lesbiennes,gays, et transgenres) organise une Gay Pride dans les rues de Jérusalem : un jour d’harmonie unique dans cette ville déchirée par les conflits, parce que c’est la seule occasion où les juifs religieux, les musulmans et les chrétiens trouvent soudain une cause commune ; tous se déchaînent contre la parade. Ce qui est vraiment intéressant, cependant, c’est l’argument qu’ils invoquent. Ils ne disent pas :  » Ces pêcheurs doivent être privés de parade parce que Dieu interdit l’homosexualité. » Mais, devant tous les micros et caméras de télévision, ils expliquent que « voir une parade gay dans les rues de la ville sainte de Jérusalem blesse notre sensibilité. Les gays nous demandent de respecter leurs sentiments, qu’ils respectent les nôtres. ».

Humour

Alors que les prêtres du Moyen-Âge disposaient d’une hotline avec Dieu et pouvaient distinguer le bien du mal à notre intention, les thérapeutes modernes, nous aident simplement à entrer en contact avec nos sentiments intimes.

Importance du crédit

Les Temps Modernes finir par casser ce cycle du fait de la confiance croissante des gens en l’avenir et au miracle du crédit qui en est résulté. Le crédit est la manifestation économique de la confiance. De nos jours, si je souhaite mettre au point un nouveau médicament, et que je manque d’argent, je peux obtenir un prêt à la banque, ou me
tourner vers des investisseurs privés et des fonds de capitaux à risque. Quand Ébola est apparu en Afrique de l’Ouest à l’été 2014, que croyez-vous qu’il advint des actions des sociétés pharmaceutiques qui travaillait à des médicaments et des vaccins contre ce virus ? Elle s’envolèrent. Les actions de Tekmira augmentèrent de 50 %, salle de BioCryst, de 90 %. Au Moyen-Âge, quand une épidémie se déclarait, les gens tournaient les yeux vers le ciel et priaient Dieu de leur pardonner leurs péchés. Aujourd’hui, quand les gens entendent parler d’une nouvelle épidémie mortel, ils prennent leur téléphone mobile et appellent leur courtier. Sur le marché boursier, même une épidémie est une occasion de faire des affaires.

L’humour

En vérité, aujourd’hui encore, quand ils prêtent serment, les présidents américains posent la main sur une Bible. De même dans bien des pays à travers le monde, dont les États-Unis et le Royaume-Uni, les témoins, à la cour, posent la main sur une Bible en jurant de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Il est paradoxal qu’ils jurent de dire la vérité sur un livre débordant de fictions, de mythes et d’erreurs. 

Une partie des problèmes de l’Afrique

 Sur une table bien astiquée de Berlin, ils déroulèrent une carte à moitié vide de l’Afrique, esquissèrent quelques traits ici ou là, et se partagèrent le continent.
Quand, le moment venu, les Européens s’y aventurent munis de leur carte, ils découvrirent que nombre des frontières tracées à Berlin rendaient mal justice à la réalité géographique, économique et ethnique de l’Afrique. Toutefois, pour éviter de réveiller des tensions, les envahisseurs s’en tinrent à leurs accords, et ces lignes imaginaires devinrent les frontières effectives des colonies européennes. Dans la seconde moitié du XXe siècle, avec la désintégration des empires européens, les colonies accédèrent à l’indépendance. Les nouveaux pays acceptèrent alors des frontières coloniales, redoutant de provoquer sinon une chaîne sans fin de guerres et de conflits. Beaucoup de difficultés que traversent les pays africains actuels viennent de ce que leurs frontières ont peu de sens. Quand les écrits fantaisistes des bureaucratie européenne se heurtèrent à la réalité africaine, ce fut la réalité qui dut céder.

Pourquoi les religieux détestent la théorie de l’évolution

La théorie de la relativité ne met personne en colère parce qu’elle ne contredit aucune de nos croyances chérie. La plupart des gens se fichent pas mal que l’espace et le temps soit absolu ou relatif. Si vous croyez possible de courber l’espace et le temps, eh bien, faites donc ! Allez-y, pliez-les. Je n’en ai cure. En revanche, Darwin nous a privé de notre âme. Si vous comprenez pleinement la théorie de l’évolution, vous comprenez qu’il n’y a pas d’âme. C’est une pensée terrifiante pour les chrétiens et musulmans fervents, mais aussi pour bien des esprits séculiers qui n’adhèrent clairement a aucun dogme religieux, mais n’en veulent pas moins croire que chaque humain possède une essence individuelle éternelle qui reste inchangée tout le long de la vie et peut même survivre intacte à la mort.

Le charme de l’éducation britannique

John Watson, qui faisait autorité en la matière dans les années 1920, conseillait sévèrement aux parents :  » Ne serrez jamais vos enfant dans vos bras, ne les embrassez pas, ne les laissez jamais s’asseoir sur vos genoux. S’il le faut, donnez-leur un baiser sur le front quand ils vous disent bonne nuit. Le matin, serrez leur la main. »

Genre d’anecdote qu’on aime répéter

 Une anecdotes célèbres, probablement apocryphe, rapporte la rencontre en 1923 du prix Nobel de littérature Anatole France et d’Isadora Duncan, la belle et talentueuse danseuse. Discutant du mouvement eugéniste alors en vogue, Duncan observa : « .Imaginez un peu un enfant qui aurait ma beauté et votre intelligence ! ». Et France de répondre : « Oui, mais imaginez un enfant qui ait ma beauté et votre intelligence ! »

La vie, le sacré et la mort

 La Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par les Nations unies au lendemain de la dernières guerre – qui est ce qui ressemble sans doute le plus à une constitution mondiale- déclare catégoriquement que le « droit à la vie » est la valeur la plus fondamentale de l’humanité. Puisque la mort viole clairement ce droit, la mort est un crime contre l’humanité. Nous devons mener contre elle une guerre totale.
Tout au long de l’histoire, les religions et les idéologies n’ont pas sanctifié la vie elle-même, mais autre chose au-delà de l’existence terrestre. Elles ont donc parfaitement toléré la mort. Certaines ont même montré beaucoup d’affection pour la Grande Faucheuse. Pour le christianisme, l’islam et l’hindouisme, le sens de notre existence dépendait de notre destin dans l’au-delà ; pour ces religions, la mort était donc un élément vital et positif du monde.

Traduit de l’allemand et annoté par Élisabeth Guillot.


Les cinq coquillages veulent dire, tout simplement, qu’il faut lire ce livre car il nous en apprend tant sur une période qu’on voudrait à jamais voir bannie et fait réfléchir sur la langue du monde politique qui veut manipuler plus que convaincre. Rosa Montero dans « la folle du logis« en parlait et elle m’a rappelé que je voulais le lire depuis longtemps. À mon tour de venir conseiller cette lecture à toutes celles et tous ceux qui se posent des questions sur le nazisme en particulier sur l’antisémitisme des Allemands. Ce pays hautement civilisé qui en 1933 permit que l’on inscrive à l’entrée de l’université de Dresde où Victor Klemperer enseignait la philologie  :

« Quand le Juif écrit en allemand, il ment. »

Comment cet homme qui se sent tellement plus allemand que juif peut-il comprendre alors, qu’aucun de ses chers confrères n’enlèvent immédiatement cette pancarte ? Cet homme qui a failli laisser sa vie pour sa patrie durant la guerre 14-18 ne peut accepter le terrible malheur qui s’abat sur lui. Pour ne pas devenir fou, il essaie d’analyser en bon philologue la langue de ses bourreaux. Il cachera le mieux qu’il peut ses écrits et leur donnera une forme définitive en 1947. Comment a-t-il survécu ? contrairement à son cousin Otto le chef d’orchestre, il est resté en Allemagne, marié à une non-juive ; il a survécu tout en subissant les lois concernant les Juifs alors qu’il était baptisé depuis de longues années. La veille des bombardements de Dresde, il devait être déporté avec sa femme, les conséquences tragiques du déluge de feu qui s’est abattu sur sa ville lui ont permis de fuir en dissimulant son identité.

Son essai montre de façon très précise comment on peut déformer l’esprit d’un peuple en jouant avec la langue et en créant une pseudo-science . Il semble parfois ergoter sur certains mots qui ne nous parlent plus guère, mais ce ne sont que des détails par rapport à la portée de ce livre. Il est évident que Victor Klemperer réussit à survivre grâce à l’amour de sa femme et le dévouement d’amis dont ils parlent peu. Il est tellement choqué par la trahison des intellectuels de son pays qu’il a tendance à ne rien leur pardonner et être plus attentif aux gens simples, qu’ils jugent plus victimes du régime que bourreaux . Pour ceux qui avaient la possibilité de réfléchir, il démontre avec exactitude qu’ils ont failli à leur mission d’intellectuels. Malheureusement dans un passage dont je cite un court extrait, on voit que sa clairvoyance s’est arrêtée au nazisme et qu’il est lui-même aveuglé par l’idéologie communiste. Le livre se fait poignant lorsque Victor Klemperer se laisse aller à quelques plaintes des traitements qu’il subit quotidiennement. Que ce soit » le bon » qu’il reçoit pour aller chercher un pantalon usagé réservé aux juifs, puisqu’il ne peut plus acheter ni porter des vêtements neufs, ou le geste de violence qui le fait tomber de la plate-forme du bus, seul endroit que des juifs peuvent utiliser dans les transports en commun. Avec, au quotidien, la peur d’enfreindre une des multiples règles concernant les juifs et l’assurance, alors, d’être déporté : avoir un animal domestique, avoir des livres non réservés aux juifs, dire Mendelssohn au lieu du « juif Mendelssohn », sortir à des heures où les juifs n’ont pas le droit d’être dehors, ne pas laisser la place assez rapidement à des aryens, ne pas claironner assez fort « Le juif Klemperer » en arrivant à la Gestapo où de toutes façon il sera battu plus ou moins fortement … un véritable casse-tête qui fait de vous un sous-homme que vous le vouliez ou non.

Lors de la réflexion sur le poids des mots et des slogans en politique, j’ai pensé que nous avions fait confiance à un parti qui s’appelle « En marche », et que ces mots creux ne dévoilaient pas assez, à travers cette appellation, les intentions de ceux qui allaient nous gouverner. En période troublée, les mots comme « République » ou « Démocratie » sont sans doute plus clairs mais engagent-ils davantage ceux qui s’y réfèrent ?

Citations

Pour situer ce livre, on peut lire ceci dans la préface de Sonia Combe

À la fin de la guerre, Victor Klemperer et à double titre un survivant. Tout d’abord, bien entendu, parce qu’il a fait partie de ces quelques milliers de Juifs, restés en Allemagne, qui ont échappé à la déportation. Mais, en second lieu, parce qu’il demeure ce qu’il a toujours été, un Juif irrémédiablement allemand, un rescapé de la « symbiose judéo-allemande », de ce bref moment de l’histoire allemande qui permit la sécularisation de l’esprit juif, l’acculturation des juifs et leur appropriation de l’univers culturel allemand. Quoi qu’il en soit de la réalité de cette symbiose, aujourd’hui le plus souvent perçu comme un mythe ou l’illusion rétrospective d’une relation d’amour entre Juifs et Allemands qui ne fut jamais réciproque, Klemperer est l’héritier spirituel de cette Allemagne fantasmé et désiré – au point qu’elle restera, quoi qu’il arrive et pour toujours, sa seule patrie possible.

La mauvaise foi des scientifiques allemands de l’époque nazie

Le congrès de médecine de Wiesbaden était lamentable ! Ils rendent grâce à Hitler, solennellement et à plusieurs reprises, comme « Au Sauveur de l’Allemagne »-bien que la question raciale ne soit pas tout à fait élucidée, bien que les « étrangers » , August von Wassermann médecin allemand 1866 1925, Paul Ehrlich,médecin allemand 1854 1915 prix Nobel de médecine en 1908 et Neisser aient accompli de grandes choses. Parmi « mes camarades de race » et dans mon entourage le plus proche, il se trouve des gens pour dire que ce double « bien que » est déjà un acte de bravoure et c’est ce qu’il y a de plus lamentable dans tout cela. Non, la chose la plus lamentable entre toutes, c’est que je sois obligé de m’occuper constamment de cette folie qu’est la différence de race entre Aryens et Sémite, que je sois toujours obligé de considérer tout cet épouvantable obscurcissement et asservissement de l’Allemagne du seul point de vue de ce qui est juif. Cela m’apparaît comme une victoire que l’hitlérisme aurait remportée sur moi personnellement. Je ne veux pas la lui concéder.

L’influence Nazie dans les couches populaires.

Frieda savait que ma femme était malade et alitée. Un matin, je trouvais une grosse pomme au beau milieu de ma machine. Je levais les yeux vers le poste de Frieda et elle me fit un signe de tête. Un instant plus tard, elle se tenait à côté de moi : « pour ma petite mère, avec toutes mes amitiés ». Puis d’un air curieux et étonné, elle ajouta :  » Albert dit que votre femme est allemande. Est-elle vraiment allemande ? »
 La joie que m’avait causée la pomme s’envola aussitôt. Dans cette âme candide qui ressentait les choses de manière absolument pas nazie mais, au contraire, très humaine, s’était insinué l’élément fondamental du poison nazi ; elle identifiait  » Allemand » avec le concept magique d’  » Aryen » ; il lui semblait à peine croyable qu’une Allemande fut mariée avec moi, l’étranger, la créature appartenant à une autre branche du règne animal ; elle avait trop souvent entendu et répété des expressions comme « étrangers à l’espèce »,  » de sang allemand », « racialement inférieur », « nordique » et « souillure raciale » : sans doute n’associait-elle à tout cela aucun concept précis, mais son sentiment ne pouvait appréhender que ma femme pût être allemande.

L’auteur se pose cette question :

Mais voilà que le reproche que je m’étais fait pendant des années me revenait à l’esprit, ne surestimais-je pas, parce que cela me touchait personnellement de manière si terrible, le rôle de l’antisémitisme dans le système nazi ?
 Non, car il est à présent tout à fait manifeste qu’il constitue le centre et, à tout point de vue, le moment décisif du nazisme dans son ensemble. L’antisémitisme, c’est le sentiment profond de rancune éprouvés par le petit-bourgeois autrichien déchu qu’était Hitler ; l’antisémitisme, sur le plan politique, c’est la pensée fondamentale de son esprit étroit. L’antisémitisme, du début jusqu’à la fin, le moyen de propagande le plus efficace du Parti, c’est la concrétisation la plus puissante et la plus populaire de la doctrine raciale, oui, pour la masse allemande c’est identique au racisme. effet, que sait la masse allemande des dangers de l » negrification » (Verniggerun) et jusqu’où s’étend sa connaissance personnelle de la prétendue infériorité des peuples de l’Est et du Sud-Est ? Mais un Juif, tout le monde connaît ! Antisémitisme et doctrine raciale sont, pour la masse allemande, synonyme. Et grâce au racisme scientifique ou plutôt pseudo-scientifique, on peut fonder justifier tous les débordements et toutes les prétentions de l’orgueil nationaliste, chaque conquête, chaque tyrannie, chaque extermination de masse.

Originalité de l’antisémitisme nazie

Dans les temps anciens, sans exception, l’hostilité envers les Juifs visait uniquement celui qui était en dehors de la foi et de la société chrétienne ; l’adoption de la confession et des mœurs locales avait un effet compensateur, et (au moins pour la génération suivante) oblitérant. En transposant la différence entre Juif et non-Juifs dans le sang, l’idée de race rend tout compensation impossible, elle rend la séparation éternelle et la légitime comme œuvre de la volonté divine

Aveuglement sur le communisme

Car il est urgent que nous apprenions à connaître le véritable esprit des peuples dont nous avons été isolés pendant si longtemps, au sujet desquels on nous a menti pendant si longtemps. Et l’on ne nous a jamais menti autant que sur le peuple russe… Et rien ne nous conduit au plus près de l’âme d’un peuple que la langue… Et pourtant, il y a  » mettre au pas » et « ingénieur de l’âme » -tournures techniques l’une et l’autre. La métaphore allemande désigne l’esclavage et la métaphore russes, la liberté.

Le cogneur et le cracheur les deux hommes de la Gestapo qui ont tourmenté Klemperer pendant de longues années, ils les opposent aux intellectuels

Le cogneur et le cracheur, c’étaient des brutes primitives (bien qu’ils eussent le grade d’officier), tant qu’on ne peut pas les assommer, il faut supporter ce genre d’homme. Mais ce n’est pas la peine de se casser la tête dessus. Alors qu’un homme qui a fait des études comme cet historien de la littérature ! Et, derrière lui, je vois surgir la foule des hommes de lettres, des poètes, des journalistes, la foule des universitaires. Trahison, où que se porte le regard.
 Il y a Ulitz, qui écrit l’histoire d’un bachelier juif tourmenté et la dédie à son ami Stefan Zweig, et puis au moment de la plus grande détresse juive, voilà qu’il dresse le portrait caricatural d’un usurier juif, afin de prouver son zèle pour la tendance dominante.

 

Une idée de lecture que je dois à Dominique. Je conseille ce livre à tous les amoureux et amoureuses de Paris et de Modiano. J’ai déambulé dans le XVI° en lisant ce court essai et j’ai cru mettre mes pas dans ceux de Béatrice Commengé et de Modiano. Ce n’est pas un guide touristique même si cela permet de visiter Paris d’une façon originale, cette auteure sait surtout nous faire comprendre la vie de Modiano et son impérieux besoin d’écrire. Rien n’était très net dans la vie de ce jeune fils d’un juif au passé trouble et d’une actrice qui laissait souvent son fils en garde dans des lieux insolites. Quand ses parents se sont rencontrés, ils habitaient en face de cet endroit rue Sheffer dans le XVI° :

 

Ils ont connu un semblant de vie familiale au 15 quai Conti, et aussi les rigueurs de pensionnats dans lesquels il n’était pas heureux. Il a eu le malheur de perdre un frère qui semblait plus fait pour le bonheur que lui. Sinon on peut dire que son oeuvre est le reflet d’une ville dont il a connu les beaux quartiers mais aussi les quartiers populaires puisque à l’époque, il en existait encore : sa véritable demeure c’est Paris .

 

Un Paris citadin mais avec des lignes de fuites qui ont complètement disparu vers une zone entre campagne et banlieue. Enserré dans son corset périphérique Paris a perdu ce charme-là et surtout une réelle possibilité de s’agrandir. Il nous reste les livres de Modiano, cet auteur qui s’est approprié ses souvenirs et ceux de ses parents au point où il le dit lui-même

Il n’y a jamais eu pour moi ni présent, ni passé. Tout se confond.

Citations

Le Paris occupé les parents de Modiano

J’avance jusqu’à l’autre bout de la rue sans passer devant la moindre vitrine -je suis donc forcément passer, me dis-je, devant ce restaurant ou un jeune juif de trente ans (fils d’un toscan émigrés à Paris après avoir transité par Salonique, Alexandrie et le Venezuela) et une jeune actrice blonde venu d’Anvers, de six ans sa cadette, apprenaient à faire connaissance dans un Paris occupé par les Allemands, un Paris favorable aux amour précaires, un Paris insolite, où la vie semblait continuer « comme avant », avec les mêmes rengaines à la radio et du monde dans les cinémas.

Traduit de l’anglais par Hélène Claireau j’aimerais savoir pourquoi cette traductrice n’a pas traduit cette expression « afin de rompre les chiens » par « rompre la glace » ? Merci Keisha de m’avoir fait connaître l’expression en français et toutes mes excuses à Hélène Claireau

Ce livre est paru en France pour la première fois en 1947 sous le titre « la tour d’Ezra » et a certainement contribué à faire connaître et aimer Israël et les Kibboutz. Je me souviens bien de l’enthousiasme que soulevait cette vie en communauté chez les jeunes de ma génération. Le récit s’appuie sur l’expérience personnelle de Koestler qui a lui-même participé à la vie d’un Kiboutz . Cette ambiance de jeunes pionniers entourés de l’hostilité des Arabes et des Anglais est très bien rendue. Car c’est un écrivain qui sait raconter et décrire. Nous sommes avec lui sous les ciels étoilés de ce pays qui ne s’appelle pas encore Israël, nous vibrons aux évocations de tous les dangers qui les entourent. Mais cet écrivain est aussi un esprit totalement libre, et il montre bien les points de vue des trois acteurs qui se confrontent ici. Les Juifs qui en 1938 sentent le danger menacer les Juifs du monde entier, et qui veulent accélérer leur venue dans ce petit bout de territoire. Les Arabes qui, même si par intérêt financier, vendent leur terre, ne veulent pas pour autant être dépossédés de leur pays, les moins glorieux des trois, les Anglais profondément antisémites le plus souvent, et qui jouent un jeu dangereux d’alliances qui ne peuvent que tourner à la catastrophe. Ce livre est aussi un précieux rappel des faits historiques, et jamais Koestler n’élude le fait qu’Israël a été créé sur un pays qui était auparavant peuplé d’Arabes. Par ailleurs, les scènes de reconduites dans les bateaux de Juifs ayant échappé aux camp de concentration sont absolument insoutenables, il est si facile alors d’imaginer que lorsque la Shoah sera de notoriété publique rien ne pourra arrêter leur exode vers Israël.

Citations

Mariage typiquement britannique

Mrs. Newton était fille d’un sergent-major de l’armée des Indes. Une analyse serrée des motifs qui avait attiré le timide monsieur Newton vers cette grande, osseuse et virginale femelle eût produit des résultats gênants révélant la haine secrète, continue et fervente qu’avaient inspirée à Monsieur Newton Roonah, son club, l’administration et et l’armée des Indes, et la tournure d’esprit toute spéciale qui lui permit d’imaginer pour la première fois l’anguleuse et chaste fille du sergent-major dans la série d’attitudes absurdes qu’entraîne l’acte procréateur.

 

La langue d’Israël l’hébreu

Tirer l’hébreu de sa sainte pétrification pour en refaire une langue vivante à été un tour de force fantastique. Mais ce miracle implique des sacrifices. Nos enfants se servent d’une langue qui n’a pas évolué depuis le commencement de l’ère chrétienne. Elle ne porte aucun souvenir, presque aucune trace de ce qui est arrivé à l’humanité depuis la destruction du Temple. Imaginez que la langue française ait cessé de se développer depuis la « Chanson de Roland » ! Et encore, est-elle de dix siècles plus près de nous. Nos classiques sont les livres de l’Ancien Testament ; nos poèmes s’arrêtent au Cantique des Cantiques, nos nouvelles à Job. Depuis lors… Un blanc millénaire..
 L’emploi d’un idiome archaïque a évidemment son charme. Voyageant en autobus, nous offrons une cigarette à notre voisin :
-« Monseigneur désir peut-être faire la fumée ?
 – Non, merci. Faire la fumée n’est pas agréable à mes yeux. »

Dialogue impossible entre les arabes et les juifs

Cette colline n’a pas porté de récoltes depuis que nous aïeux l’ont quittée, dit Ruben Vous avez négligé la terre. Vous avez laissé les terrasses tomber en ruines et la pluie a emporté la terre. Nous allons dépierrer la colline et apporter des tracteur et des engrais. – Ce que produit la vallée nous suffit, dit le vieillard. Nous ne devons pas enlever les pierres que Dieu a placées là. Nous vivrons comme ont vécu nos pères et nous ne voulons ni de vos tracteurs ni de vos engrais, et nous ne voulons pas de vos femmes dans la vue nous offense.
 
 
(Et un peu plus loin)
– Qu’est-ce que le vieux cheik t’expliquait avec tant de solennité ?
– Que chaque peuple a le droit de vivre à sa façon, bien ou mal, sans ingérence extérieure. Il a expliqué que l’argent corrompt, que les engrais puent et que les tracteurs font du bruit, toutes choses qu’il déteste.
– Et qu’as-tu répondu ?
– Rien dit Bauman.
– Pourtant, tu as compris sa position ?
Bauman le regarda :
– Nous ne pouvons pas nous permettre de comprendre la position des autres.
Quand vous, madame, me fait l’honneur de m’inviter chez vous, est-ce que je vous demande vos conditions ? Et quand j’ai le privilège de goûter votre hospitalité, est-ce que je demande à être le maître de la maison ? Non, madame, je ne le fais pas. Il en est de même de nos amis hébreu. Ils jouissent de notre hospitalité -ahlan w’sahlan, vous êtes les bienvenus. Nous serons comme des frères. Nous vous recevrons à bras ouverts en qualité d’invités…
Nous sommes dans la même position. Nous ne demandons qu’à aider ces pauvres gens et voyez comme comment il nous remercie ils veulent nous prendre notre maison.
– La barbe avec votre histoire de maison ! Pendant les cinq cents dernières années, elle n’était pas à vous mais aux Turcs.
– la majorité de la population a toujours été arabe, dit Kemal Effendi. Ma famille, par exemple, descend directement de Walid el Shallabi, le général de Mahomet. Nous sommes la plus ancienne famille de Palestine. – Mon père est un Cohen, dit Mrs.Shenkin, Élie Cohen sont les descendants des Kohanim, les prêtres de l’ancien temps.

Un moment vivant

 Joseph déjeuna hérétiquement dans un petit restaurant arabe ou la nourriture était bon marché, sale et épicée, et dont le gros propriétaire lui confia que Hitler, protecteur de l’islam, allez bientôt détruire l’empire britannique, rendre le pays aux Arabes efflanqué les Juifs à la mer – à l’exception de Joseph qui, étant un homme instruit et l’ami du propriétaire, serait épargné et pourrait même trouver un emploi dans son établissement, à condition d’apporter quelques capital.