Édition Acte Sud Babel . Traduit du Japonais par Rose-Marie Makino Fayolle.

Ce n’est pas mon premier roman de cet auteur prolifique, puisque j’avais lu et beaucoup aimé : « La formule préférée du professeur« . Si je me suis lancée dans cette lecture, c’est pour rendre hommage à ma façon à Goran comme l’avait suggéré Eva le lendemain de sa disparition.

C’est un tout autre état d’esprit de lire un livre en pensant à quelqu’un dont j’aimais les articles et qui, en tout cas c’est que je supposais, devait aimer ce livre. De plus ce roman est un récit entre le conte et la réalité vue à travers le regard d’êtres purs et j’ai eu peur d’abimer quelque chose en le critiquant. Donc, même si j’exprime quelques réserves, je finirai avec Goran et retrouverai mon âme d’enfant.

Ce roman raconte la vie d’un enfant orphelin élevé avec son frère par une grand-mère aimante mais écrasée de chagrin d’avoir perdu sa fille. Son mari est menuisier et répare les meubles abimés par le temps. L’enfant est né avec les lèvres soudées, le chirurgien lui ouvrira la bouche d’un coup de scalpel, et prendra sur son mollet la peau nécessaire à la greffe. Toute sa vie il aura comme un duvet sur les lèvres. Cet enfant est captivé par les êtres difformes, que ce soit l’éléphante qu’on avait installée sur le toit d’un grand magasin pour amuser les enfants et qui grossira tellement qu’elle ne pourra jamais en descendre. Ou pour cette petite fille qui a disparu dans l’interstice trop étroit entre sa maison et celle des voisins. Ou encore pour son maître des échecs, ce personnage qui vit dans un bus et qui devient obèse à force de manger des sucreries. L’enfant va vieillir mais refuser de grandir. Avant sa mort son maître, lui apprendra à devenir un excellent joueur en s’inspirant de la vie d’Alekhine . La mort de son ami et maître des échecs est une horreur, trop gros pour sortir de son bus il faudra une grue pour évacuer son corps de plus de deux cents kilos. L’enfant est terrassé par le chagrin, et à partir de ce moment tragique, ne grandira plus. L’autre particularité de cet enfant c’est qu’il ne peut jouer que sous l’échiquier, sa taille et le fait qu’il n’a pas besoin de voir son partenaire va lui permettre de se cacher dans une sorte d’automate qui portera le nom de « Little Alekhine ». Il connaîtra alors un grand succès et les champions des échecs veulent tous affronter cet automate. Mais lui l’enfant qui ne grandit pas, ne voit dans ce jeu qu’une occasion de connaître l’âme humaine et est fasciné par ce que la façon de jouer des hommes révèle de leur être profond. Il ne cherche pas à gagner à tout prix. Il y a un charme certain dans ce roman, on est fasciné par ces êtres purs confrontés à la réalité de la vie, et puis, si on aime les échecs la façon dont sont décrits tous les coups possibles rend ce roman intrigant. La tour qui laboure, le fou qui s’envole, la dame qui est libre, le cheval qui saute par dessus les obstacles, et le pion ce petit personnage sans importance mais qui donne tout son charme à ce jeu.

J’ai quelques réserves sur ce roman, il y a une forme de grâce dans la pureté des êtres à laquelle j’ai du mal à croire, d’ailleurs l’auteur ne cherche pas à les rendre crédibles, tout est symbolique aussi bien les personnages que le jeu d’échecs mais la force du roman c’est d’embarquer le lecteur dans l’univers de Yôko Ogawa et que ce lecteur accepte de ne plus se poser de questions sur la vraisemblance. Hélas, je suis française formée à l’esprit logique et j’ai un peu de mal à faire cela. Si je n’avais pas été soutenue par toute la bienveillance de Goran, j’aurais été encore plus critique. Je me répétais sans cesse : « quel mal y a t’il à retrouver son coeur d’enfant ? N’est ce pas une force que de chercher en chaque être brisé par la vie (l’obésité morbide, la vieillesse) la part d’humanité ? » J’ai donc lu ce roman facilement et agréablement en mettant mon esprit cartésien de côté.

Qu’en pensez-vous ? Merci de m’avoir lu.

 

 

Citations

 

La conception des échecs par le maître.

Ceux qui peuvent suivre le meilleur chemin pour faire échec au roi n’apprécient pas toujours correctement la beauté tracée par ce chemin. À partir du code dissimulé dans le mouvement d’une pièce, la capacité à percevoir le timbre du violon, à discerner l’assortiment de couleur d’un arc-en-ciel, à découvrir la philosophie qu’aucun génie n’a pu mettre en mots est différente de celle qui permet de gagner une partie. Et cet homme l’avait.
 C’était le genre de joueurs qui, tout en perdant allègrement une première partie, découvrait une dimension lumineuse en chaque coup de ses rivaux, et qui même debout dans un coin de la salle des rencontres en était plus que quiconque profondément remuée.
 En plus, l’homme ressentait un bonheur suprême à partager cette lumière avec quelqu’un d’autre. Il ne cherchait pas à vaincre son adversaire, mais à pouvoir s’accorder avec lui en disant : « Qu’en pensez-vous, c’est magnifique n’est-ce pas ? »

Caractère des joueurs d’échecs.

Même les rencontres pour lesquelles on pense avoir eu de la chance ne sont pas dues au hasard tombé du ciel, mais à la propre force du joueur. Sur l’échiquier apparaît tout du caractère de celui qui déplace les pièces, dit le maître d’un ton docte de celui qui lit un serment. Sa philosophie, ses émotions, son éducation, sa morale, son ego, ses désirs, sa mémoire, son avenir, tout. On ne peut rien dissimuler. Les échecs sont un miroir qui donne une idée de ce qu’est l’homme.

 

Édition

Édition de minuit

 

Quel talent cet écrivain et quel pensum de lire un tel roman avec si peu de moyens de supporter la violence. Vers les trois quart du roman je me suis rendu compte que j’en voulais à l’écrivain de décrire avec autant de minutie des faits qui me dégoûtent au plus haut point. Je pense que dans le genre glauque et violent, je préfère les récits rapides qui me permettent de ne pas passer quinze jours avec la peur d’ouvrir encore le roman et savoir que l’on s’enfoncera encore un peu plus dans l’ignominie.

Je ne peux pas avoir un avis objectif sur ce livre, je suis certaine que Laurent Mauvignier écrit de façon remarquable mais pourquoi a-t-il pris ce plaisir à détruire tous les personnages dont il avait patiemment construit la vie pendant la moitié du roman. Il prendra encore autant de temps pour les détruire à petit feu pendant l’autre moitié. Le roman se centre sur une nuit qui au lieu d’être l’anniversaire d’une jeune femme, Marion , maman d’Ida, épouse d’un paysan Patrice et voisine de Christine artiste peintre, sera une nuit de massacre organisé par ceux qui avaient tellement abîmé sa vie d’adolescente : trois frères violents et prêts à tout pour détruire le début d’un bonheur si fragile.

Six cent trente quatre pages pour essayer de comprendre pourquoi quand la vie a mal commencé il est vraiment impossible d’avoir droit au bonheur et pourtant ça a failli réussir. Mais la fatalité , le destin, la malchance, la poisse ce sont vraiment des tentacules d’une pieuvre dont on ne peut se débarrasser qu’en visant la tête, encore faut-il pouvoir l’atteindre !

Un roman qui tient pour son écriture si particulière qui m’a enchantée pendant les trois cents premières pages, et qui n’a pas suffit à me faire supporter la description du drame final.

Citations

Village déserté

Voilà aucun ne resterait, il n’y avait de toute façon rien à foutre à la Bassée, c’est vrai, mais entre d’avoir rien à y foutre et n’en avoir rien à foutre il y avait une nuance que personne ne semblait voir, car personne ne voulait la voir. 

Les lettres anonymes

(Et longueur des phrases j’ai coupé au 2/3 .)

Les lettres anonymes, ils ont beau ironiser, oui, ou jouer la connivence en se disant que c’est malheureusement peut-être une spécialité française, il faudrait voir, toutes les histoires pendant la seconde guerre mondiale, une spécialité campagnarde au même titre que les rillettes et le foie gras dans certaines régions, une détestable tradition, assez pitoyable et heureusement souvent sans conséquence, mais qu’on ne peut pour autant pas prendre à la légère, explique le gendarme comme il l’avait expliqué la dernière fois, avec fatalisme et un peu de lassitude ou de consternation, car, répétait-il, derrière les lettres anonymes il y a presque toujours des aigris et des jaloux, des envieux, qui n’ont rien d’autre à faire que de ressasser leur bile et croit s’en décharger en insultant un ennemi plus ou moins fictif, en l’invectivant, en le menaçant, en crachant sur lui une haine recuite par l’intermédiaire d’une feuille de papier ;

Façon de distiller le suspens procédé un peu répétitif .

Pour l’instant, elle ignore les bruits, n’en n’est pas encore à les surprendre un peu partout autour d’elle, comme elle va le faire dans quelques minutes.
Pour l’instant, elle ne prête aucune attention à ces froissements, ces souffles ou ces pas qu’elle commencera à percevoir seulement quand elle aura fini d’installer sur sa table de cuisine les ingrédients et les ustensiles dont elle va avoir besoin.
Pour l’instant, donc, elle ne fait pas attention aux bruits de l’extérieur, ni au fait que son chien n’est toujours pas revenu auprès d’elle. 

Usine fermée.

Car oui, il arrive qu’on soit soulagé de la fermeture d’une usine, comme celle-ci où on a fabriqué pendant plus de quarante ans des plaques ondulées en fibro-ciment pour les bâtiments agricoles et des raccords de tuyauterie, mais surtout des cancers et, pour ceux qui n’en sont pas morts, des dépressions liées à la peur de l’amiante, de vivre avec cette saloperie en soi.

 

Édition Albin Michel

 

 

Le destin de femmes, en particulier les quatre femmes de la famille Malivieri, Agnès la mère, Sabine l’aînée, Hélène la seconde et Mariette la cadette est décrit avec précision par Véronique Olmi, ce récit est inscrit dans le temps : de 1970 à 1981.

C’est un gros roman de cinq cents pages, l’auteure souhaite donner la même importance à chacune de ces femmes. C’est donc l’émergence de la condition féminine qui va être le principal moteur de cette histoire.

Nous sommes au début, dans la famille Maliviéri, un couple uni dans la foi catholique et qui est presque dans la misère, car le père, Bruno doit payer pour la faillite financière de l’affaire de son père. À cause de ce manque d’argent, la famille doit accepter un chèque mensuel de la famille Tavel, le beau-frère d’Agnès, sa sœur a fait un très beau mariage avec un très riche industriel. La seule contre partie à ce chèque mensuel, c’est de laisser Hélène venir passer toutes ses vacances dans la famille Tavel. C’est humiliant et compliqué à vivre pour la petite fille, car elle aime les deux familles et ne se sent chez elle nulle part. Ses deux pères sont des figures bienveillantes qui vont l’aider à se construire une personnalité toujours un peu ambivalente.

Commençons donc par la mère Agnès, dernière née d’une famille nombreuse, elle n’a pas été soutenue dans son désir d’études et s’est précipitée dans son mariage avec le gentil Bruno, pensant trouver là le moyen de se réaliser. Le début de leur union sera marqué par la perte d’un enfant à la naissance, mais la foi chrétienne et la vie de famille avec trois filles suffiront au bonheur d’Agnès. Et puis les filles partiront vivre leur vie et le silence qui s’installe dans leur petit appartement devient pesant. Elle décide alors de devenir factrice et c’est encore un moment de bonheur dans le monde du travail qui s’installe pour elle . Hélas ! une dernière grossesse désirée par le couple se soldera par un drame (je ne peux pas sans trop en dire sans divulgâcher la fin).

Ensuite vient Sabine, l’aînée des filles qui a une volonté de fer et une énergie peu commune. Elle n’a qu’une envie vivre à Paris et quitter l’atmosphère étriquée de la province. Elle se lancera dans une carrière d’actrice et nous permet de découvrir la galère des débuts dans le monde du spectacle et toutes les luttes qui ont marqué cette époque. Elle a des amours compliqués et un engagement politique à gauche qui lui permettra de fêter avec un grand bonheur la victoire de Mitterrand sur Giscard .

Vient ensuite Hélène, la seule qui soit à l’abri des soucis financiers grâce à l’affection de son oncle David Tavel. Elle épousera la cause animale et se lance dans la lutte pour la survie de toutes les espèces. Ses amours ne sont pas très simples et cela nous permet de découvrir le monde de Neuilly vu du côté des jeunes très favorisés.
Il reste donc Mariette qui a vécu longtemps seule avec ses parents et qui en veut à ses sœurs de ne pas se soucier plus des difficultés de Bruno et Agnes , elle se découvrira une passion pour la musique et un amour pour Joël qui l’aide à comprendre ses parents.
J’ai oublié une autre femme : Laurence une femme aisée et libre qui vit dans une belle bastide et qui sera un point d’appuie important pour Agnès et Mariette.

Bien sûr il y a des hommes mais ils ne sont là que pour accompagner le cheminement de ces femmes. Même Bruno, le gentil Bruno, qui jamais ne s’impose auprès de sa femme ni de ses filles.

C’est un roman qui se lit très facilement et où on retrouve des aspects de la société que l’on a connus. Je trouve très bien raconté, l’arrivée de la sexualité dans la vie des jeunes filles. La peur et l’attirance à la fois. Comme je viens d’un milieu laïc, je suis étrangère à l’engagement religieux des parents, mais laïcs ou catholiques se retrouvent dans la condamnation d’une sexualité féminine libérée. J’ai été un peu lassée par la répétition des modèles féminins. Si elles sont différentes, ces quatre femmes, elles donnent toutes l’impression de sortir d’un cocon et d’ouvrir peu à peu leurs ailes pour affronter le monde. Je n’ai pas réussi à croire complètement aux personnages, et je regrette qu’aucun homme ne prenne une vraie consistante. J’imagine cependant assez bien l’adaptation de ce roman en une mini série télévisée .

 

 

Citations

Bien observé

Autour du cou une étiquette à son nom Hélène Malivieri , mais elle n’avait plus, comme lorsqu’elle était plus jeune, à tenir la main d’hotesse de l’air qui ressemblaient toutes à Françoise Dorléac et s’avançaient au-devant de son père avec un air affranchi et une sensualité piquante.

Le manque d’argent

Le manque d’argent rendait les liens fragiles, comme si tout pouvait disparaître d’un jour à l’autre, et les parents à force de se priver et de faire attention ressemblaient à deux enfants au bord de la route sans jamais arriver à traverser.

Le mariage

Les liens du mariage sont sacrés, avait-il expliqué à ses filles, ils ne peuvent jamais être rompus, le mariage est indissoluble, comme le métal dans l’eau, c’est in-dis-so-lu-ble, ça ne cesse jamais d’exister même après un divorce puisqu’un mariage ne peut pas être annulé, donc le divorce c’est tout simplement impossible. Cela les avait soulagées d’apprendre que jamais leurs parents ne divorceraient, que ce malheur-là ne pourrait pas avoir lieu, mais il y avait avant cet indissolubilité une énergie puissante qui donnait au mariage la force d’une condamnation.

Les castings

Un directeur de casting lui dit qu’il avait quelque chose pour elle, elle pouvait faire un stage et devenir cascadeuse, on manquait de cascadeuse. Un autre lui demanda de rire. Elle rit. De pleurer. Elle pleura. Il frappa dans ses mains, Ris ! Pleure ! Rit ! Pleure !Et quand elle eut fini, il lui dit qu’elle était très ordinaire.

Portrait d’un mari et (père) effacé

Il ne comprenait pas qu’Agnès soit partie en cachette, comme si elle avait été captive, mais peut-être avait-elle besoin de cela aussi, ce sentiment d’évasion, il ne savait pas, il savait peu de chose, à la vérité, il avait la sensation d’être un peu à la traîne et de ne rien voir venir, il demeurait cet homme décalé et qu’on aimait pourtant, il ne savait pas vraiment pourquoi. La mort de la petite fille, Agnès refusait d’en parler et cette mort l’obsédait comme une faute inexcusable, la douleur était physique. Il n’osait dire que l’enfant lui manquait et qu’il lavait aimée, lui aussi, même s’il ne l’avait pas portée. La grossesse, cet état qu’il ne vivrait jamais, était sa défaillance, il était spectateur d’un mystère puissant et menaçant. Il avait l’impression d’avoir toujours vécu avec Agnès et il pensait rarement à sa vie d’avant, son enfance au fil du temps était devenu une zone un peu floue, appartenant à un petit garçon aux cheveux rasés et au sourire rêveur, ainsi que les photos le représentait au milieu de garçons en short et de filles aux nattes brunes, ses frères et soeurs. C’était loin, des années sans tendresse dont il aurait préféré se passer. Agnès n’était pas la deuxième partie de sa vie, elle était toute sa vie, une vie prise à présent entre deux enfants perdus, l’effroyable chagrin sans souvenir.

Création de la ligue de protection des oiseaux

C’était juste avant la Grande Guerre. En 1912. Des safaris était organisée sur les côtes bretonnes par les chemins de fer de l’Ouest, et chaque dimanche des chasseurs débarquaient pour tirer sur les macareux moines venus nicher en France. Le soir ils repartaient et laissaient derrière des oiseaux plombés, des poussins affamés et des oeufs explosés. Un homme, le lieutenant Hémery, a décidé de stopper ce massacre. Il a créé la Ligue pour la Protection des Oiseaux, et la chasse dans les sept îles au large de Perros-Guirec est devenu illégale.

Le symbole de Luocine : le fou de bassan

Depuis 1930, l »île parce qu’elle est protégée attire les fous de Bassan. Ces milliers de points blancs, ce sont eux, en colonie, sur l’île de Rouzic, que l’on surnomme l’île aux oiseaux. Ils l’ont choisie pour sa sécurité mais aussi pour les bonnes conditions de vent du vent, de déplacement et de nourriture tout autour.

 

Édition 10/18 domaine étranger . Traduit de l’anglais par Delphine et Jean-Louis Chevalier

 

Le 23 janvier 2020 je disais à Aifelle que ce livre me tentait beaucoup. Elle me mettait en garde contre l’aspect très noir du roman, elle avait bien raison mais je ne regrette absolument pas cette lecture même si parfois je l’ai trouvée éprouvante.

Ce n’est pas un roman qui se lit facilement parce qu’il décrit une tension que rien ne semble pouvoir apaiser. Mais il permet de découvrir le sort qui était réservé aux émigrés européens qui, après la guerre, ont voulu rejoindre l’Australie pour fuir les horreurs qu’ils venaient de vivre. Comme à toutes les époques d’après conflits, les populations recherchent un ailleurs plus souriant, mais les pays se referment sur eux mêmes et n’accueillent que difficilement de nouveaux arrivants même dans un pays comme l’Australie qui pourtant, est, en principe, une terre d’immigration.

Le roman se construit sur deux époques, l’enfance de Sonja dans les années 1950, et en 1990 son retour alors qu’elle est enceinte vers son père Bojan Buloh, un ouvrier dur à la tâche et qui noie son mal de vivre dans l’alcool. Avant ces dates, il y a aussi le passé dans les montagnes Slovènes où Bojan et sa femme Maria ont connu l’horreur absolue de la guerre contre les nazis menée par des partisans. Ces horreurs ont modelé des êtres qui renferment alors en eux des bulles de fragilités dont ils n’ont eux-mêmes pas idée et qui peuvent éclater à tout moment. Les chasser loin, au delà de leurs souvenirs, ne leur permettra pas de se débarrasser de leur présence dans leur personnalité.

Marie, disparaît dès le premier chapitre. Disparaît c’est vraiment le mot employé et elle laisse derrière elle, une petite fille de 5 ans qui ne comprend pas et un mari complètement effondré qui ne trouvera que dans l’alcool des oublis qui ne durent que le temps de l’ivresse. La vie des émigrés étaient dures, en effet, avant de devenir australien, ils devaient accepter de travailler pendant deux ans là où on avait besoin d’eux. Pour Bojan, ce sera à construire des barrages hydrauliques en Tasmanie. Si la description du climat est réaliste, cela ne donne guère envie d’y faire du tourisme, il y fait froid, le paysage est noyé sous la brume ou la pluie battante. L’enfant est d’abord retiré à son père et fréquentera deux familles d’accueil absolument horribles, puis elle viendra vivre avec lui. Bojan aime son enfant mais est dépassé par son drame personnel, et lorsqu’il a bu frappe sa fille sans raison. Malgré cela Sonja a bien du mal à le quitter, et c’est vers lui qu’elle revient adulte et enceinte.

Ce roman est donc très sombre et parfois trop pour moi, et il est soutenu par une évocation d’une nature sans pitié qui colore le roman d’une tension supplémentaire. Pendant tout le roman on espère comprendre le pourquoi de tant de malheurs, on sent que la vérité va être insupportable et elle l’est effectivement. Je ne m’attendais pas à cette explication que je me garde bien de vous dévoiler. La fin du roman est un petit moment d’espoir autour d’un bébé qui représente un avenir possible. En tout cas, c’est que j’espère, on croise les doigts pour ce bonheur fragile.

 

Citations

 

Réaction de Soja face à la colère de son père complètement ivre

Il n’était pas grand, Sonja Buloh n’était pas grande non plus et ne possédait pas sa faculté de prendre des proportions gigantesques. Elle, c’était précisément l’inverse. Pour échapper à ce courroux, elle avait appris l’art de la petitesse, l’art de rendre son être si menu qu’il devenait invisible sauf à un examen attentif.

La langue et l’immigration

Il s’arrêta, rassembla ses pensées dans sa tête et essaya de les réarranger en un semblant d’anglais correct. « J’aurais dû écrire à toi, euh, des lettres, mais euh, mon anglais, il va au travail, il va au pub, mais il va pas si bien sur le papier. »
« Il y a des choses qui comptent plus que les mots » dit-elle puis elle s’arrêta. Sa remarque avait toutefois frappé son père . Il devint presque volubile, mais sans colère, pour la réfuter. 
« Peut-être tu dis ça parce que tu as plein de mots, dit-il tu as trouvé une langue. Moi j’ai perdu la mienne. J’ai jamais eu assez de mots pour dire aux gens c’que je pense, c’que je ressens. Jamais assez de mots pour un bon boulot. »

Illusions australiennes .

Pour Sonja la ville de Tullah n’était pas nichée dans la haute vallée entourée de tous côtés par les montagnes sauvages, mais avait plutôt un air de catastrophe industrielle disposée en petit tas réguliers qu’on avait laissés s’enfoncer dans le sol marécageux. Tout être, toute chose était provisoire. Sauf la forêt tropicale et le bois bouton qui repousserait une fois terminé cette brève interruption. Ce n’était pas un lieu où les gens naissaient ou souhaitaient mourir, mais un lieu qu’ils aspiraient simplement à quitter. 
La promesse faite aux travailleurs émigrés, l’offre d’une vie meilleure en Australie dans l’Europe dévastée par la guerre, l’insaisissable arc-en-ciel de la prospérité et e de temps plus paisibles, tout cela s’était amenuisé, éloigné, ce n’était plus une chose réelle mais un kaléidoscope, un rêve à moitié fixé dans la mémoire qu’il valait mieux essayer d’oublier.

Les désespérés

À la fin la seule chose qui comptait, c’était qu’il semblait ne pas y avoir d’issue, vraiment rien d’autre que la mort ou l’alcool. Au bout d’un certain temps tout le reste s’évanouissait, et certains étaient assez contents qu’il en soit ainsi et d’autres non, mais dans un cas comme dans l’autre la plupart finissait par décider que mieux valait ne pas songer sans cesse au joug du destin qui pesait si durement sur eux. Au bout d’un certain temps ils perdaient à peu près tout, famille, argent, espoir. Ils conservaient toutefois une certaine camaraderie de chiens perdus qui valait ce qu’elle valait, généralement pas grand-chose, certaines fois énormément.

Le discours que le père n’a pas pu dire à sa fille

Elle partie, il trouva finalement les mots pour exprimer ce qu’il voulait lui dire depuis longtemps. « Toi et moi, dit-il d’une voix basse au débit hésitant, on a vécu, on a vécu pire que des chiens. Je regrette. Je pense pas qu’tu reviendras. Crois-moi, j’ai jamais voulu tout ça, la boisson, les coups, ces gourbis d’émigrés, des fois des choses t’arrivent dans la vie et malgré tout, malgré c’que t’espères, tu peux pas les changer. »
Sa confession terminée, son éloquence l’abandonna aussi rapidement qu’elle était venue. 
Avant d’aller prendre dans le frigo sa première bouteille de la journée, oublieux de l’heure matinale, il dit seulement une chose à la brise qui s’engouffrait du monde extérieur.
 » On est venus en Australie, dis Bojan Buloh, pour être libres ».

 

 

 

Édition Folio . Traduit de l’anglais par Anouk Neuhoff

C’est la dernière fois que je lis cette auteure . Cette lecture a été un véritable pensum, comme souvent dans ces cas là, j’ai parcouru les pages quand je m’ennuyais trop avec Clare qui cherche à rencontrer l’homme de sa vie. Elle fait une pause dans son couple avec Jonathan qui a le défaut d’être trop prévenant, et va à la rencontre de Joshua . Tout cela sous le regard d’une vieille femme très originale qui est le seul personnage qui parfois m’a sortie de mon ennuie. C’est peut-être une mauvais pioche mais déjà je n’avais pas été conquise par « Les Filles de Hallows Farm », mais au moins je pouvais m’intéresser au récit de la guerre et là  ? Des considérations sur les difficultés de trouver l’homme idéal, comme si cela existait, je vais me dépêcher d’oublier ce titre et cette auteure.

 

Citations

Le début humour si british

Mon premier mari, Richard Storm, fut enterré par une torride journée d’août dans les faubourgs de Londres. Après les obsèques, une douzaine d’entre nous, relation et amis, repartir dans un cortège de grosses voitures noires dont les sièges avez été conçus pour obliger les passagers à se tenir droit en gage de respect. Le trajet se déroula dans cette position inconfortable, personne ne soufflant mot.

La fin d’un amour

Mais au début il était gentil et pas trop exigeant. Je crois vraiment que je l’aimais quand je l’ai épousé. Mais ce que je ne comprends pas, c’est comment, un jour, on peut aimer quelqu’un en toute quiétude, et puis, le lendemain, comment des détails qui ne vous dérangeaient pas du tout jusque-là vous rendent carrément dingue. Je me suis mise à détester des choses auxquelles il ne pouvait rien. La forme de sa nuque, sa respiration sifflante le matin à cause de son asthme. Quand j’ai fini par déclarer qu’il fallait qu’un de nous deux s’en aille, il a abandonné la partie sans se battre une seule seconde. J’aurais pu le tuer tant il était raisonnable.

 

 

Édition La table ronde . Traduit de l’Anglais par Christiane Armandet et Anne Bruneau

 

C’est sans doute pendant le mois anglais que j’ai vu le nom de cette auteure, je sais que Keisha et Katel l’apprécient. Si vous ne connaissez pas ce roman, je vous remets le sujet en tête : trois femmes britanniques très différentes sont volontaires pendant la deuxième guerre mondiale pour travailler dans une ferme. En effet, la mobilisation de jeunes hommes anglais privent l’agriculture de bras précieux. Elles sont très différentes et pourtant toutes les trois auront une aventure sexuelle avec le fils du fermier : Joe, réformé pour asthme. Prue, la jeune coiffeuse se lance immédiatement dans la séduction de Joe pourtant fiancé officiellement à Janet qui travaille dans une ville éloignée . Ag ne va utiliser les services de Joe que pour se débarrasser de sa virginité qui l’encombre, avant de pouvoir se lancer dans l’aventure amoureuse avec son collègue professeur à Cambridge Eliel. Stella est passionnément amoureuse d’un bel officier de la marine britannique Philip qu’elle n’a rencontré que trois fois. Lorsque son rêve rencontrera la réalité elle sera déçue et vers qui ses regards se tourneront ? et oui Joe, et ils finiront par s’aimer.

J’avoue ne pas avoir été enthousiaste par ce roman qui se centre trop les amours des uns et des autres, mais il est sauvé par la toile de fond : la guerre 39/45 sur le sol anglais.

 

Citations

Genre de remarques qui me fait aimer les romans anglais

Des années auparavant, sans s’extraire de sa somnolence, elle lui aurait réclamer un baiser. Il se serait exécuté et en aurait été remercié d’un sourire en sommeiller. À proprement parler, et tu dis tu n’avais pas souri depuis des années. Pas de bonheur. La seule chose qui faisait briller ses yeux, c’était le triomphe. Triompher de ses voisins, ses clients. Triompher de n’importe qui, et de Ratty lui-même. Il se demandait ce qui avait si vite transformer une jeune fille insouciante en une vieille femme revêche. Rien que Ratty pût clairement identifié, il faisait ce qu’il pouvait pour la satisfaire. Mais il avait appris que le mariage était une drôle d’affaire. À l’époque -jeune homme tout fou- il ne savait pas dans quoi il se lancer. Et il n’avait jamais envisagé d’abandonner sa stérile embarcation. Il avait fait des promesses au Seigneur et il ne Les romprait pas.

Deux conceptions de l’amour

Je suis si désespérément romantique que la seule idée de l’amour me suffit presque, bien que je sache, au fond de mon cœur, que l’essentiel n’est que chimère et que je serai déçue. Je le suis presque toujours. Et cette fois avec Philippe, je crois que c’est différent. 
-Je croiserai les doigts, dit Prue. Moi je ne marche pas dans tout ces romans fleur bleue. Surtout pas quand il y a une guerre, pas de temps à perdre,. Se déshabiller aussi vite que possible, voilà ma devise, avant que ces pauvres diables ne soient tués. Un peu de plaisir rapide, puis au suivant. À la fin de la guerre, quand nous serons tous un peu plus vieux et plus sage, il sera temps de chercher un mari. C’est là qu’un millionnaire sans méfiance sera le bienvenu. En attendant, je prends mon plaisir là où je le trouve.

Édition Acte Sud Babel . Traduit de l’arabe (Égypte) par Gilles Gauthier.

Quel livre ! Et quel écrivain ! Bien sûr depuis « L’immeuble Yacoubian » on savait que Alaa El Aswany était un écrivain indispensable à notre compréhension de l’Égypte, mais il va plus loin dans ce roman et il nous montre comment l’islam et la violence des forces de l’armée corrompue font bon ménage, et ont fait couler une chappe de plomb brûlante sur la si grande envie de changement de la jeunesse égyptienne en 2011.
L’auteur suit la destinée des composantes de la société égyptienne, elles ont en commun les manifestations de la place Tahrir. Il peut s’agir de jeunes qui croient et qui participent à ce qu’ils pensent être une révolution. Ou des cadres du régime qui vont mettre en place une répression aveugle et sans pitié. Répression bénie par un Cheick qui sous couvert du Coran bénéficie des largesses financières du régime et qui est prêt à adapter les sourates du Coran pour justifier les conduites les plus barbares des militaires.
On suit, par exemple, Khaled un jeune méritant, originaire d’un milieu très simple et qui réussi brillamment ses études de médecine. C’est lui ou plus exactement son père qui terminera ce roman. Je pense qu’hélas la fin est romanesque alors que la lectrice que je suis, aurait tant voulu que dans la vraie vie, tous les les pères des jeunes tués à bout portant sur la place Tahir, réussissent leur vengeance.
Khaled est amoureux de Dania fille du général Alouani qui est le principal acteur de la répression. Sa femme se pique de religion donc nous suivons l’hypocrisie du Cheick Chamel, c’est peut être le personnage le plus horrible car voir la religion bénir toutes ces horreurs c’est, comme toujours, insupportable. Mais à la première place de l’horreur, il y a aussi une femme qui tient les média et achète des témoignages pour pourrir la réputation des jeunes de la place Tarhir. Dans ce roman choral, on suit aussi Mazen et Asma, qui paieront très cher leur enthousiasme pour les manifestations. Asma sera sauvée de la première répression grâce à un ancien aristocratique chrétien Achraf qui sortira de sa dépression grâce à l’amour d’une femme et grâce aux jeunes révolutionnaires qu’il va aider de toutes ses forces. Asma partira en exil après avoir été torturée par des militaires et subi ce qu’on appelle « un test de virginité » qui n’est ni plus ni moins qu’un viol : mise entièrement nue devant des soldats hilares, les jeune filles sont pénétrées par des hommes pour vérifier qu’elles sont bien vierges sinon elles ont considérées comme des putains !
À travers ce roman, c’est toute la société égyptienne que nous voyons traverser ces événements. La difficulté des rapports amoureux, la reproduction des rapports sociaux, la corruption à tous les niveaux, l’horreur de la répression et l’hypocrisie de la religion. Et si l’on retrouve parfois l’humour de l’auteur, c’est un humour triste et parfois tragique.
Un roman éprouvant certes, mais que l’on doit lire, c’est le moins que l’on puise faire pour soutenir le combat de cet écrivain et sauvegarder la liberté dans notre pays . En effet, ce livre est interdit en Egypte et dans de nombreux pays arabes. Ce roman n’aide pas à prendre confiance dans la nature humaine.

Citations

Les relations sexuelles du général avec son épouse

Son corps c’est tellement avachi et rempli de graisse qu’elle pèse plus de cent vingt kilos. Elle a un ventre énorme en forme de demi-cercle, protubérant au niveau du nombril et se rétrécissant vers le bas, sur lequel pendent deux seins fatigués. Ce ventre unique en son genre, presque masculin, serait capable d’annihiler définitivement le désir sexuel du général Alouani sans les films pornographiques auxquels il a recours pour exciter son imagination. Son Excellence a dit une fois à ses amis :
– Si tu te trouves obligé de manger pendant trente ans le même plat, tu ne peux pas le supporter sans lui ajouter quelques épices.

L’intégrité du général chef de la sûreté .

Nous devons reconnaître que le général Alouani n’a jamais profité de sa situation pour obtenir un quelconque privilège pour lui-même ou pour la famille… Par exemple si Hadja Tahani l’informe que sa société tente d’obtenir un terrain dans un gouvernorat, le général Alouani s’empresse de téléphoner au gouverneur :
– Monsieur le Gouverneur. Je voudrais vous demander un service. 
Le gouverneur lui répond immédiatement :
– À vos ordres Monsieur. 
À ce moment-là, le général déclare d’un ton résolu :
– La société Zemeem vous a présenté une demande d’attribution d’un terrain. Cette société appartient à mon beau-frère. Hadj Nasser Talima. Le service que vous pouvez me rendre, Monsieur le Gouverneur, c’est de traiter à Nasser comme tous les autres entrepreneurs. S’il vous plaît, appliquez la loi sans faire de faveur.
 Après un silence, le gouverneur lui répond alors :
-Votre Excellence nous donne des leçons d’impartialité et de désintéressement.
Ce sur quoi le général l’interrompt en lui disant :
– Qu’à Dieu ne plaise. Je suis égyptien et j’aime mon pays. Je suis musulman et je n’accepte rien de contraire à la religion.
 Après cela, lorsque le terrain était concéder à la société Zemzem, le général Alouani ne ressentait aucun embarras. Il s’était adressé au responsable pour lui demander de ne pas lui accorder de faveur. Que pouvait-il faire de plus ?

Le cheick Chamel , humour grinçant de l’auteur.

 

 

Comme nous l’ordonne le Coran, le cheick Chamel parle constamment des bienfaits que Dieu a répandus sur lui, il possède trois luxueuses voitures noires ainsi qu’une voiture de sport qu’il conduit lui-même lors de ces promenades familiales. Ce sont toutes des Mercedes, qu’il préfère aux autres marques pour leur solidité et leur élégance, et également parce que le directeur de la société Mercedes en Égypte, qui fait partie de ces disciples, lui accorde toujours des prix spéciaux. Parmi les bienfaits que Dieu accorde aux cheick Chamel, il y a celui d’habiter une grande villa au Six-Octobre. Chacune de ses trois épousent y occupe un étage avec ses enfants tandis que le cheick réserve le quatrième étage pour la dernière épouse toujours vierge dont il jouit licitement avant de lui donner congé de la meilleure façon, en respectant tous les droits que lui accorde la loi de Dieu en matière d’arriéré de dot, de pension alimentaire, etc. On raconte que le cheick Chamel a déchiré -dans le respect de la loi divine- l’hymen de vingt-trois jeunes filles. Il n’y a là ni faute ni péché car cela ne contredit pas la loi de Dieu. Le cheick dit toujours aux hommes qui sont ses disciples :
– Mes frères, si vos moyens financiers et votre santé vous le permettent, je vous conseille d’avoir plusieurs épouses pour vous mettre à l’abri du péché et pour mettre à l’abri les jeunes filles musulmanes.

Interprétation des manifestations de la place Tahir par le religieux.

Excellence, que dites-vous aux manifestants ?
 Le visage plein de colère, le cheikh Chamel répondit :
– Je leur dis que ceci est un complot maçonnique organisé par les Juifs pour détourner les musulmans de leur religion. Je dis à mes enfants qui sont sur la place Tahir : vous êtes laissé fourvoyer par les fils de Sion. Demandez pardon à Dieu et repousser une sédition qui risque de plonger notre pays dans un bain de sang. Vous, les jeunes retournez chez vous. Ce n’est pas cela, La voie du changement. Vous détruisez l’Égypte de vos propres mains. Revenez à Dieu, revenez à Dieu.

L’amertume d’une participante à la révolution

Les Égyptiens se sont laissé influencer par les médias parce qu’ils en avaient envie. La plus grande partie des Égyptiens est satisfaite de la répression. Ils acceptent la corruption et y participent . S’il y en a qui ont détesté la révolution depuis le début, c’est parce qu’elle les mettait dans l’embarras. Ils ont commencé par détesté la révolution et ensuite les leur ont donné des raisons de la détester. Les Égyptiens vivent dans une république « comme si ». Ils vivent au milieu d’un ensemble de mensonges qui tiennent lieu de réalité ils pratiquent la religion de façon rituelle et semblent pieux alors qu’en vérité ils sont complètement corrompus.

Conception de l’information en Égypte d’après l’armée.

Notre peuple est ignorant et ses idées sont arriérées. La plupart des Égyptiens ne savent pas penser par eux-mêmes. Notre peuple est comme un enfant : si nous le laissons choisir par lui-même , il se fera mal . Le rôle de l’information en Égypte est différent de ce qu’il est dans les pays développés. Votre mission , en tant que professionnels des médias, est de penser à la place du peuple. Votre mission est de fabriquer les cerveau des Égyptiens et de former leurs idées . Après une période de mise en condition efficace , les gens considèrerons que ce que disent les médias est vrai .

J’avais suivi les recommandations de la blogueuse de « Lire au lit » qui avec un grand enthousiasme a défendu ce roman. À la lecture de son billet , j’avais déjà quelque réticences car le sujet était pour moi très risqué de faire ce que j’appelle de « l’entre-soi » . Tout est convenu dans ce roman, il a été fabriqué pour des universitaires qui passent leur temps à décortiquer la création littéraire. Cela veut être drôle mais c’est un rire convenu entre gens qui savent de quoi et comment rire.
J’explique le sujet, un écrivain a obtenu une place à la Villa Médicis, il va y rester un an et écrira un roman dans ce lieu historique. Ce séjour est réservé à de jeunes artistes (architectes, sculpteur, peintre, photographe, musicien, écrivain …) qui sont reçus dans ce palais qui appartient à la France pour favoriser la création de leur œuvre. Ils sont donc logés et nourris, reçoivent une bourse et n’ont qu’une obligation morale de créer quelque chose. C’est l’occasion pour le narrateur de se moquer des artistes qui cherchent plus à choquer qu’à créer, mais on sait tout cela maintenant et le musicien qui veut faire la musique sans son et la peintre qui ne veut utiliser que le sang de ses règles pour recouvrir des fresques du XVI° siècle ne m’ont pas amusée du tout. Il reste le roman en cours de fabrication de l’écrivain, puisque celui-ci a décidé que publier sa correspondance d’une année à la villa Médicis constituerait son roman, se met alors en place une gymnastique intellectuelle qui se joue des noms propres et des spécialités littéraires de chacun, des clins d’œil à la culture des gens comme il faut, pour arriver à la mort de Louise « la Demoiselle à coeur ouvert ». J’ai en vain cherché l’humour et la légereté que promettait « lire au lit », bref une énorme déception !

Citations

 

Expression à la mode.

Son expression, c’est « laisse tomber » (« Les kumquatiers ? laisse tomber, j’adore »).

Prétention intellectuelle .

Dans la basilique Santa Maria del Popolo, Raphaëlle m’a expliqué que Caravage était un peintre machiste, violent, et au fond, extrêmement conventionnel, et que d’ailleurs sa peinture n’avait pas de grain, regarde-moi ça, a-t-elle ajouté en jetant sa main vers « La conversation de Saint-Paul ». Une italienne, qui avait surpris notre conversation, nous a fait remarquer que le tableau était remplacé par une affiche de la même taille, et Raphaëlle a répondu froidement : « Le fait qu’on ne puisse même pas distinguer un tableau de Caravage d’une affiche prouve que sa peinture n’a pas de grain. »

La Peintre .

Depuis le début de l’année, elle récupère le sang de ses règles et le conserve dans de petites bouteilles disposées sur le bord de sa fenêtre. J’ai raté le début de la soirée, où apparemment elle s’est aspergée les cheveux de sang, quand je l’ai vue elle avait simplement les cheveux collés. Elle a utilisé une partie de son sang pour couvrir les murs de signes censés constituer un équivalent visuel et olfactif au bruit de son corps. Le malaise que cette peinture doit provoquer chez le visiteur est comparable à « la douleur que ressentent la majorité des femmes au moment des règles. »

Le compositeur de musique.

Il m’a expliqué que cette pièce était fondée sur le sans, sans instrument, sans voix, sans musique. Juste les bruits de la ville derrière ceux de la nature.

 

 

Ce livre reçu en cadeau, m’a vraiment intéressée. Je n’en fais pas un coup de cœur pour des raisons qui lui sont reprochées par son éditeur à l’intérieur (en effet c’est un roman qui raconte entre autre la création d’un roman qui s’appelle « l’Anomalie »), son éditeur lui reproche le trop grand nombre de personnages, et je suis d’accord on se perd un peu et il faut vraiment s’accrocher pour suivre tous ces destins . Il est temps que je vous raconte un peu l’histoire sans pour autant divulgâcher le suspens . (Tâche au combien délicate, surtout pour moi qui adore commencer les romans par la fin … ) Tous les personnages ont un point commun : ils ont pris un vol Paris- à New-York et ont été victimes de turbulences absolument catastrophiques et tous ont cru en leur mort prochaine. Mais ils ont finalement bien atterri. Surtout ne cherchez pas, comme je l’ai fait, un lien entre tous ses gens, il n’y en pas. On commence donc par connaître la vie d’un tueur, puis celle du de l’écrivain Victor Miesel qui écrit le roman « l’anomalie » et ainsi de suite avec sept autres personnages. Et puis … le même avion revient sur terre quelques mois plus tard … avec les mêmes personnes à bord. C’est là que le roman devient passionnant même si c’est un sujet très traité, il l’est ici de façon originale : comment l’humanité réagirait à un phénomène qui dépasse notre raison. Les débats entre les scientifiques, les philosophes, les religieux sont très bien menés et le lecteur se demande alors ce qu’il aurait pensé et comment il aurait agi s’il avait eu un quelconque pouvoir. L’auteur pour rendre le questionnement plus vivant imagine que c’est un phénomène qui s’est déjà produit en Chine. Evidemment les Chinois ne se sont pas embarrassés de considérations humanitaires, ils ont fait disparaître le deuxième avion et tous ceux qui étaient dans cet avion. Aux États-Unis, on a plus de scrupules et commence alors une autre partie du roman : la confrontation de ces revenants avec eux-mêmes . Je ne peux pas vous raconter la suite sinon vous ne viendrez plus sur Luocine .

J’ai toujours un peu de mal avec le genre science-fiction mais j’apprécie aussi que l’on me confronte à des interrogations qui me font sortir de mes pensées ordinaires. Hervé Le Tellier croque assez bien les défauts de notre époque. Mais il reste que ce roman avec tous ces personnages m’a un peu perdue en route.

J’ai lu et bien aimé de cet auteur Toutes les familles heureuses, un peu moins Assez parlé d’amour

 

Citations

Une rupture

Peu à peu, face à l’exaltation d’André, à ces bras qui veulent l’enserrer , à ces baisers qui lui infligent à tout instant devant ces amis à qui il veut absolument la présenter, comme le butin d’une bataille qu’il aurait gagné, elle recule. Pourquoi les chats qui attrapent les souris refusent-il de les laisser vivre ? Elle n’était pas disposée à un tel envahissement, elle aurait voulu moins d’impératif, un engagement plus lent et plus serein. L’avidité de ses mains d’homme l’effraie, leur convoitise oppressante interdit à son propre désir de naître.

Patriotisme

À Guantanamo, on avait bien balancé des tranches de jambon dans les cages. Des ordures seront toujours trouvé refuge dans le patriotisme.

Le racisme aux USA

Elle discerne dans le rictus de Prior cet indicible du Sud qu’il porte sur lui, ces signes et ces nuances symboliques qui imprègnent toutes les relations raciale, elle reconnaît cette posture spontanée qui autorise une riche dame blanche aux cheveux bien mis à offrir à son chauffeur noir le plus radieux des sourires, un sourire d’affection écrasant où se déchiffre son impérieuse certitude de l’infériorité naturelle de ce petit- fils d’esclave, ce sourire empoisonné qui n’a pas bougé d’un pouce depuis « Autant en emporte le vent » et que toute son enfance Joanna a vu se dessiner sur le visage poudré des clientes blanches de sa mère couturière.

L’âge entre amants

La différence d’âge rendait tout invraisemblables. Jeanne, sa fille, aura bientôt l’âge de Lucie. Voici peu, il a demandé à une femme, pour rire. Voulez-vous être ma veuve ? La veuve putative n’avait pas ri. Et pourquoi ses compagnes sont-elles désormais si jeunes ? Ses amis vieillissent avec lui, mais pas les femmes qu’il aime. Il fuit, il a peur. Il peut dîner avec la mort à venir, mais ne parvient pas à coucher avec.

 

Édition Folio

 

J’ai certainement suivi l’avis d’un blog pour acheter ce roman, qui n’est vraiment pas pour moi. C’est un très joli texte, écrit de façon poétique. Mais je ne suis absolument pas rentrée dans cette histoire ni dans l’écriture. Ce livre raconte à la fois une histoire d’amour très puissante pour un homme des bois dans une région qui ressemble à la Sibérie. Mais c’est aussi l’histoire des violences dues à la guerre et à l’intolérance des hommes pour des gens différents. C’est aussi l’évocation d’une contrée si rude que l’on peut mourir de ne pas se protéger du froid ou de la force des éléments. Je crois qu’en « livre lu » par une belle voix ce livre aurait pu me toucher mais je ne devais pas, ce jour là, être d’humeur à me laisser portée par les esprits , les guérisseurs, les animaux sauvages qui peuvent avoir des relations avec les hommes. Non, ce jour là, je n’étais pas réceptive à ce roman qui a pourtant de belles qualités.

 

Citations

Pour vous donner une idée du style de l’auteure :

Chez les Illiakov, on se contentait de ce qu’en avait toujours dit la grand-mère, « Ajoute une herbe sèche dans le désert et ce n’est plus le désert ». La mère avait repris ses gestes et ses paroles. Elle les avait à son tour transmis à Olga. La décoction avait un goût de terre. L’haleine d’humus rappelait que sous l’écorce de glace, la glèbe sommeillait, prête à réapparaître. Matin après matin, ce goût nous accompagnait un peu plus loin dans la fonte des neiges. Combien de fois l’hiver l’emportait-il sur le courage ? Combien de fois nous ôtait-il la force de nous lever ? Les ancêtres avaient trouvé des ruses. Déjoué la tentation de l’abandon. « Ajoute une herbe sèche dans le désert et ce n’est plus le désert. »

Les esprits

Immobile auprès d’Igor, je souris dans le vague. Je sais que ma bouche est traversée par une trace grise. On ne revient jamais indemne du Grand-Passage. Il faut bien payer un tribut aux esprits. Je n’en connais pas la nature. Je sens seulement, après chaque rituel, que mon corps pèse si lourd qu’il pourrait s’enfoncer dans la terre. Mes mains pendent au bout de mes bras, plus lourdes que des outres pleines. On dirait que du plomb a coulé dans ma tête. Je souris car j’ai accompli mon devoir mais il me semble aussi que dans ma chaire devenue viande on m’a ôté un peu de vie. Alors Igor pose sa main sur ma tête, ainsi que Baba le faisait, et la régularité de son pouls, l’enserre de ses doigts m’allège de cette pesanteur. Je sors de ma torpeur comme on recouvre progressivement la vue après avoir regardé trop longtemps le soleil en face.