SONY DSC

La vie doit être elle-même à soi, sa visée, son destin

Traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat.

5
Une fois encore, j’ai suivi l’avis de Dominique, et pendant une quinzaine de jours, je me suis laissé guider, grâce à ce livre, dans la vie, dans l’œuvre de Montaigne et sa postérité en France et à l’étranger (surtout en Angleterre). Auteur merveilleux, mais dont la lecture n’est pas si simple, d’abord, il faut trouver une version traduite en français moderne car, hélas pour moi, le français du XVIe siècle est trop difficile à comprendre. Je perds, je le sais bien, un des charmes de la langue de Montaigne, qui mêle souvent au français des expressions périgourdines quand il les trouve plus savoureuses . Ce livre permet une approche simple mais aussi variée et riche des « Essais » en répondant de vingt façons différentes à la question : « Comment vivre ? » la première réponse : « Ne pas s’inquiéter de la mort » permet à Sarah Bakewell de rappeler comment Montaigne se mit à rédiger « Les Essais » après un accident de cheval , il crut, alors, mourir sans vraiment en souffrir , avec la dernière réponse « Laisser la vie parler d’elle même » , nous quitteront un Montaigne que nous avons l’impression de beaucoup mieux connaître, mais aussi un XVIe siècle plein de fureurs religieuses.

Comme tous les admirateurs de Montaigne, je me suis fait mon jardin personnel à partir des « Essais ». J’ai toujours aimé ce qu’il a écrit à propos de l’éducation des enfants : il faut savoir séduire et tenter plutôt que de les « dresser » et les accabler par un savoir qui ne les tente pas ou qui les ennuie, leur donner envie de découvrir par eux-mêmes les joies de la science et de la littérature. J’ai toujours aimé, également ses propos sur le voyage qui forme la jeunesse…. Sarah Bakewell nous en dit beaucoup plus sur ce sujet : comment Montaigne fuyait les lieux touristiques pour essayer de connaître la population du lieu visité, combien il savait s’étonner de tout sans jamais juger supérieures ou non ses propres habitudes, combien il s’agaçait des Français heureux de rencontrer d’autres français dans des contrées lointaines. On a l’impression de lire une charge contre le tourisme contemporain. Je me souvenais aussi de son intérêt pour les populations d’Amérique mais j’ai ,encore une fois, été étonnée par l’aspect très moderne de sa pensée à propos des autres civilisations , il a toujours su déplacer son regard pour appliquer sa philosophie qui lui permettait de douter de tout, et surtout de lui-même.

Ce qui, cette fois, a retenu toute mon attention , c’est sa façon de rester humain , alors que son siècle se déchire en factions religieuses et fanatiques. Dans la France d’aujourd’hui, où se moquer de Mahomet équivaut à une condamnation à mort, il est urgent de lire et relire Montaigne. Stefan Zweig qui, dans sa jeunesse avait trouvé Montaigne vieillot et un peu mou, trouvant ses idées sur la tolérance dépassées car, dans l’Europe de 1930, personne ne pouvait imaginer les fureurs du nazisme, retrouve « Les Essais » lors d’un exil douloureux au Brésil, il comprend, alors, la pensée et la modernité de cet humaniste du XVIe siècle, il en fait son livre de chevet. Comme lui, face à Daesh et aux crimes perpétués au nom de l’Islam, nous pourrons dire à la lecture des « Essais » :

Citations

la peur de la mort

 Les lectures de son enfance

Les Métamorphoses d’Ovide fut de ces textes inappropriés que Montaigne découvrit par lui – même à l’âge de sept ou huit ans. Cette ébouriffante corne d’abondance d’histoires de transformation miraculeuses parmi les dieux antiques et les hommes était, pour la Renaissance, ce qui ressemblait le plus à un recueil de contes de fées. C’était le genre de choses qu’un écolier imaginatif du XVIe siècle pouvait lire en ouvrant de grands yeux, les articulations des doigts blanchies à force de serrer les couvertures

Phrase qui pourrait être mise en exergue de nombreux blogs

Sa façon de parler de lui-même

Les gens qui ont une bonne mémoire ont l’esprit encombré, or son cerveau était si heureusement vide que rien ne pouvait se mettre en travers du sens commun

La sexualité

Montaigne aimait le sexe, et s’y livra d’abondance tout au long de sa vie… »En vérité ,le plaisir que je fais chatouille plus doucement mon imagination, que celui qu’on me fait »

La philosophie de Montaigne

 Explication de la saint Barthélémy et de bien d’autres fureurs religieuses

Si les guerres s’alimentèrent la ferveur religieuse, les souffrances qu’elles produisirent nourrirent à leur tour l’imaginaire apocalyptique. Catholiques et protestants se dirent que les événements approchaient d’un point de vue duquel il ne pouvait plus y avoir d’histoire normale, car il ne restait en tout et pour tout que l’affrontement final de Dieu et du Diable. C’est bien pourquoi les catholiques célébrèrent si joyeusement les massacres de la Saint – Barthélémy, y voyant une authentique victoire sur le mal et une façon de ramener une multitude d’égarés à la vraie Église avant qu’il ne fût trop tard pour sauver leur âme.

Lutte contre le terrorisme

L’histoire l’a maintes fois suggéré : rien ne détruit plus efficacement les protections juridiques traditionnelles que l’allégation qu’un crime est singulièrement dangereux et que les hommes qui se cachent derrière ont des pouvoirs exceptionnels.

On en parle

Un peu brièvement chez Keisha qui a aussi beaucoup aimé.

SONY DSC

Traduit (et très bien traduit) de l’américain par Pierre FURLAN.
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

5
Je n’aime pas les nouvelles, voilà qui est dit ! Alors pourquoi ces cinq coquillages ? Parce que cet auteur que je ne connaissais pas, est tout simplement extraordinaire, les moins de 40 ans diraient « génial ». Je déteste passer d’une histoire à une autre, surtout quand j’étais bien dans un univers, j’ai besoin de reprendre ma respiration. Je ne lis pas deux romans à la suite, j’ai besoin au moins d’une nuit pour changer d’univers, pour les nouvelles c’est pareil. Abandonner deux amies, l’une mariée à un Frank qui ne fait pas le poids face aux charmes qu’offre la liberté d’un récent veuvage de l’autre , pour aller vers un barmaid qui est le champion des cocktails, c’est pénible. Malgré toutes les qualités de l’écrivain cela reste un problème pour moi, mais j’ai adoré ses nouvelles . Un peu comme Carver ou comme Hooper, Russel Banks peint un pays dans toute sa variété quotidienne, les gens qui s’ennuient en couple ou seuls, ceux qui auraient aimé tromper leur femmes, et ceux qui le font. Les récits n’ont pas forcément de chute, parfois rien de grave ne s’y passe, parfois si.

Les portraits sont criants de vérité, cet écrivain sait capter l’attention du lecteur en quelques phrases, c’est très important pour des nouvelles surtout au début, car sinon on reste dans l’atmosphère du récit précédent un peu trop longtemps. On vit au rythme des retraités qui préfèrent le soleil de Miami aux froidures du nord. On appelle ces gens « les oiseaux des neiges », et une des nouvelles porte ce titre, c’est une de mes préférées. La scène de l’urne funéraire est très réussie. Je note d’ailleurs que les urnes funéraires sont de bons sujets littéraires. J’ai été très émue par cet ancien marine, qui est resté digne toute sa vie, mais qui ruiné, a trouvé une mauvaise solution pour que ses enfants n’en sache rien, et par cette femme noire qui essaie de réaliser le rêve de sa vie : acheter une voiture d’occasion et se retrouve coincée derrière les grilles du garage gardé un chien féroce. Toutes ces nouvelles pourraient être le script d’un film, tant les personnages sont vivants.

On n’est pas dans l’Amérique des perdants,même si une nouvelle parle de la drogue, la violence affleure sans être omniprésente, mais ce n’est pas non plus l’image des gens qui réussissent , ou alors c’est juste le moment d’avant ou d’après. Les gens ne sont souvent pas exactement ce qu’ils semblaient être. Une des nouvelles, la plus courte, montre combien on se raconte parfois des histoires sur une personne rencontrée par hasard. A partir d’une simple liste de courses, l’homme croit comprendre la détresse d’une femme qui finalement le taxera de vingt dollars pour se payer sa dose de drogue. J’ai beaucoup aimé cette nouvelle où il se passe si peu de choses.

Si je ne suis pas réconciliée avec le genre littéraire (les nouvelles) je sais, en revanche, que je viens de découvrir un écrivain de grand talent.

Citations

Les maisons de retraite

On en parle

Chez Clara.

SONY DSC

Traduit de l’anglais (Australie) par Anne Wicke.
Coup de cœur au club de lecture de la médiathèque de Dinard.

3
S’il a reçu son « coup de cœur » à notre club, c’est grâce au plaisir évident qu’une des lectrices a su exprimer lors de notre rencontre. Elle a aimé les descriptions de la mer, la solitude de la vie du gardien de phare, et l’analyse du sentiment maternel. Tout cela est dans ce livre et plus encore : on y trouve aussi, les conséquences de la guerre 14/18 en Australie, ne serait-ce que pour cela , le roman mérite d’être lu.

J’ai quelques réserves sur l’aspect romanesque, d’ailleurs notre lectrice du club a souligné les quelques invraisemblances sans lesquelles, comme elle nous l’a dit, il n’y aurait pas de roman. Alors peu importe que lors d’une dérive en mer de plusieurs jours, sans eau et sans vivre, ce soit l’homme qui soit mort et pas le tout petit bébé de quelques mois, il faut l’accepter pour que l’histoire s’installe.

L’Australie a été peuplée (certains diraient envahie, mais ce n’est pas le propos du livre) par des Européens, et ce romans montre bien, que les raisons pour lesquelles ces migrants sont arrivés sur ce nouveau continent, pèsent sur leur destinée en Australie. Je n’avais jamais imaginé qu’en 1918 les Australiens d’origine allemande puissent être à ce point détesté. Le héros Tom, lui est d’origine anglaise et a été élevé dans la pure tradition britannique et n’a jamais appris à exprimer ses sentiments. A son retour de guerre, il est traumatisé et s’enferme dans un silence que seul la lueur du phare éclaire quelque peu. Puis, il retrouve goût à la vie grâce à Isabel qu’il aimera toute sa vie, bien plus que la sienne (de vie !). Un bébé leur arrive par la mer et le bonheur total s’installe dans cette île coupée du monde. Hélas ! ce bébé a une mère qui pleure tous les jours la disparition de son tendre époux et de son bébé, sa petite Grâce.

Ainsi, le drame commence et connaîtra bien des rebondissements. Pourquoi, malgré l’enthousiasme de beaucoup de lecteurs, suis-je restée sur la réserve, la construction romanesque est vraiment trop classique, j’ai cru me retrouver dans mes lectures d’adolescente, aujourd’hui, je me laisse moins facilement embarquer dans ce genre de lecture. Le roman n’est pas manichéen et l’analyse des personnages est tout à fait plausible, mais il ne m’a pas entièrement convaincue. Je laisse le dernier mot à la bibliothécaire qui a lui a décerné un coup de coeur, avec cette formule « conviendra à un large public » , et les avis sur Babelio lui donnent entièrement raison

Citations

La guerre 14/18 en Australie

Puis, en 1914, les choses changèrent. Partageuse découvrit qu’elle aussi possédait quelque chose dont le monde avait besoin. Des hommes. Des hommes jeunes. Des Hommes en forme. Des hommes qui avaient passé leur vie à manier la hache, à pousser une charrue, des hommes durs à la peine. Des hommes de premier choix à sacrifier sur des autels stratégiques à un hémisphère de là.

Philosophie de vie qui sous-tend tout le roman

J’en ai vu de toutes les couleurs ; le bien et le mal, ça peut être comme deux foutus serpents : si emmêlés qu’on ne peut les différencier que lorsqu’on les a tués tous les deux et alors il est trop tard.

SONY DSC

Coup de cœur au club de lecture de la médiathèque de Dinard.

4
Il n’y a pas que les lectrices du club qui ont été touchées par ce très court roman épistolaire, Jérôme, Aifelle chez qui je l’avais déjà remarqué, partagent leurs avis. Je l’ai également beaucoup apprécié. Il s’agit d’un texte qui se lit en une heure ou deux mais qui trotte dans votre tête pendant beaucoup, beaucoup plus longtemps. Puisqu’il se lit vite on peut s’appesantir sur chaque mot et sur ceux qu’on ne peut pas prononcer tellement l’horreur est parfois au delà des mots.

Prenez, par exemple, ce texte qui sert d’introduction :

1991. L’Armée populaire yougoslave, soutenue par les forces paramilitaires, envahit la Croatie pour mettre fin à sa volonté de sécession. Les combats font des milliers de victimes. Des villes et des villages subissent de lourds dommages.

Ce genre de phrases, on les lit souvent, on est choqué puis on oublie. « Les combats », « les victimes » « les dommages » : ce ne sont que des mots, des mots ordinaires et sans beaucoup de contenu, des mots « normaux » puisqu’il s’agit de guerre. Antoine Choplin et Hubert Mingarelli, vont grâce à la correspondance de deux hommes qui ont participé à cette guerre nous la rendre dans toute son horreur à partir d’un seul fait qui n’est somme toute qu’un détail aux yeux de l’Histoire. Leurs lettres commencent alors qu’ils se sont revus après les événements qui les ont tellement marqués l’un et l’autre, on ne sait pas combien de temps s’est écoulé depuis qu’ils sont revenus à la vie civile, Pavle en Argentine et Jovan à Belgrade.. En revanche, on sait qu’un certain Branimir , n’est plus qu’un souvenir pour eux. Les lettres sont échangées d’abord sur un ton banal et puis peu à peu la tension monte jusqu’à la chute finale. Pavle et Joan, ne pourront jamais vivre comme si la guerre était derrière eux. Elle est en eux maintenant , et pour toujours.

La guerre c’est donc ça : pousser trois copains qui aiment rire et faire des projets d’élevage de lapins à commettre les pires atrocités ?

Citations

La fin du roman

Je vais aller m’asseoir au bord de la rivière et vous serrer dans mes bras, toi autant que Branimir. Je vais regarder passer l’eau et attendre. Demain je mettrai en marche ma scie à ruban et je regarderai les planches défiler. Le soir j’irai boire avec Herman, le contremaître. Je boirai comme un cochon et tous les deux nous aurons les larmes aux yeux. Un jour, toi et Branimir me manquerez à nouveau.

Un jour je t’écrirai.

SONY DSC

 Traduit de l’anglais (États-Unis) par Patricia REZNIKOV.
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

3
Lire ce livre, c’est prendre le risque de vous décourager de mettre les pieds au Mexique. Je ne sais pas si ce pays réussi à préserver son tourisme, mais ce n’est pas ce roman qui pourra contribuer à son renom. La vie des habitants de ce village est complètement contrôlée par les barons de la drogue, et la pire catastrophe qui puisse vous arriver c’est de naître fille. Et surtout d’être belle, votre destinée est alors toute tracée, vous servirez de prostituée dans des bordels pour les narco-trafiquants.

Le roman est raconté du point de vue de Ladydi, prénom donné par solidarité entre femmes trompées par leurs maris respectifs, le Prince Charles ayant peu de points communs -si ce n’est sa double vie – avec celui de la maman de Ladydi !. Le regard de l’enfant permet de supporter ce récit absolument atroce, elle garde une certaine fraîcheur au milieu de toutes ces souffrances. Tout ici n’est que raquette, violence, viol, meurtre. La moindre douceur disparaît trop vite, à l’image des hommes qui sont assassinés ou tueurs ou dans le meilleur des cas ont fui aux États-Unis. Son rapport à sa mère est conflictuel , c’est compliqué d’aimer une mère ivre la plupart du temps ! Mais on sent beaucoup d’affection entre elles. Ladidy connaîtra tant de malheurs dans sa courte vie, jusqu’à la prison, mais curieusement , c’est dans cet endroit qu’elle fera des rencontres les plus intéressantes et qui l’aideront certainement à grandir. La fin apporte une petite lueur d’espoir , je vous la laisse découvrir.

Si on aime ce roman, ce n’est pas pour ses qualités littéraires, mais parce que grâce à une fiction, Jennifer Clement a su donner corps à une réalité que l’on connaît, mais que l’on préfère oublier. Quand un état est lié au trafic de la drogue, ou le supporte, ou n’arrive pas à l’éradiquer, les populations les plus faibles, sont alors soumises au pouvoir de gangsters de la pire espèce et les plus faibles ce sont comme toujours : LES FEMMES et LES ENFANTS !. Le Mexique et ses trafiquants sont là, présents dans cette histoire, et les conséquences de leur pouvoir sur ce petit village s’apparentent à une catastrophe humanitaire. A chaque fois que je lis un livre sur la drogue, je me demande comment faire pour que les drogués de nos pays se rendent compte que leur dépendance fait vivre la lie de la terre .

Citations

La fuite des hommes et des pères

Il a mis son bras autour de mon épaule et sa peau était encore plus brûlante que la mienne……

Et puis il a dit.
-Toi et ta maman vous êtes trop bien pour moi. Je ne vous mérite pas.

– Ce fils de pute ! a dit ma mère pendant des années.

Elle n’a jamais plus prononcé son nom. Il est devenu le Fils de Pute pour toujours.

Puis mon père a cessé de nous envoyer une traite tous les mois des États-Unis. nous étions trop bien aussi pour son argent, j’imagine.

Les prières à Dieu

Depuis que j’étais enfant, ma mère me disait de faire des prières pour demander des choses.

Ne demande jamais l’amour et la santé, ou de l’argent. Si Dieu entend ce que tu désires vraiment, tu ne l’auras pas. Garanti.

Quand mon père nous a quitté, ma mère a dit :

Mets-toi à genoux et demande des petites cuillères.

Le mensonge

Ma mère plaçait le mensonge dans la même catégorie que le vol. Pourquoi dire la vérité si on pouvait mentir ? C’était là sa philosophie. Si ma mère prenait le car, elle disait qu’elle pavait pris un taxi.

Prison plus douce que la liberté

– Il y en a qui préfèrent le dedans au dehors. Cette prison est le meilleur endroit que je connaisse. Dans mon village, le gouvernement a massacré tout le monde.
– Au Guatemala ?

– En deux ans, j’ai perdu presque toute ma famille. Je me promenais persuadée que j’allais prendre une balle à tout moment. Une balle, comme ça, sans prévenir.

Le Mexique le royaume de la drogue

J’ai repensé à notre petit de terre furieuse qui autrefois hébergeait une vraie communauté, mais qui avait été détruite par le crime organisé des trafiquants de drogues et l’immigration aux États-Unis. Notre petit bout de terre furieuse s’était métamorphosé en une constellation brisée et chaque petite maison avait été réduite en cendres.

SONY DSC

Traduit du norvégien par Terje SINDING.
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard
.

4
Deux hommes, la cinquantaine se croisent sur un pont, l’un est au volant d’une très belle voiture et possède tous les signes extérieurs de la réussite sociale, l’autre pêche et semble au bout du rouleau. C’est Tim, et Jim. Ils ont passé leur enfance et leur jeunesse ensemble, à l’époque Jim était destiné à une vie facile et vivait près de sa mère, ces deux là s’aimaient beaucoup, trop peut-être ? Tim, au contraire, a connu le départ de sa mère et les violences d’un père alcoolique qui le frappait sans retenue, lui et ses sœurs. La rencontre est rapide et rien ne se passe, sauf que tous les deux retrouvent leur passé. Par petites touches, en passant d’un personnage à un autre, l’auteur nous présente la vie ordinaire d’une famille détruite par l’alcool et la violence pour Tim, et la vie étriquée chez la mère de Jim écrasée par le poids de la religion. Il n’y a pas de misérabilisme dans la façon de raconter, l’humanité norvégienne qui est aussi la nôtre et notre époque sont toutes entières dans ce roman. Plutôt du côté de ce qui ne va pas, mais pas seulement.

Rien n’est idéalisé, ce qui caractérise le caractère norvégien c’est que la réalité n’est jamais embellie, les personnages préfèrent se noyer dans l’alcool que s’ouvrir à autrui. J’ai vraiment aimé ce roman, bien qu’il soit désespérant, j’ai du mal à comprendre également pourquoi Jim se laisse ainsi aller vers le néant. Je dois avouer que je me sens très étrangère à la psychologie norvégienne, rien n’est complètement expliqué, tout est dans le silence. C’est à la fois très fort et tellement dérangeant, par exemple, que cherchait Tya lorsqu’elle a appelé Tim, son fils de 5 ans, pour qu’il sauve le vieux chien de l’eau glacée ? Que l’enfant se noie ? De tuer le chien ? Et si elle a regretté son geste pourquoi n’a-t-elle pas sauvé elle-même le vieux chien ? Pourquoi a-t-elle appelé son fils qui n’avait pas pied dans cette marre alors qu’elle n’aurait eu de l’eau que jusqu’à la taille ? Aucune réponse à ces questions et à tant d’autres ? Même la fin est une porte ouverte sur ce qui peut se passer après , Tim sera-t-il heureux ? Jim va-t-il vivre ? Vont- ils se retrouver ?

Toutes ces questions sans réponse, ne m’ont gênée qu’une fois le livre refermé, pendant la lecture j’étais bien, même si je me sentais très triste, avec les personnages. Per Petterson est grand romancier, il laisse une trace très originale dans la littérature contemporaine.

Citations

Explication du titre

Je n’étais pas d’accord. Pas du tout. Moi, ça ne m’était pas égal.

– Mais tu peux refuser , ai-je dit

Il a de nouveau tourné la tête vers moi :

– On ne peut pas refuser de mourir, mon ami.

– Bien sûr que tu le peux.

L’absence de lien entre le père maltraitant et son fils

Et il serrait le col de sa veste ; c’était une veste grise, une sorte de blazer ou de vieux veston trop léger, qui semblait provenir de l’Armée du salut. Un pardessus aurait été plus approprié, ou une parka, quelque chose de chaud et de doublé ; il faisait un froid de loup, on était en décembre et il y avait des gelées blanches. Mais je n’ai pas traversé la place de la gare pour rejoindre mon père et lui offrir mon propre pardessus. Faire la paix, pas question. Tendre l’autre joue, non plus.

Retrouver son père alcoolo quarante ans après

– Tu peux pas quitter ton père sans prendre un café, ça fait une éternité qu’on s’est pas vu.T’as pas changé, pourtant. Je le savais ; mon Tommy, il est toujours le même, j’ai dit aux flics.

On ne s’est pas vu depuis quarante ans, comment pouvait-il dire une chose aussi absurde ? Toujours le même, et la batte de base-ball ? Je n’étais plus du tout le même, chaque jour je l’étais de moins en moins. Je changeais vite et pas en mieux.

On en parle

Chez Jérôme et Krol.

SONY DSC

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

2
Je n’ai visiblement peu de goût pour les romans historiques, et sans ma fidélité au club de lecture, je ne finissais pas ce roman. Tout m’agaçait prodigieusement dans cette relecture de l’histoire d’Aliénor d’Aquitaine et de son mari, le très pieux roi Louis VII. J’en voulais à l’auteure qu’elle fasse d’Aliénor une féministe en révolte contre la religion, avec des traits de caractère beaucoup plus proches du 21e siècle que du 12e.

Et puis, à la fin du roman, en quelques lignes, l’auteur dit qu’on sait si peu de choses sur cette femme qui a pourtant vécu quatre vingts ans, qu’elle a inventé un personnage sans vouloir respecter la vérité historique que, de toute façon, on ne connaît pas. Elle respecte la chronologie et les faits historiques avérés, elle invente les caractères des personnages et les motivations qui les poussent à agir Cela m’a quelque peu réconciliée, avec son texte. Si on ne peut lui en vouloir d’avoir enrichi ses personnages d’une analyse psychologique digne de Freud, on peut par contre aimer se retrouver dans cette époque grâce aux confidences des deux époux et sentir, à travers leurs récits, vivre et surtout souffrir les hommes , les femmes et les enfants du 12° siècle .

Aliénor est donc campée comme une femme dégagée de toute contrainte religieuse, elle devient sous la plume de Clara Dupond-Monod, une femme libre qui veut imposer sa vision guerrière à un roi confit en dévotion. Louis VII, mal aimé de son père, amoureux transi de sa belle guerrière, ne prend les armes que pour lui plaire et aurait préféré régner par la négociation plutôt que par le glaive. Il n’empêche qu’il matera la volonté de Poitiers de s’ériger en ville libre. Il ne tuera que les hommes en laissant vivre les femmes et les enfants ce qu’il ne fera pas à Vitry-en-Perthois où il n’hésitera pas à faire brûler 1300 habitants qui s’étaient réfugiés dans l’église, surtout des femmes et des enfants. De ce massacre horrible, il en gardera une culpabilité qui l’entraînera à faire une calamiteuse croisade pour tuer à nouveau femmes et enfants mais des infidèles cette fois ! Quelle époque sympathique ! Si l’auteure a pris des libertés avec la réalité psychologique des personnages, elle a su faire revivre cette période qui, pour le moins, ne m’attire pas du tout.

Citations

le roi Louis VII

Mon père (Louis VI Le gros) ne prêtait pas attention à moi. Il préférait Philippe. Il aurait pu me comprendre à défaut de m’aimer. Mais ma vocation de prêtre lui échappait complètement. Dès lors, j’ai pu devenir monarque sans crainte puisque j’étais sans modèle. Un père que l’on déçoit, comme c’est reposant.

Aliénor d’Aquitaine

Les chemins sont nécessaires. Ils ne sont pas là par hasard. Ils ont été inventés par l’homme. Ils ont un début et une fin. Ils sont comme la guerre. les chemins et la guerre n’existent que pour leur utilité. Personne ne les entreprend par plaisir. Ils servent. Ils sont des jalons fidèles de notre histoire, et sans eux il n’y a pas de royaume.

Aliénor la guerrière

Regretter un combat est bien pire que de le perdre.

Aliénor méprisant son royal époux

Par moi, il a goûté la haine. Par lui, j’ai découvert la honte. Quel magnifique couple nous formons ! J’aurais tant donné pour marcher à côté d’un roi. Qu’un monarque porte une couronne et un manteau d’hermine, est-ce trop demander ? Maudits soient ces abbés qui effacent les êtres !

On en parle

Peu de critiques négatives sur Babelio.

SONY DSC

4
Encore un roman que je peux rayer de ma liste. Quel succès sur Babelio ! plus de 617 lecteurs et 137 critiques, très favorables le plus souvent. Je ne connaissais pas l’auteure Lola Lafon, depuis, je l’ai écouté chanter et je lirai à l’occasion ses autres romans. Elle était particulièrement bien placée pour comprendre la vie de Nadia Comaneci : c’est une femme , elle vient des pays de l’est et a vécu en Roumanie. Elle revendique un point de vue féministe et fait très justement remarquer, dans les interviews qu’elle a données à propos de ce roman, que les commentateurs sportifs, le plus souvent masculins parlaient de magie quand Nadia avait un corps de petite fille et n’éprouvaient plus la même « attirance » quand elle a eu un corps de femme. Elle a construit sa biographie, en dialoguant avec l’ex-championne de gymnastique, celle qui est dans toutes les mémoires, pour avoir obtenu le premier 10 en 1976 aux jeux Olympiques de Montréal.

J’ai, dans un premier temps, pensé que Nadia C. avait donné son accord pour que ce livre décrive sa vie ainsi et qu’elle répondait aux questions de sa biographe, grâce à vos commentaires, je me suis rendu compte de mon erreur. En réalité, même si c’est bien un roman à deux voix , c’est Lola Lafon qui les imagine toutes les deux. Cela permet d’exprimer deux opinions. Nadia C. réagit fort pertinemment , à propos des différences en ce qui concerne les entraînements de sportifs de hauts niveaux en système communiste et capitaliste. Elle sait reconnaître également qu’elle est un produit du pays communiste roumains et elle n’a pas, loin de là, que des mauvais souvenirs. Elle mettra du temps à comprendre les abus du pouvoir. En réalité pour qu’une enfant réussisse à ce niveau en gymnastique, il n’y a pas deux systèmes, elle doit d’abord être douée, et son entraîneur savait reconnaître les dons chez les enfants. Il y avait beaucoup de petites Roumaines douées, mais il a su repérer le don unique de Nadia C. Ensuite tout n’est qu’entraînement et travail forcené.

Si la médaille d’or de 1976 est un choc extraordinaire, je trouve que l’on sent encore plus en 1980 le talent de son entraîneur, car Nadia a alors 18 ans, un tout autre corps et sa prestation est parfaite. D’ailleurs, Bella Karolyi recommencera avec le même succès aux États-Unis avec Mary Lou Retton qui apportera à ce pays sa première médaille d’or dans la spécialité . En revanche, on peut vraiment se poser des questions sur la violence des entraînements pour arriver à ce résultat : oui, un enfant peut le faire, et surtout on ne peut atteindre ce niveau que si on est un enfant, mais à quel prix ! Lola Lafon, nous plonge donc dans ce monde impitoyable de la très haute compétition et les ambiances des championnats, en particulier les jeux olympiques de Moscou alors que l’URSS envahit l’Afghanistan. J’ai lu avec grand intérêt cette biographie, alors que je ne m’intéresse pas du tout à ce sport, et cela m’a amenée à changer mes points de vue un peu simplistes sur cette spécialité. (Je me disais qu’il fallait interdire toutes les compétitions aux mineurs, mais ce n’est pas si simple !).

Citations

L’entraînement vu par Nadia

Nadia C. ne fait aucune remarque mais le lendemain, lorsque je lui demande comment elle explique l’obéissance absolue des gymnastes, elle paraît gênée par ce mot, obéissance : « C’est un contrat qu’on passe avec soi-même, pas une soumission à un entraîneur. Moi, c’étaient les autres filles, celles qui n’étaient gymnastes, que je trouvais obéissantes. Elles devenaient comme leur mère, comme toutes les autres. Pas nous ».

Le programme de Bella Karolyi

Il redessine les journées ; 6 heures-8 heures : entraînement. 8-12 heures : école. 12 heures-13 heures : repas. heures-14 heures : repos. 14 heures-16 heures : leçons. 16 heures- 21heures entraînement. 21 heures 22 heures : dîner, leçons et coucher.

Le système communiste roumain

Si vous avez souhaité écrire mon histoire, c’est que vous admirez mon parcours. Et je suis le produit de ce système-là. Je ne serai jamais devenue championne dans votre pays, mes parents n’auraient pas eu les moyens, pour moi tout a été gratuit, l’équipement, l’entraînement, les soins !

 Pour revoir le premier 10 en 1976 aux jeux olympiques de Montréal attribué à une jeune fille (au corps d’enfant) de 14 ans Nadia Comaneci :

20150205_124425

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

4
Je l’avais repéré en novembre chez Dominique. Je m’étais bien promis de le lire, et je suis ravie de ma lecture. Il a eu un coup de cœur au club de lecture, malgré les réticences de certaines lectrices qui m’ont étonnée. J’ai cru comprendre que le personnage du météorologue Alexexeï Féodossiévitch Vangenheim ne les a pas intéressées. « Ce n’est pas un héros » « Il n’a rien fait d’extraordinaire » … Mais ce sont exactement les raisons pour lesquelles j’ai aimé le travail d’Olivier Rollin. Il a choisi ce personnage parmi les millions de victimes du communisme. Je pense qu’il a été ému par les dessins que ce savant a envoyés à sa petite fille qui avait quatre ans quand il l’a vue pour la dernière fois. Ces dessins sont parvenus jusqu’à lui grâce au livre que sa fille lui a consacré .

SONY DSC

Ensuite, il a lu ses lettres , et toutes témoignent de sa foi en Staline, et dans le communisme. Il voulait qu’on lui redonne son honneur, comme tant d’autres, jusqu’au bout il s’est estimé victime d’une erreur et que si les « bons et loyaux communistes » pouvaient lire ses lettres, il serait immédiatement réhabilité. Ses lettres m’ont fait penser à celles que Dreyfus écrivait de l’île du Diable, lui aussi ne voulait qu’une chose : qu’on lui rende son honneur, lui aussi adressait ses suppliques à l’état major de l’armée qui avait ourdi le complot contre lui. Le météorologue, n’a donc pas vu ou pas voulu voir les excès du stalinisme, il n’a rien d’un héros. C’est un homme brillant, un véritable savant doué pour les arts, la musique, peinture, la sculpture…. Mais voilà , le communisme russe a inventé un système de terreur bien particulier, que l’on soit pour son régime ou contre lui, cela n’a vraiment aucune espèce d’importance, il faut remplir les quotas de prisonniers et de morts.

Heureusement, grâce à l’énergie des descendants, on a fini par retrouver les fosses communes et les circonstances de sa mort sont aujourd’hui complètement élucidées. Il ne s’agissait pas vraiment d’une appendicite comme on l’avait d’abord annoncé à son épouse. Olivier Rollin décrit sa mise à mort avec tous les détails qu’il a pu rassembler, se demandant à chaque fois à quel moment le météorologue a ouvert les yeux sur le système qui le broyait ainsi, pour finalement l’assassiner et jeter son corps dans une fosse cachée au cœur d’une forêt. Comme l’auteur, je me console en pensant que la plupart des commanditaires de ces meurtres abominable seront eux mêmes et fusillés, car lorsque la terreur s’emballe elle a beaucoup de mal à s’arrêter. A la fin de ce livre Olivier Rollin, remercie Nicolas Werth dont je veux lire depuis longtemps les livres, il a réussi à retrouver dans les archives russes ce qu’a représenté l’ordre opérationnel n° 04447 du NKVD qui a fait « disparaître » Alexexeï Féodossiévitch Vangenheim ainsi que 1111 personnes fusillées à Medvejégorsk.

Citations

Les saboteurs

Il y avait encore, à ma droite, du côté des saboteurs, le camarade (pour combien de temps ? ) Roussanov, directeur du chemin de fer Moscou-Bielomorsk (qu’emprunterait bientôt dans un wagon à bestiaux, Alexei Feodossievitch), qui se plaignait de ne pas avoir assez de matériel roulant alors qu’il en avait bien suffisamment, seulement il laissait prospérer les tire-au- flanc de telle façon que les trains n’étaient jamais prêts au départ. Et le camarade ou bientôt l’ex-camarade Joukov était dans le même cas. Et celui du chemin de fer du Sud, qui retardait le chargement du charbon du Donbass.Et les vauriens de la centrale électrique de Perm, alors, qui depuis le début de l’hiver désorganisaient la production par des coupures de courant intempestives.

Un Cadeau venant du Goulag

Aujourd’hui, jour de ton anniversaire, écrit-il le dix-sept décembre, j’ai pensé à t’envoyer un portrait du camarade Staline et une tête de cheval en éclat de pierre. Drôle de cadeau d’anniversaire.

La disparition de 1100 êtres humains