Éditions 10/18 . traduit de l’anglais par Marcelle Sibon

lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Un roman qui prend toute sa place dans le thème « Espionnage à l’anglaise » du club de lecture et qui m’a fait découvrir un aspect de Graham Greene que je ne connaissais pas. Délicieusement « british » c’est à dire avec un humour sans pareil, l’auteur se moque des services secrets britanniques. Mais un peu comme dans l' »Opération Sweet Tooth », il fait comprendre combien il est aisé pour un homme ayant un peu d’imagination de créer des espions, plus vrais que nature, mais totalement fictifs qui peuvent tromper les services secrets. On pense au roman le plus connu de Graham Green « le troisième homme », et celui-ci apparait comme une parodie des romans sérieux sur l’espionnage et le contre espionnage, quel humour tourné vers lui-même en tant qu’auteur et l’Angleterre qui est bien ridiculisée ici ! Notre pauvre Mr Wormold vendeur d’aspirateur à La Havane n’aurait jamais dû accepter d’être être recruté comme agent secret. Seulement voilà, il a une fille, Milly qui a des goûts de luxe, notre pauvre Wormod va devoir inventer de faux espions et de faux documents que les services de Londres vont avaliser sans broncher et pour lesquels ils vont lui verser de l’argent.

C’est drôle et cela donne bien l’ambiance à La Havane avant la révolution.

L’écriture est gentiment désuète mais très agréable, un bon moment de lecture pour un soir d’hiver avec une tasse de thé ou un verre de Whisky .

 

Extraits

Début.

 

-Ce noir qui descend la rue, dit le docteur Hasselbacher debouts dans le « Wonder Bar », il me fait pense à vous Mr Wormod.

Réponse d’un Anglais au « Buenos dias » !

 – Je ne parle pas leur baragouin, répondit l’inconnu.
 Le mot trivial faisait tache sur son costume comme une bavure de jaune d’œuf après le déjeuner.
– Vous êtes anglais …
– Oui

Recrutement d’un espion (humour) .

 Il se demandait comment l’on recrute un agent. n’arrivait pas à se rappeler exactement comment Hawthorne l’avait recruté, lui, sauf que toute l’histoire avait commencé dans les water-closets, mais cela ne devait pas être une condition essentielle. 

Petite leçon sur les torturables .

-Qui fait partie de la classe torturable ?
– Les pauvres de mon propre pays … et de toute l’Amérique latine. Les pauvres d’Europe centrale et d’Orient. Bien entendu, dans vos « États providence » vous n’avez pas de pauvres… aussi êtes-vous intorturbables. À Cuba la police peut traiter avec autant de brutalité qu’elles le désirent les émigrés venus d’Amérique latine ou des pays baltes, mais pas les visiteurs de votre pays ou de Scandinavie. C’est une question d’instinct, de part et d’autre. Les catholiques sont plus torturables que les protestants, de même qu’ils sont de plus grands criminels. 

 


Édition Babel Actes Sud

 

On a si peu de raison de se réjouir dans ces endroits qui n’ont ni la mer ni la tour Eiffel, ou Dieu est mort comme partout, et où les soirées s’achèvent à vingt heures en semaine et dans les talus le week-end.

 

J’ai lu beaucoup d’avis positifs sur ce roman qui me tardait de découvrir. J’avais bien aime « leurs enfants après eux » et donc j’avais hâte de me plonger dans cette lecture. Ce ne fut pas chose aisée, car plusieurs fois j’ai laissé tomber la lecture pour y revenir et finalement je suis ravie de m’être accrochée à cette histoire.

Nicolas Mathieu ne juge pas ses personnages, ils les laissent grandir et évoluer dans la région qu’il connaît bien autour de Nancy. Hélène et Christophe sont de la même petite ville, l’une a été une élève brillante et fait une carrière exceptionnelle dans un cabinet d’audit. L’autre après avoir été un hockeyeur reconnu (et la coqueluche des lycéennes) est resté dans sa ville et est commercial pour une boîte d’aliment pour animaux de compagnie.

Aucun des deux n’est vraiment heureux, Christophe voit sa femme qui l’a déjà quittée partir loin de son lieu de vie et donc le séparer de son petit garçon Gabriel qu’il adore. Hélène n’aime plus son mari et après avoir fait une dépression (dans ce milieu on dit » burn-out ») a demandé de revenir vivre près de son lieu de naissance. Son cabinet d’audit est chargé de réorganiser la région « Grand- Est » qui résulte de la fusion de l’Alsace, de la Lorraine et de la Champagne-Ardenne. C’est une femme de dossiers et qui connaît parfaitement son affaire, elle espère devenir associée dans son cabinet d’audit.

À travers leur enfance, l’auteur décrit la classe moyenne qui s’en sort tant bien que mal, plutôt mal pour le père de Christophe à la tête d’un magasin de sport. Des vacances à la Grande Motte pour Hélène et ses parents, et un été à l’île de Ré avec son amie de coeur dont le père a les mains baladeuses.

Ils sont adultes maintenant et le travail d’Hélène nous permet de plonger dans les rouages de l’administration et le roman est alors très intéressant et très bien documenté. C’est pour moi la grande réussite de ce livre. On sent très bien d’où viennent les cadres qui ont entouré Emmanuel Macron. D’ailleurs si je me souviens bien , on lui a reproché d’avoir usé et abusé de cabinet de conseils. L’auteur n’en fait nullement une caricature, mais on sent très bien que ces hommes très compétents sont peu solubles dans la réalité française et laisse une place confortable au Rassemblement National de Marine Le Pen.

Christophe et Hélène auront une histoire commune qui leur fera du bien même si elle ne dure pas très longtemps.

C’est un roman sérieux et bien construit mais je m’y suis souvent ennuyée, mais, paradoxalement, à cause de ses qualités. Comme l’auteur veut rester objectif et ne pas embraquer son lecteur dans des jugements trop facile, cette neutralité empêche l’empathie de s’installer entre moi et ses personnages. Mais quand je vois le nombre de passages que j’aimerais retenir je me dis qu’il y a beaucoup d’excellentes choses dans ce roman et de trois je suis passé à quatre cooquillages.

 

Citations

Début.

La colère venait dès le réveil. Il lui suffisait pour se mettre en rogne de penser à ce qu’il attendait, de toutes ces tâches à accomplir, tout ce temps qui lui ferait défaut.
Hélène était pourtant une femme organisée. 

Le problème du couple.

 Depuis qu’ils étaient revenus vivre en province, Philippe semblait considérer qu’on n’avait plus rien à lui demander. Après tout, il avait laissé tombé pour elle un poste en or chez Axa, ses potes du badminton et, globalement, des perspectives sans commune mesure avec ce qui existait dans le coin. Tout ça, parce que sa femme n’avait pas tenu le coup. D’ailleurs, est-ce-qu’elle s’était seulement remise d’aplomb ? Ce départ forcé restait entre eux comme une dette. C’est en tous cas l’impression qu’Hélène avait.

Une quadragénaire qui va mal.

Pourtant, sur le papier elle avait tout, la maison d’architecte, le job à responsabilités, une famille comme dans « Elle », un mari plutôt pas mal, un dressing et même la santé. Restait ce truc informulable qui la minait, qui tenait à la fois de la satiété et du manque. Cette lézarde qu’elles se trimballait sans le savoir.

Les illusions de l’amour .

 Elle avait eu quinze ans, et comme n’importe qui, sa dose de lettres et de flirts hésitants. On lui avait tenu la main, on l’avait emmenée au ciné. On lui avait dit je t’aime, je veux ton cul, par texto et à mi-voix dans l’intimité d’une chambre à coucher. À présent Jenn était grande. Elle savait à quoi s’en tenir. L’amour n’était pas cette symphonie qu’on vous serinait partout, publicitaire et enchantée.
 L’amour c’étaient des listes de courses sur le frigo, une pantoufle sous un lit, un rasoir rose et l’autre bleu dans la salle de bain.

Le point de vue des parents.

 Ils sont pris dans cette tenaille des parents qui encouragent leurs gosses et sans bien que chaque pat accompli les laisses un peu plus loin derrière. Sur le quai de la gare, ils voient le train rapetissé au loin et prendre de la vitesse. Parfois c’est plus fort qu’elle, Mireille a envie de mettre un coup d’arrêt à cette épouvantable accélération.

L’adolescence .

 L’adolescence est un assassinat prémédité de longue date et le cadavre de leur famille telle qu’elle fut gît déjà sur le bord du chemin. Il faut désormais réinventer des rôles, admettre des distances nouvelles, composer avec les monstruosités et les ruades. Le corps est encore chaud. Il tressaille mais ce qui existait, l’enfance et ses tendresses évidentes, le règne indiscuté des adultes et la gamine pile au centre, le cocon est la ouate, les vacances à la Grande-Motte et les dimanches entre soi, tout cela vient de crever. On y reviendra plus.

Portrait peu flatteur.

 Elle connaissait vaguement le premier, un jeune type déjà chauve qui portait des Church’s et une veste cintrée. Aurélien Leclerc. II prétendait occuper le poste de dircom adjoint. Les mauvaises langues assuraient qu’il n’était en réalité qu’adjoint du dircom. Quoi qu’il en soit, il avait fait Sciences Po. Il ne fallait en général pas attendre dix minutes avant qu’ils le rappelât.

L’informatique et une municipalité.

 Après tout, elle n’avait jamais eu besoin que de cent cinquante heures pour remettre à plat l’épouvantable imbroglio des services informatiques de cette ville, un bordels digne d’un roman russe ou l’argent et l’énergie se perdaient dans d’invraisemblables circuits de décisions qui superposaient pas moins de trois organigrammes distincts. Tout au long de son audit, elle s’était étonnée de voir cette Babel tenir encore debout. Les paresses empilées, le flou des hiérarchies, les haines immémoriales entre chefferies administratives avaient accouché d’un véritable Tchernobyl digital. Quand on pensait que les habitants confiaient leur numéro de carte bleue à ce système digne des soviets pour payer la cantine des gosses ou leur carte de résident, ça laissait songeur.

Sortir de son milieu social.

 Quand ses parents font l’apologie de la simplicité, lui donne ses cousins en exemple, quand ils critiquent les ambitieux, les parvenus, ceux qui exhibent leur réussite, quand ils vantent le mérite des bosseurs, des manuels, des bricolos, des débrouillards, de ceux qui passent entre les gouttes, mamailleurs et autres contrebandiers du jour le jour. Quand ils lui disent on va t’envoyer à la campagne, ça t’apprendra à vivre, quand ils mettent l’article défini devant un prénom, le Dédé, la Jacqueline, le Rémi, alors Hélène sent un câble se tendre en elle. D’instinct, sans savoir, elle refuse tout cela en bloc. Chaque signe de cette manière d’être la gifle. Elle préfère encore crever que vivre comme ça, modeste et à sa place. Elle a la grosse tête. Une petite bêcheuse.

La création du grand Est.

 Car avant que n’advienne ce Grand Est qui devait faire la fortune des cabinets de consulting en général et d’Elexia en particulier, les anciennes régions disposaient naturellement de leurs propres organisations, lesquelles résultaient d’années d’usage , de replâtrages divers et de particularismes indigènes. Surtout, au sommet de chacune des dites organisations trônait un chef qui n’entendait pas céder sa place. Au départ, nul n’avait jugé utile de solliciter une expertise extérieure pour pour mener à bien cette fusion ordonnée depuis Paris, les ressources étant évidemment disponibles en interne. Mais après si mois de réunions improductive, de coups fourrés entre comités directeurs, et face à la menace une reprise en main par l’autorité administrative,le recours à un tiers avait fini par s’imposer.
Hélène débarquait donc en pleine guerre picrocholine et trouvait dans chaque organisme où elle intervenait des équipe irréconciliables et une poignée de cadres au bord de la crise de nerf 

Le monde des cabinet d’audit.

 Depuis qu’elle est rentrée chez WKC, Hélène a parfois l’impression que la planète toute entière est aux mains de ces petits hommes en costume bleu qui viennent dans chaque entreprise, dans les grands groupes et les administrations, pour démonter à coups de diagnostics irrévocables l’inadéquation des êtres et des nombres, expliquer aux salariés ce qu’ils font, comment il faudrait le faire mieux, accompagner les service du RH toujours à la ramasse et apporter leurs lumières à des décideurs invariablement condamnés aux gains d’efficacité, forçats de la productivité, damnés du résultat opérationnel.

 

Édition Points . Traduit de l’allemand par Nicole Bary

 

Ma quatrième participation au mois « les feuilles allemandes » 2023, organisé par Eva 

 

En lisant les avis sur Babelio, j’ai vu que Aifelle avait beaucoup apprécié ce roman, et je suis d’accord avec ce qu’elle en dit.

La filiation et le poids des crimes d’un père sont les thèmes de ce roman. Konstantin et Gunthard Boggosch, sont tous les deux les fils de Gerhard Müller et de Érika Boggosch. Si les deux enfants portent le nom de leur mère c’est que celle-ci découvre horrifiée, que pendant la guerre 39/45, non seulement son mari était un Nazi convaincu mais, de plus, a commis des crimes si monstrueux qu’il a été jugé et pendu en Pologne à la fin de guerre. Le destin des deux frères va totalement diverger, et cela permet à l’auteur d’analyser les différentes façons de se construire avec le poids du passé quand on est allemand. L’ainé, veut absolument croire au passé glorieux d’un père militaire et il refuse de le voir en criminel, quelques soient les preuves à charge. C’est d’autant plus facile pour lui, que ses preuves sont fournies par les Russes qui sont détestés par tous les Allemands. Il y a aussi un oncle à l’ouest qui a entrepris de réhabiliter son frère. Cet aspect est très intéressant car on comprend, alors, combien les Allemands de l’ouest ont été plus enclins à oublier le nazisme que ceux de l’est.
le personnage principal du livre, Konstantin, sera comme sa mère hanté, par le passé de son père. Et surtout ce passé se dressera sur sa route dès qu’il voudra réaliser quelque chose de sa vie. Parce que son père était un criminel de guerre, il ne pourra pas aller au Lycée. Commence alors pour lui, un parcours incroyable, fait de coïncidences trop exceptionnelles, pour moi. Il va fuir en France, car son premier projet est de s’engager dans la légion étrangère. Il rencontre à Marseille un groupe d’anciens résistants pour lesquels il va travailler comme traducteur car grâce à sa mère il parle français, russe, italien, anglais. Un jour, il reconnaîtra son propre père dans une photo prise dans le camp de travail forcé où son employeur et ami a failli mourir.
Trop honteux de cette filiation, il repart en Allemagne et, le jour où, le mur empêchera à jamais les gens de se réfugier à l’ouest, lui, il va à l’est pour retrouver sa mère.
Il sera refusé à l’école de cinéma, toujours à cause de son père. C’est certainement l’aspect le plus intéressant du livre : cette ombre qui empêche à jamais cet homme de faire des choix librement. La description du régime de l’est et des éternelles suspicions entre collègues dans le milieu enseignant est aussi tragique que, hélas, véridique.
En lisant ce livre, j’ai pensé à « Enfant de salaud » de Sorj Chalandon , il est évident que les Français ont laissé plus de liberté aux enfants d’anciens collaborateurs. En Allemagne de l’Est qui est passé du Nazisme au communisme, les traditions d’espionnage individuel et de dénonciations n’ont pas permis aux enfants de Nazi de pouvoir oublier le passé de leur père. Mais on peut aussi se scandaliser de la façon dont à l’ouest on a si vite tourné la page qu’il suffisait de devenir anticommuniste pour faire oublier son passé nazi et antisémite.

J’ai lu avec grand intérêt ce roman, mais j’ai eu du mal à croire aux aventures de Konstantin. Il y a trop de hasards dans ce récit, en revanche la partie où il raconte ses difficultés pour mener une vie « normale » d’enseignant en RDA m’a semblé très proche de la réalité.
Il y a un aspect que je comprends pas, il revient en RDA pour revoir sa mère mais il ne la verra que peu souvent. Il s’offusque que son frère la fasse vivre dans la cave de sa maison, enfin dans un sous-sol, mais il ne la prend pas chez lui.

Ce ne sont là que des détails par rapport à tout ce que j’ai appris sur l’ex-RDA.

 

Extraits.

Première phrase d’un roman allemand . Un petit coup de nature…

 Les jeunes bouleaux semblait chuchoter leurs feuilles étaient violemment agitées, bien que l’on ne sentît pas le moindre vent. Sous le pesant soleil estival de cette fin d’après-midi le blanc cassé des troncs frêles à l’apparence fragile brillait de mille feux.

Les souvenirs .

Avec nos souvenir nous essayons de corriger les échecs de notre vie c’est pour cette seule raison que nous nous souvenons. C’est grâce aux souvenirs que nous nous apaisons vers la fin de notre vie. Ce sont les souvenirs terribles qui finalement nous permettent de faire la paix avec nous-même. Regardez les volumes de mémoires qui paraissent chaque année. Ce sont tous des personnages merveilleux. Des caractères magnifiques, sincères courageux. Intrépides, désintéressés, la justice en personne. Des types dont on aurait aimé être les contemporains. Le problème est qu’ils étaient mes contemporains, et ils n’étaient pas sympathiques. Et ne croyez pas que je veux vous persuader maintenant que mes souvenirs n’en sont plus exacts, plus vrais, plus dignes de confiance. Non, chère mademoiselle, moi aussi je vous raconterai ce qui correspond à l’image que je me fait de moi-même, que je veux faire miroiter aux yeux des autres. Je tairais bien évidemment ce qui me gêne dans ma propre personne. Et pour cela je ne devrais pas faire des efforts particuliers. Ce qui est dérangeant, ce qui ne me plaît pas, je ne devrais même pas le passer sous silence, ce n’est pas la peine. Je l’ai oublié depuis longtemps et même radicalement.

Le poids d’un père .

 Je ne pouvais pas m’installer en France, pas non plus en Angleterre, ou en Italie, ou en Pologne, ou en Union Soviétique, je tomberais partout sur des hommes de la « Résistance », sur des partisans, sur ceux qui avaient combattu Hitler. Je ferais leur connaissance, ils deviendraient mes amis, et un jour ils devraient apprendre que vi gt ans auparavant ils avaient été confrontés à mon père, le « Vulcan » craint de tous. Dans chaque pays je le trouverai sur ma route partout je serais le fils du  » SS Vulcan ».

 

Édition folio

 

Encore un livre de cet auteur qui me fait rire et dont j’apprécie l’humour même quand il est malheureux. Il sait autant se moquer de lui-même que des travers de notre société. La liste de ses livres sur Luocine s’allonge

Figurec, Le Discours, Broadway et je n’oublie pas ses BD : Zaï, Zaï, Zaï, Et si c’était d’aimer, Formica , Moon river.

 

Cette fois, il doit faire face à sa séparation avec Lisa et pour cela se décide d’écrire, enfin, « un roman sérieux » pour impressionner celle qui lui a préféré un professeur d’université spécialiste de Ronsard. Ses voisins lui ont demandé de surveiller leur piscine, existe-t-il un meilleur endroit pour un écrivain pour trouver l’inspiration que le bord d’une piscine ?
Le roman se divise en différentes parties au gré des rencontres féminines que son couple d’amis veut absolument lui faire rencontrer. Aucune ne trouvera grâce à ses yeux même si certaines ne manquent pas de charme.

Non seulement sa femme l’a quitté mais son ami d’enfance s’est suicidé et on sent à travers les pages qu’il consacre à Marc toute la tristesse qu’éprouve l’entourage d’un homme jeune qui refuse de vivre. Et pour une fois il ne fait pas d’humour il raconte son chagrin et celui de la maman de Marc.

Bien évidemment la piscine va lui procurer toute sorte de soucis et comme beaucoup de lecteurs je vais faire la connaissance de la « noctocnète » qui va coloniser la piscine dans une eau de plus en plus verdâtre.

Certains passages m’ont moins fait sourire comme la battue organisée pour retrouver une jeune femme disparue, pas plus que le cadavre qui finalement se retrouve dans la piscine.
En revanche la sortie chez « brico-marché » et le dialogue avec le vendeur vaut la visite chez les bio de son précédent roman.

Bref, un rire parfois trop grinçant pour moi mais d’excellents moments.

Livre qui a bien plu aussi à « la petite liste » de Sibyline

 

Citations

Le début.

 Cette semaine- là, à quelques jours d’intervalle, mon meilleur ami d’enfance s’est suicidé, Lisa m’a quitté et on annonçait qu’une météorite allait frôlait la Terre à une distance suffisamment proches pour que l’on s’en inquiète -selon certains spécialistes, il n’était pas exclu qu’elle la percute. La date et l’heure était incroyablement précises et je me suis toujours demandé comment les astronomes pouvez calculer les trajectoires avec une telle précision alors que la météo à sept jours, elle, est à peine fiable. Un évènement sur trois s’est plutôt bien terminé, il faut toujours voir le verre à moitié plein -au tiers plein pour être exact.

Analyse des mots.

 Je me suis toujours questionné sur ce terme « Remise en forme », qui implique qu’on avait, par le passé, été en forme et que, pour une raison ou une autre, on ne l’était plus. Le « re » de « remise » exclut « de facto » toute personne qui comme moi n’a jamais été en forme, il annonce la couleur : Ah non désolé, il faut avoir déjà été en forme pour prétendre assister aux cours. Celui qui lancerait le concept de centre de simple « mise en forme » gagnerait le pactole.

Et il me fait rire si souvent.

 En sortant j’ai allumé une cigarette en me disant que si je faisais un AVC, là, Lisa culpabiliserait toute sa vie -j’étais dans ma phase suicidaire modérée.

Les spectacles que l’on est content d’avoir évités.

Un silence s’installe quelques secondes avant que n’apparaissent sept personnes presque nues, recouvertes de la tête aux pieds de peinture blanche, progressant vers le centre de la scène avec des gestes extrêmement lents et je comprends alors que la soirée va être longue.

La preuve d’amour inspirée par Hugolin dans Manon des sources.

Quel vêtement symbolisait le mieux Lisa ? Ses kickers, je n’ai jamais vu Lisa porter aux pieds autre chose que des Kickers, elle en avait une demi-douzaine de paires qui pour moi étaient absolument semblables mais qui, selon elle, ne l’étaient pas du tout, n’importe quoi moi, et je me visualise arpentant la garrigue en hurlante « Je t’aime Lisa, je t’aime d’amour ! » torse nu, une Kickers cousue sur la poitrine.

Remarque exacte.

Rien n’est moins intéressant que les gens qui vous parlent de leurs travaux, voilà typiquement le genre de sujet (avec les résultats scolaires de ses enfants) qui n’intéresse que celui qui en parle.

D’où le titre du roman.

« Sol y sangre », je dois y revenir à « Sol y sangre » , dix mille signes par jour, la discipline du samouraï, même si pour l’instant le nombre de signes est à zéro et que la page de mon fichier « Roman sérieux  » est aussi blanche que l’eau est verte.

Édition Pocket

L’auteur, pour écrire ce roman que j’ai beaucoup apprécié, s’appuie sur l’histoire véridique de Wilhem Furtwängler, pour évoquer le rapport des Nazis avec la musique classique. Il crée des personnages romanesques, nous suivons donc la formation de Christophe Meister excellent musicien et de sa mère Christa grande cantatrice qui déteste le nazisme et sera déportée car elle a un père juif. Tous deux personnages fictifs.

Comme tous les romans qui se passent lors de la montée du Nazisme, j’éprouve une angoisse pour tous les personnages juifs. Quand on sait ce qui va leur arriver, on a envie de leur dire : « fuyez mais fuyez vite ». C’est le cas pour la mère de Rodolphe, Christa qui hélas sera déportée alors qu’elle s’était réfugiée en France.

Mais j’oublie de vous dire le thème principal de ce roman, qui s’appuie sur des sources historiques très sérieuses, à savoir les rapports de Wilhlm Furtwängler avec le nazisme. Dès 1920, il est un chef d’orchestre reconnu et à la tête de l’orchestre de Berlin, il est une gloire internationale. Il n’a jamais été membre du parti Nazi et on le sait aujourd’hui à aidé de nombreux juifs à s’échapper de la persécution nazie. mais en revanche, il est resté en Allemagne jusqu’à la fin et a joué pour les dirigeants Nazis dont leur chef Hitler. Il était de façon évidente une caution pour le régime.

Pourquoi n’est-il pas parti de ce pays dont il détestait le régime ? Sans doute, c’est la thèse du livre, mettait-il la musique au dessus de la politique. Il voulait, aussi, montrer que l’Allemagne avait autre chose à montrer que ces horreurs nazies. Les paradoxes de la dénazification feront qu’il aura beaucoup de mal à se disculper alors que Karajan, nazi convaincu et membre du parti n’aura aucun ennui.

La partie romanesque, permet de raconter beaucoup de choses sur la direction d’orchestre et de rendre plus incarnée la montée du Nazisme. Je n’ai pas du tout aimé la révélation finale et cela ne rajoute rien au roman. J’espérais de toute mes forces que l’auteur n’oserait pas, mais si …

Un bon roman qui fait revivre une période si détestée sous un angle original

 

Citations

Mélange histoire et fiction.

 Le pays est envahi par des uniformes, des bruns des fauves, des oriflammes noir et rouge pendent aux fenêtres, avec cette croix ridicule au centre de chacun. Le nombre d’uniformes augmente chaque jour, depuis les élections. Pareil pour les drapeaux.
Furtwängler fend la foule qui s’est agglutinée autour d’un crieur de journaux. Des policiers patrouillent, raides et sévères dans leur uniformes verts. Les gros aigles de fer sur le front de leurs képis jettent des éclats dans le soleil rasant de la fin de journée. Des SA marchent à leurs côtés, un chien en laisse la gueule bavant dans une muselière.

Hitler.

Furtwängler ne l’avait pas pris au sérieux le mépris est toujours mauvais conseiller. L’homme au physique de garçon coiffeur tient à présent le destin de l’Allemagne dans ses mains qui paraissent fragiles. Il l’éventre, son pays le balafre en tout sens, fait sortir de terre le monde d’en dessous, celui des mauvais génies. Des grues et des bennes vont et viennent. Berlin est devenu un vaste chantier qui patauge dans la boue froide. L’ Allemagne n’est plus à genoux devant l’Europe. Elle accueillera les jeux Olympiques dans un an.

Un chef d’orchestre parle de son art.

J’ai bien connu Nikish, dit il notre père à tous. Il savait faire chanter un orchestre chose extrêmement rare. Il ne se préoccupait que de la sonorité, de la création et de l’accomplissement de cette sonorité. Pour moi, diriger un orchestre, c’est comment s’y prendre pour qu’il ne joue pas seulement de façon rythmique précise, mais qu’il chante avec toute la liberté indispensable à une réalisation vivante de la phrase mélodique. N’oubliez jamais que diriger signifie pouvoir créer librement.

L’espoir humain.

Rodolphe se met à espérer. C’est bête on ne croit jamais vraiment au pire. L’homme est ainsi fait, il n’envisage jamais vraiment le mot de la fin. À moins d’en avoir la certitude absolue.


Édition Nathan . Traduit de l’anglais Anne Guitton

livre lu dans le cadre de la masse critique Babelio

 

Quel roman ! Chaque chapitre est une nouvelle douleur ! La lecture en est une véritable épreuve, bien sûr nous avons entendu les horreurs de la guerre en Syrie, mais une guerre en chasse une autre et nos yeux sont, aujourd’hui, tournés vers l’Ukraine et on a, peut-être, oublié que les Syriens ont tellement souffert. Cette auteure rassemble dans un roman tout ce qui est arrivé à Homs, les bombardements, les tirs des snipers, les missiles sur les hôpitaux, les enlèvements des principaux dirigeants de l’opposition et enfin l’utilisation du gaz contre la population. Pour construire son roman , elle choisit une jeune femme qui est victime d’hallucinations. Un personnage qu’elle sait être le fruit de son cerveau malade lui donne des ordres et lui ordonne de fuir. « Khawf » c’est son nom, n’hésite pas à lui montrer toutes les horreurs qui l’attendent si elle reste en Syrie.

Elle travaille dans l’hôpital qui voit arriver tous les blessés de cette guerre sans pitié. Certains passages sont insoutenables, mais c’est dans ce cadre qu’elle rencontrera l’amour , on va la suivre jusqu’à sa fuite. L’auteure visiblement a hésité entre deux fins, la mort en Méditerranée ou sa reconstruction en Allemagne.

J’ai des réserves sur ce roman car je préfère les témoignages : l’aspect romanesque ne rajoute pas grand chose et même, pour moi, affadit le propos.

Je n’oublierai jamais, par exemple, Akim, le personnage principal de la BD de Frank Toulmé qui m’a beaucoup aidée à comprendre la tragédie Syrienne. Sans doute plus que le récit de cette jeune écrivaine qui met pourtant toute son énergie pour réveiller nos consciences.

Pauvre pays ! toujours sous la botte du même dictateur bien aidé par son allié russe.

 

Citations

 

Quand dès la première phrase on sait que tout va mal.

 Trois citrons fripés posés sur une étagère et un sachet de pains pita plus sec que moisi. 
Voilà tout ce que la supérette a à offrir.

Scène d’horreur.

Je vois un enfant appelé sa mère en pleurant. 

Je vois un garçon aux lèvres crispées, dix ans à peine, blanc comme un linge, un énorme morceau de métal planté dans le bras droit. Il grimace de douleur mais n’émet pas le moindre son, car il ne veut pas effrayer sa petite sœur qui s’accroche à sa main en répétant « te’eburenee. 
 Je vois des médecins, les derniers de Homs, secouer la tête devant des petits corps frêles et sans vie avant de passer au suivant.
Je vois des fillettes aux jambes tordues dans des positions anormales. Leurs yeux expriment déjà toutes les angoisses de ce qui les attend. L’amputation.
Je voudrais que ce spectacle soit diffusé en live sur toutes les chaînes de télé et tous les écrans de smartphones du monde pour que les gens sachent ce qu’on fait aux enfants dans ce pays

 

 

 


Édition Gaïa livre de poche Grands romans Points

Traduit de l’islandais par Henrý Kiljan Albansson

 

Une saga comme je les aimais beaucoup autrefois. J’avoue préférer les livres plus concis aujourd’hui, mais je ne savais rien de l’Islande et cette plongée dans la réalité féminine de ce pays m’a beaucoup plu.

Dans le tome 1, nous voyons la jeunesse et la formation de Karitas qui sera artiste peintre. Elle doit tout à sa mère qui a eu le courage de s’extraire de son lieu de naissance lors de son veuvage pour aller faire de l’argent dans un port qui vit du hareng. Elle a réussi à donner une formation scolaire à ses six enfants qui ont tous très bien réussi. Karitas est douée pour le dessin et grâce à une femme qui reconnaît son talent elle part se former à Copenhague à l’académie des beaux arts.

Elle y rencontrera l’amour pour le trop beau Sigmar . Sans renoncer au dessin elle le suit dans un village isolé et met au monde son fils Jøn puis un petit qui ne vivra pas et enfin des jumeaux Haldóra et Sumarlidi. Son beau Sigmar est parti faire fortune et elle est seule, sa soeur aînée vient lui prendre sa fille et elle même part chez une cousine d’une femme du village et va vivre treize ans chez elle .

Alors qu’elle a décidé que ses fils doivent aller chez sa mère pour recevoir une bonne instruction son mari revient. Mais elle ne le suivra pas, elle veut reprendre sa vie d’artiste.

À travers ce récit, l’autrice nous dépeint la vie des femmes d’Islande de la première moitié du XX° siècle. C’est une vie très dure mais c’est aussi une vie de solidarité. Sans l’entraide entre femmes cette vie serait un pur cauchemar. J’admire leur énergie et leur détermination. J’ai essayé de trouver des renseignements sur cette coutume qui fait que des gens réduits à la misère peuvent vivre chez d’autres fermiers en échange de travail, j’avais trouvé le même fait dans « les cloches jumelles » qui se passe en Norvège et dans les « Annales de Brukkekot ». Les gens trop vieux pour travailler y trouveront gite et couvert jusqu’à la fin de leur vie.

Nous sommes avec les femmes , donc du côté des lessives, du tricot des broderies du ménage en plus des travaux des champs et des enfants trop nombreux qui arrivent tous les ans. On ne sent pas ces gens exploités mais toujours à la limite de la survie.

C’est parfois compliqué de retenir et surtout prononcer les noms de ce pays : à votre avis comment on prononce un h devant un r pour le prénom Hrefna ?

J’ai bien aimé aussi la façon dont cette écrivaine mélange la réalité et les esprits qui hantent ce pays, certains chapitres très courts sont consacrés à l’inspiration de tableaux que Karitas peint, j’aurais aimé les voir mais c’est un exercice amusant de les imaginer.

Un premier tome très dépaysant et passionnant.

 

Citations

Les nom difficiles et toutes les façons d’écrire le »o »

 Leur mère dormait à poings fermés lorsqu’ils longèrent les Fjords de l’Est qui s’ouvraient les après les autres sous un soleil étincelant. À l’embouchure de Seyõisfjörõur, les filles se résolurent à la réveiller ….

Le malheur de passer de la campagne à la ville.

 La dernière fois où il en était ainsi tous assis autour d’une petite table, le père des enfants venait juste de mourir. Maintenant personne n’était mort mais c’était quand même comme si une petite fleur qui n’avait pas de nom était en train de mourir. Ils n’avaient plus rien à quoi se raccrocher, ils étaient assis dans un petit réduit comme mis aux fers et ne pouvaient aller nulle part même pas gambader dans une cour herbeuse. Karitas brûlait d’envie de pouvoir sortir prendre l’air comme chez eux dans la crique, agiter ses bras, danser avec les oiseaux et se sentir heureuse, et tout d’un coup elle était devenue comme une vieille femme qui ne se souvenait plus pourquoi elle se trouvait justement à cet endroit.

La dureté des travaux à la campagne pour les femmes.

 Ensuite ils s’étendaient sur le dos et se reposaient mais je devais rapiécer leurs chaussures et repriser leurs chaussettes et ravauder leurs vêtements jusque tard dans la nuit. Si je n’étais pas assez rapide dans mes travaux ils me pressaient tous, les ouvriers, le maître et la maîtresse de maison. Moi, j’allais vêtue de guenilles sales car je n’avais jamais le temps de prendre soin de moi-même. Je ne me rappelle pas avoir souri pendant que j’étais bonne à tout faire. On exigeait de nous, les filles, une telle ardeur au travail. J’ai raconté cela à ma mère et elle ne m’a jamais renvoyée faire les foins. Ce que je trouvai le plus terrible était l’injustice. C’était beaucoup plus difficile de ratisser et de lier que de faucher pourtant nous n’avions que la moitié de la paye des hommes et nous devions de plus les servir.

L’appel de l’art .

 Tu partiras vers l’art. Il t’a appelée. Ce sera un long voyage et sur ta route se trouveront trolls et embûches. Et lorsqu’enfin tu atteindras la montagne bleue et qui s’élève, magnifique, au milieu des autres massifs bleu noir tout se refermera derrière toi et tu seras prisonnière à vie. Mais cette captivité t’apportera souvent plus de bonheur que la liberté. 

Une jolie façon de parler du froid .

Après le jour de l’an la famille fut contraint de rester au fond du lit.
 Le froid l’y poussa. Une énorme patte glaciaire venue du nord avait posé ses griffes sur la ville, s’était ruée sur le pays comme une bête sauvage avec un gel et un blizzard tels que la terre gémit. Lorsque le vent se calma quelque peu, elle se coucha comme un jupon blanc sur les hanches du fjord et ferma les voies maritimes.

Premier roman que je lis qui raconte ce qui a, de tout temps, occupé les femmes.

 La lessive bouillait dans la marmite noire sur la cuisinière à crottin dans la vieille cuisine et Karitas la remuait avec un bâton. Elle avait rarement fait bouillir ses serviettes hygiéniques avec autant de plaisir que cette fois. Une appréhension s’était installée en elle après que l’homme du rêve lui fut apparu une nouvelle fois bien qu’elle sache que la conception ne pouvait pas avoir lieu sans la présence d’un homme en chair et en os. L’expérience lui avait appris à ne rien considérer comme universel. Aussi elle fit bouillir ses serviettes avec un sourire de satisfaction sur les lèvres, les pêcha dans la marmite et les mit avec le linge blanc. Descendit lourdement chargée jusqu’au ruisseau, l’âme en paix, parfaitement calme à l’intérieur d’elle même, à partir de maintenant rien ne pouvait entraver son voyage vers le Sud.

 

tome 2
Nous retrouvons les personnages qui ont constitué la vie de Karitas. Celle-ci est maintenant une artiste peintre et le thème principal du livre décrit combien il est difficile pour une femme de s’imposer comme créatrice. Elle a décidé de vivre de son art même si parfois ses tableaux ont du mal à se vendre. Elle ne veut pas accepter l’argent de Sigmar, son richissime mari. Leurs rapports sont compliqués elle lui en veut de n’être pas rentré de la pêche le jour où elle a accouché de ses jumeaux. Cette trahison sera à l’origine de la plus grande tragédie de sa vie, elle n’a pas pu s’opposer à ce que sa terrible sœur Bjarghildur lui enlève la fille Halldõra . Mais elle éprouvera toute sa vie une attirance pour le si beau Sigmar.
Ses fils sont adultes maintenant et elle pense enfin être libre pour son art mais le plus jeune le jumeau Sumarlidi lui impose de s’occuper de sa fille Silfà.
le second tome est riche en rebondissements familiaux parfois tragiques : il y a un personnage odieux, violeur et qui détruit autour de lui. Sinon tous les autres s’installent dans l’histoire de leur pays de façon assez positive. Mais pour moi, c’est moins dépaysant que le début de la Saga. En revanche les difficultés de la création artistique sont très bien décrites. On comprend ce qui motive Karitas et comment elle est amenée à concevoir des tableaux très originaux.
Et pour cela, j’ai aussi lu avec grand intérêt ce deuxième tome.
Je ne sais pas exactement quelle artiste a inspiré cette écrivaine et cela m’a manqué.

Édition l’avant scène Gallimard NRF 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Un premier roman d’une jeune auteure de vingt quatre ans qui se met dans la peau d’une femme très âgée en maison de retraite. Ce roman est surprenant et a su souvent retenir mon attention, sans pour autant être un coup de coeur.

Les quatre saisons vont permettre à Isadora Abberfletch, cette vieille femme en fin de vie de faire revivre sa Maison. Chaque saison lui a apporté son lot de joie et de souffrances. la Maison avec ce M majuscule est le personnage central du roman. Isadora, croit lors de sa jeunesse que cet endroit est indispensable à sa propre vie. Elle ne peut s’en détacher , elle y a toujours vécu, avec sa famille puis qu’avec son père et enfin seule jusqu’à ce qu’elle comprenne, enfin, que sa Maison la tuera si elle y reste encore un an de plus.. Elle y a connu les moments les plus heureux de son enfance avec sa petite soeur Harriet et son frère Klaus. Les rapports avec Louisa, la soeur aînée de la narratrice sont plus compliqués on comprendra pourquoi lors de la scène importante du printemps. Chaque saison, même si elles ont été des moments heureux de sa vie se terminent par une catastrophe, l’été verra la mort de sa mère, l’automne celui de la mort d’Harriet sa petite soeur, l’hiver celui où elle se décide à partir en maison de retraite et le printemps celui où Louisa lui montrera l’envers du décord qu’elle ne voulait pas voir.

J’ai beaucoup aimé la description de l’attachement à la maison d’enfance, l’autrice sait exactement de quoi elle parle car elle encore proche de sa propre maison d’enfance , en revanche son personnage d’Isadora est peu incarnée et on a beaucoup de mal à l’imaginer mais Perrine Tripier a beaucoup de talent , elle vieillira, elle aussi et saura peut-être mieux comprendre le détachement progressif aux biens de ce monde qui sont l’apanage de la vieillesse.

 

Citations

Les romans qui débutent par la météo m’agacent peu.

 Pluie fraîche sur pelouse bleue. Herbes d’été humide, relents de terre noire. Toujours ces averses d’août sur les tiges rases, brûlées d’or.les lourdes gouttes ruissellent sur la vitre, situent, serpentent, et s’entrelacent en longs rubans de lumière liquide.

Le but de sa vie.

J’avais compris que le passé était la seule chose qui valait la peine que ma vie soit vécue. Moi, la Maison et nos souvenir, nous ferions de grandes de choses car les choses familières ne sauraient mourir. 

L’été .

La liberté absolue des jours d’été, c’est cela qui distinguait cette saison du reste de l’année. Quel délice ces soirs bleus où nous mangions dehors, sous le grand cèdre. La tablée se trouvait baignée par les effluves de résine.

Vieillir.

Vieillir n’est ce pas troquer son être vivant pour un être préparé à mourir ? Échanger le fluide vital, les idées folles, l’ivresse du monde contre une douce langueur, un cocon de morphine salutaire et lénifiant.

L’oncle alcoolique .

« Ne touche pas à l’alcool en revanche », disait Petit Père en coulant un regard appuyé vers Bertie et ses joues incarnadines, quand il remontait de la cave où il était allé « vérifier les stocks ». Nous savions tous que Bertie avait un problème, mais cela faisait partie du personnage, de bon vivant, le trublion, Le grand dévoreurs de chair. Nous le laissions tranquille, sans doute à tort, n’est-ce pas, les ogres ne font jamais de vieux os, ils font bien rire tout le monde repas de famille et puis ils disparaissent, et personne n’est surpris, mais le rire manque cruellement.

Les photos.

Les morts n’ont aucune humilité, ils s’affichent là, figés à jamais sur du papier glacé, et sont à jamais chez eux dans les lieux qu’ils ont habités On a peur de les déranger, on refuse de jeter le service d’assiettes de la vieille Léodagathe, parce qu’elle l’aimait beaucoup, la sainte femme ; pourtant ce service enquiquine tout le monde, et il est ébréché et de mauvais goût, mais ça personne ne le dit, parce que la veille Léodagathe, dont les os reposent quelque part, entassés dans le cimetière du village, rongés par la vermine était, avant tout, « une sainte femme ».

Jolie formule !

Klaus et Louise ne m’ont jamais semblé avoir du mal à partir, au contraire ; ils ont la valise aisée, la route facile. Ils partent et reviennent sans douleur, la Maison leur est toujours ouverte et toujours douce, jamais violente comme l’amour et immodéré que je lui porte et qui me rend folle loin d’elle, comme une amante jalouse.

Les déménagements.

 On s’attarde moins sur des lieux qu’on doit quitter souvent, parce qu’on se force sans doute à moins s’y attacher, comme pour atténuer la rupture que chaque déménagement provoque. Les déménagements nous brisent. On fiche dans les murs des morceaux de soi partout où l’on passe, et l’on se désagrège en partant. Mon frère s’est désagrégé au fil du temps, c’est sans doute pour ça qu’il n’est heureux nulle part 

L’autre version de la Maison.

 Elle murmura que j’étais malsaine, accrochée au passé, accrochée à une enfance que j’avais idéalisée. Elle ne s’arrêtait plus de vomir des horreurs, elle disait que Petite Mère n’avait jamais été heureuse avec Petit Père, que cette Maison avait été un calvaire pour elle, une charge écrasante. Je pensais qu’elle avait fini mais Louisa se mit à cracher de nouveau « Petite Mère n’a jamais eu d’initiales brodées sur son linge, elle ; elle avait les serviettes blanches des épouses. La maison lui pesait comme la dalle d’un tombeau, elle suffoquait sous l’effroyable pression qui lui appuyait sur le ventre, là, un ventre où se tordait l’angoisse de la ruine, l’angoisse de la mort. »

Édition L’avant scène Théâtre

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Une pièce que j’aurais eu un grand plaisir à voir. Un dialogue inventé entre deux génies du XX° siècle Einstein et Charlie Chaplin. C’est souvent drôle, tragique aussi . L’auteur concentre sa pièce sur trois moments de leur vie. D’abord quand Einstein, découvre avec horreur le sort des juifs sous la botte nazie, et que Chaplin veut faire un film en se moquant d’Hitler. Le deuxième moment Einstein s’en veut d’avoir pousser Roosevelt à construire la bombe atomique enfin la dernière scène Charlie Chaplin victime de la commission d’épuration menée par McCarthy vient voir une dernière fois son ami avant de s’exiler en Suisse. Il y a aussi un gouvernante qui permet d’avoir un lien avec l’extérieur.

Tout le travail de l’auteur c’est de nous faire comprendre à la fois le génie de ces deux hommes extraordinaires et la différence de leur démarche. Tous les deux sont des créateurs et ont besoin de liberté pour créer mais ils réagissent très différemment. Dison que Chaplin est plus humain qu’Einstein et qu’il finira sa vie dans une forme de bonheur familial qu’Einstein n’a jamais onnu.
Un beau texte et une grande envie de le voir sur scène

Citations

Un bon mot .

 « Avec le « professor » c’est pas évident pour l’habillement … au début je faisais comme Elsa. Quand il y avait des visiteurs importants, je lui demandais de faire un effort… Un jour, il m’a dit : « Si c’est moi qu’ils veulent voir, fais-les entrer…Si c’est mes vêtements, tu ouvres mon armoire et tu leur montres mes costumes ! »

Les génies scientifiques sont jeunes.

Chaplin : Et pourquoi ne fait-on plus de découvertes après quarante ans ?… Le cerveau s’amollit à ce point ?

Einstein : Je crois plutôt qu’on est prisonnier de soi-même… De ce qu’on a découvert avant … On se répète….. Ce qui manque c’est l’insolence.

Dictature et démocratie.

Einstein  : …Vous savez la différence entre une dictature et une démocratie, Charlie ?… Dans une dictature les gens sont gouvernés par la force et le mensonge. Dans une démocratie, uniquement par le mensonge !

Les stars

Chaplin : J’en ai observé beaucoup à Hollywood des stars quand on les voit groupées et elles produisent peu de lumière et encore moins de chaleur ! ( « Einstein sourit montrant le télescope »). J’ai le même à la maison. Je voulais apprendre l’astronomie. Mais c’est plus fort que moi : je dirige toujours l’objectif vers la rue. Les hommes intéressent plus que l’univers … Le contraire de vous, en somme !

Einstein : l’univers me paraît moins compliqué que mes semblables en tous ca !

 

 


Édition Liana Levi. Traduit de l’italien par Marianne Faurobert

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Ce roman est à la limite du conte , à la fois réaliste et onirique. Il raconte l’arrivée dans un pauvre village Sarde de réfugiés venant d’un bateau et sauvés par des humanitaires. Personne n’est tout bien ni tout mal dans ce récit, c’est pourquoi je dis qu’il est réaliste, mais il y règne aussi une atmosphère finalement positive comme dans un rêve, le rêve que les hommes puissent vivre heureusement ensemble, c’est pourquoi je le qualifie d’onirique.
Cela ne veut pas dire que ce récit n’est pas profond et ne fait pas réfléchir. La narratrice, une des femmes du village est très vite intriguée par ces gens qui arrivent de si loin, et elle n’est pas la seule. Elle croit pouvoir les aider et avec des amies : elles veulent leur « faire du bien ». Ce qui est amusant c’est que ces pauvres gens se croyaient arrivés en Europe alors qu’ils sont en Sardaigne dans un village isolé loin des images qu’ils avaient en tête.
Comme dans tout conte, il y a une morale, les gens du village pensaient tout leur donner, mais l’arrivée de ces immigrés leur permettra de voir ce qui ne marche pas dans leur village. C’est un échange et avec un questionnement sur l’aide humanitaire qui est très intéressant. Beaucoup de questions sont abordées dans ce roman , l’isolement des villages ruraux, la fuite de la jeunesse, l’agriculture rentable au dépend des potagers personnels….

Aucune solution simpliste n’est offerte aux lecteur et la vie va continuer tout aussi imparfaite qu’avant. Au passage, ces gens auront appris la tragédie de ceux qui sont obligés de fuir leur pays. L’écrivaine mélange avec bonheur la religion chrétienne avec l’Odyssée d’Homère, tout est prétexte à nous faire saisir la relativité des comportements humains . Elle nous régale de poésies et de citations de poètes.

Je ferai un reproche à ce livre, on se perd dans les personnages malgré leur liste au début du livre, j’ai dû sans arrêt m’y reporter.
C’est avant tout un livre qui fait du bien et où le malheur ne nous rend pas totalement triste alors que rien n’est gommé, on comprend toutes les horreurs mais la vie avec « les hommes de bonne volonté » est la plus forte.

 

Citations

Le sens de l’accueil des Sardes.

Nous ne sommes pas comme les Napolitains qui vous imposent leur compagnie même si vous n’en voulez pas et vous pourchassent vous parlent, vous invitent à parler. Nous, les Sardes, nous sommes accueillants, mais si nous devinons que vous souhaitez rester seuls, seuls nous vous laisseront, à jamais.

Des immigrants déçus.

 Mais certains des envahisseurs aussi, une fois qu’ils eurent compris que c’était bien dans ce village sarde oublié de Dieu et des hommes, ravitaillé par les corbeaux, qu’on les avait envoyés, ne voulurent plus rien avoir à faire avec nous, déçus d’avoir risqué leur peau pour échouer ici.
 Non, leur place n’était pas ici. 
Ils avaient entendu dire que l’un de nos traits distinctifs, à nous Européens étaient le goût du shopping, et qu’ici les vitrines scintillement de partout. Où étaient donc toutes ces boutiques ? Il n’y avait rien chez nous de ce à quoi ils s’attendaient. Nous n’en valions pas la peine

L’homosexualité .

 Une fois l’humanitaire du sex-shop raconta que son père avait coutume de dire : « mieux vaut un fils mort qu’un fils pédé. » L’un avait donc pour géniteur un assassins potentiel, l’autre était musulman, et dans son pays les homosexuels étaient arrêtés et parfois pire. Leur amour ne semblait pas promis à une fin heureuse et cela nous causait du chagrin, un déchirement comme toujours quand un amour est impossible.
 Tout ceci nous faisait réfléchir au fils du Tailleur qui ne revenait jamais au village parce qu’il avait un fiancé, mais qui s’en ouvrait sans problèmes au monde entier. Son père en avait plus honte que s’il avait été délinquant, mais un jour que nous nous plaignons de nos enfants avec de profonds soupirs, comme le font souvent les parents entre eux, quand ils se lâchent le Tailleur fit cette sortie : « Mon fils, lui, au moins s’est fait tout seul et il est devenu célèbre alors que les vôtres ont eu beau courir le monde vous devez encore les entretenir. »

Aimer l’humanité ou les personnes.

 Le père Efix se moquait des autres comme d’une guigne et en cela il se révélait bien différent de la Dévote, de Gilles, et du Professeur qui ne faisaient jamais de favoritisme et beaucoup plus critiquable puisqu’il était prêtre. Mais nous nous sentions proches de lui, qui aimait des personnes et non toute l’humanité. Il fallait être un saint pour aimer toute l’humanité. 

La Vierge Marie par le père Efix.

 « Marie doit s’être sentie très seule, elle aussi, disait le père Efix. Quelle que soit la manière dont les choses se sont vraiment passées son enfant aurait pu rester son père. Mais il en va de même pour toutes les femmes enceintes, les circonstances de la conception ne comptent plus, le mâle s’efface. Le père s’il apparaît, le fera plus tard, et demeura un père putatif.
 Il aimait énormément Joseph et le tenait en grande estime. Quelle largesses de vue avait été la sienne, lui qui avait accepté de s’unir avec une femme gravide, peut-être victime d’un viol. Certes, un ange lui était apparu qui lui avait dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre avec toi Marie, ton épouse. » Comment le croire ? Et si c’était une hallucination ? Mais Marie avait le cœur pur et cela lui suffisait.