Merci Aifelle pour cette superbe suggestion. Quel beau roman ! sur un sujet si triste ! Tout vient de l’écriture de cet écrivain que je connais grâce à toi Aifelle et donc, j’ai aussitôt acheté « le jour des corneilles » et cela permet de voir l’étendue du talent d’écrivain de Jean-François Beauchemin.
Dans le roitelet l’auteur évoque la vieillesse d’un écrivain qui doit beaucoup lui ressembler, il aime sa femme son jardin, ses promenades dans une nature dont il savoure les différents aspects et surtout son amour pour son frère. Celui-ci est schizophrène, il souffre beaucoup, surtout quand ses démons l’envahissent. Sa souffrance bouleverse le narrateur et on comprend si bien pourquoi. L’auteur a choisi d’exprimer son affection pour ce frère blessé par une maladie que l’on de sait pas soigner (ou si mal : en abrutissant le malade de médicaments), il le fait grâce à de cours chapitres qui sont autant de petits poèmes en prose. J’ai adoré ce livre, et comme Aifelle je ne peux que vous inciter à le lire, j’espère mes extraits vous en donneront envie.
Citations
Début de la maladie de son frère.
Mon frère n’était pas aussi confiant. Je sentais la présence en lui d’une menace, d’un traumatisme naissant. L’adolescence est une période de remodelage du cerveau : le programme de maturation qui bientôt fournira les codes de l’âge adulte fait l’objet d’importants bouleversements. De nouvelles connexions neuronales se mettent en place, tandis que d’autres s’évanouissent. Des accidents se produisent, paraît-il, lors de cette grande période de reconfiguration qui rendent certaines jeunes personnes particulièrement fragiles inaptes à gérer les situations émotionnellement éprouvantes.
Première scène traumatisante et titre du livre.
Passant en quelques secondes de l’optimisme le plus vrai à une sorte de neurasthénie prophétique, il a eu cette formule à vous glacer les os : » Je suis de moins en moins réel. C’est atroce. » Un fulgurant éclair de compréhension semblait le traverse. Accablé tout à coup, pleurant presque, il s’est ensuite appuyé sur un arbre et a prononcé ces mots funestes : « J’ai cessé d’être tout à fait dans cette vie. Je sens que s’ouvre devant moi les portes d’un pays terrible, et que j’y suis repoussé comme à la périphérie des choses et du Monde. »A ce moment je me suis dit pour la première fois qu’il ressemblait, avec ses cheveux courts aux vifs reflets mordorés, à ce petit oiseau délicat, le roitelet, dont le dessus de la tête est éclaboussé d’une tache jaune. Oui, c’est ça : mon frère devenait peu à peu un roitelet, un oiseau fragile dont l’or et la lumière de l’esprit s’échappaient par le haut de la tête.
Humour .
Il est venu ce matin encore frappé à ma porte. Je n’avais pas versé le café dans les tasses que déjà il me disait ces mots. « Tu devrais écrire un livre dans lequel rien n’arrive. » J’ai trouvé l’idée d’autant plus séduisante que j’ai sous la main, avec ma vie très banale, une grande quantité de matière à partir de laquelle travailler.
Souffrance du schizophrène.
Je notais cependant que la lumière changeait, et devinais que, de l’autre côté des feuilles d’aluminium, le soleil lentement commençait à descendre. J’ai senti petit à petit mon frère reprendre le dessus sur les démons qui depuis cinquante heures l’assaillaient. Puis je l’ai vu se détendre enfin, se défaire de l’emprise terrible de son angoisse, s’allonger et s’endormir, épuisé, comme s’il venait de combattre à mains nues un fauve, ou un dragon crachant le feu par les narines.
Confidences de son frère schizophrène.
Toi, si tu es pourchassé par un malfaiteur tu as toujours la possibilité de courir te mettre à l’abri. Moi je ne le peux pas. Le malfaiteur est dans mon cerveau et je ne peux pas m’enfuir..
Les questions sur Dieu.
Pourquoi Dieu ne m’aime il pas ? Après tout c’est son métier d’aimer les gensJe crois en Dieu. Je n’ai d’ailleurs pas le choix : dans cette vie il n’y a pas moyen de faire autrement. Mais lui ne me paraît pas tellement croire en moi.
Le sens de la vie.
« À quoi sert l’art, aujourd’hui, dans ce monde où nous vivons ? » Elle achevait d’enfiler sa robe lorsqu’elle m’a dit : « Il me semble que c’est une sorte d’acte de résistance. Rien de prodigieux. Pour tout dire, je crois que la peinture, la littérature, la photographie, la musique ou le cinéma, de toutes ces choses-là, pour la plupart, ne contribuent que très modestement à la bonne marche du Monde. Les œuvres d’art de sont qu’un signal, un phare émettant une faible lueur au milieu de la nuit. Faible, oui. Mais c’est la seule dont nous disposions. »
Citations
Style de l’auteur et folie du père.
Après l’enfouir de mère et mon breuvement de lait, père, moulu par le chagrin, s’allongea pour la nuit, non sans avoir bien refait le capiton de ma propre paillasse et établi ci-dessus. C’est à l’aube suivante que ces gens parurent en son casque pour la première fois. Après déjeuner, à peine avions-nous avalé le gruau de joubarbe que voilà père qui gesticule et commence de se débattre avec ses visiteurs cependant aussi invisibles que pet de mosquée Ça dure, ça dure, la sueur ruisselle sous la liquette de père, car il arpente la cabane, et s’agite et grogne et semonce, et rouspète et menace ses gens. Puis vient un moment d’allumettes, et père s’établit sur le taboureau. Sa conversation, toutefois, persévère. Quoique fort-vert, j’avais déjà l’œil ouvert et l’aptitude agile. Aussi traduisis-je vivement le sens de cette émeute : quelque part sur le chemin séparant la tombe de mère et le seuil de la cabane, père avait égaré l’entendement.
J’accepte facilement les mots que je ne comprends pas car j’aime cette façon d’écrire.
Il nous tardait, en effet, non seulement d’assurer le repas du soir, mais aussi de regarnir notre magasin d’accoutres. Car nos cache-esgourdes, excuse-train, mitaines, godillots-de-poil, tapisse-parties,escorte-blair et pousse-cuisses habituels menaçaient d’usure
Je le talonnai long de temps, le pied rêveur, le casque résonnant de ses paroles. Surtout, je remuai la question posée par grand matin. En effet que contenait donc le cœur de mère ? Plus tard lorsque je perçais notre première bête puis que j’en retirais discrètement la flèche, je crus concevoir le répons que j’appelais. Oui, mère était ainsi que le déchirement de l’aube ; son corps pourrait bien passer et tomber sous la brossée de la mort. Mais son cœur ne se résignait guère au trépas.
La question que le lecteur se pose pendant tout le livre.
D’où me venait que malgré ses cruels mouvement à mon endroit, je le chérissais cependant plus que l’existence même ? Était-ce là l’effet puissant et impénétrable de la lignée ? Le sang qui courses dans nos veines est-il à ce point porteur de sentiment ? Mystère de nos jours ! Diableries de la naissance, de la souche et de la famille !
Mais les deux sont vraiment intéressants, chacun leur tour, merci. Tu fais bien de donner des extraits.
Tu les as lu aussi ? Ce sont deux livres écrits de façon tellement différente c’est incroyable d’avoir autant de possibilités d’écriture.
J ne les ai pas lus, ces romans, non.
Je n’ai lu -et ADORE !- que Le chemin des corneilles.. je lirai donc Le roitelet, c’est sûr.
Le roitelet est sans doute mon coup de cœur de l’année mais sans doute parce que ce sujet me touche personnellement
Je vais pouvoir me faire ma propre idée, je l’ai acheté hier, du coup !
J’ai hâte de te lire
si vous vous y mettez à deux pour nous convaincre je vais baisser les bras
Ce sont des livres très courts qu’on n’oublie pas. Alors oui tu peux te joindre à nous.
Le roitelet vient de rejoindre les étagères de la petite bibliothèque où je suis bénévole… tu peux être sûre que je vais le lire !
J’en suis certaine aussi, et tu peux les conseiller à tous les gens qui sont de près ou de loin concernés par la maladie mentale.
Bonsoir Luocine,
Certaines citations ont un écho avec les réalisations de certains Alzheimer avec qui je travaille. Les rouages du cerveau sont absolument fascinants et inquiétants à la fois.
Anne
C’est vrai, le cerveau est fascinant et la souffrance de la maladie mentale terrible quand le sujet est un peu conscient.
Je suis ravie de te voir enthousiaste à la lecture de cet auteur à la plume si délicate et touchante. J’en ai lu un troisième, également très bon « la fabrication de l’aube ». Je vais chercher d’autres titres disponibles en France.
Je trouve que cet auteur a une palette très large d’écriture c’est rare.
PS. Le lien vers mon billet : http://legoutdeslivres.canalblog.com/archives/2015/11/19/32949712.html
J’ai mis déjà le lien dans mon article merci pour cette belle découverte
Et bien ! devant tant d’avis enthousiastes et de belles citations, je note à mon tour ces deux titres ! (trois maintenant) … Ce n’est pas tant le sujet que l’écriture qui me tente.
Tu as raison cet auteur est très particulier et remarquable à mon avis pour son écriture.
Un si gros coup de coeur, difficile de passer à côté !
Oui ce roman m’a beaucoup touchée. Et l’écriture est parfaite (pour moi)
Deux titres en lien avec les oiseaux, c’est amusant. Bon, si vous vous mettez à deux pour qu’on note un livre, je ne vais pas faire descendre ma LAL !
On se retrouve facilement sur ce genre de lectures.
Je suis en liste d’attente à la bib de Dinard pour le roitelet !
Le 2ème titre me tente beaucoup moins. On verra après avoir lu le premier !
je peux aussi te le prêter je vais à dinar bientôt tu me dis