Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thè­que de Dinard, traduit de l’anglais par Christine Le Boeuf.


Un roman typiquement British, vous y boirez des litres et des litres de thé, vous y mangerez des sandwichs, vous y croiserez des femmes fofolles gentilles et des méchantes, des chiens (beaucoup de chiens) un fantôme ou plus exactement l’esprit d’une femme morte qui veut faire aboutir ce récit, les allusions aux romans classiques anglais, un vrai gentleman quelques odieux personnages tout cela saupoudré d’humour (c’est que j’ai le plus apprécié dans ce roman) . Bref, un roman comme une sucrerie anglaise trop colorée et trop sucrée mais qui va si bien avec leurs jolies tasses et leurs tapisseries à fleurs. Le fil de la narration est amusant, un homme qui a perdu celle qu’il aimait et la médaille qu’elle lui avait confiée, se met à collectionner les objets perdus et les répertorier : c’est notre gentleman. Laura sa secrétaire qui deviendra son héritière aura pour mission de retrouver les propriétaires des dits objets, elle hérite aussi d’une superbe maison à Londres, ça c’est le côté bonbon aux couleurs tendres de l’Angleterre. L’intrigue se complique car nous devons suivre aussi le destin de la médaille perdue et donc croiser une hystérique anglaise qui écrit de mauvais romans parodiant les classiques. Une fofolle antipathique !

C’est un peu compliqué un peu touffu, le charme vient aussi des récits que notre gentleman avait inventés à propos de chaque objet, ça fait un peu atelier d’écriture mais c’est sympathique.
Tout finira bien avec l’amour et la richesse en prime.

Citations

Un passage plein d’humour, les méchantes langues accusent évidemment Laura d’avoir mis le grappin sur le gentleman

– Eh bien, je suppose qu’elle faisait un peu plus que dépoussiérer et passer l’aspirateur.
Laura avait l’intention de passer près d’elle sans être vue mais, maintenant, elle leur fit face avec un sourire crâne.
-Fellation, annonça-t-elle . Tous les vendredis. Et, sans un mot de plus, elle sortit en majesté. Winnie se tournant vers Marjory, l’air intrigué.
– Ça s’appelle comment, ça en langage courant ?
– C’est de l’italien, dit Marjory en se tapotant la bouche avec sa serviette. J’en ai mangé, une fois dans un restaurant.

Les pensées d’une femme qui ne sait pas encore qu’elle est presque amoureuse

 Il avait dit « oui » et, depuis, L’aura avait gaspillé un temps considérable à essayer de comprendre pourquoi. Ses hypothèses étaient nombreuses et variées : elle l’avait pris par surprise ; il se sentait seul ; il avait envie de dinde rôtie mais ne savait pas cuisiner ; il la plaignait. L’explication qu’elle envisageait avec le plus de réticence mais aussi le plus d’excitation était la plus simple et la plus énervante. Il venait parce qu’il en avait envie.

Alzheimer

 Elle aurait aimé pouvoir faire quelque chose, n’importe quoi, pour atténuer le chagrin de Bomber lorsqu’il voyait son père s’éloigner inexorablement vers un horizon lointain et inaccessible. La bonne santé physique de Godfrey était d’une cruelle ironie, couplée comme elle l’était à sa fragilité mentale, faisant de lui un enfant craintif et colérique qui aurait trop grandi. « Le corps d’un buffle, l’esprit d’un moucheron ».

J’ai lu les deux romans à la suite, je les fais paraître donc le même jour sur Luocine. J’aime cet auteur je connais bien le monde dont il parle et j’ai l’impression que beaucoup de gens peuvent dire cela de lui.

Dans un style léger, Jean-Philippe Blondel se raconte, pour un pudique c’est une entreprise risquée, il parvient grâce à l’humour et à la connivence qu’il installe entre nous et ses souvenirs à ne jamais tomber dans le voyeurisme. Chaque chapitre est l’occasion de se souvenir d’une chanson et je conseille de lire ce livre avec « Youtube », c’est drôle de faire revenir de la musique des limbes du monde des souvenirs. Dieu que les ado aiment des chansons stupides et seulement braillardes le plus souvent ! Je ne peux pas dire que j’ai été complètement séduite par ce livre, mais je suis en partie responsable, il ne faut jamais lire aussi rapidement deux livres du même auteur surtout après avoir aimé le premier.
Les émois de l’ado ressemblent à tellement de mauvais films que malgré le réel talent de l’auteur on a souvent l’impression d’être dans le cliché.

Citations

La boum dans les locaux de l’église à lire en écoutant ti amo » de Umberto Tozzi

Vers quatre heures de l’après-midi, frère Damien vient partager quelques mots de foi avec nous. Nous avons tiré les rideaux pour être dans l’obscurité totale. Les slows s’enchaînaient les uns aux autres. Il n’y a plus que des couples. On ne reconnaît personne. Nous n’avons pas touché aux gâteaux au yaourt fait dans les Tupperware. Frère Damien est blême-il bredouille « mais qu’est-ce que vous faites ? »
Un partage frère Damien
Un partage.

Une remarque sur les objets

C’est curieux comme les objets traversent les âges, au bout d’un certain temps, on ne sait plus quand on les a achetés, on sait seulement qu’ils nous accompagnent silencieusement, jusqu’au moment où, sans raison particulière, on s’agace ;, j’en assez de ce fauteuil vert, c’est quand le prochain vide grenier ?

La paternité

Il est quatre heures du matin, je tourne dans la cuisine avec le porte-bébé en marquant bien le tempo avec mes pieds ; Grégoire s’est réveillé environ trois fois dans la nuit -la dernière fois, c’était il y a une heure et il n’est pas parvenu à se rendormir. Alors, j’ai fait ce qui marche à chaque fois. Porte-bébé, veilleuse dans la cuisine, et la seule chanson qui le calme -un chanteur à peine sorti de l’adolescence, avec une capuche sur la tête, qui bouge dans tous les sens et déchaîne l’hystérie des quatorze quinze ans. « Keep on trackin’me ». J’ai trente sept ans, je suis fatigué, je voudrais dormir, mais si je m’arrête de chanter et de danser, Grégoire se réveillera et se mettra à hurler -j’en ai déjà fait l’expérience.
Alors, je bouge dans la cuisine.
Allez, bouge -tourne- et chante.
Et n’oublie pas que dans quatre heures, il faudra aller au boulot.

Présenté et traduit de l’arabe par Tahar Ben Jelloun. Lu grâce au club de lecture de la média­thèque de Dinard (Thème le Maroc)

Cette plongée dans la misère totale ne peut laisser personne indifférent. Ce livre, écrit par Mohhamed Choukri, raconte sa propre enfance dans un Maroc qui, en 1940 à la veille de son indépendance, connaît une sécheresse terrible dans le Rif. Mohammed n’a pour lui qu’une mère qui essaie vainement de protéger ses enfants des coups de ce père ivrogne, drogué, fainéant et d’une violence totale. Devant les yeux du petit Mohammed, il tort le cou du grand frère malade. De cet acte horrible, l’enfant ne se remettra jamais, mais qui peut se remettre d’une telle vision ? Il va errer de mauvais lieux en mauvais lieux, fumant, buvant de l’alcool très fort. Il va subir toutes les violences possibles et rendre tous les mauvais coups que ses forces lui permettent de donner.

Et au milieu de tous les immondices de la société humaine, il découvre sa sexualité dans les bordels. Ce sont les seuls moments de calme et, parfois de douceurs, le corps des prostituées qui s’offrent à lui pour assouvir des désirs sexuels toujours présents. Ce livre est une plongée dans la lie de la terre. Le seul moment de beauté est écrit dans la préface de Tahar Ben Jelloun, qui nous apprend que ce livre n’a pas pu être édité dans une maison d’édition arabe car on aime pas beaucoup en pays de l’islam montrer la prostitution, l’alcoolisme et les méfaits de la drogue.

Heureusement pour l’auteur, ce livre est aussi un acte fondateur d’un grand écrivain, car, comme il le raconte dans les dernières pages, à 21 ans, il trouvera la force d’apprendre à lire et écrire. Il a laissé à la postérité un oeuvre plus apaisée. J’avoue que j’aurais préféré lire ces autres romans, celui-là m’a plongée dans une tristesse infinie à l’image du malheur de ce petit garçon.

Citations

La violence d’un père

J’avais déjà vu son mari la battre, elle et ses enfants, comme mon père le faisait, mais avec plus de violence, avec nous. Je l’avais vu aussi embrasser ses gosses et parler avec douceur et tendresse avec sa femme. Mon père, lui, criait et frappait.

le meurtre de son frère par son père

Abdelkader pleure de douleur et de faim. Je pleure avec lui. Je vois le monstre s’approcher de lui, les yeux plein de fureur, les bras lourds de haine. Je m’accroche à mon ombre et crie au secours : « Un monstre nous menace, un fou furieux est lâché, arrêtez-le ! « . Il se précipite sur mon frère et lui tord le cou comme on essore un linge. Du sang sort de la bouche.

La construction dans la délinquance

Donc mon père nous exploitait. Le patron du café lui aussi m’exploitait, car j’ai su qu’il y avait d’autres garçons mieux payés que moi. J’avais décidé de voler toute personne qui m’exploiterait, même si c’était mon père ou ma mère. Je considérais ainsi le vol comme légitime dans la tribu des salauds.

La sexualité et le style de l’auteur

Cette femme me faisait peur : elle me proposait de la pénétrer, d’entrer dans sa chair comme un couteau pénètre une plaie. Elle s’est mise sur le lit et a ouvert les jambes. Il n’y avait pas de poil sur son « truc ». Elle prit ma verge dressée entre ses doigts. Je pensai soudain : et si la « plaie » avait des dents ! Je glissai entre ses cuisses avec crainte. Elle m’enveloppa de ses jambes et me serra très fort, appuyant sur mes petits fesses avec ses talons. Elle se donnait de la peine. Énervée, elle me dit :

– Tu ne sais pas encore pénétrer une femme.

Je ne savais quoi répondre. Je pensais aux chiens qui baisent et qui ne peuvent plus se détache. Sa « plaie » était sèche, elle me repoussa, mouilla ses doigts avec de la salive et les porta à sa « bouche » inférieure.

les deux dernières lignes

Mon frère était un ange. Et moi ? Deviendrait je un Diable ? C’est sûr, pas de doute. Les enfants, quand ils meurent, se transforment en anges, et les adultes en diables. Mais il est trop tard pour moi pour espérer être un ange.

 

Traduit de l’anglais(Irlande)par Cécile Arnaud

Lu grâce au club de lecture de la média­thèque de Dinard.

Encore un roman choral, croisant plusieurs destins qui commencent en 1958 par celui d’un Irlandais qui travaille comme un fou dans une mine pour s’acheter une petite ferme en Irlande, jusqu’en 2027 où sa petite fille Daisy veut visiter la mine dont son grand père lui a parlé. Entre ces deux dates, des êtres tous cabossés par la vie tournent autour d’une ferme écologiste tenue par un certain Joe qui cultive le cannabis pour pouvoir payer les dettes qu’il a contractées auprès de son père.

Aucune personnalité n’est très intéressante. Ce sont toutes des personnes souffrantes, comme Carlos l’ouvrier agricole mexicain qui a vu son neveu mourir lors d’une traversée clandestine de la frontière mexicaine vers les USA. Joe le dealer de haschisch et fermier est l’enfant d’un couple mal assorti, d’une mère juive professeur de piano et enfermée dans ses souvenirs de fuites du nazisme et d’un père italien qui aurait voulu que son fils soit un parfait petit américain champion de Baseball et de foot. Il va très mal et c’est devenu un être dangereux pour autrui.

J’ai eu beaucoup de mal à sentir les liens entre les personnages, ils sont parfois très tenus et cela donne un récit un peu vide. Le seul moment intense c’est quand la mère de Daisy prend conscience que sa petite fille est en danger dans la ferme de Joe et qu’elle comprend qu’elle doit s’enfuir au plus vite. Sinon ce sont les désillusions de différentes personnalités ratées et plus esquissée que vraiment approfondies. Deux personnages qui savaient exactement ce qu’ils pouvaient attendre d’un pays où on vient pour gagner de l’argent ont rempli leur contrat, le grand-père irlandais et Carlos l’ouvrier mexicain mais lui souffre de ne pas avoir vu grandir ses trois filles.

Dans un roman choral, ce qui est très agréable c’est le moment où les destins se rejoignent dans un élan vers une histoire commune. Rien de cela ici, j’ai eu l’impression d’être baladée de vie ratée en vie encore plus ratée, sauf au moment central mais qui se défait peu après. En plus choisir comme personnage central un personnage aussi peu sympathique que le fermier Joe rend ce roman très triste.

Citation

Cela m’a amusée de trouver dans ce roman le pluriel d’original après la lecture de « Au bonheur des fautes »

Tu te figes et tu écoutes. Tu penses à la vie sauvage qu’abrite la forêt. Les blaireaux, les lièvres et les lapins comme chez toi, mais tu sais qu’il y a aussi des orignaux, des cerfs et même des ours bruns et des chats sauvages. Tu écoutes . 

traduit de l’anglais américain par Laura Derajinski. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

J’ai beaucoup hésité entre 3 ou 4 coquillages, car j’ai beaucoup aimé le début de ce roman et beaucoup moins ensuite. J’ai aimé cette petite Caitlin qui s’abîme dans la contemplation des poissons à l’aquarium de Seattle en attendant sa mère qu’elle adore. Un vieil homme s’approche d’elle et un lien amical et rassurant se crée entre eux. Toute cette partie est écrite avec un style recherché et très pudique. On sent bien la solitude de cette enfant de 12 ans dont la maman travaille trop dans une Amérique qui ne fait pas beaucoup de place aux faibles. J’ai aimé aussi les dessins en noir et blanc des poissons ; Bref, j’étais bien dans ce roman. Puis catastrophe ! commence la partie que j’apprécie beaucoup moins, ce vieil homme s’avère être le grand père de Caitlin, il a abandonné sa mère alors que sa femme était atteinte d’un cancer en phase terminale. Commence alors un récit d’une violence incroyable et comme toujours dans ces cas là, j’ai besoin que le récit soit plausible. Je sais que les services sociaux américains sont défaillants mais quand même que personne ne vienne en aide à une jeune de 14 ans qui doit pendant une année entière soigner sa mère me semble plus qu’étonnant. Ensuite je n’étais plus d’accord pour accepter la fin, après tant de violence, j’ai eu du mal à accepter le happy end. On dit que c’est un livre sur le pardon, (je suis désolée d’en dire autant sur ce roman, j’espère ne pas trop vous le divulgâcher) , mais c’est justement ce que le roman ne décrit pas : comment pardonner. Bref une déception qui ne s’annonçait pas comme telle au début.

Citations

Sourire

Il s’appelle comment ?

Steve. Il joue de l’harmonica.
C’est son boulot ?
Ma mère éclata de rire. Tu imagines toujours le monde meilleur qu’il n’est, ma puce.

Le monde de l’enfance déformé par les parents

Tout est possible avec un parent. Les parents sont des dieux. Ils nous font et nous détruisent. Ils déforment le monde, le recréent à leur manière, et c’est ce monde-là qu’on connaît ensuite, pour toujours. C’est le seul monde. On est incapable de voir à quoi d’autre il pourrait ressembler.

Traduit du Finnois par Anne Colin Du Terrail. Lu grâce au club de lecture de la média­thèque de Dinard.

Il faut dire que cela me plaisait assez de lire un roman traduit du finnois, ma bibliothécaire m’avait prévenue, c’est un auteur complètement déjanté , mais ce roman-là lui semblait presque « normal ». Je ne sais pas si je n’avais pas le cœur à rire, mais au bout de la page 112, je commençais à être écœurée par tant de méchancetés et j’ai commencé à survoler rapidement. Je dois dire que l’humour finnois est un peu lourd pour moi. Je verrai mieux ce livre en BD, (ça me va bien de dire ça ! Je ne lis que très peu de BD). Disons que c’est un peu l’esprit « Hara-kiri » . Pour ceux qui aiment le genre, je raconte le début : une gentille vieille dame est harcelée par un horrible neveu et ses deux complices et aura toutes les peines du monde à se débarrasser de ces êtres nuisibles. Même dans l’au-delà, ils continueront à lui nuire mais j’en dis peut être trop. Je vous recopie un passage pour que vous appréciez l’humour, si vous aimez allez-y ce livre est plus pour vous que pour moi !

Citations

la société finlandaise vu par l’horrible neveu qui a toujours vécu sans travailler, (cela fait réfléchir sur le revenu universel !)

La société finlandaise et ses criantes inégalités nourrissaient leur amertume. Comment admettre, par exemple, que la pension de Linnea Ravaska atteigne cinq mille marks ? Le seul et unique mérite de cette vieille toupie avait été de vivre avec son croulant de colonel. La pension de Kake (le neveu) ne représentait qu’une infime fraction de celle de sa tante. Et il croyait savoir que certains veinards dans ce pays, pouvaient toucher jusqu’à dix mille marks et plus ? Qu’avait-il donc fait pour être condamné à un sort aussi minable ? Rien. L’écart était encore plus abyssal si l’on comparait sa situation et son mode de vie à ceux de Linnea. De quel droit une frugale petite vieille percevait-elle plus du double de la pension d’un mâle vigoureux qui dépensait pour se nourrir plusieurs fois autant qu’une maigre veuve ? Sans parler de ses autres dépenses : il n’était pas assez cacochyme pour vivoter heureux au coin du feu dans une métairie perdue au fin fond de la brousse. Pour un jeune homme éclatant de santé, vivre en ville revenait horriblement cher, avec les inévitables voyages, les nuits à droite et à gauche. Il devait aussi déjeuner et dîner au restaurant, puisqu’il n’avait pas de domicile convenable, et encore moins de femme pour lui faire la cuisine. Linnea pouvait faire en chemise de nuit, si elle voulait, l’aller retour entre sa ferme et l’épicerie de Harmisto, mais à Helsinski c’était autre chose, s’habiller coûtait une fortune. Quant à s’offrir des cigarettes et de l’alcool, il ne fallait pas y songer. La disproportion des dépenses et des revenus de la colonelle et de son neveu était vertigineuse.
Et si, poussé par le besoin, on se trouvait contraint de voler un peu pour mettre du beurre dans les épinards, on vous collait les flics aux fesses. La Finlande était un état policier. L’action sociale y était digne du Moyen Âge .
Selon Perti Lahtela (le copain du neveu), la responsabilité de cette triste situation incombait aux hommes politiques, et en particulier aux communistes. C’étaient eux qui étaient au pouvoir quand ces misérables lois sociales avaient été votées. Or les cocos appartenaient à la classe ouvrière, et tout le monde savait quelles maigres paies touchaient les prolos . N’ayant aucune idée de ce qu’était un revenu correct, ils avaient fixé les pensions au niveau de leurs salaires. C’était pour cette raison que lui-même votait toujours à droite.

 

 Je ne sais pas depuis quand ce roman était dans ma bibliothèque ni qui l’y a mis. Je n’ai pas souvenir d’avoir voulu le lire, mais c’est chose faite. Est-ce un roman ? un essai ? une autofiction ? Je ne peux pas répondre à ces questions, tout ce que je peux dire c’est que rarement un écrivain aura fait de lui-même un portrait plus déplaisant. En le lisant, je me disais : « quel est le malheur plus grand que de n’être pas aimé ?, de ne pas aimer soi-même ? » et bien j’ai trouvé la réponse « d’être aimé par un écrivain à l’esprit torturé ! ». Car ce « roman russe » raconte la vie d’Emmanuel Carrère, sa mère, son grand père russe et collaborateur des nazis, et l’amour d’ Emmanuel pour une pauvre Sophie qui doit être bien triste de l’avoir aimé. Lui qui, lorsqu’il est angoissé a de l’herpès sur le prépuce. Ne soyez pas étonné que je connaisse ce fait si important, il est dans son roman comme tant d’autres détails dont je me serai volontiers passée. Donc, on connaît tout de ses petitesses dans sa conduite amoureuse, le clou de l’ignominie c’est lorsqu’il lui offre exactement la même bague que Jean-Claude Romand avait offert à sa femme et qu’il l’emmène le soir même une adaptation de son livre « L’adversaire » qui raconte justement les meurtres de Romand. Est-ce que je rejette tout de ce livre ? je me dis qu’il lui a permis peut-être de se reconstruire en étalant ainsi les côtés les plus déséquilibrés de son être et des failles de sa famille. Je trouve aussi que la partie russe résonne assez juste, mais ce dont je suis certaine c’est que si j’avais commencé par la lecture de ce livre je n’aurais plus jamais ouvert un livre de cet auteur.

Citations

Autoportrait peu flatteur

La plupart de mes amis s’adonnent à des activités artistiques, et s’ils n’écrivent pas de livres ou ne réalisent pas de films, s’ils travaillent par exemple dans l’édition cela veut dire qu’ils dirigent une maison d’édition. Là où je suis, moi copain avec le patron, elle l’est avec la standardiste. Elle fait partie, et ses amis comme elle, de la population qui prend chaque matin le métro pour aller au bureau, qui a une carte orange, des tickets restaurants, qui envoie des CV et qui pose des congés. Je l’aime, mais je n’aime pas ses amis, je ne suis pas à l’aise dans son monde, qui est celui du salariat modeste, des gens qui disent « sur Paris » et qui partent à Marrakech avec le comité d’entreprise. J’ai bien conscience que ces jugements me jugent, et qu’ils tracent de moi un portrait déplaisant.

Jugement du principal protagoniste du film Retour à Kotelnitch

C’est bien : et ce que je trouve surtout bien, c’est que tu parles de ton grand père, de ton histoire à toi. Tu n’es pas seulement venu prendre notre malheur à nous, tu as apporté le tien.Ça, ça me plaît.

Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thè­que de Dinard. Traduit de l’anglais par Claire Desserrey

 Les écrivains ont, à chaque époque, leur façon de se raconter. Au XVIIe siècle, on n’avait peu l’habitude de se répandre en confidences sur sa vie privée, surtout pour un philosophe. Même Montaigne au XVIe n’a écrit sur lui-même que pour nous faire comprendre qu’il « portait en lui l’humaine condition » et donc nous ne connaissons rien, ou presque, de ses amours ancillaires ou autres ! On sait peu de choses sur une petite Francine, enfant d’une servante en place à Amsterdam chez le libraire qui accueillera Descartes, elle est née en juillet 1635 et morte en 1640. La servante, sa mère, savait écrire et Descartes écrivit lors de la mort de l’enfant qu’il avait connu « le plus grand regret qu’il eût jamais senti de sa vie ». Voilà les source sûres qui donnent corps à ce roman « historique ».

L’auteure du XXIe Siècle, cherche à donner vie à cette Héléna que Descartes aurait séduite et avec qui il a eu une enfant.C’est particulièrement compliqué pour l’auteure, Genevre Glasfurd, car elle a bien du mal à imaginer les sentiments et les réflexions d’une femme de cette époque. Le fait que cette servante sache lire et écrire suffit-il pour l’imaginer indépendante et libérée des carcans de son époque ? Ce ne sont là que des hypothèses qui ne sont guère convaincantes, d’ailleurs on sent que l’écrivaine, par soucis de vérité sans doute, ne sait pas trop quel parti prendre : Héléna est à la fois très religieuse et éprise de liberté.

Cette histoire d’amour entre une servante protestante et un grand écrivain français catholique dont on sait historiquement que peu de chose, prend trop de place dans le roman. La description des difficultés pour écrire librement un livre de philosophie dans des pays dominés par un pouvoir religieux obscurantiste est beaucoup plus intéressante. Et puis, comme dans tout roman historique, le fait d’amener le lecteur à vivre dans une société du temps passé, nous fait découvrir une autre époque et d’autres lieux mais j’étais mal à l’aise parce que je sentais bien que l’auteure voulait donner une forte personnalité à une jeune femme dont on sait si peu de choses, même si le fait de savoir lire et écrire était peu banal, cela n’en fait pour autant la « femen » du XVIIe.

Lisez l’avis de Dasola qui a aimé cette lecture et qui souligne la qualité d’écriture de cette écrivaine à laquelle je n’ai pas vraiment été sensible. Même si ce roman se lit facilement.

Citations

L’importance des écrits pour Descartes

Qu’est ce qu’un livre ? Les élucubrations de mon cerveau. Des mots, écrits à la plume avant d’être imprimés. Des pages, assemblées et reliées, diffusées. Lorsqu’il paraît, un livre est une chose incroyable, il a de la la force, des conséquences. Il peut remettre en cause d’anciens dogmes, désarçonner les prêtres les plus convaincus, mettre à bas des systèmes de pensée.

Ambiance de l’époque en Hollande

Nous passons devant le marché aux poissons et l’église Pieterskerk ; un homme a été mis au pilori, pieds nus et sans manteau, avec à côté de lui un écriteau où l’on peut lire : FORNICATEUR.


Ce livre, cadeau d’amis navigateurs, a été récompensé par plusieurs prix et commenté de façon très élogieuse sur de nombreux blogs. Si j’ai quelques réserves sur ce roman et que je n’en fais pas comme tant d’autres lecteurs et lectrices un coup de cœur, je le considère cependant comme un très grand roman. Catherine Poulain, cette petite femme à la voix si douce est à coup sûr une romancière étonnante. Elle raconte, son expérience de 10 ans en Alaska, où elle est allée faire la pêche dans des conditions extrêmes. C’est une femme de défis, et elle veut montrer à tous, et d’abord à elle même qu’elle peut tenir sa place sur les bateaux menés par des hommes par tous les temps.

Comme elle n’a aucun préjugé, elle cherche à connaître ces marins qui après avoir passé des semaines en mer dans des conditions de fatigue effroyable reviennent à terre pour se saouler dans les bars des ports. Elle en fait des portraits au plus près de la réalité et trouve en chacun d’eux, même ceux qui roulent dans le caniveau après leur beuveries, leur part d’humanité. J’ai beaucoup aimé ces récits de pêche et on reste sans voix devant la violence contre l’espèce animale. Les scènes où ces hommes tuent ces superbes poissons sont d’une beauté mais d’une tristesse infinie, les hommes sont-ils obligés de tant de cruauté pour se nourrir ? Même les limites imposées par les contrôles pour la survie des espèces ne sont guère rassurantes pour la reproduction des gros poissons des mers froides. Bien sûr, les pêcheurs ne doivent pas ramener des poissons trop petits, ils les rejettent donc dans les flots, seulement qui s’inquiètent qu’ils soient déjà à l’état de cadavres ? Tout cela est parfaitement raconté, alors pourquoi ai-je quelques réserves ? C’est un récit très répétitif surtout quand Lily est à terre. Je n’ai pas une grande passion pour les beuveries dans les bars et il y en a beaucoup, beaucoup trop à mon goût dans ce roman.

Citations

Être pêcheur

Embarquer, c’est comme épouser le bateau le temps que tu vas bosser pour lui. T’as plus de vie , t’as plus rien à toi. Tu dois obéissance au skipper. Même si c’est un con (…..) Manquer de tout, de sommeil, de chaleur, d’amour aussi, il ajoute à mi-voix, jusqu’à n’en plus pouvoir, jusqu’à haïr le métier, et que, malgré tout on en redemande, parce que le reste du monde vous semble fade, vous ennuie à devenir fou. Qu’on finit par ne plus pouvoir se passer de cette ivresse, de ce danger, de cette folie !

Dangers de la pêche

– Mais a quoi exactement je dois faire attention ?
– À tout. Aux lignes qui s’en vont dans l’eau avec une force qui t’emporterait si tu te prends le pied, le bras dedans, à celles que l’on ramène qui, si elles se brisent, peuvent te tuer, te défigurer … Aux hameçons qui se coincent dans le vireur et sont projetés n’importe où, au gros temps, au récif que l’on n’a pas calculé, à celui qui s’endort pendant son quart, à la chute à la mer, la vague qui t’embarque et le froid qui te tue….

Scènes à vous dégoûter de manger du poisson et une idée du style de l’auteure

Mais non, pas des dollars …. des poissons bien vivants… des créatures très belles qui happent l’air de leur bouche stupéfaite, qui tournoient follement sur le clair blanc de l’aluminium, aveuglés par le néon, se cognent encore et encore à cet univers cru où tout est tranchant, toute sensation blessante.

Une femme à bord

Une femme qui pêche va se fatiguer autant qu’un homme, mais il va lui falloir lui trouver une autre manière de faire ce que les hommes font avec la seule force de leurs biscoteaux, sans forcément réfléchir, tourner ça autrement, faire marcher son cerveau. Quand l’homme sera brûlé de fatigue elle sera encore capable de tenir longtemps, et de penser surtout. Bien obligé.

Que cherche-t-on dans ces conditions extrêmes

Vous êtes venus chercher quelque chose qui est impossible à trouver. Une sécurité ? Enfin non même pas puisque c’est la mort que vous avez l’air de chercher, ou en tout cas vouloir rencontrer. Vous cherchez… une certitude peut-être… quelque chose qui serait assez fort pour combattre vos peurs, vos douleurs, votre passé -qui sauverait tout, vous en premier.

Lu grâce au club de lecture de la média­thèque de Dinard. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Cécile Leclère et coup de coeur de mon club.

Dans ma volonté d’aller vers des lectures qui ne sont pas trop dans mes goûts, je me suis lancée dans ce roman policier car il était au programme de mon club. J’ai vraiment du mal avec le suspens et, encore une fois, j’ai commencé par la fin. Pour ce roman cela n’enlève pas grand chose à l’intérêt, sauf que je ne peux pas vous la raconter alors que j’en brûle d’envie. J’imagine vos déceptions et la colère de Krol si je révélais la solution de cet horrible suspens : est-ce que la pauvre Tessa « presque » victime d’un tueur en série quand elle avait 16 ans arrivera à sauver du couloir de la mort celui qui avait été arrêté à l’époque ? Elle est adulte maintenant et doit donc revivre son calvaire car il n’est pas certain que le coupable idéal : un noir qui passait par là, soit vraiment le tueur. Je vous promets que ce que je dévoile ne va pas au delà des premières pages.

Ce qui rend ce roman original, c’est que la tension ne vient pas de la peur de l’ado séquestrée dans une tombe, on sait dès le début qu’elle a été sauvée contrairement aux autres « marguerites » qui, elles, ont été assassinées. Mais du fait que l’enquête doit reprendre et que les fils si embrouillés doivent être de nouveau démêlés, l’angoisse s’installe quand même car Tessa semble si fragile et ce qu’elle a vécu si terrible. Je pense que les amateurs du genre doivent adorer, moi je le trouve étonnant, bien construit et posant au passage le problème des préjugés racistes qui empêchent que la justice américaine soit « juste » pour tous ses citoyens. Mais je ne comprends pas le plaisir qu’on peut avoir à lire des horreurs absolues qui montent en tension grâce au suspens.