Un livre au sujet de Proust rassemblant neuf écrivains appréciant pour des raisons différentes la Recherche, : Laura El Makki, Antoine Compagnon,Raphaël Enthoven, Michel Erman, Adrien Goetz, Nicolas Grimaldi, Julia Kristeva, Jérôme Prieur, Jean-Yves Tadié.
Ils ont chacun leur Proust et, durant l’été 2013, ils l’ont raconté sur les ondes de France Inter. Je n’écoute pas souvent la radio l’été , mais ce livre me le ferait regretter. J’ai lu avec beaucoup d’intérêt ce recueil, il m’a permis de revivre des bons moments de ma lecture de La Recherche , à la vérité les meilleurs moments sont les extraits de l’œuvre de ce si grand écrivain. Je pense que ce petit livre peut amener de nouveaux lecteurs qui ont encore peur du style de Proust. Pour les autres ceux et celles qui lisent et relisent La Recherche, nous nous sentons en communion avec des idées que nous avons eues ou qui nous apparaissent comme justes.
Si je ne suis pas plus enthousiaste, c’est que j’ai trouvé difficile de passer d’un critique à l’autre.C’est un peu comme les nouvelles, mais en plus difficile : on commence par s’installer dans un style dans un mode de pensée et il faut en changer sans en avoir envie. À chaque fois, ça m’a fait perdre les premières pages du penseur suivant car je regrettais la pensée que je venais de quitter. Enfin, il m’a manqué, ce qui pour moi fait le sel de Proust, c’est son humour. Cette écrivain qui croque avec tant de précision toutes les couches de la population est parfois très drôle . Je me souviens de la scène où Françoise est complètement indifférente à la souffrance de la jeune bonne, alors qu’elle est bouleversée à la lecture des mêmes maux dans le livre de médecine du père du narrateur.
En dehors de ces deux remarques, je dois dire que je n’ai pas réussi à quitter ce livre pendant une dizaine de jours et je sais que je le relirai souvent car j’ai toujours du mal à passer beaucoup de temps sans Proust. J’ai enfin relu Sodome et Gomorrhe qui ne m’avait pas plu à la première lecture, et j’ai été contente de lire dans ce livre à quel point Marcel Proust a écrit sans far et sans gêne ce qu’était l’homosexualité à son époque.
Citations
Antoine Compagnon au sujet de Swann et d’Odette et du narrateur avec Albertine
Car la jalousie est une psychologie de l’imaginaire. Pas plus qu’il n’y a de jalousie sans soupçon, pas plus n’y a-t-il en effet de soupçon sans imagination. Or, le propre du soupçon est que notre imagination du possible lacère l’image que nous avons du réel. Dès que nous avons perdu de vue la femme dont nous sommes jaloux, que n’en pouvons nous imaginer ? Où est-elle en ce moment ? Qu’y fait-elle ? Avec qui ? Comment ? Le jaloux tente alors de l’imaginer. En l’imaginant , il se le représente , il le mime intérieurement, il le ressent, il le vit.
Au sujet de l’amour
Il y a donc, à l’origine de tout amour, une sorte d’illusion, de méprise ou de quiproquo . Cette illusion consiste à prendre pour des propriétés objectives de la personne les fantasmes subjectifs que produit notre imagination à son sujet.
Une jolie phrase de Proust citée par Julia Kristeva
Le seul véritable voyage, (…..) ce ne serait pas d’aller vers de nouveaux paysages, mais d’avoir d’autres yeux.
Je partage l’opinion de Michel Erman à propos de l’œuvre de Proust
En définitive, ce qui me touche énormément c’est qu’en luttant contre la force destructrice de l’oubli, Proust représente l’existence telle qu’elle est, plaisante et grave, triste et joyeuse.
Phrase de Bergson citée par Raphaël Enthoven
On ne voit jamais les choses mêmes, mais on voit les étiquettes qu’on a posées sur elles.
Toujours Raphaël Enthoven
De fait , nous savons tous ce qui est beau mais personne ne sait ce qu’est le beau. Et Proust donne une chance à cette expérience que chacun peut faire. Il fait droit à ce sentiment , au jaillissement d’une énigmatique beauté, inexplicable mais incontestable.
Il y a quelque chose de bouleversant dans la constance d’un problème qui traverse les siècles, ponctuellement réactivé par tel ou tel caractère. Or Proust ne fait que ça. La Recherche est un concentré de tout ce à quoi nous n’avons pas de réponse.
Phrase citée par Raphaël Enthoven prise dans Jean Santeuil
Et nous ne savons jamais si nous ne sommes pas en train de manquer notre vie.