Édition J’ai Lu

Après les déportations de masse, l’exportation de masse. Face à des chiffres spectaculaires, comment ne pas considérer que les communistes ont, dans les faits, achevé l’oeuvre des fascistes ? En débarrassant la Roumanie de ses juifs, ils sont parvenus enfin à ce que le maréchal Antonescu et son clan désignaient, en 1940, comme « le moment tant attendu de la délivrance ethnique ». une délivrance sans effusion de sans ; Un effacement corps et âme, doublé d’un juteux trafic.

Quel livre ! La journaliste a mené une enquête fouillée pour comprendre le sort des juifs en Roumanie. Elle mêle de façon très judicieuse la vie de sa propre famille d’origine juive roumaine et l’histoire du pays. Il faut vraiment lire jusqu’au bout ce livre, car les questions qu’elle se pose dans le dernier chapitre je me les posais tout le long du livre.

Anna Yes a aussi chroniqué ce livre et elle pourra voir combien ce livre m’a plu, (je l’avais lu une première fois sans mettre de billet )

Rappel historique, la Roumanie s’est retrouvée avec une forte minorité juive après la guerre 14/18 , car étant du côté des vainqueurs son territoire a été augmenté de provinces où vivaient de fortes minorités juives. Pendant la montée des nationalismes fascistes avant la guerre 39/45, ces minorités juives posent un problème important au régime nationaliste roumain. L’originalité de ce pays est de n’avoir pas déporté sa population juive de Bucarest. Ce que les archives montrent c’est que leur extermination était prévue mais le dirigeant de la Roumanie a compris que les Allemands pouvaient perdre la guerre , donc les neuf derniers mois de guerre ils ont changé de bord. La famille Deleanu, grands-parents de Sonia Devillers, était une famille juive très influente de Bucarest. Ils ont perdu tous leurs droits pendant la guerre mais pas la vie ! Ils épousent avec enthousiasme la cause communiste, et ne parlent jamais des exterminations qui ont eu lieu dans d’autres régions roumaines. Il faudra beaucoup de temps pour que ce pays accepte ses responsabilités sur l’extermination qu’elle voulue et organisée. Officiellement, la Roumanie voulait être le pays qui a défendu ses juifs.

Et puis, le communisme, a refermé le pays sur lui-même et la chasse aux juifs a recommencé. Mais, et c’est là le sujet du livre, il a su en faire une monnaie d’échange pour renflouer les caisses de cet état qui était très pauvre, car l’URSS leur a fait payer leur solidarité avec l’Allemagne. Le régime a donc échangé les juifs roumains contre ce qui manquait tant à ce pays : des cochons, des vaches, des fermes, des abattoirs …

Ainsi chaque juif qui est parti de ce pays peut savoir ce qu’il valait , car les comptes sont très bien tenus : tant de porcs pour le départ d’un juif.

À la tête de ce trafic humain, un passeur qui fait tout ce qu’il peut pour permettre aux juifs de sortir, Sonia Devillers essaie de cerner la personnalité de ce passeur, est-il un mafieux ou un sauveur ? Elle ne peut pas répondre à cette question.

La question qu’elle pose aussi à la fin de ce livre, qui lui a été suggérée par des lettres de Roumains, on peut être, choqué de voir que la vie de ses parents valait tant de porcs, ou de vaches, mais comme le disent les pauvres Roumains au moins, vous, vous pouviez sortir et vivre.

Ce qui est choquant aussi, c’est que tous ces faits ont été révélés depuis longtemps mais la presse française (elle cite Libération et le Monde) ne voulaient pas le dire car il y a eu si longtemps une Omerta sur la dénonciation de l’antisémitisme communiste. Il a fallu l’ouverture des archives de Roumanie, pour que ces faits choquants soient enfin révélés pour l’opinion publique européenne.

Il me reste aussi une question , échanger des êtres humains contre de l’argent que ce soit sous forme d’animaux ou de dollars, n’est ce pas ce que fait tout état pour récupérer des otages ? Il est vrai que ce qui est différent c’est qu’il s’agissait de Roumains persécutés parce que juifs donc otages dans leurs propres pays par leurs compatriotes.

Le livre est passionnant, et se lit très facilement mais il faut aussi savoir que c’est souvent insupportable en particulier les exterminations par les Roumains de la population juive sans aucune défense.

 

Extraits

Début.

 Ils n’ont pas fui, on les a laissés partir. Ils ont payé pour cela une fortune. Des papiers leur ont été accordés, puis retirés, puis finalement accordés. Ils ne voulaient pas quitter leur pays. ils ne voulaient pas mais ils n’avaient plus le choix.

La jeunesse de sa grand-mère.

La jeunesse de Gabriela, en revanche, on y avait droit, avec emphase et trépidation : sa famille remarquable, sa ville pimpante Bucarest dite le « petit Paris des Balkans » dans l’entre-deux-guerres. Ma grand-mère se targuer de trouver dans les librairies les romans français « ,le lendemain de leur sortie à Saint-Germain. »

En 1940 .

En 1940, la Roumanie en proie à un immense désordre, subit la pire des humiliations. Les belles provinces qui lui avaient été rattachées à l’issue de la Première Guerre mondiale lui furent brutalement retirées par le pacte germano-soviétique. Ces territoires largement peuplés de juifs, allaient donc passer aux mains des Russes. Et cela, on ne le pardonnerait pas aux juifs, traités de vermine invasive d’abord, de traîtres par la suite. Les youpins et les rouges allaient pactiser, c’était certain. L’exaspération nationalistes n’avait alors d’égale que la détestation du « judéo-bolchevisme ». La nation semblait menacer de désintégration. La psychose battait son plein.

Le silence de ses grands parents.

J’aurais voulu l’entendre de la bouche de mes grands parents. Obtenir une bribe, ne serait-ce qu’une bribe, de ce qu’ils avaient ressenti face à une telle démonstration de force, une telle légitimation de la rage antisémite. J’ai entendu parler un peu, enfant, de la Garde de fer, de sa révolte, de la rafle de mon grand-père. Mais les mots étaient lisses. Les mots étaient vides. Les mots étaient prononcés d’un ton détaché. Ils plantaient le décor sans autre émotion. Une anecdote de plus. Sans plus mes grands-parents ont tous vécu, presque tout dit, mais c’est comme s’ils n’avaient rien senti.

La Shoa organisée par les Roumains (les moyens d’exécution sont insoutenables).

 Enfin la tuerie du camp de Bogdanovka reste une des plus impressionnantes de toute la Seconde Guerre mondiale. En fait de camp, il s’agissait encore de batteries de porcs délabrées ouverte à tous les vents. Mais comme le disait le commandant alors qu’il gelait à pierre fendre : « la paille c’est pour les cochons pas pour les youpins ! » la décision d’en finir avec les huit mille détenus juifs fut prise en décembre 1941.

Négation de la Shoa sous le régime communiste.

 Au delà des procès, la Roumanie communiste avait proscrit le mot « juif ». L’ethnologue Andrei Osteanu constate qu’à l’époque le terme a été éradiqué des romans comme des textes de sciences sociales. Sous prétexte de prendre le contre-pied de la littérature et de la presse d’avant-guerre, obsédées par le péril juif, le Parti refuse de nommer les juifs pour ne pas les stigmatiser. Mais ce faisant, il finit par les effacer. Et Andrei Osteanu de rappeler qu’en régime totalitaire, « si on en parle pas, c’est que ça n’existe pas ».

La situation de sa grand-mère à Paris.

 Les exilés romains riches ne la recevaient pas parce qu’elle avait été communiste. Les intellectuels français, non plus. Ils étaient tous de gauche dans les années 1960 et 1970. Ils considéraient les communistes qui avaient fui comme des traîtres ou des fascistes déguisés. Gabriela ne se sentait aucune affinité avec une quelconque diaspora juive. Immigrée et sans travail, il était difficile de s’intégrer à la bourgeoisie parisienne. Gabriela n’avait sa place nulle part

Le troc.

 L’argent, tout l’argent des familles roumaines qui voulaient s’enfuir, les douze mille dollars que mes grands-parents mettraient une vie à rembourser, avait servi à acheter des porcs. Des bataillons de porcs, des élevages entiers de porcs. Attention, pas n’importe quels porcs, des porcs de compétition, plus précieux, plus productifs, plus rentables que es citoyens qui quittaient le pays. Depuis la nuit des temps, ceux-là profitaient beaucoup et rapportaient peu : les juifs

Perec en 1981 dit ce que c’est être juif pour lui.

 « Je ne sais pas très précisément ce que c’est qu’être juif, ce que ça me fait d’être juif. C’est une évidence, si l’on veut, mais une évidence médiocre, qui ne me rattache à rien. Ce n’est pas un signe d’appartenance, ce n’est pas lié à une croyance, à une religion, ou à une pratique, à un folklore, à une langue. Ce serait plutôt un silence, une absence, une question, une mise en question, un flottement, une inquiétude. Une certitude inquiète derrière laquelle se profile une autre certitude, abstraite, lourde, insupportable : celle d’avoir été désigné comme juif, et parce que juif victime, de ne devoir la vie qu’au hasard et à l’exil. »

Édition Albin Michel . Traduit de l’anglais par Astrid von Busekist.

Ma cinquième participation « les feuilles allemandes 2023 », organisé par Eva 

Niklas Frank 

Je suis contre la peine de mort sauf pour mon père .

L’an dernier j’avais mis « la Filière » dans le mois de littérature allemande organisé par « Et si on bouquinait un peu », cette fois je mets celui-ci qui m’a absolument passionnée. Vous me disiez dans vos commentaire, à propos de « La filière » que, pour beaucoup d’entre vous, ce livre-ci était une lecture qui vous avait marqués. Je suis entièrement d’accord avec vous, je n’oublierai jamais la qualité du travail de Philippe Sand.

Cet auteur mêle ses recherches personnelles autour du destin de sa propre famille qui est originaire à Lviv (autrement nommé Lwow et Lemberg du temps de l’occupation nazie) et une enquête minutieuse sur deux hommes liés à cette même ville, dans laquelle ils ont tous les deux commencé à étudier le droit : Hersh Lauterpacht et Raphael Limkin.

Philippe Sand enquête également sur le passé du dirigeant Nazi, Hans Frank, et rassemble toutes les preuves dans son rôle sur la volonté d’exterminer tous les Juifs qui étaient sous sa juridiction en Pologne dont les parents et toute la famille des grands parents de l’auteur. La symbiose de son histoire familiale et de l’histoire du Nazisme est d’autant plus intéressante que s’y mêlent aussi les histoires familiales de Lauterpacht et Limkin, deux des éminents juristes qui ont contribué aux procès de Nuremberg.

Toute cette partie du livre est sous entendu par ce débat juridique : quelle notion est la plus pertinente pour protéger un homme contre la barbarie d’un état ?

  • La notion de crime contre l’humanité défendu par Lauterpacht.
  • Où la notion de génocide défendu par Limkin.

Les deux personnalités de ces grands juristes étaient très opposées, Lauterpacht était un important juriste et chercheur en droit de l’Angleterre et un fou de travail, mais il était devenu aussi complètement britannique et ne montrait jamais ses émotions. Il ne voulait surtout pas que l’on puisse l’accuser d’avoir œuvré en tant que juif. Alors que pendant le procès de Nuremberg il apprendra la fin tragique de ses propres parents restés à Lviv. S’il rejetait la notion de génocide, c’est qu’il craignait que cette notion se retourne contre ceux qu’on voulait défendre en les faisant appartenir à un groupe. Pour lui le carcatère humain était plus important que l’appartenance à une communauté juive.

Limkin avait fui aux États-Unis, et sa personnalité est très différente, il a un caractère bouillant et agace souvent les juges par son côté obsessionnel . Il tenait absolument à la notion de génocide car cela permettait de comprendre que les crimes des Nazis n’étaient pas liés à la guerre et avaient commencé bien avant. Lui aussi découvrira ce qui était advenu à sa propre famille pendant le procès de Nuremberg.

Tout est passionnant dans ce livre autant la façon dont Léon, son grand père et Rita sa femme ont survécu et comment sa mère a été arrachée de justesse aux griffes des nazis par une femme remarquable une missionnaire anglaise :Miss Tilney à qui Israël a donne le tire de « Juste ». Comme souvent le petit-fils veut tout savoir et s’est heurté au silence de ses grands parents. La vérité du destin de ces familles étaient trop dure à raconter, de plus plane un certain mystère que la façon dont ils ont fui Vienne séparément, Léon d’abord puis la petite Ruth – la mère de l’auteur- et enfin Rita qui semblait avoir du mal à quitter Vienne pas seulement pour des raisons administratives. L’auteur n’élucidera pas complètement ce mystère.

Le moment le plus difficile à supporter, pour moi, fut ce témoignage à Nuremberg de ce juif qui raconte ce qui s’est passé dans les fosses communes autour de Lviv le récit de ces gens qui étaient tués par balle , vieillards, hommes, femmes, enfant, bébés, et absolument insoutenable. Ce qui rend la lecture possible, c’est la taille des chapitres qui sont assez courts et on peut donc reprendre son souffle.

Quel travail ! Oui c’est un très grand livre qui fourmillent d’informations. J’en donne une au passage : le pape XII est intervenu personnellement pour éviter la peine de mort à Hans Frank responsable de Treblinka et du Ghetto de Varsovie et de sa liquidation, de la mort de tant de Juifs et de Polonais pour lesquels le pape n’a jamais rien dit mais pour cet horrible criminel de guerre il s’est fendu d’une lettre ! ! ! !

Citations

Lauterpacht un progressiste mais pas pour les femmes de sa famille .

 Son fils est heureux du séjour de sa mère mais il fulmina contre la manière dont elle affirmait sa personnalité : il s’opposa avec véhémence à ses « ongles peints », la forçant même à enlever son vernis.
Il était tout aussi hostiles à l’influence qu’elle tentait d’exercer sur sa femme, Rachel, qui avait adopté une coupe de cheveux alors en vogue, à la Louise Books, avec bob et frange. « Enragé » lorsqu’il avait découvert ce nouveau style, Lauterpacht avait insisté pour qu’elle revienne au chignon, déclenchant une forte dispute suivie par la menace de Rachel de le quitter.  : »Je peux et je dois pouvoir préserver ma vie privée sans que tu me rudoies. » À la fin, Rachel avait pourtant cédé : son chignon était bien en place lorsque je l’ai rencontré plus de cinquante ans plus tard .
Des droits individuels, oui mais pas pour la femme ou la mère .

Des horreurs oubliées ?

 En l’espace d’une semaine Źolkiew et Lvov furent et Lvov furent occupés par les Allemands, et les universitaires arrêtés. Parmi les prisonniers se trouvait l’ancien professeur de droit privé autrichien de Lauterpacht, Roman Longchamp de Bérier. Arrêté parce qu’il avait commis le crime d’être un intellectuels polonais, il fut exécuté un jour plus tard avec ses trois fils, durant le « Massacre des professeurs de Lwów ».

Sauvée grâce à un couvent polonais.

 Inka changea de ton : elle s’exprima avec douceur en chuchotant comme si elle approchait d’un dénouement embarrassant.
 » Les bonnes sœurs m’ont dit qu’il y avait une condition à mon séjour parmi elles. Ma famille ne l’a jamais su. » Pendant un moment Inka fut gênée, sur le point de rompre un silence qui avait duré toute une vie.
« Elles ont dit que je devais être baptisée. Je n’avais pas le choix. Peut-être était-ce une chance que je ne sois pas alors plus observante que je ne le suis aujourd’hui .J’avais eu de la chance de grandir dans une famille qui n’était pas très religieuse. »
Soixante-dix ans plus tard, elle était toujours aux prises avec un certain malaise. Inka se débattait encore avec le sentiment d’avoir en quelque manière, abandonné son groupe pour sauver sa propre vie.

Les personnes âgées déportées.

Make était alors âgée de soixante-douze ans, et on ne l’autorisait à voyager vers l’Est qu’avec une seule valise. Escortés à l’ Aspangbahnhof, derrière le château du Belvédère, elle-même et les autres déportés subirent les crachats, les sarcasmes, et les injures des spectateurs qui applaudissaient leur départ. Elle avait pour réconfort de ne pas être complètement seule, puisqu’elle était accompagnée de la mère de Rita, Rose. C’est une image terrifiante que celle des deux vieilles dames sur le quai de l’Aspangbahnhof, chacune s’accrochant à sa petite valise, deux êtres parmi les 994 Juifs viennois en partance pour l’Est.
(…)
Parmi les 1985 personnes à bord de ce train, se trouvaient trois des sœurs de Sigmund Freud : Pauline (Pauli) âgée de soixante-dix-huit ans, Maria (Mitzi) , quatre-vingt-un ans, et Rigina (Rosa), quatre-vingt-deux ans.

J’admire tant ce genre de compétences . (Et il a appris en quelque mois un anglais parfait !)

Hersch (Lauterpacht) parlait le français, l’italien, le polonais, et l’ukrainien, avec des notions d’hébreu, de yiddish, et d’allemand.

L’imbrication de l’histoire familiale dans la grande Histoire.

 Lauterpacht qui ignorait tout de ce qui arrivait alors à cette nièce qu’il ne connaissait pas, décida de renoncer à l’alcool et d’entamer un régime. C’était plus par précaution que le résultat d’un conseil médical. C’est en tout cas ce qu’il se disait pendant qu’il continuait à faire son devoir au sein de la Garde Nationale et qu’il réfléchissait au contenu de sa Charte des droits. Il ne savait pas que son père avait été raflé le 16 août. Ce jour là. Il envoya un mémorandum au comité sur les crimes de guerre à Londres, expliquant combien était pauvre la pratique internationale sur la question de la poursuite des crimes de guerre.

La femme qui a sauvé sa mère .

Miss Tilney était une femme bienveillante pas une idéologue faisant le travail classique des missionnaires. Elle ne cachait pas seulement des gens, elle risquait sa vie pour le faire. « Peut-être que les gens ne sont capables de grand héroïsme que s’il croit passionnément à une cause » comme le dit une amie lorsque je lui racontai l’histoire de Miss Tilney. « Un principe abstrait n’est pas suffisant pour faire de vous une héroïne ; il faut de profondes motivations et des émotions aussi. « 

Massacre des Arméniens .

 Qu’en est-il alors, avait objecté l’un de ses enseignants, de la souveraineté du droit des États de traiter leurs citoyens comme ils le souhaitent ? À proprement parler le professeur avait raison : le droit international ne limitait pas le pouvoir des États. De manière tout à fait surprenante, aucun traité ne pouvait empêcher la Turquie de faire ce qu’elle avait fait : tuer ses propres citoyens. La souveraineté n’était pas un vain mot elle était totale et absolue.

Génocide ou crime contre l’humanité ?

Malgré leur origine commune et leur souci partagé de pragmatisme, Lauterpacht et Lemkin étaient profondément divisés sur les réponses qu’ils donnaient la grande question : comment le droit peut-il faire en sorte de prévenir les assassinats de masse ? En protégeant l’individu, répond Lauterpacht ; en protégeant les groupes, répond Lemkin. 

Édition Points . Traduit de l’allemand par Nicole Bary

 

Ma quatrième participation au mois « les feuilles allemandes » 2023, organisé par Eva 

 

En lisant les avis sur Babelio, j’ai vu que Aifelle avait beaucoup apprécié ce roman, et je suis d’accord avec ce qu’elle en dit.

La filiation et le poids des crimes d’un père sont les thèmes de ce roman. Konstantin et Gunthard Boggosch, sont tous les deux les fils de Gerhard Müller et de Érika Boggosch. Si les deux enfants portent le nom de leur mère c’est que celle-ci découvre horrifiée, que pendant la guerre 39/45, non seulement son mari était un Nazi convaincu mais, de plus, a commis des crimes si monstrueux qu’il a été jugé et pendu en Pologne à la fin de guerre. Le destin des deux frères va totalement diverger, et cela permet à l’auteur d’analyser les différentes façons de se construire avec le poids du passé quand on est allemand. L’ainé, veut absolument croire au passé glorieux d’un père militaire et il refuse de le voir en criminel, quelques soient les preuves à charge. C’est d’autant plus facile pour lui, que ses preuves sont fournies par les Russes qui sont détestés par tous les Allemands. Il y a aussi un oncle à l’ouest qui a entrepris de réhabiliter son frère. Cet aspect est très intéressant car on comprend, alors, combien les Allemands de l’ouest ont été plus enclins à oublier le nazisme que ceux de l’est.
le personnage principal du livre, Konstantin, sera comme sa mère hanté, par le passé de son père. Et surtout ce passé se dressera sur sa route dès qu’il voudra réaliser quelque chose de sa vie. Parce que son père était un criminel de guerre, il ne pourra pas aller au Lycée. Commence alors pour lui, un parcours incroyable, fait de coïncidences trop exceptionnelles, pour moi. Il va fuir en France, car son premier projet est de s’engager dans la légion étrangère. Il rencontre à Marseille un groupe d’anciens résistants pour lesquels il va travailler comme traducteur car grâce à sa mère il parle français, russe, italien, anglais. Un jour, il reconnaîtra son propre père dans une photo prise dans le camp de travail forcé où son employeur et ami a failli mourir.
Trop honteux de cette filiation, il repart en Allemagne et, le jour où, le mur empêchera à jamais les gens de se réfugier à l’ouest, lui, il va à l’est pour retrouver sa mère.
Il sera refusé à l’école de cinéma, toujours à cause de son père. C’est certainement l’aspect le plus intéressant du livre : cette ombre qui empêche à jamais cet homme de faire des choix librement. La description du régime de l’est et des éternelles suspicions entre collègues dans le milieu enseignant est aussi tragique que, hélas, véridique.
En lisant ce livre, j’ai pensé à « Enfant de salaud » de Sorj Chalandon , il est évident que les Français ont laissé plus de liberté aux enfants d’anciens collaborateurs. En Allemagne de l’Est qui est passé du Nazisme au communisme, les traditions d’espionnage individuel et de dénonciations n’ont pas permis aux enfants de Nazi de pouvoir oublier le passé de leur père. Mais on peut aussi se scandaliser de la façon dont à l’ouest on a si vite tourné la page qu’il suffisait de devenir anticommuniste pour faire oublier son passé nazi et antisémite.

J’ai lu avec grand intérêt ce roman, mais j’ai eu du mal à croire aux aventures de Konstantin. Il y a trop de hasards dans ce récit, en revanche la partie où il raconte ses difficultés pour mener une vie « normale » d’enseignant en RDA m’a semblé très proche de la réalité.
Il y a un aspect que je comprends pas, il revient en RDA pour revoir sa mère mais il ne la verra que peu souvent. Il s’offusque que son frère la fasse vivre dans la cave de sa maison, enfin dans un sous-sol, mais il ne la prend pas chez lui.

Ce ne sont là que des détails par rapport à tout ce que j’ai appris sur l’ex-RDA.

 

Extraits.

Première phrase d’un roman allemand . Un petit coup de nature…

 Les jeunes bouleaux semblait chuchoter leurs feuilles étaient violemment agitées, bien que l’on ne sentît pas le moindre vent. Sous le pesant soleil estival de cette fin d’après-midi le blanc cassé des troncs frêles à l’apparence fragile brillait de mille feux.

Les souvenirs .

Avec nos souvenir nous essayons de corriger les échecs de notre vie c’est pour cette seule raison que nous nous souvenons. C’est grâce aux souvenirs que nous nous apaisons vers la fin de notre vie. Ce sont les souvenirs terribles qui finalement nous permettent de faire la paix avec nous-même. Regardez les volumes de mémoires qui paraissent chaque année. Ce sont tous des personnages merveilleux. Des caractères magnifiques, sincères courageux. Intrépides, désintéressés, la justice en personne. Des types dont on aurait aimé être les contemporains. Le problème est qu’ils étaient mes contemporains, et ils n’étaient pas sympathiques. Et ne croyez pas que je veux vous persuader maintenant que mes souvenirs n’en sont plus exacts, plus vrais, plus dignes de confiance. Non, chère mademoiselle, moi aussi je vous raconterai ce qui correspond à l’image que je me fait de moi-même, que je veux faire miroiter aux yeux des autres. Je tairais bien évidemment ce qui me gêne dans ma propre personne. Et pour cela je ne devrais pas faire des efforts particuliers. Ce qui est dérangeant, ce qui ne me plaît pas, je ne devrais même pas le passer sous silence, ce n’est pas la peine. Je l’ai oublié depuis longtemps et même radicalement.

Le poids d’un père .

 Je ne pouvais pas m’installer en France, pas non plus en Angleterre, ou en Italie, ou en Pologne, ou en Union Soviétique, je tomberais partout sur des hommes de la « Résistance », sur des partisans, sur ceux qui avaient combattu Hitler. Je ferais leur connaissance, ils deviendraient mes amis, et un jour ils devraient apprendre que vi gt ans auparavant ils avaient été confrontés à mon père, le « Vulcan » craint de tous. Dans chaque pays je le trouverai sur ma route partout je serais le fils du  » SS Vulcan ».

 

 

Édition Seuil

 

Dicton syrien

 « En chaque personne que tu connais, il y a quelqu’un que tu ne connais pas. »

 

Je vais finir par croire que les apiculteurs sont des humains supérieurs après « les abeilles grises » et « les abeilles d’hiver » voici l’histoire de deux apiculteurs pris dans la tourmente de la guerre en Syrie. Le portrait de ces apiculteurs ont des points communs, ils résistent tous à l’ambiance totalitaire ou à la guerre. est-ce le fait qu’ils sont amenés à mieux comprendre le comportement des abeilles qui les conduit à relativiser les engagements politiques extrémistes ?

J’avais déjà bien aimé de la même auteure « Les oiseaux chanteurs » sur un drame se passant à Chypre le pays dont elle est originaire.

En tout cas le portrait de Nuri et de son cousin Mustapha, les deux apiculteurs d’Alep est de la même trempe que celui de Sergueï – héros involontaire ukrainien ou celui d’Egidius Arimond – cet homme qui cachaient des juifs dans ses ruches. Les deux cousins, non seulement récoltent le miel de leurs abeilles mais ils ont également crée une petite entreprise autour de l’exploitation des ruches : miel, cire et autres produits dérivés, leur affaire marche très bien. La guerre va hélas tout détruire et comme les deux cousins tardent à partir – pour ne pas abandonner leurs abeilles- leurs deux fils vont être tués. La douleur est trop intense, en particulier pour Afra, la femme de Nuri qui en état de sidération et ne veut plus quitter la Syrie alors que c’était encore assez facile de le faire. Elle finira par accepter et avec Nuri les voilà sur le chemin de cet exil si douloureux pour les syriens qui ne sont pas partis assez vite. Ils connaîtront la traversée vers la Grèce dans un canot pneumatique, les camps en Grèce. C’est d’ailleurs là que tous les deux rencontreront l’horreur absolue. On sent que l’écrivaine y a elle même séjournée longuement , car elle sait nous rendre palpable l’insoutenable. Puis finalement ils arrivent en Grande Bretagne où les attend le cousin Mustapha.
Ne vous inquiétez pas je ne divulgâche rien du récit , car Chrsty Leftery commence son récit en Grand Bretagne, dans la pension où Afra et Nuri attendent de recevoir un statut de réfugiés politiques. Cette écrivaine mêle avec talent les trois temps forts du récit : Alep et la guerre, les destructions par les bombardements russes, les meurtres gratuits de l’état islamique, et le parcours des exilés via la Grèce. Afra est devenue aveugle de trop de souffrance et Nuri a des crises de panique totale pendant lesquels il revit les horreurs de son passé récent.
Je ne dis rien d’un petit Mohammed de l’âge de leur fils (7 ans ) qui va les accompagner pendant leur fuite car je ne veux pas enlever l’effet de surprise que vous aimez tant.

Un livre d’une beauté totale grâce à une écriture très en finesse. On sent bien la retenue de Christy Lefteri face aux horreurs qu’elle a rencontrées en Grèce.

 

Citations

J’ai tout de suite aimé le style de cette écrivaine .

 Il y avait notamment un tableau du Qouiiq que j’aimerais revoir. Elle en avait fait un pauvre caniveau traversant le parc de la ville. Afra avait don. Elle révélait la vérité des paysages. Cette toile et sa rigole dérisoire représentent à mes yeux notre combat pour rester en vie. À une trentaine de kilomètres au sud d’Alep. Le Qoueiq renonce à lutter contre l’impitoyable steppe syrienne et s’évapore dans les marais.

Destruction d’Alep.

Je lui avais pourtant dit que le souk était vide, une partie des allées bombardée et incendiée. Ces ruelle qui grouillaient naguère de marchands et de touristes étaient devenues le territoire de l’armée, des chiens et des rats. Tous les étals étaient abandonnés, hormis un, où un vieil homme vendait du café aux soldats. La citadelle convertie en base militaire était entourée de chars.

Procédé de mise en forme , je n’ai pas trouvé le pourquoi de ce procédé sauf peut être que tout s’enchaîne ?

Chaque chapitre se termine avec un mot en moins
Qui est à la fois le nom du prochain chapitre
Exemple :
Mes yeux restent ouvert dans le noir, car j’ai peur de
Le Chapitre suivant s’appelle :
la nuit
et débute ainsi :
tombait ; nous étions à Bab al-Faradj, dans la vieille ville.

La mer, l’attente .

 Le bateau parti la veille avait chaviré et la plupart des gens à bord avaient disparu. Seules quatre personne avaient été repêchées et on avait retrouvé huit cadavres. Voilà le genre de conversations que j’entendais autour de moi.

Genre de pensées qui torturent les survivants.

 Souvent, je regrette d’être resté à Alep, de ne pas être parti avec ma femme et ma fille, car, alors, mon fils serait encore parmi nous. Cette pensée me donne envie de mourir. Nous ne pouvons pas revenir en arrière, changer les décisions que nous avons prises. Je n’ai pas tué mon fils. Je m’efforce de m ‘en souvenir pour ne pas errer à jamais dans les ténèbres.

Les camps de réfugiés.

 C’était sale et, même à l’air libre, l’odeur était pestilentielle : un mélange de pourriture et d’urine. Mais notre guide poursuivit son chemin sans s’arrêter. Plus on s’enfonçait dans le parc, plus les sentiers étaient défoncés et envahis de mauvaises herbes cassantes. Quelques personnes promenaient leur chien, des retraités bavardaient sur des bancs. Plus loin des drogués préparaient leur dose. Enfin, nous débouchâmes sur un autre campement. Neil nous trouva un espace sur des couvertures entre deux palmiers. En face se dressait la statue d’un ancien guerrier. Un homme émacié était assis sur le piédestal. Ses yeux me rappelèrent ceux des jeunes dans la cour de l’école la veille.
 Cet endroit avait quelque chose de malsain, mais je ne m’en aperçu que bien plus tard, après le départ de Neil lorsque la nuit se referma sur nous . Les hommes se regroupaient en meutes, comme des loups. Les Bulgares, les Grecs, les Albanais. Ils regardaient et attendaient quelque chose : ça se voyait dans leurs yeux. Des yeux de prédateurs intelligents.
 Il faisait froid. Afra frissonnant. Elle n’avait quasiment rien dit depuis notre arrivée. Elle avait peur. Je l’enveloppais de couvertures. Nous n’avions pas de tente, seulement un grand parapluie qui nous protégeait du vent du nord. Quelqu’un avait allumé un feu à côté. Il nous réchauffait un peu mais pas assez pour nous procurer du confort

 


Édition le tripode

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

J’ai commencé ce roman en étant attirée par le lyrisme de la langue puis je l’ai lu en diagonale car je ne supportais plus l’accumulation des horreurs qui y est décrite.

Le style de cet écrivain est très particulier, j’ai lu sur plusieurs blogs que certains le considèrent comme un très grand de la littérature contemporaine. Il se lit facilement et sa langue très lyrique nous emporte. Malgré l’absence de point et de majuscule – je me demande quelle est l’utilité de ces procédés !- chaque paragraphe est une unité de sens et on comprend très bien les propos de l’auteur.
Il s’agit de la colonisation française au XIX° siècle, les deux voix de l’horreur sont celles de colons incapables de s’adapter aux conditions de vie en Algérie et qui mourront tous du choléra sauf une femme, la deuxième est celle de soldats qui, violent et assassinent femmes et enfants dans des bains de sang tous plus horribles les uns que les autres.
C’est sans aucune nuances, c’est juste insupportable, mais c’est sans doute ce que mérite la colonisation. Je préfère (et de loin) lire des livres d’historiens qu’un long texte lyrique dont la force vient de l’accumulation des crimes, des viols, des morts du choléra et surtout du racisme le plus primaire ….

 

Citations

 

Angoisse des arrivants

 mais je savais bien qu’Henry ne dormait pas, j’imaginais qu’il avait comme moi les yeux grands ouverts et qu’il commençait à se poser les questions que j’avais posées tant de fois avant de partir, des questions qu’il n’écoutait pas à l’époque, des questions qu’il balayait d’un revers de main parce que c’était pour lui des questions de bonne femme, et que ce n’était pas avec des questions de bonne femme qu’on allait de l’avant, mille dieux non ! s’exclamait-il en lissant sa moustaches qu’il avait drue et pas toujours aimable

La justice.

et en moi même je me disais que la justice était un mot inventé par les riches pour calmer la colère des pauvres, mais que tout bien réfléchi ça n’existait pas la justice, qu’il fallait apprendre à vivre sans elle et accepter le sort que Dieu réserve à tout être humain qui pose le pied sur la terre 

 

 


Édition Fayard

 

J’ai choisi ce livre à la médiathèque car je ne connaissais pas du tout Felix Kersten, et savoir qu’il avait été le thérapeute d’Himmler et avait réussi à arracher d’une mort certaine au moins 100 000 personnes dont un 60 000 juifs, m’a donné envie d’en savoir beaucoup plus.

Je lis beaucoup de livres sur la deuxième guerre mondiale, en particulier sur la Shoa et savoir qu’un homme a fait le bien au milieu de cette bande d’assassins m’a fait plaisir. Seulement voilà, il faut quand même se plonger dans la vie des dirigeants crapuleux Nazis, et, c’est particulièrement pénible à lire.

Si, comme moi, vous ne connaissez pas Felix Kersten, je vous raconte rapidement son destin extraordinaire. Cet homme est masseur kinésithérapeute et a été formé par un spécialiste chinois. Il est d’origine finlandaise exerce en Hollande. Il se trouve qu’il est très doué et soigne des gens très connus et un jour, il est appelé pour soigner Himmler. Lui même est un anti Nazi convaincu et il décide très vite de n’accepter aucune rétribution de ce chef nazi mais d’obtenir de lui la libération de gens dont des résistants de différents pays nordiques lui donnent les noms. Cela permet à l’auteur de décrire les luttes entre les différents chef Nazis et de cerner au plus près la personnalité d’Himmler Comme il est le seul à pouvoir calmer les douleurs insupportables d’Himmler, il arrive à obtenir ce qu’il lui demande. À la fin de la guerre, il mène des actions héroïques pour sauver les juifs qui étaient encore en vie dans les camps de concentration. Il faudra du temps pour que toute l’étendue de ses actions soient mises en lumière, surtout en Suède où des personnages importants veulent apparaître comme ayant fait eux mêmes ces actions glorieuses et ne veulent absolument pas reconnaître ce qu’ils doivent à Félix Kersten.

Un livre intéressant, mais qui m’a plombé le moral même si cette fois, je n’étais pas du côté des victimes, ils sont quand même là tous ces millions morts, derrière toutes les élucubrations de ces nazis si convaincus d’avoir raison de débarrasser la terre des juifs et des sous hommes en menant des guerres de plus en plus terribles pour les allemands mais aussi pour les populations qui essayaient de leur résister.

 

Citations

Et dire que cette bande crapules qui a été responsable des millions de morts .

 Dans la capitale allemande, ses patients, devenus pour la plupart de fidèles amis, lui racontent tout ce qui se murmure dans les milieux d’affaires berlinois : Joachim von Ribbentrop, le nouveau ministre des affaires étrangères dont la suffisance n’a d’égale que l’incompétence, veut entraîner le Führer dans une guerre contre L’Angleterre, le maréchal Goering, morphinomane ventripotent et maître du plan quadriennal, cherche à monopoliser l’ensemble de l’industrie allemande au service d’un réarmement à outrance ; Joseph Goebbels, nain venimeux, orateur fanatique et premiers satyre du Reich est l’organisateur des pires débordements du régime depuis l’incendie du Reichstag jusqu’à la Nuit de cristal ; le Reichleiter Robert Ley, chef hautement alcoolisé de l’Abeitsfront, à érigé La corruption en industrie à outrance. Pourtant, c’est l’ancien ingénieur agronome et éleveur de poulet Henri h Himmler, Reichführer SS et chef de la police allemande qui reste l’homme le plus redouté d’Allemagne -et à juste titre ses 280 SS ont constitué la première garde rapprochée du Führer ….

Quand on cite des propos j’aime bien savoir s’ils sont historiques ou non . L’esprit y est certainement : Paroles d Himmler

 Ce n’est pas l’Angleterre décente qui nous a déclaré la guerre, c’est celle des juifs anglais. Voilà ce qui rassure le Führer. Malgré tout, l’Angleterre va souffrir de cette guerre ; le Führer est fermement résolu à laisser la Luftwaffe éradiquer ville après ville, jusqu’à ce que les bons éléments en Angleterre comprennent à quoi les juifs ont mené leur pays. Lorsqu’ils demanderont l’arrêt des hostilités, ils se verront accorder une paix généreuse en contrepartie de la livraison de tous leurs juifs à l’Allemagne. C’est fait, l’Allemagne en arrivera à donner à l’Angleterre la place qui lui revient dans le monde. Les Anglais étant des Germains, le Führer les traitera en frères.

Un nid de scorpions.

 Himmler conservait donc un épais dossier contenant des pièces compromettantes pour son subordonné Heydrich, qui en avait lui-même constitué un de même nature sur son chef Himmler. C’est ce qui explique, dès le décès de Heydrich, le Reichsführer se soit précipité à son chevet pour récupérer les clés de son coffre ! Il ne faut jamais l’oublier : nous sommes au beau milieu d’un nid de scorpions.

 


Édition Le Livre de Poche

Traduit de l’anglais par Astrid Von Busekist

Lu dans le cadre des feuilles allemandes

Si ce livre, n’est pas écrit par un auteur allemand, le sujet concerne bien l’Allemagne, il trouve donc, selon moi, parfaitement sa place dans le mois de littérature allemande. Cette enquête est passionnante, Philippe Sand cherche à comprendre la personnalité de Otto von Wächter et de sa femme Charlotte, deux nazis de la première heure. Otto est responsable de la mort d’au moins 300 000 juifs et de milliers de Polonais. Son fils Horst, en 2013, est persuadé que son père ne peut pas avoir commis ces crimes abominables, ce fils veut absolument que la lumière soit faite sur le passé de son père. Il a été en grande partie élevé par sa mère (puisque son père meurt en 1949) qui elle, n’a pas voulu pas savoir la vérité mais elle la connaissait très bien et qui a construit une fable positive sur un des pires criminels nazis. Un des grands intérêts de cet essai, tient la personnalité du fils . Il est touchant d’être aussi partagé entre l’amour de son père et la réalité qu’il ne veut pas voir.

L’autre partie de l’enquête concerne la fuite de ce nazi et des protections catholiques dont il a bénéficié. L’auteur va chercher dans toutes les archives le moindre détail ce qui s’est passé pour Otto de 1945 à 1949. Il est d’abord resté en Autriche dans la montagne avant de passer en Italie pour finir dans un couvent à Rome. Il mourra de façon brutale et son fils sera persuadé qu’il a été empoisonné par les Soviétiques ou les Américains et cette idée lui fait du bien car cela laverait un peu l’honneur de son père. Quelles que soient les preuves que Philippe Sand met sous les yeux du fils celui-ci restera convaincu que son père ne pouvait pas être un criminel de masse. Toute la famille von Wächter, une grande famille noble autrichienne, en voudra beaucoup à Horst d’avoir collaboré à cette enquête. C’est très intéressant de voir à quel point l’Autriche a été le berceau du nazisme alors qu’après la guerre ce pays a rendu l’Allemagne responsable de cette idéologie meurtrière. D’ailleurs aujourd’hui encore la famille a des réactions antisémites, une des tantes se scandalisera qu’un des descendants de la famille travaille sous les ordres d’un juif !

Seule une des petite fille finira par déclarer :

Mon grand-père était un meurtrier de masse

Cette phrase clos le livre.

La personnalité de Charlotte et ses actions sont au moins aussi intéressantes que la vie de son mari , elle n’a jamais été inquiétée alors qu’elle est au moins une voleuse et elle a, entre autre, pillé le musée de Cracovie. C’est d’ailleurs en revendant des œuvres volées qu’elle a réussi à envoyer de l’argent à son cher mari en fuite. Et après la guerre, elle soutiendra toujours le nazisme . Ni son mari ni elle n’ont eu le moindre remord pour l’extermination des juifs dont ils ne veulent pas être responsables alors que l’idéologie qu’ils ont soutenue jusqu’à leur dernier souffle est bien la seule responsable de cette horreur.

J’ai admiré sans aucune réserve la qualité des recherches de cet écrivain, comme il a dû se confronter à la personnalité attachante du fils, il a été amené à vérifier le moindre détail et s’il n’a pas convaincu Horst vin Wärchter, il ne laisse aucune place au doute à son lecteur.

  • Oui, Otto von Wächter est bien un criminel de masse qui aurait mérité la pendaison.
  • Oui, l’église catholique a bien créé des filières d’évasion pour les nazis
  • Oui, la CIA le savait mais comme il a fallu très vite organiser une défense contre la montée en puissance des Russes et que la guerre froide s’organisait, les américains ont repéré mais peu inquiété à partir de 1947 les cadres Nazis.

 

Citation

L’antisémitisme autrichien à l’origine du nazisme.

À l’école de droit, Otto épouse la cause nationaliste et le combat des Sudètes germanophones. Il suit ainsi les traces de son père, lui-même membre du Deutsche Klub, une association germaniste exclusivement masculine qui s’oppose à l’arrivée des Juifs et des autres réfugiés des anciennes provinces de l’empire. « Achetez aryen ! » clame le bulletin de l’association. En mars 1921, peu de temps après que son père a été nommé ministre de la défense, Otto participe à une marche de protestation antijuive dans le centre de Vienne. À l’appel de l' »Antisemitenbund », créé deux ans plus tôt, quarante mille participants réclament l’abolition des droits fondamentaux de citoyenneté et de propriété des Juifs, ainsi que l’expulsion de tous les juifs arrivés après 1914. Les commerces juifs et les usagers juifs des transports publics viennois sont attaqués. Otto est arrêté condamné et jugé par la cour du district de Vienne ; il passe quatorze jours en prison et écope d’une peine d’un an avec sursis. La presse le qualifie de « monarchiste » il n’a pas encore vingt ans et il vient pour la première fois de franchir la ligne de la criminalité.

 

 

 

 

 

Édition Belfond. Traduit de l’allemand par Rose Labourie.

J’avais choisi ce gros roman dans ma médiathèque préférée en pensant au mois « les feuilles allemandes » de Patrice et Eva. Mais le choc incroyable que m’a procuré ce livre, est tel que je veux partager avec vous au plus vite cette lecture. Saurais-je rendre toutes la variété des émotions par lesquelles je suis passée en lisant ce roman ?
Cette auteure est d’origine géorgienne et est, d’après la quatrième de couverture, déjà très connue en Allemagne. Le roman commence par l’évocation de la vie dans une région montagneuse en Tchétchénie, avant les deux guerres qui ont détruit à jamais cette région qui n’a pas pu devenir un pays indépendant. En 1999 une jeune fille Nura, cherche à s’extraire de traditions qui l’étouffent, elle décide de fuir son pays et pour cela doit réunir de l’argent. Les pages du prologue qui lui sont consacrées nous permettent de connaître un peu mieux cette superbe région montagneuse et isolée aux mœurs assez rudes très influencées par la religion musulmane et les lois claniques de l’honneur. Nous allons repartir en 1995 avec un jeune Russe qui est élevé par une femme veuve de guerre. Son père officier de l’armée soviétique a été tué en Afghanistan, son fils est élevé dans le souvenir de la gloire du grand héros. Il ne se sent nullement l’âme d’un soldat malgré la volonté de sa mère, lui, il aime la littérature et les doux baisers de Sonia. Ce personnage nous permet de découvrir la vie d’un jeune sous l’ère Brejnev et entre autre, la division très forte entre les classes sociales qui se dissimule sous une égalité de façade. Sa mère et lui appartiennent à la classe des dirigeants communistes avec tous les privilèges qui vont avec dont un niveau culturel très élevé. Sonia est une enfant qui grandit dans l’immeuble d’en face, immeuble occupé par des gens pauvres qui se débrouillent pour survivre, et qui sont violents et le plus souvent délinquants.

Ensuite nous serons en 2016 avec des personnages qui vont se croiser à Berlin, Le Chat est le surnom d’une jeune actrice d’origine géorgienne (comme l’auteure), grâce à elle nous découvrirons la vie des exilés venant des anciennes républiques soviétiques et vivant à Berlin. C’est passionnant, j’ai rarement lu des pages qui racontent aussi bien la nostalgie du pays que les exilés ont dû fuir. Puis nous découvrirons la Corneille qui est un ancien journaliste allemand et qui semble fuir un passé très lourd. Enfin le personnage appelé le Général, celui qui tire les ficelles de toute cette histoire .

Nous retournerons en Tchtchénie car c’est bien là que l’intrigue de cet incroyable roman se noue. L’auteure décrit la conduite de l’armée soviétique, certaines scènes sont absolument insoutenables, en particulier celle qui sera le coeur du roman et amènera le dramatique dénouement.
Je ne veux pas vous en dire plus car cette écrivaine de très grand talent sait mêler les différents fils de l’intrigue et la découverte peu à peu des différents périodes de la décomposition de l’ancien régime soviétique et ce qui s’est passé dans les anciennes républiques. Depuis ma lecture de Svetlana Alexievitch je sais que l’armée soviétique est une horreur pas seulement pour ses ennemis mais aussi par sa façon de traiter ses propres soldats. La destruction des familles en particulier des pères à cause de ce qu’ils ont vécu pendant la guerre est un des fils conducteur de ce roman.

La misère du peuple russe et l’enrichissement d’une petite poignée d’hommes qui ont su mettre la main basse sur les oripeaux du régime soviétique est très bien raconté, ainsi que celle de la montée en puissance de truands capables de toutes les atrocités que l’on peut imaginer et même pire !

Enfin ce livre nous pose le problème de notre bonne conscience, c’est si facile lorsque nous n’avons pas eu à nous confronter à une guerre civile, à la faim, à la peur. Le confort d’une vie sans soucis peut nous rendre si facilement intransigeants et si sûrs de nos principes moraux.

Le souffle qui parcourt tout ce roman nous entraine sans nous laisser une minute de répit, Nino Haratischwili donne à tous ses personnages une profondeur et une complexité qui correspond aux lieux dans lesquels ils évoluent, pour une fois je comprends et j’accepte que cela ne puisse s’exprimer que dans un pavé de six cent pages que j’ai avalé d’une traite. Le long désespoir dans lequel elle nous fait entrer nous oblige à nous souvenir de l’indifférence avec laquelle nous avons entendu parler de guerres qui se déroulaient dans des pays que nous imaginions si loin de nous. Les chars de Poutine ont de nouveau envahi un pays de l’ex-union soviétique, j’imagine que tous les exilés qui ont connu les méfaits de cette armée doivent suivre avec rage et fatalisme le renouveau de la fierté du grand frère russe.

Je trouve que ce roman (bien qu’écrit par une auteure allemande) a sa place dans « le mois de l ‘ Europe de l’Est » initié par Patrice Eva et Goran

 

Citations

Je préfère que l’on traduise les mots étranger !

 Ils étaient considérés comme trop tendre et trop efféminé pour les montagnes, un genre de dommage collatéral pour le « taip« , inéluctable et à l’utilité minimale, il n’y avait pas long de guerriers en lui, il était donc pas à un véritable « nochtso« .

Passage intéressant .

Liouba vient de fêter ses vingt ans, elle est née à Oufa en 1942, autant dire sur une autre planète, en pleine misère des arrière où s’entassent les évacués, à mille cinq cents bornes de Moscou. Là-bas, sa maman a servi de traductrice d’appoint à un éminent français, qu’elle devait surveiller par la même occasion -Monsieur Maurice, on l’appelait. Maurice Thorez. Déserteur de l’armée française, déchu de sa nationalité, le dirigeant du PCF n’en restait pas moins homme. Dans ce trou à rat qu’était Oufa, où l’on mangeait des corneilles et sucer les racines, il bénéficia de rations augmentées réservées à l’élite du NKVD, ce qui le rendait encore plus charmant.

Dans les montagnes du Caucase.

 Les villageois causaient, mais personne ne s’en était mêlé, ce n’était pas une « nochtscho, » c’était une étrangère, une socialiste athée venue du nord, -comment aurait-elle su ce qu’était un vrai deuil, la manière dont il convenait de pleurer un homme ? Oui, oui, les gens de la ville étaient dépravés, ils étaient sortis du droit chemin, les communistes les avaient corrompus, mais il y avait de l’espoir -c’était ce que chuchotaient les anciens-, depuis peu, il était de retour, cet espoir lancinant, depuis que le géant était tombé comme un éléphant malade, depuis que le parti démocratique vaïnakh avait été fondé, depuis que la dépendance avait été proclamée ! Il y avait de l’espoir qu’Allah accorde à nouveau sa bénédiction au pays !

Une mère soviétique

 Sa mère affichait toujours la même expression pour raconter ses faits d’armes, chose qu’elle avait faite inlassablement tout au long de l’enfance de Malich, comme si elle avait prêté serment et s’était engagée, après la mort de son mari, à ne vivre plus que pour raconter aux survivants et surtout à leur fils unique le titan que son mari avait été, venu au monde au moins pour sauver l’humanité -sauf qu’en Afghanistan, cette dernière n’avait aucune envie d’être sauvée.
Parfois, il se demandait si Chouïev n’avait pas connu son père et si sa mère ne se cachait pas derrière tout ça. Ce qui aurait signifié que c’était à elle qu’il devait d’avoir été envoyé au combat dès sa première mission, sachant qu’il était l’un des moins expérimentés et des moins chevronnés. Ou peut-être l’avait-on embarqué à Grosny pour faire office de chair à canon ? Quoi qu’il fasse, il y resterait de toute façon, permettant ainsi à sa mère, selon la logique guerrière, d’obtenir enfin le statut tant convoité de double veuve de guerre.

L’effondrement de l’URSS.

Le pays se morcelait de plus en plus, il régnait partout une odeur de fruits pourris et de papier anti-mites. Optant pour une thérapie par électrochoc, le premier président élu par le peuple de l’histoire russe décida qu’en l’espace d’une année, le capital public devait être privatisé et les prix (à l’exception de l’énergie, du lait et de la vodka) libéralisés. D’après un rapport du quotidien Izvestia, l’inflation était supérieure à deux cent pour cent. L’offre des grands magasins et des « gastronom », qui n’était pas spécialement fourni auparavant se trouve en un rien de temps réduite à la portion congrue, et quand les rayonnages se remplissaient enfin, ils se vidaient aussitôt, car les citoyens, paniqués, faisaient des réserve. Le prix du pain fut multiplié par six.

La force des mafieux russes.

 Un an plutôt, j’étais pourtant fermement convaincu que je ne me retrouverai plus jamais, au grand jamais, dans les griffes d’Orlov, qu’au cours de ma vie, j’éviterai désormais tout ce qui risquait de me rappeler son nom. Mais peut-être, au fond de moi, avais-je toujours su qu’il était impossible de lui échapper : il se prenait pour Dieu depuis tellement longtemps qu’à force, les autres lui vouaient un culte, le suivaient aveuglément, acceptaient sa colère comme un juste châtiment. Peut-être n’étais-je malgré tout rien d’autre que l’un de ses disciples ? Peut-être savais-je déjà, au moment où je m’étais aventuré dans sa vie, que mon histoire de pouvait être racontée que dans ces conditions -ses conditions à lui ?

La Géorgie.

 Nodar était parti, et la liberté était arrivée -liberté sanglante, à l’odeur de rouille, dont les gens ne savaient que faire. Car ils l’avaient payer le prix fort : elle leur avait coûté tout ce qu’il possédait, jusqu’à la vie pour un certain nombre d’entre eux.
 Les chars russes sillonnaient la capitale et, la nuit, des chiens errants affamés aboyaient parce que des balles fusaient à chaque coin de rue. Tout s’effondrait comme un château de sable emporté par une vague inattendue, et les structures en vigueur jusque là était remplacées par l’anarchie et la confusion, par les ténèbres et un froid qui n’en finissait pas .

Un superbe passage.

Puisqu’il leur était possible de faire ce qu’ils avaient fait, puisqu’il lui était possible de faire ce qu’il avait fait sans que personne ne l’en empêche, sans que personne ne le retienne, puisqu’il était possible qu’Aloicha appuie simplement sur la détente et que la gorge de Nura soit serrée jusqu’à ce que son dernier souffle s’en échappe, puisqu’il a été possible à tous de trancher entre la vie et la mort sans devoir en payer le prix, puisqu’il était possible de se défaire de son humanité d’une seconde à l’autre, comme d’un vieux manteau alors l’humanité ne valait rien. Un homme qui cherchait la vérité se faisait abattre de trois balles sur un parking de la plus indigne des manières -toute tentative de morale ou d’action morale étaient dérisoires. Chaque chose qu’il avait faite dans sa vie jusque-là en estimant que c’était le bon choix n’avait été que perte de temps. dans un monde où on se retrouvait forcée de choisir entre devenir un meurtrier et se tirer une balle dans la tête, dans un monde où l’on violait parce que l’occasion se présentait, il n’y avait plus de bonne option. Il ne restait qu’une seule aspiration, l’aspiration au pouvoir. Un pouvoir qui ne connaissait ni compassion ni miséricorde et était sa propre fin. 
À compter de maintenant, il n’y avait plus qu’une voie, une voie qui allant tout droit dans une direction, est cette direction était la mauvaise, mais dans ce monde, elle semblait bien être la seule possible