Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. Édition Phébus , traduit de l’anglais par Jean buhler

Ce roman s’est retrouvé dans les propositions du club de lecture dans le thème : « écrivains américains ayant habité en France ». J’ai appris ainsi que Louis Bromfield a séjourné des dizaines d’années en France puis, il est retourné dans son Ohio natal pour y fonder une ferme écologique qui se visite toujours. Ce roman, je l’ai lu et relu dans ma jeunesse, j’adorais les passages où Mrs Parkington règle ses comptes avec les médiocres qui n’avaient pour eux que la richesse due à leur naissance. J’ai éprouvé un plaisir très régressif à le lire de nouveau. L’intrigue est bien menée : une riche héritière d’un mari peu scrupuleux qui a amassé une fortune considérable voit s’effondrer un monde basé sur l’appartenance à une classe sociale et qui se croit à l’abri des lois et du commun des mortels. Elle fera tout ce qu’elle peut pour sauver son arrière petite fille des retombées qui vont éclabousser son père qui a épousé la petite fille de Susie Parkington. L’auteur fait de constants retours en arrière qui nous permettent de revivre la vie de cette femme et expliquent pourquoi leurs enfants et petits enfants ont tant de mal à se sentir bien dans leur peau. Trop beaux pour ses fils, pas assez belle pour sa fille, mais dans tous les cas beaucoup, beaucoup trop riches, ils n’auront pas su être heureux. En relisant ce roman, j’ai pensé qu’aujourd’hui les requins de la finance n’ont guère été punis pour leurs actions qui ont ruiné tant de gens dans le monde. Il y a bien des aspects de ce roman auxquels je suis moins sensibles aujourd’hui et que je trouve même agaçants. La place de la femme, qui doit être belle, courageuse, soutenant son mari en toute occasion, et en même temps heureuse, on est loin des combats féministes ! L’idée que l’hérédité explique les difficultés des descendants : les « Blairs » étaient des originaux les enfants seront marqués un peu bizarres. En revanche, j’avais oublié à quel point ce roman était une critique du capitalisme américain et soutenait la politique de Roosevelt, le roman raconte la fin d’un monde fondé sur un capitalisme prédateur et l’arrivée d’un société plus humaine et plus honnête. L’auteur critique beaucoup les Américains qui croient que la naissance leur permettent d’appartenir à un monde au-dessus des lois, ce que je trouve un peu étrange car pour moi l’image de l’Américain est plutôt représenté par le « self made man ». Et finalement, je l’avoue, avoir de nouveau éprouvé de la sympathie pour cette femme extraordinaire même si je ne crois pas du tout que ce genre de personnalité avec toutes ces qualités puisse exister.

Plus qu’un jugement objectif sur ce roman, les cinq coquillages viennent illustrer tous les bons souvenirs que cette lecture m’a rappelés.

 

 

Citations

Sa jeunesse admirons au passage la nature féminine….

Susie ne manquait jamais de voir le soleil se lever, car sa mère et elle étaient toujours debout avant l’aube afin de préparer les provisions des hommes qui allaient travailler dans les mines. Il fallait emballer des sandwichs et verser le café dans des bouteilles. Active et précise dans ses gestes, la mère de Susie était jolie, avec ses petits yeux bleus et ses joues à se joue à fossettes. C’était une de ces femmes qui ont besoin de travailler sans relâche, de par leur nature même. Elle n’aurait pu se priver de fournir de grand effort physique. Susie connaissait aussi ce besoin dévorant d’activité, cette inquiétude qui ne l’eût jamais laissé en repos si son énergie n’avait été heureusement tempérée par une forte propension à la rêverie et à la contemplation.

Le personnage négatif de l’ancien monde

Ned avait peu d’expérience, mais il avait déjà rencontré assez d’individus de la trempe d’Amaury pour pouvoir les juger au premier coup d’œil. Ces gens-là croyaient être protégés par des privilèges spéciaux du fait de leur naissance et échapper ainsi aux lois qui régissent les actes de l’ensemble du peuple américain. Ils étaient nés dans cette période où le sentiment des valeurs avait été faussé, où l’on ne croyait qu’à la puissance de l’argent et où l’on négligeait complètement les qualités du cœur et de l’esprit.

Une phrase que je dédie à ceux qui sont toujours en retard

Toujours ponctuel, le juge Everett arriva à onze heures trente. L’exactitude est le propre des gens qui travaillent beaucoup. Seuls les oisifs peuvent se permettre de gaspiller le peu de temps qui nous est accordé pour vivre.

Réflexions sur un type de personnalité que je trouve assez juste

La pauvre duchesse, avec son visage blême et ses yeux pitoyables de tristesse, semblait demander l’aumône d’un peu de sympathie, mais dans l’instant qu’on lui accordait, elle la refusait contre toute attente et se cachait derrière l’écran de sa dignité blessé. Elle était triste comme seuls peuvent l’être ceux qui sont parfaitement égoïstes, ceux qui sont condamnés à souffrir toujours et partout, parce qu’ils ne veulent pas voir plus loin que les murs de la prison dans laquelle les tient enfermés le souci de leurs propres peines.

Un petit livre trouvé chez Nouketteet que j’ai lu, moi aussi, en une soirée, ce petit Adrien qui a le mot « rien » dans son nom est bouleversant. Il voudrait être aimé , il voudrait avoir un papa, ou au moins savoir qui est son papa. La vie n’est pour lui qu’une succession de choses qui vont mal, comme ses reins qui sont fichus et qui le mettent en grand danger de mort, comme sa maman qui a un grave accident, comme sa tante – la sorcière- qu’il déteste et qui ne sait pas aimer les enfants. Est-ce qu’un jour la vie lui sera un peu plus douce ? On l’espère mais c’est vraiment mal parti, en attendant, l’auteure a su nous embarquer dans les méandres des pensées des enfants pour qui rien n’est simple. De l’extérieur on peut penser qu’ils s’y prennent très mal ! mais si on savait ! C’est si compliqué pour un enfant de chercher à se faire aimer d’adultes qui n’ont pas résolu leurs conflits. Le regard du petit garçon choisi pour la couverture du livre poche dit bien toute la détresse de ce petit Adrien.

 

Citations

 

le début

Aussi loin que je m’en souvienne, je l’attendais assis, le menton sur les genoux, les bras autour des jambes et le dos appuyé contre la porte du placard.

 

Sa maladie

 

Je lui ai alors expliqué que j’étais malheureux au sixième étage de cet immeuble où nous vivions, que je détestais le sous-sol, que je m’ennuyais avec elle pendant les weekends et sans elle pendant la semaine. Elle n’avait qu’à arrêter de travailler s’occuper de moi, au lieu de m’abandonner à ma sorcière de tante. Bien sûr, il y avait la maladie, cette fichue maladie des reins fichus qui me faisait manquer l’école,

 

Édition Buchet/Chastel

Une auteure qui a un joli style tout en simplicité et pourtant, quel travail sur ses phrases ! Elles sont toutes ciselées et semblent couler de source. On reconnaît Marie-Hélène Lafon, un peu comme on reconnait Annie Ernaux. C’est une qualité que j’apprécie beaucoup : une écriture qui se reconnaît en restant simple. J’avais beaucoup aimé L’annonce, et eu plus de réserves sur Joseph . Mais ce roman m’a beaucoup plu. Il commence par une tragédie racontée de façon saisissante, la mort d’un enfant ébouillanté accidentellement par une femme qui en perdra la raison. Ensuite le roman se morcelle en suivant différents personnages. Le fil conducteur c’est ce « fils » mort de façon tragique, son jumeau suivra un parcours marqué par la collaboration et les conquêtes féminines. Il ne saura pas qu’il a eu un fils qui au contraire s’illustre par son courage de résistant pendant la guerre 39/45 . La mère de ce fils est un personnage étrange qui est en toile de fond du roman et que l’on ne comprend pas très bien. Sa plus grande sagesse a été de confier cet enfant à sa sœur et son mari qui lui donneront amour et tendresse. Comme il faut bien une fin , si ce fils n’a pas retrouvé ses racines paternelles, dans un dernier chapitre les deux familles finiront par se rejoindre.
Je n’ai pas toujours apprécié ce morcellement que Kathel appelle l’art de l’ellipse, mais ma réserve vient surtout des personnages , comme celui de la mère, pas assez approfondis. Si j’aime cette auteure, c’est pour son style et les ambiances qui règnent dans ces romans plus, sans doute, que ses histoires qu’elle suggère plus qu’elle ne les raconte.

 

Citations

J’aime le style de cet auteur

Une fois, elle lui avait demandé son âge, le vrai, et lui avait dit qu’il ressemblait beaucoup, en plus jeune, à son frère dont elle était sans nouvelles depuis octobre 1940. Il avait pensé, sans le dire, que c’était peut-être un critère discutable pour choisir un amant dans une troupe de mâles tous plus ou moins affamés et affûtés par le sentiment de vivre à la proue d’eux- mêmes.
Cette femme, Sylvia, disait ça, vivre à la proue, être affûté ; elle parlait souvent avec des images qui ne se comprenaient pas tout à fait du premier coup mais se plantaient dans l’os et y restaient.

Le catéchisme 1934

Il aime l’école le mettre la grammaire, et les autres matières, il est d’accord pour tout. Il aurait voulu suivre aussi le catéchisme avec les enfants de son âge ; mais sa mère n’y tenait pas, elle a dit, il est baptisé et ça suffit ; Hélène et Léon n’ont pas insisté et il croit comprendre que la dame du catéchisme et le curé, qu’il connaît, comme tout le monde à Figeac, ne doivent pas être très à l’aise avec les fils de pères inconnus. Inconnu est un adjectif qualificatif, il en est certain, il peut compter là-dessus, sur la grammaire. À père inconnu, fils inconnu. Ce père et lui aurait en commun un adjectif de trois syllabes dont la première est un préfixe de sens négatif et les deux suivantes un participe passé.

Cadeau de mon fils qui partage mon goût pour l’humour de cet auteur aussi bien en roman : Le Discours , qu’en BD  : depuis Zaï Zaï Zaï , Et si l’amour c’était d’aimer, et Formica . Il s’agit d’un de ses premiers romans et déjà tout son humour est présent. L’auteur narrateur, auteur de théâtre de son état, est un éternel perdant qui se présente comme étant un collectionneur d’enterrements. Mais surtout ne vous fiez à rien de ce qu’il raconte car tout est faux et tout n’est qu’un jeu d’apparences . Tout le monde est manipulé par cette société Figurec, qui paye des figurants pour que votre vie ait l’air de quelque chose d’à peu près vivable. Au passage vous aurez quelques éclats de rire, pas forcément les mêmes que les miens mais je suis certaine que vous rirez. En revanche ne vous accrochez pas trop à l’intrigue, si elle est meilleure que la pièce de théâtre dont nous avons quelques extraits ce n’est quand même pas l’histoire du siècle. C’est pour moi moins bon que « Le Discours » mais pour mes éclats de rire, je lui attribue quand même ses quatre coquillages.

 

Citations

La phrase à ne pas oublier (et à essayer de recaser dans une conversation)

On peut difficilement se permettre d’être parasite et végétarien.

Les artistes

Il y a les artistes et ceux qui auraient aimé être artistes, c’est généralement dans cette catégorie qu’on trouve les mécènes – et puis il y a ceux qui n’en ont rien à foutre, pour qui les artistes sont soit des fainéants, soit des homosexuels, soit les deux.

Un bel enterrement

Ah, l’enterrement d’Antoine Mendez ! Sa femme essayant de sauter dans le caveau pour le rejoindre dans l’éternité, ses cris hystériques, ses trois fils la retenant dans des spasmes maîtrisés de grands garçons face à la mort, le discours de son meilleur ami admirablement ciselé, pas du tout mortuaire, certaines anecdotes parvenant même à susciter des petits rires humides et pensifs dans l’assistance. Je souhaite sincèrement que cet ami ait droit à pareil éloge quand son tour viendra. Antoine Mendez, voilà quelqu’un qui a réussi son enterrement. Il y a des gens comme ça qui savent partir.

Figurec

Depuis, l’idée a fait son chemin. Figurec aujourd’hui c’est des dizaines de milliers d’employés à travers le monde. Des figurant dans tous les domaines, partout, probablement la société secrète la plus puissante du monde ou employé et commanditaire sont tous maçons ou fils de maçon. Enfin pas tout à fait maçons, plutôt Roquebruniste, c’est une autre école, la belle dissidente.

Sa mère

Ma mère ressent toujours le besoin de préciser l’origine des aliments qu’elle propose à ses invités, de manière un peu paranoïaque, comme si elle était persuadée que les gens qui viennent manger chez elle redoutent l’intoxication alimentaire. Si la cuisine était assez grande pour y faire entrer deux bovins, elle présenterait aux invités les parents du steak.

Ses succès féminins

La dernière femme avec qui j’ai eu une conversation en tête à tête – si j’exclus ma mère et ma boulangère – est la professeur d’anglais qui m’a fait passer l’oral du bac. Autant dire que, contrairement à  » my tailor », mon expérience  » is not rich ».

Les manifs de prof le chapitre entier est très drôle voici juste un passage

Devant nous, un homme et une femme discute assez violemment, lui est du SEAFFJ (syndicat des enseignants adhérents à la Fédération française de judo) et elle du SEDV (syndicat des enseignants diabétiques et végétaliens). Visiblement ils ne sont pas tout à fait d’accord sur un point précis des revendications. Finalement, un type avec un bouc et des lunettes, du SEPVSELC (syndicat des enseignants pour la vaccination systématique des enfants du Loir-et-Cher) s’interpose et finit par les calmer.

Édition de l’Olivier

Je pensais avoir déjà mis des romans de cet auteur sur mon blog mais puisque je ne l’ai pas encore fait, je vais commencer par celui-là qui a eu le grand mérite de m’occuper pendant deux jours pendant cette horrible période de confinement au printemps 2020. Nous sommes en 2008, et le narrateur un Paul Stern qui doit avoir quelques points communs avec l’auteur, est accablé par une famille assez lourde. Son oncle Charles et son père se détestent. Son père a formé avec sa mère un couple traditionnel, catholique très conservateur qui a un peu étouffé leur fils unique Paul. Le père a eu bien des déboires financiers et a mené une vie assez étriquée, Charles est tout le contraire, il est très riche, vit avec une femme sans être marié qu’il appelle John-Johnny et a de nombreuses maîtresses. Il cherche par tous les moyens à écraser son frère en particulier en achetant des bateaux à moteur très puissants. Ce frère meurt, et le père du narrateur hérite et avoue à son fils qu’il n’a jamais eu la foi et qu’il n’a jamais aimé sa femme… Dans sa propre famille Paul ne comprend pas pourquoi sa femme Anna est dépressive au point de ne plus avoir envie de rien et de dormir toute la journée. En revanche, ses trois enfants ont l’air d’aller bien. Paul Stern part une année à Los Angeles pour rédiger le script d’un film tiré d’un mauvais film français. L’intérêt du roman vient de la peinture du monde de Los Angeles, d’Hollywood exactement et c’est vraiment terrible de voir comment ce grand pays maltraite sa population vieillissante et pauvre. Evidemment la peur de vieillir est encore plus terrible pour les acteurs. Son année aux US est ponctuée par les coups de fils de son père qui n’arrive pas à se mettre dans la tête le décalage horaire, et l’on voit cet homme que son fils a connu toute sa vie très coincé se lâcher dans les plaisirs du sexe et de l’argent. Paul reviendra en France et retrouvera une Anna plus en forme et on l’espère pour lui, une vie familiale plus épanouie.

Il manque de la profondeur à ce roman, en particulier sur les malaises de sa propre famille. On a aucune explication au mal-être d’Anna mais ce n’est sans doute pas ce que voulait faire l’auteur. En revanche l’auteur ne manque pas d’humour et son livre est riche d’impressions hélas trop justes sur l’envers du décor de la réussite américaine.

 

Citations

Ambiance dès le début du roman

Pour autant qu’il m’en souvienne, je n’ai jamais vu vivre ces deux hommes autrement que dans l’exécration et le conflit. Mon oncle, propriétaire de biens, installé à Paris – en outre le seul individu que j’ai connu à posséder un portefeuille en velours pourpre-, tenait son frère pour un velléitaire envieux, un raté oxydé par la province et l’aigreur, tandis que mon père, lorsqu’il évoquait les frasques de son aîné, commençait inévitablement par cette phrase : »Le sauteur s’est encore fait remarquer. » Ce terme désuet était assez approprié à l’univers des frères Stern.

Les deux frères

À quai, les frères s’épiaient . Quand l’un larguait les amarres, l’autre, en général Charles, le suivait précipitamment. À la sortie du chenal, le rituel était toujours le même : mon père calait son régime moteur à 1800 tours par minute – ce qui lui garantissait une consommation horaire d’un litre et demi de gas-oil- et sa ligne sur un cap à l’ouest tandis que son frère derrière lui, lançait ses turbines rugissantes. Au moment où il était dépassé sur bâbord, mon père s’efforçait de demeurer impavide dans la gerbe d’écume, n’adressant pas même un regard à l’énergumène qui envoyait son bateau ballotter dans tous les sens, ce chauffard des mers qu’il ne connaissait que trop.

Portrait d un acteur

 Il faut s’aider de la beauté nébuleuse caractéristique de ces médiocres acteurs dont on ne se rappelle jamais le nom. Il était à l’âge charnière où l’on pouvait encore deviner l’enfant imbuvable qu’il avait été et voir déjà le sale con qu’il s’apprêtait à devenir.

Ce roman date de 2008 mais ce qu’il décrit est encore vrai aujourd’hui.

Il ne rejoindrait pas la cohorte de ces retraités qui se rendaient à leur travail à l’heure où, le soir, je rentrais chez moi. On ne dit pas assez la violence extrême et quotidienne que ce pays inflige à ses ressortissants, aux plus pauvres, aux plus faibles d’entre eux. Pour survivre, payer le loyer et leurs soins médicaux, un nombre croissant d’hommes et de femmes cumule deux emplois. Le jour ils embauchent dans des supermarché ou des compagnies de nettoyage et, la nuit les hommes gardent des parkings tandis que les femmes servent dans les « diners » ouverts vingt quatre heures sur vingt quatre. La ville, le pays tout entier usent ses vieux jusqu’à la corde, puis les jettent à la rue quand ils n’ont plus les moyens de se payer un logement.

Je trouve cela très vrai :

Et je m’étais lancé dans le récit d’un scénario que j’improvisais et modelais tout en le racontant. Ce n’était pas la première fois que je le constatais , mais cela me surprenait chaque fois : l’esprit n’est qu’une matière inerte, un moteur découplé. Pour fonctionner il lui faut un carburant terriblement volatil et précieux : le désir.

Le re-mariage de son père avec la concubine de son propre frère

Je vis surgir mon père dans un costume beurre frais, sans doute taillé pour Maurice Chevalier, canotier compris, s’avancer vers le Maire au bras d’une femme sans doute séduisante, mais moulée dans une robe de taffetas blanc aux lignes emberlificotées qui mouraient vers l’arrière en une esquisse de traîne timidement inachevée. Françoise-Johnny portait un chapeau de la même matière, l’une de ces choses effrayantes que l’on ne voit plus que sur certains hippodromes britanniques, et qui retombait sur ses épaules à la façon d’un col de cygne mort. Je me demandais si c’était l’amour ou l’âge qui rendait à ce point fou. À moins que ce ne fût les deux.

Un milliardaire américain

Pourquoi les milliardaires adoptaient-il toujours le mauvais goût des empereurs et éprouvaient-ils le besoin irrépressible, d’enluminer, de dorer ce qui déjà suintait l’argent ? J’ignorais à partir de quelle quantité de diéthylamide d’acide lysergique (LSD) ce décor de péplum devenait acceptable, mais pour un promeneur néophyte il était une constante irritation oculaire. Même si, dans son genre, Ames n’était sans doute pas le pire. Pour un homme réputé compliqué, il aimait plutôt les choses simples, les colonnes hellènes, un horizon de marbre, des moulures à palmettes, les plafonds sixtiniens, un mobilier emperlouzés,des portes sculptées aux poignées poinçonnées.

Humour

Tu sais comment je l’appelle ? Forrest Gump. Parce qu’il passe la moitié du temps à courir pour se maintenir en forme et l’autre à galoper pour échapper à sa femme. C’est ça, je baise avec Forrest Gump.

Le golf

Alors ce golf ?
– Je ne sais pas jouer. Ce n’est vraiment pas mon sport.
– Qu’est-ce que vous me dites là ? Le golf n’est le sport de personnes, Paul. Les types qui le pratiquent l’ont choisi par défaut, parce qu’ils ont échoué dans d’autres disciplines par manque de vitesse, d’adresse, d’endurance de force. Le golfeur dissimule une petite infirmité, c’est pour ça qu’il fait son parcours en voiturette électrique.

LOS Angeles

Elle incarnait toute la pensée désaxée de ce pays, cette espèce de religiosité spongieuse, de verroterie spirituelle, de macédoine sociale, avec des pauvres pour ramasser les merdes des chiens, des vieux pour garer des voitures, Edwards pour livrer des pizzas, un remède de cheval pour calmer Efrain et des champignons pour guérir les angoisses vertébrale, C4 C5 incluses. Ce pays était une secte, avec ses rites économiques et ses gourous fanatiques.

 

 

Autant notre mémoire a été marquée par l’indépendance de l’Algérie autant celle du Maroc est beaucoup moins traitée par les écrivains. Tout semble se passer plus facilement au Maroc, et pourtant ! Voici un roman qui montre que ce pays a connu son lot de violences. Mais ce n’est pas l’unique intérêt de ce livre bien au contraire. L’auteure puise dans ses origines marocaine par son père et française par sa mère l’objet de son roman. Elle décrit de l’intérieur les difficultés d’un couple métissé en 1945 à Meknes et c’est passionnant. On comprend bien ce qui a motivé sa mère à suivre son amour ce beau marocain venu délivrer la France pendant la seconde guerre mondiale. On comprend aussi combien pour Amine son père, il est difficile de s’imposer comme Marocain et d’être rejeté par les colons et aussi par les autochtones qui lui reprochent son mariage. À force d’un travail complètement fou, ils arriveront à créer une ferme dans les alentours de Meknes, et Mathilde sans être heureuse trouvera une place dans le pays en soignant la population dans un dispensaire où elle accueillera toute la population pauvre du Bled. Comme toujours quand il s’agit de romans sur les pays du Maghreb, la condition de la femme est insupportable et pourtant ce sont bien les femmes qui permettent aux familles de tenir. L’auteure décrit très bien le sentiment de rejet de la population colonisatrice et les difficultés de l’enfant qui se sent méprisée par les petites filles qui se croient supérieures seulement parce qu’elles sont « françaises ». Un jour les sœurs de son école organisent une visite et, grâce à ce roman, j’ai découvert le sort de esclaves chrétiens du XVIII siècle. Pour une fois les rapports étaient inversés, ce ne sont plus les occidentaux qui font souffrir les Arabes, mais les traitements sont tout aussi cruels. Les pauvres esclaves qui ont construit ces labyrinthes étaient descendus par des trous et ne remontaient jamais à la lumière du jour. Ils mourraient d’épuisement car ils étaient très mal nourris. Ce lieu se visite encore aujourd’hui à Meknes :

 

 

Citations

Paroles de colons

Ils peuvent dire ce qu’ils veulent, mais il sera beau ce pays quand nous ne serons plus là pour faire fleurir les arbres, pour retourner la terre, pour y appliquer notre acharnement. Qu’est-ce qu’il y avait ici avant que nous arrivions ? Je te le demande ! Rien.
Moi je le connais ces arabe. Les ouvriers sont des ignare, comment veux-tu ne pas avoir envie de les rosser ? Je parle leur langue, je connais leur travers. Je sais très bien ce qu’on dit sur l’indépendance mais ce n’est pas une poignée d’agités qui va me reprendre des années de sueur et de travail.

Le cherghi

Au début du mois d’août, le cherghi se leva et le ciel devint blanc. On interdit aux enfants de sortir car ce vent du Sahara était la hantise des mères. Combien de fois Mouilala avait-elle raconté à Mathilde histoire d’enfant emportés par la fièvre que le chergui charrie avec lui ? Sa belle-mère disait qu’il ne fallait pas respirer cet air vicié, que l’avaler c’était prendre le risque de brûler de l’intérieur, de se dessécher comme une plante qui fane d’un coup. À cause de se vent maudit, la nuit arrivait mais sans apporter de répit. La lumière faiblissait, le noir recouvrait la campagne et faisait disparaître les arbres mais la chaleur, elle, continuait a peser de toute sa force, comme si la nature avait fait des réserves de soleil

Regret de ne pas avoir fait d’études

Adolescente, Mathilde n’avait jamais pensé qu’il était possible d’être libre toute seule, il lui paraissait impensable, parce qu’elle était une femme, parce qu’elle était sans éducation, que son destin ne soit pas intimement lié à celui d’un autre. Elle s’était rendu compte de son erreur beaucoup trop tard et maintenant qu’elle avait du discernement et un peu de courage il était devenu impossible de partir. Les enfants lui tenaient lieu de racines et elle était attachée à cette terre, bien malgré elle. Sans argent, il n’y avait nulle part où aller et elle crevait de cette dépendance, de cette soumission.

Description des médecins

Il était beau dans sa blouse blanche, ses cheveux noirs peignés en arrière. Il était très différent de l’homme jovial qu’elle avait rencontré la première fois il lui sembla que ses yeux cernés étaient un peu tristes. Il portait sur son visage cette fatigue qui est propre aux bons médecins. Sur leurs traits on voit, comme en transparence, les douleurs de leurs patients, on devine que ce sont les confidences de leurs malades qui courbent leurs épaules et que c’est le poids de ce secret de leur impuissance qui ralentit leur démarche et leur élocution.

L’honneur d’un Marocain qui a épousé une Française

Il la fixa et Mathilde eut alors l’impression que les yeux d’Amine s’agrandissaient que ses traits se déformaient, que sa bouche devenait énorme et elle sursauta quand il se mit à hurler : « Mais tu es complètement folle ! Jamais ma sœur n’épousera un Français ! »
Il attrapa Mathilde par la manche et la tira de son fauteuil. Il la traîna vers le couloir plongé dans l’obscurité, « Tu m’as humilié ! » Il lui cracha au visage et, du revers de la main la gifla.

Femmes battues

Aïcha connaissaient ces femme aux visages bleus. Elle en avait vu souvent, des mères aux yeux mi-clos, à la joue violette, des mères aux lèvres fendues. À l’époque, elle croyait même que c’était pour cela qu’on avait inventé le maquillage. Pour masquer les coups des hommes.

 

Édition Actes Sud . Traduit du Japonais par Jean-Louis de La Couronne

 

Merci Keisha pour ce doux moments et je partage ton avis : ce livre est beaucoup plus profond qu’il n’y parait de prime abord. Evidement la grande spécialiste des chats Géraldine avait déjà lu ce roman . Et comme dans tout bon roman, chacun peut y lire ce qui l’intéresse le plus , vous devinez que pour Géraldine ce roman est :

« Avant tout, « Les mémoires d’un chat » est un formidable étendard contre l’abandon des animaux de compagnie, pour le respect de l’engagement autant quotidien que temporel que nous prenons lorsque nous adoptons une petite boule de poils quelle que soit sa taille à l’âge adulte. »

Et pour Kesiha :

C’est l’occasion pour lui de renouer avec des amis d’enfance puis d’adolescence, mais -on le comprend vite- aucun de ses trois amis ne pourra garder Nana, avec à chaque fois une belle histoire du passé et du présent, délicate et fine. 

Et pour moi ? Je suis avec d’accord aves ces deux blogueuses mais j’ai été beaucoup plus sensible à la description de l’enfance et de l’adolescence au Japon aujourd’hui. Je rappelle le sujet, Satoru a adopté un chat errant, il le nomme « Nana » qui rappelle le chiffre 7 en japonais comme le dessin des tâches sur son corps. Mais il doit pour des raisons qui ne seront expliquées que dans le dernier chapitre le confier à un ami . Il part donc à la recherche des personnes qui ont enrichi son enfance pour confier son chat. Se déroulent ainsi dans ce roman une enfance et une adolescence japonaise. On rit beaucoup avec son ami Kosuké avec qui il a adopté le premier chat, on sent l’adolescence se compliquer avec Yoshiminé qui est resté vivre à la ferme, cela devient encore plus tendu avec Sugi et Chikaro car les premiers émois amoureux ont fait apparaître la jalousie de son ami. Et puis vient cette tante Nakiro qui l’a recueilli lors du décès de ses parents.

J’ai beaucoup aimé les destinées de ces jeunes, on devine que l’auteur a puisé ces récits parmi des exemples vécus . La tristesse de Yoshiminé qui comprend, lors du divorce de ses parents, que si ceux-ci se disputent tant, c’est pour NE PAS avoir la garde de leur unique enfant m’a serré le coeur. Les tourments de la jalousie sont aussi très bien décrits. Mais ma préférée sans doute, c’est la tante Noriko qui ne sait pas dire les choses avec tact. Elle se rend compte immédiatement qu’elle n’aurait pas dû prononcer les phrases qui sont sorties de sa bouche malgré elle, mais c’est toujours après qu’elle s’en rend compte. Mon seul bémol, c’est le truchement par lequel passe l’auteur qui fait aussi le charme du roman , la narration par le chat . J’y suis beaucoup moins sensible que Géraldine évidemment, je pense que cela permet de mettre ce roman à la portée des adolescents, mais cela ne m’a pas empêchée de beaucoup aimé cette lecture « beaucoup plus profonde qu’il n’y paraît » (comme je le disais au début) , souvent très drôle et toujours très émouvante.

 

Citations

La fugue des petits garçons

Pendant qu’il était en train de jouer avec le chat, histoire de tuer le temps, plusieurs dames du quartier qui sortaient leur chien ou chiens ou faisaient leur marche quotidienne leur avaient demandé ce qu’il fabriquait là.
– Il est tard. Vos parents doivent s’inquiéter. Tout le monde se connaissait dans le quartier, Kôsuké se doutait bien que l’endroit était mal choisi. Mais Satoru, lui, n’avait pas l’air d’y voir de problème. 
– Ne vous inquiétez pas, on est juste en train de faire une fugue.
– Ah bon ? Mais ne rentrez pas trop tard quand même. 
Kôsuké n’avait pas l’impression que c’était comme ça qu’on faisait une pub. Non pas qu’il eût la moindre idée de comment on faisait, d’ailleurs…

La solitude d un enfant

« Daigo est sage et pas compliqué, ça m’aide beaucoup. » Il aurait dû être idiot et pénible, c’est ça ?
Depuis qu’il était tout petit, il savait que ses parents aimaient trop leur métier. Tout comme il savait qu’ils ne s’intéressaient pas beaucoup à lui. C’est pour ça qu’il s’était toujours efforcé de leur compliquer la vie le moins possible. D’abord, il n’était pas assez immature pour croire qu’en piquant sa crise : « Bou hou…Mes parents ne m’aiment pas ». Il allait les obliger à s’intéresser à lui. Et puis surtout, ça ne lui disait absolument rien de jouer à ce jeu. Parce que s’il avait rendu l’air de la maison irrespirable, qui en aurait le plus souffert ? Qui passait le plus de temps à la maison déjà ? Au moins en restant un enfant sage, ses parents ne lui faisaient pas la gueule et l’atmosphère de la maison restait supportable. Il n’étouffait pas tout le temps qu’il passait à attendre à la maison, et les rares moments où il se trouvait ensemble se déroulait sans que personne soit de mauvaise humeur(…..) Il y avait des gens plus à plaindre que lui dans le monde, c’est sûr. Mais avec ses parents qui n’attendaient qu’une chose de lui : qu’il ne les choisisse surtout pas dans le genre à plaindre, c’était déjà pas mal.

Édition Gallmeister traduit de l’américain par Sophie Asnalides

A obtenu un coup de cœur au club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Comment classer ce roman qui a tant plu aux lectrices et au lecteur de notre club de lecture : roman social , parce qu’il décrit si bien la société d’une petite ville de l’Arkansas groupée autour d’un pasteur charismatique, roman policier parce qu’il y a des meurtres, thriller parce que le suspens bien que prévisible est très bien mené. C’est tout cela et beaucoup plus. Parlons d’abord du contexte, le jour de Pâques la famille du pasteur Richard Weatherford est réunie pour célébrer le Seigneur en ce jour qui célèbre sa résurrection. Celui-ci est tourmenté car il a eu une relation homosexuelle avec un jeune de son village, Gary Doane . Celui-ci a décidé de fuir le village et la domination du pasteur avec de l’argent soutiré au pasteur pour ne pas dévoiler ces relations. Tout se passe en cette journée de Pâques et l’on sent que l’on va vers une catastrophe si prévisible. Mais le plus important n’est pas là, même si l’intrigue est très bien menée, à aucun moment on est dans l’interprétation des faits mais dans les faits eux-mêmes. Chaque chapitre tourne autour d’un personnage du village et peu à peu le village apparaît devant nos yeux et c’est vraiment très intéressant. Le titre dit tout de l’ambiance de Stock, cette petite ville où tout le monde connaît tout le monde et se surveille avec peu de charité chrétienne même si le pasteur est bien le personnage tutélaire de ce roman. On est dans l’Amérique profonde qui ne croit ni à le théorie de l’évolution ni à la liberté de penser. Un pas de travers et vous voilà rejeter de ce petit village qui donne envie de fuir. Mais pour cela, il faut un peu d’argent et c’est bien là le nerf de la guerre. Même si on sent bien que rien ne peut s’arranger, je ne peux pas dire que j’avais prévu la fin. Ce roman conviendra à toutes celles et tous ceux qui sont persuadés que les bons sentiments ne mènent pas le monde, même quand ils sont prêchés tous les dimanche d’une voix tonitruante. Un excellent moment de lecture que j’aimerais partager avec vous.

PS . Ce billet est écrit depuis longtemps, mais tout à fait par hasard il résonne avec l’actualité. On y voit, en effet, les ravages que provoquent le risque de mettre à jour une relation homosexuelle qui révèlerait la part d’ombre d’un homme puissant.

 

Citations

La famille du pasteur

Papa, comment c’est possible qu’il y ait des gens qui pensent qu’on descend des singes ? – Je ne sais pas, mon fils. Hitler a dit que si on veut que les gens croient un mensonge, il suffit de le répéter sans arrêt. Les anticléricaux ne cessent de répéter leur discours sur l’évolution et les gens l’accepte sans le remettre en question. Ils entendent des hommes instruits avec des diplômes impressionnants qui pérorent sur les singes, des fossiles, que sais-je d’autre, ils se disent : « Bon je n’y comprends rien, mais je suppose que ça doit être vrai si ces gens intelligents le croient. »

Dialogue entre la femme du pasteur et une amie

Non, je vous ce que tu veux dire, dit Sandy. Femme de pasteur c’est un job qui occupe nuit et jour.
– Tout à fait. Et j’aime ça. Je ne me plains pas. Mais cette position est très exigeante, un peu comme celle de la femme d’un homme politique. Beaucoup de gens la qualifieraient à peine de boulot, mais en réalité, c’est assez proche de la manière dont Ginger Rogers qualifiait ses danses avec Fred Astair.
– « Je faisais tout ce qu’il faisait, mais à reculons et en talons. »

Le cœur du roman : monologue du pasteur

Ce que je ne suis pas, c’est un homosexuel. Cela n’existe pas, les homosexuels. Le concept de l’identité gay est un mensonge du diable, fondée sur les idées fausses que l’homosexualité est un état de l’être. Si les homosexuels existent, alors Dieu a dû créer les homosexuels, donc, non, il ne peut pas y avoir d’homosexuels. Il n’y a que des actes homosexuels, et on peut choisir ou non de commettre ces actes. Je peux me détourner de mon péché.

Le dépressif

Vachement déprimant, comme idée. Soit c’était un raté et sa grange est là, à pourrir au bord de la route, soit il avait réussi et sa grange est là, à pourrir au bord de la route.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. Édition Albin Michel

 

Dans cette période qui devrait normalement être celle de la fréquentation des cimetières, je vais vous parler d’un roman pour lequel je ne suis pas enthousiaste, même si j’ai eu quelques bons moments pendant la lecture. Violette Toussaint née Trénet est gardienne de cimetière. Quand je dis « née » je ne vous dis pas l’essentiel : Violette est née sous « x » et une sage femme l’a prénommée Violette car à la naissance sa peau violacée l’avait condamnée à ne pas survivre, puis Trénet sans doute parce qu’elle aimait ce chanteur. Violette rencontre son destin sous les traits de Philippe Toussaint un trop beau garçon qui passe son temps à faire l’amour aux femmes, la sienne, celles des autres et toutes les filles qui en ont envie. De cette union mal assortie naîtra une petite fille Léonine et sept ans de bonheur intense pour Violette, même si son mari continue à courir les femmes dans toute la région. Le malheur de Philippe vient d’une mère Chantal Toussaint qui méprise sa belle fille et cherche à transmettre à son fils son propre mépris. Un accident terrible va survenir, mais je ne peux, sans divulgâcher le récit, vous le raconter. Les plaisirs de lecture de ce gros roman, vient des différentes anecdotes liées aux histoires de cimetière. Violette aime son métier et accueille avec respect les malheur des uns et des autres, c’est cet aspect qui m’a le plus intéréssée. J’avoue que l’intrigue autour de la mort de sa petite fille de sept ans, m’a beaucoup moins passionnée et surtout, je ne crois pas du tout aux deux personnages principaux. On est dans la caricature ou dans l’esquisse de personnages mais pas dans la richesse de la complexité de l’humain. L’histoire se tisse lentement au gré d’incessants retour en arrière ou de changements de personnages, on s’y perd un peu. Ce n’est pas ce qui m’a le plus dérangée, mais je ne comprends pas trop cette envie de rendre le roman aussi sinueux . Pour finir par un happy-end très prévisible. Comme je le disais en commençant, il y a de très bonnes petites histoires autour du cimetière, qui rendent ce roman parfois très agréable à lire, mais sinon il faut accepter le côté « romanesque », dans le mauvais sens du terme, des personnages. Cela m’a fait penser aux romans d’Anne Gavalda en plus caricatural.( Et je précise que parfois je prends plaisir à lire Anne Gavalda – comme pour ce roman que je suis loin d’avoir entièrement rejetée.)

 

Citations

Portrait de son mari

Le jour de la parution de l’article, Philippe Toussaint est rentré de la feue ANPE la mort dans l’âme : il venait de réaliser qu’il allait devoir travailler. Il avait pris l’habitude que je fasse tout à sa place. Avec lui, niveau fainéantise, j’avais gagné le gros lot. Les bons numéros et le jackpot qui va avec.

J’aime bien ce genre de remarques

Demain, il y a un enterrement à 16 heures. Un nouveau résident pour mon cimetière. Un homme de cinquante cinq ans, mort d’avoir trop fumé. Enfin, ça, c’est ce qu’on dit les médecins. Ils ne disent jamais qu’un homme de cinquante cinq ans peut mourir de ne pas avoir été aimé, de ne pas avoir été entendu, d’avoir reçu trop de factures, d’avoir contracté trop de crédits à la consommation, d’avoir vu ses enfants grandir et puis partir, sans vraiment dire au revoir. Une vie de reproches, une vie de grimaces. Alors sa petite clope et son petit canon pour noyer la boule au ventre, il les aimait bien.
On ne dit jamais qu’on peut mourir d’en avoir eu trop souvent trop marre.

Une enfance et un couple sans amour.

Je crois que j’ai toujours eu ce réflexe, celui de ne pas déranger. Enfant, dans les familles d’accueil, je me disais : « Ne fais pas de bruit, comme ça cette fois tu resteras, ils te garderont. » Je savais bien que l’amour était passé chez nous il y a longtemps et qu’il était parti ailleurs, entre d’autres mur qui ne seraient plus jamais les nôtres.

Moment d’humour

Maintenant, ma dernière volonté, c’est de me faire incinérer et qu’on jette mes cendres à la mer. 
-Vous ne voulez pas être enterrée près du comte ? 
-Près de mon mari pour l’éternité ?!Jamais ! J’aurais trop peur de mourir d’ennui !
-Mais vous venez de me dire que ce sont les restes qu’on enterre ici. 
-Même mes restes pourraient s’ennuyer près du comte. Il me fichait le bourdon.

 

Édition Gallimard

Cet auteur est un habitué de Luocine, il sait me faire rire et aussi m’émouvoir. « Charlotte » est certainement le livre qui m’a le plus touchée, j’ai même pleuré en lisant « Mes souvenirs » adoré « La délicatesse » et été déçue par « Nos séparations »

J’ai beaucoup hésité entre trois ou quatre coquillages, mais en tant qu’habitué de Luocine, David Foenkinos bénéficie d’un préjugé favorable. Dans ce roman, l’auteur nous fait prendre conscience du travail de l’écrivain. C’est très à la mode de parler de l’inspiration et de la difficulté de renouveler son inspiration et c’est pour ce côté « dans le vent » que je suis passée de quatre à trois coquillages. Mais c’est aussi un roman qui traite avec tellement de légèreté et d’humour de la création romanesque et de notre vie de tous les jours, que je lui ai rendu son quatrième coquillage  !

L’auteur est donc en panne d’inspiration, et décide d’arrêter la première personne qu’il rencontre pour en faire son personnage de roman . Cela tombe sur Madeleine Tricot, femme assez âgée (on dirait, aujourd’hui, à risques) qui a travaillé dans la mode, chez Chanel, auprès de Karl Lagerfeld . Son roman s’étendra à la famille de sa fille, Valérie, qui a épousé Patrick Martin d’où le titre du roman. L’auteur doit aussi gérer sa séparation. Après quelques années de vie commune, Marie vient de le quitter en lui disant qu’elle préfère vivre seule qu’avec lui. Entre la fiction et la réalité qui passe par la plume de l’écrivain, on assiste surtout à une excellente mise en scène de la création romanesque et du plaisir que doit éprouver tout écrivain à dominer chaque personnage obéissant à sa toute puissance. Mais dans la réalité ? Et bien, oui cela ne se passe pas comme ça, même si on aimerait parfois qu’un écrivain nous anime pour avoir le courage de brûler les rideaux d’un chef pervers et manipulateur ou de mettre toutes ses économies pour aller jusqu’à Los Angeles retrouver son amour de jeunesse. C’est un roman très léger et qui se lit très vite et en plus qui sort le lecteur de la morosité ambiante. Ces quelques allusions aux quotidiens sont bien croquées sans être plombantes. Je suis très sensible l’humour de cet écrivain. Il me donne le sourire même si, comme il le dit dans ce texte, son roman n’est certainement pas écrit pour durer cent ans, il permet de passer une très bonne soirée.

 

Citations

Sujet de roman

Je m’étais senti excité par mon intuition, mais voilà que j’en étais déjà à écrire sur la nécessité de ne pas recongeler des produits décongelés. Quelques années après avoir obtenu le prix Renaudot, je sentais le frisson du déclin me parcourir le dos.

Humour des notes en bas de page

Certes, en sortant du 17° arrondissement de Paris à 10 heures du matin, j’avais peu de chance de tomber sur une go-go danseuse.

Humour

 Ma capacité de séduction ressemblait depuis un moment à un film de Bergman (sans les sous-titres).

Je crois cela aussi

J’ai l’impression qu’on peut tout savoir d’une personne en observant les livres qu’elle possède.

Dialogue avec un ado

– Vraiment, tu n’as pas de passion ? Demandai-je avec désinvolture, m’efforçant d’éviter un ton culpabilisateur.
– Moyen.
– C’est-à-dire ? Ça veut dire quoi moyen ?
– Ça veut dire j’ai moyen des passions.
– D’accord… Et la musique, tu aimes ça ? Les poster… Tu aimes Angel ?
– Pas spécialement. J’ai fait des trous dans le mur quand j’étais petit, alors je les cache avec des posters.
– Tu écoutes quoi ?
– Il n’y a rien qui me vient, là.
– Et ton temps libre, tu l’occupe comment ?
– Je joue en ligne avec des potes.

Remarque assez juste

Ah, j’ai compris. Votre roman, c’est pour déterrer les histoires de famille. Tout ce qui fait mal.
– Mais non…je n’irai pas contre votre volonté.
– C’est ce qu’ils disent tous. Je ne lis pas beaucoup de romans contemporains, mais je vois bien qu’écrire est souvent un moyen de régler ses comptes.

Harcèlement au travail

Ce matin, Desjoyaux l’avait convoqué pour lui proposer un rendez-vous dans trois jours . Quel supplice . Pourquoi ne lui avait-il pas signifié immédiatement ce qu’il voulait lui dire ? Il allait passer les jours suivants avec une boule au ventre . Desjoyaux n’avait rien laissé percevoir dans son regard , un visage suisse. Le degré suprême du harcèlement , c’est façon froide et presque souriante de commettre un meurtre salariale . Il y avait forcément du sadisme dans cette attitude ; il était bien conscient, vu le contexte général, qu’il ferait souffrir un employé en lui annonçant qu’il le verrait trois jours plus tard ; pire, il avait ajouté « impérativement » le voir. Les mots ont un sens. Impératif veut dire que c’est majeur, déterminant ; cela sent la condamnation.

Vérité et fiction : dilemme de l’écrivain

Ainsi, le vrai pareil souvent improbable. J’avais peur de m’emparer du réel, et qu’on l’estime moins crédible que la fiction. Je redoutais qu’on puisse ne pas me croire, qu’on se dise que toute cette histoire était inventée ; qu’on se dise que je n’étais jamais descendu de chez moi pour aborder la première personne venue. Il m’arrive parfois de dire la vérité, et cela sonne comme un mensonge. Mais je n’y peux rien : la vie est peu plausible.