Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thè­que de Dinard. Il a obtenu un coup de coeur.

Roman choral qui suit tous les membres d’une famille pendant la guerre 39/45, au Havre. Ce roman nous fait revivre ce qui s’est passé dans cette ville et qui est, sauf pour les Havrais, quelque peu oublié. Dès le début de la guerre, cette ville a été plus que généreusement bombardée afin de détruire les installations portuaires. Mais l’épisode le plus douloureux se situe à la fin de la guerre. Une garnison allemande a refusé de se rendre alors que les alliés encerclaient la ville. Le commandant allemand a proposé de faire évacuer les civiles, on ne saura jamais pourquoi les Anglais ont refusé ni pourquoi ils ont bombardé Le Havre réduisant cette ville en cendre. Cet article du Figaro pose bien toutes ces questions.

Le roman suit la vie d’Emilie et de Joffre qui ont deux enfants Lucie et Jean et de Muguette sœur d’Emilie et de ses deux enfants. Les caractères sont bien imaginés et la vie de cette famille sous l’occupation est, sans doute, très proche de la réalité. J’ai découvert l’existence de la fondation Guynemer qui envoyait des enfants en Algérie pour les éloigner des duretés de la guerre. Beaucoup d’enfants du Havre et de Saint Nazaire ont ainsi bénéficié pour 6 mois ou un an d’une vie plus saine. Le déchirement pour les parents de devoir se séparer de leurs enfants est très bien rendu et aussi, la façon dont on doit se méfier de tout le monde quand on n’accepte pas de collaborer. C’est un bon roman historique qui permet de se remettre en mémoire de façon objective ce qui s’est passé au Havre à cette période.

Citations

Souvenirs de la guerre 14-18

La guerre chez nous avait déjà mangé presque tous les hommes, le père de papa décapité par un obus la veille de l’armistice, le père de maman et une demi-douzaine de grand-oncle gazés par les Boches -eux étaient rentrés en 1928, mais pas pour longtemps, ils étaient déjà asphyxiés et sont morts paraît-il dans d’atroces souffrances.

 Portrait d’une femme qui parle peu

La cuisine, c’était sa manière à elle de montrer son amour, parce que les mots, je voyais bien qu’elle les cherchait sans jamais les trouver, quand ça sortait, presque toujours ça faisait mal et je la détestais, puis aussitôt je lui par donnais ; elle faisait de son mieux et s’en voulait sincèrement de m’avoir blessée.

Je ne connaissais pas l’expression

Félix Mercier – un grand échalas qui ne se prenait pas pour la queue d’une poire.

La collaboration

« La collaboration cousine, tu sais de quoi il s’agit : donne-moi ta montre et je te donnerai l’heure. »

 

Ce livre est dans mes envies de lectures depuis un an. Comme toutes les blogueuses amies, je suis parfois prise aux pièges de toutes mes sollicitations et il me faut du temps pour parvenir à réaliser mes projets. Ce roman historique en demande justement du temps et de la concentration, il ne se lit pas en quelques soirée. Il s’agit d’ailleurs de cela, du temps qui passe et de la lente arrivée de la mort qui rend, enfin, tous les hommes égaux. L’empereur Charles Quint est l’homme le plus puissant du monde quand en 1255, il abdique et renonce à tous ses titres pour se retirer dans le monastère de Yuste ou il mourra en 1258. (la photo rend mal l’ambiance austère, humide, malsaine qui est décrite dans le roman d’Amélie de Bourbon Parme.)

Pour une fois, je peux raconter la fin sans crainte de froisser mes anti-divulgâcheuses préférées. Charles Quint meurt et son empire s’écroule. Il est réduit à sa condition humaine et attend la mort sans peur mais dévoré par une passion, celle des horloges qui sont à l’époque un concentré de progrès technologiques.

Elles ne servent pas seulement à dire l’heure (contrairement à celle où j’ai posé ce roman pour ma photo !) mais à décrire le monde avec, évidemment, la terre création divine au centre d’un univers fermé. Pourtant un certain Copernic avait depuis plus de 50 ans écorné cette belle théorie qui convenait si bien aux esprits rétrogrades tenant de l’obscurantisme catholique soutenus par l’horrible inquisition. Dans un rythme très lent qui accompagne chaque dégradation d’un homme qui va mourir, cette auteure nous permet de partager les pensées de Charles Quint. Et puisqu’il fallait bien un suspens, c’est la passion pour les horloges astronomiques qui va pour ce roman, introduire une possibilité de fissure dans la recherche du calme olympien avant la mort : Charles Quint percera-t-il le secret de cette dernière horloge astronomique ? et que veut dire cette phrase « Sol numquam decidentis » inscrite dans le fond du boitier de l’horloge noire qui l’inquiète tant ? Est ce que le soleil ne se couche jamais sur l’empire de Charles Quint ? ou ne se couche-t-il jamais ?

Je ne suis pas surprise que Dominique soit tombée sous le charme de ce roman que j’ai bien aimé également sans pour autant adhérer totalement, j’ai parfois été gênée par la lenteur du récit. Je salue bien volontiers les talents d’écrivain d’Amélie de Bourbon Parme qui sait faire revivre celui qui pour tant de monde est seulement un portrait (du Titien excusez du peu !) et qui, pour elle, est un ancêtre.

 

Citations

Philippe successeur de Charles Quint

Ce garçon avait une allure étrange, comme s’il manquait quelque chose ou quelqu’un dans cette silhouette de demi-souverain à qui l’empereur avait pourtant transmis la moitié de ses possessions.

Même lorsqu’elles étaient courtes, les visites de son fils étaient longues en silence.

Rapports du Pape et de Charles Quint

L’empereur sentit son visage se crisper à la vue du sceau pontifical. Boursouflé de cire et d’arrogance, l’emblème papal faisait luire toutes les prétentions de l’Église en même temps. Le nouveau pape y avait glissé ses initiales en secret : Gian Pietro Carafa. En se détachant, le cachet de cire fit le même petit bruit sec qu’une coquille vide que l’on casse dans sa main. Un bruit qui convenait tout à fait à l’émetteur de ce pli.

Un portait d’ Hildago « au mutisme farouche »

Le colonel Quijada ne répondit pas. Personne ne savait se taire comme lui. Son silence n’était pas de ceux que l’on ignore, il creusait des gouffres . Il avait le mutisme farouche et profond des hidalgo, le silence des hommes dévoués qui savent ce qu’on leur doit.

Lu dans le cadre de masse critique de Babelio.



Je me souviens que le résumé de ce livre m’avait attirée car on y parlait de la guerre en Abyssinie en 1936. C’est une guerre dont on parle peu mais qui m’a toujours intéressée et révoltée. L’Éthiopie d’aujourd’hui est aussi un pays qui m’intrigue et qui semble avoir un dynamisme où l’on retrouve cette fierté nationale dont parle ce roman. Je ne regrette pas d’avoir dérogé à mes principes et d’avoir répondu à « Masse-critique ». Ce roman historique qui commence en 1936, en Éthiopie pour se terminer à Rome en 1945, est passionnant et a d’étranges résonances avec la période actuelle. L’auteure Theresa Révay à choisi comme héroïne principale une correspondante de guerre. C’est une idée géniale car cela lui permet d’exercer son regard critique sur tous les points chauds du globe à l’époque. De la guerre d’Espagne à la montée du nazisme à l’entrée en guerre de l’Italie fasciste de Mussolini en passant par les guerres du désert et de la vie à Alexandrie. Elle aura tout vu cette sublime Alice et tout compris.

Le seul point faible du roman c’est cette superbe histoire d’amour entre ce prince italien et la belle correspondante de guerre américaine. Mais il fallait bien un amour pour relier entre eux des événements aussi tragiques. J’avoue que je n’y ai pas trop cru, c’est un peu trop romanesque mais ce n’est pas là l’essentiel. L’important c’est de revivre ces époques et se demander si le monde n’est pas à nouveau en train de partir sur des pentes aussi dangereuses que dans ces moments tragiques. Lire le récit de tous ces épisodes dans un même roman cela fait peur car l’enchaînement tragique était évitable sans la mollesse des consciences dans les démocraties. Le Nazisme a vraiment la palme de l’horreur et pourtant Mussolini et Franco n’étaient pas des anges. Je verrais bien ce roman dans une série, chaque guerre constituant une saison ; on aurait alors le temps d’aller au bout des dessous des conflits. Je crois, par exemple, que le public serait content d’en apprendre plus sur la façon dont les Italiens se sont conduits en Abyssinie.

Citations

Les armes chimiques en 1936 en Abyssinie

Après la grande Guerre, les armes chimiques avaient pourtant été proscrites aux termes d’une convention internationale ratifiée par l’Italie. Leur usage était un acte scandaleux et méprisable.

Le correspondant de guerre

Les relations avec les hommes d’État ressemblaient à un jeu de poker. Il fallait garder l’esprit clair, dissimuler ses pensées tout en obtenant qu’ils dévoilent les leurs.

Description qui permet de se croire au Vatican : sœur Pascalina

Le voile sombre ondulé ondulait sur ses épaules. Sa jupe effleurait le sol, dissimulant ses pieds, si bien qu’on avait l’impression qu’elle flottait au-dessus d’un pavement de marbre

Portrait d’Hemingway à Madrid en avril 1937

En face d’elles, un grand miroir se fendilla sur toute sa hauteur. Hemingway, torse bombé, gesticulait en cherchant à rassurer son auditoire. Le célèbre écrivain s’était d’emblée imposé comme le cœur ardent de la bâtisse. Non seulement parce qu’il stockait dans ses deux chambres, outre d’innombrables bouteilles d’alcool, des jambons, du bacon, des œufs, du fromage, de la marmelade, des conserves de sardines, et des crevettes, du pâté français t d’autres victuailles improbables en ces temps de pénurie, mais aussi parce que sa ferveur à défendre la cause républicaine et son tempérament homérique laminaient son entourage.

L’histoire d’amour

Ainsi allait le monde d’Umberto. Elle était consciente de ne pas y avoir sa place. (…) Elle mesura encore une nouvelle fois combien Umberto était écartelé entre sa vie de famille et les moments qu’il lui accordait. (…) A son corps défendant, une pointe douloureuse la transperça et elle regretta d’être devenue une femme amoureuse tristement banal.

Le fascisme

Je viens d’entendre le cri nécrophile « Viva la muerte ! » Qui sonne à mes oreilles comme « À mort la vie ! » s’était écrié le philosophe, avant d’ajouter : Vous vaincrez mais vous ne convaincrez pas. Vous vaincre parce que vous possédez une surabondance de force brutale, vous ne convaincre pas parce que convaincre signifie persuader. Et pour persuader il vous faudrait avoir ce qui vous manque : la raison et le droit dans votre combat. » Ses adversaires, fou de rage, avaient hurlé : « À mort l’intelligence ! »

Le nazisme

Pour être innocent sous le Troisième Reich, il fallait être enfermé dans un camp de concentration ou mort.

Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thè­que de Dinard. Traduit de l’anglais par Claire Desserrey

 Les écrivains ont, à chaque époque, leur façon de se raconter. Au XVIIe siècle, on n’avait peu l’habitude de se répandre en confidences sur sa vie privée, surtout pour un philosophe. Même Montaigne au XVIe n’a écrit sur lui-même que pour nous faire comprendre qu’il « portait en lui l’humaine condition » et donc nous ne connaissons rien, ou presque, de ses amours ancillaires ou autres ! On sait peu de choses sur une petite Francine, enfant d’une servante en place à Amsterdam chez le libraire qui accueillera Descartes, elle est née en juillet 1635 et morte en 1640. La servante, sa mère, savait écrire et Descartes écrivit lors de la mort de l’enfant qu’il avait connu « le plus grand regret qu’il eût jamais senti de sa vie ». Voilà les source sûres qui donnent corps à ce roman « historique ».

L’auteure du XXIe Siècle, cherche à donner vie à cette Héléna que Descartes aurait séduite et avec qui il a eu une enfant.C’est particulièrement compliqué pour l’auteure, Genevre Glasfurd, car elle a bien du mal à imaginer les sentiments et les réflexions d’une femme de cette époque. Le fait que cette servante sache lire et écrire suffit-il pour l’imaginer indépendante et libérée des carcans de son époque ? Ce ne sont là que des hypothèses qui ne sont guère convaincantes, d’ailleurs on sent que l’écrivaine, par soucis de vérité sans doute, ne sait pas trop quel parti prendre : Héléna est à la fois très religieuse et éprise de liberté.

Cette histoire d’amour entre une servante protestante et un grand écrivain français catholique dont on sait historiquement que peu de chose, prend trop de place dans le roman. La description des difficultés pour écrire librement un livre de philosophie dans des pays dominés par un pouvoir religieux obscurantiste est beaucoup plus intéressante. Et puis, comme dans tout roman historique, le fait d’amener le lecteur à vivre dans une société du temps passé, nous fait découvrir une autre époque et d’autres lieux mais j’étais mal à l’aise parce que je sentais bien que l’auteure voulait donner une forte personnalité à une jeune femme dont on sait si peu de choses, même si le fait de savoir lire et écrire était peu banal, cela n’en fait pour autant la « femen » du XVIIe.

Lisez l’avis de Dasola qui a aimé cette lecture et qui souligne la qualité d’écriture de cette écrivaine à laquelle je n’ai pas vraiment été sensible. Même si ce roman se lit facilement.

Citations

L’importance des écrits pour Descartes

Qu’est ce qu’un livre ? Les élucubrations de mon cerveau. Des mots, écrits à la plume avant d’être imprimés. Des pages, assemblées et reliées, diffusées. Lorsqu’il paraît, un livre est une chose incroyable, il a de la la force, des conséquences. Il peut remettre en cause d’anciens dogmes, désarçonner les prêtres les plus convaincus, mettre à bas des systèmes de pensée.

Ambiance de l’époque en Hollande

Nous passons devant le marché aux poissons et l’église Pieterskerk ; un homme a été mis au pilori, pieds nus et sans manteau, avec à côté de lui un écriteau où l’on peut lire : FORNICATEUR.

20161107_111041Traduit de l’anglais par Élodie LEPLAT. Lu grâce au club de lecture de la média­thèque de Dinard.

Notre Club s’est donné une tradition pour clore ses lectures. Au mois de juin, nous élisons « notre coup de cœur des coups de cœur », pour cela, la vingtaine des participants – remarquez le masculin, cette année deux hommes nous ont rejointes !) doivent lire les dix livres en lice pour pouvoir participer au vote autour d’agapes faites maison. « Le chagrin des vivants » avait connu un tel succès que je n’avais pas pu le lire l’an dernier , et depuis il est toujours sorti de la médiathèque. Comme je comprends son succès ! je pense que ce roman va être un concurrent sérieux pour notre prix en juin 2017.

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Le roman se déroule essentiellement à Londres, sur cinq jours, du 7 novembre 1920 au 11 novembre où toute cette grande ville et tout le pays lui-même se souviendra de ceux qui sont morts pendant la guerre 14-18 sur le sol de France. Nous suivons également la dépouille du « combattant inconnu » qui sera inhumé à Westminster. Le début du roman est un peu compliqué, car c’est un roman choral, nous suivons le destin d’Hettie une jeune fille d’origine très modeste, de 19 ans qui veut danser et vivre à tout prix alors que son frère mort vivant n’arrive pas à retrouver le goût de la vie après son retour du front. Puis à Evelyn d’origine aristocrate qui a travaillé dans une usine d’armement pendant la guerre pour oublier la mort de son fiancé, et se sent devenir une vieille fille acariâtre et enfin à Ada dont le fils est mort à Albert avant d’envoyer cette carte postale de l’église tristement célèbre à sa mère.

066_001À partir de ces quatre femmes dont les destins se croisent, l’après guerre à Londres se dessine devant nos yeux de lecteur encore surpris de tant d’horreurs. Est-ce qu’il faut attendre 100 ans pour que tout soit dit sur une guerre ? J’ai beaucoup lu sur celle-ci, mais évidemment du côté français, il me semble qu’en France on a mieux traité les anciens combattants qu’en Grande Bretagne. Les hommes mutilés sont réduits à la mendicité. J’aimerais en savoir plus sur ce sujet mais déjà, dans la célèbre série Downton Abbey, on voit que les anciens soldats ont besoin de la charité publique pour se nourrir. La force du roman vient de ce que peu à peu comme beaucoup de Londoniens nous sommes attirés par la cérémonie du 11 novembre 1920 où beaucoup de Britanniques, dont nos quatre personnages, trouveront dans cette cérémonie en l’honneur du « combattant inconnu » un peu de consolation pour des maux si multiples et si profonds que rien ne semblait pouvoir les apaiser. L’auteure a très bien rendu compte de la variété des destins brassés dans un même creuset, celui de la guerre qui a tué, mutilé, ravagé une génération d’hommes jeunes et donc par voies de conséquences de leurs proches.

Citations

Les souffrances d’une mère

L’automne vint, les journées commençaient à raccourcir, la conscription à s’imposer. Alors elle commença à prier, ce qu’elle n’avait pas fait depuis des années. Elle priait égoïstement, désespérément, pour elle, pour Michael, pour que la guerre s’arrête à sa porte. Elle ignorait à qui elle adressait ces prières, elle ignorait qui était le plus puissant : un Dieu distant, qui écoutait ou pas ; la guerre affamée elle-même, qui grondait sur leur seuil.

Ceux qui sont revenus

Pourquoi ne peut-il pas passer à autre chose ?

Pas seulement lui. Tous autant qu’ils sont. Tous les anciens soldats qui font la manche dans la rue, une planche accrochée autour du cou. Tous vous rappellent un événement que vous voudriez oublier. Ça a suffisamment duré. Elle a grandi sous cette ombre pareille à une grande chose tapie qui lessive la vie de toute couleur et toute joie.
La guerre est terminée, pourquoi ne peuvent-ils donc pas tous passer à autre chose, bon sang ?

Payer pour une inscription sur les tombes des soldats morts en France

Ils m’ont demandé quelle inscription mettre sur la tombe. C’était six pence la lettre, rien que ça. On aurait pu croire qu’ils payeraient pour ça non ?

Qui a gagné la guerre

L’Angleterre n’a pas gagné cette guerre. Et l’Allemagne ne l’aurait pas gagnée non plus

– Qu’est ce que tu veux dire ?
– C’est la guerre qui gagne. Et elle continue à gagner, encore et toujours.

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cocardes
Une rumeur s’est emparée du monde des blogs : il faut lire « 14 juillet » d’Éric Vuillard. Emportée par l’enthousiasme de Keisha, de Dasola de Sandrine et bien d’autres, (excusez-moi je n’ai pas le talent d’Éric Vuillard pour rappeler tous les noms qui permettent de créer un événement) je n’ai pas résisté à cet élan républicain. Les quatre cocardes tricolores en disent long sur mon plaisir de lecture et saluent un livre dont le projet est très original malgré mes réserves sur le message final. L’auteur n’a pas fait qu’une oeuvre d’historien, il a voulu mettre tous les procédés de langue dont il disposait pour rendre compte d’une émotion qui a soulevé tout le peuple de Paris ces quelques jours de juillet 1789. Son texte nous permet de ressentir la peur, l’exaltation, le désespoir, la joie de la victoire, tout cela dans des odeurs de sueur, de larmes, de poudre, de sang et de cadavres en décomposition. On passe deux jours, heure après heure avec le petit peuple de Paris, réduit à un misère noire par des gens inconscients que leur mode de vie pouvait être menacé par un trop plein d’injustices. On espère avec eux, on tremble pour eux, et on se réjouit quand enfin, le symbole de la royauté est envahi. La Bastille est prise par un peuple affamé que rien ne pouvait plus arrêter.

Éric Vuillard souligne avec insistance combien les participants à cette insurrection ne possédaient rien, et comment leurs noms sont immédiatement tombés dans l’oubli. Alors que les nantis nobles ou pas sont restés dans les mémoires et sont le sujet de nombreux chapitres des historiens comme Michelet par exemple. S’il est vrai que le gouverneur de Launay fut tué ce jour là et sa tête mise au bout d’une pique, Vuillard rappelle que sa veuve reçut une pension de trois mille livres, alors que Marie Bliard veuve de l’allumeur de réverbère ne reçoit qu’un pauvre papier lui signifiant la mort de son compagnon. Ces deux poids deux mesures choquent tant l’auteur qu’il fait tout pour retrouver le nom et la vie des obscurs participants à cet acte fondateur de notre République. Le livre se termine par un vibrant appel à mettre le feu aujourd’hui à toute la bureaucratie qui étouffe selon lui la société française. Hélas, je ne suis absolument pas sûre que ces solutions violentes puissent servir au mieux vivre de notre société certes sclérosée. Si certains aimeront ce livre pour son message, je l’apprécie, quant à moi, pour son style.

Citations

Mélange de style et d’époque

Et ce jour là, Necker fut exactement ce qu’il était, froid, démonstratif, il ne parla que de finances et d’économie politique ; il fut abstrait, hautain, et il assomma tout le monde pendant trois plombes par un discours techniques.

Pour se défendre, les gens improvisent des barricades de chaises puis ils se saisissent de bâtons, de caillasses, et c’est l’intifada des petits commerçants, des artisans de Paris, des enfants pauvres.

Le style

Et dans la nuit du 13 juillet tout cela résonne, ça gratte entre les pattes du petit chien qui traîne, ça urge entre les jambes du vieil ivrogne qui pisse qui poisse sous les aisselles du chiffonnier, ça démange tout le monde.

Un trait de caractère souvent vérifié

Enfin, Louis XVI, le débonnaire, monte sur le trône ; mais comme tous les tyrans indulgents et magnanimes, il sera plus féroce que ses prédécesseurs.

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L’avantage d’élargir sa blogosphère, c’est de trouver de nouvelles tentations : la lecture de ce livre je le dois à « Et si on bouquinait un Peu » qui signe ses commentaires « Patrice » sur mon Blog mais c’est Eva qui a écrit l’article qui m’a tentée. Son billet doit être bien fait car j’ai peu de goût pour les romans historiques et pourtant je n’ai pas hésité une seconde. J’espère donc, vous donner envie à mon tour. Cet auteur nous fait revivre un fait historique qui appartient à la face sombre du grand règne de Louis XIV. À la fin de son règne, ce grand roi devient bigot et révoque l’édit de Nantes. Pour le plus grand malheur des protestants installés en France qui avait gagné une certaine tranquillité et prospérité. La France s’est ainsi privée d’artisans industrieux qui ont fait la richesse des pays qui les ont accueillis.

La famille que Guillaume Vallade (fils cadet d’une bonne famille catholique) va aider à fuir la France travaille dans des tapisseries et sont « Lissiers » ou liciers . Il tombera éperdument amoureux d’Esther mais qui est mariée, elle lui confie sa sœur Jéhanne restée en France pour protéger leurs biens. Jéhanne a connu les dragonnades et toutes les horreurs que la soldatesque à qui l’on permet tout est capable de commettre sur une femme sans défense et d’origine huguenote . Guillaume, fis du plus grand bâtisseur de Versailles aurait dû connaître une vie facile, malheureusement, il sera la victime de la jalousie de sa belle sœur. Et c’est là que se situe le fait historique du « Congrès ». L’église dans sa version la plus stupide a organisé un procès pour prouver l’impuissance du jeune garçon, et annuler son mariage. La belle sœur compte ainsi faire de son fils le seul héritier des Vallade. Et donc, on oblige le jeune couple après moult examens de leur appareil génital de passer à l’acte devant une foule de médecins de gens d’église et de la partie adverse. On ordonne au présumé coupable de « Dresser, pénétrer, mouiller ».

Le roman évite tout passage voyeur, on est dans le drame de ce jeune homme chez qui ces investigations bloquent tout espèce de désir. Je ne veux pas divulgâcher ce roman, la fin est triste autant que le début. Le passage le plus tragi-comique, ce sont les discussions des médecins entre eux, Molière n’est vraiment pas loin, sauf qu’ici ces ânes savants ont entre leurs mains la vie et l’honneur d’un jeune homme et d’une jeune femme. L’absurdité des lois religieuses qui se mêlent de justice humaine sont révoltantes. J’ai beaucoup apprécié la façon dont cette fin de règne et les difficultés des uns et des autres sont décrites. Mais j’ai toujours les mêmes réserves pour ce genre de roman, j’aurais largement préféré lire le travail d’un historien que ce sujet . Qu’est ce que c’est que cette histoire de « congrès » ? Est-ce qu’il y a eu beaucoup de cas de couples obligés à s’exécuter devant témoins ? et le cas de ce Guillaume Vallade était-il lié aux Huguenots ?

Bref, je ne suis pas totalement en accord avec la partie romancée de ce texte mais très intéressée par la partie historique, tout en ne faisant pas complètement confiance au romancier pour la véracité des faits. Compliqué ! mais c’est ce que j’éprouve à chaque fois que je ne suis pas totalement bien dans un roman historique. Que ceux qui aiment le genre se précipitent et me disent ce qu’ils en pensent car c’est vraiment dans le style un bon roman même pour moi, la difficile.

Citation

La note est de moi, et malgré le moment tragique du récit, j’ai éclaté de rire en trouvant la définition

L’impuissant commet le plus affreux crime de mensonge ! j’accuse de stellionataires* et d’imposteurs ceux qui font supposer de fausses marchandises pour véritables. En commettant cette mystification ils deviennent faux-monnayeurs.

*Stellionataire qui commet un stellionat : fait de vendre un bien dont on sait ne pas être propriétaire (la note est de moi car j’avoue que je ne connaissais pas ce mot)

Opposition de deux conceptions de la religion

– Une femme doit comprendre ce que des confesseurs attendent qu’on leur réponde, murmura-t-il en surveillant qu’on ne l’entendait pas.

– De la religion d’où je viens, ce genre d’homme n’existe justement pas, dit-elle d’une voix qui sonnait.

– Hélas, madame ! Il est peut-être là, le fond de notre problème.

Une remarque tellement vraie

Je l’avais deviné dès qu’il est entré. Les porteurs de mauvaises nouvelles ne peuvent pas dissimuler longtemps le malheur dont ils sont embarrassés.

20160102_184800Traduit de l’américain par Anne Laure Tissut. Ce roman est arrivé jusqu’à moi grâce à Keisha qui ne l’a pas commenté et Aifelle que je remercie pour sa gentille attention.

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Laird Hunt plonge le lecteur du 21e siècle dans la guerre civile américaine que nous appelons en France guerre de sécession. Elle fit un million de morts, il faut se souvenir qu’elle fut la guerre la plus meurtrière de la nation américaine. Comment la faire revivre aujourd’hui ? L’auteur a pris le parti de la raconter du point de vue d’une femme, puisqu’il est avéré qu’une centaine de femmes se déguisèrent en homme pour participer aux combats. C’est évidemment un point de vue original, car même si Constance a un fort tempérament, l’horreur de ce qu’elle doit vivre fera vaciller sa raison. Peu à peu, le lecteur perd pied dans l’imaginaire d’une femme dont l’esprit flotte entre la réalité sordide des violences de la guerre et les souvenirs de son enfance qui sont aussi marqués, on le découvrira peu à peu, par des scènes traumatisantes. Elle doit faire face à deux dangers, celui de tout soldat à la guerre et celui d’être reconnu comme femme. Une seule chose est vraiment douce pour elle, son amour pour Bartholomew trop faible pour être soldat.

Pourquoi ne suis-je pas plus enthousiaste pour ce roman encensé par la critique et la blogosphère ? Je sais que cette guerre est encore un sujet brûlant aux États-Unis, beaucoup moins pour moi. Je reconnais à cet auteur un talent certain pour faire revivre cette époque et les troubles psychologiques causés par les faits de guerre. Mais je dois dire que la conscience troublée de Constance ne m’a pas permis de toujours bien comprendre ce qu’elle vivait. Distinguer le réel du cauchemar est compliqué quand le filtre passe par un cerveau dérangé. Comme pour Constance , le début de la guerre est clair et précis, donc ma lecture enthousiaste et rapide, et peu à peu, je me suis embourbée dans l’horreur, les cadavres putrides, les corps mutilés, la folie traitée à coups d’eau glacée et ma lecture est devenue très laborieuse.

Citations

Problème de traduction ?

 Il y avait des batailles en aval et dès que la rumeur eut circulé que nous allions à leur rencontre, le régiment connut une saignée sévère de recrues. Ce n’était à faire que de sortir du rang pour ne plus revenir.

Un beau personnage de femme mais qui trahira Constance

Elle parlait d’amour et d’amour anéanti par la guerre . Cela ne la dérangeait pas de trahir la cause pour laquelle son mari avait combattu et péri, me dit-elle. Les États confédérés avaient fait sécession par entêtement, et la guerre était venue emporter son mari . Elle partirait au Nord quand tout serait fini. Elle retournerait dans ce village du Maine qu’elle avait quitté tant d’années plus tôt.
– » S’ils m’acceptent , dit-elle.
– Pourquoi ne le feraient-ils pas ?
– Cette guerre, fit-elle. Cette guerre, cette guerre. »

Résumé de ce qu’a vécu Constance

Il en fallait plus que que la brûlure du fouet du vieux pour me donner du cœur à l’ouvrage. Plus que l’homme à la corde avec son pistolet de cavalerie . Plus que le souvenir de tous les hommes avec qui j’ai vécu dans l’armée de l’Union,. Des hommes capables de pisser sur un chat à l’agonie. De se moquer d’un petit garçon perdu. De violer une femme entrée dans l’automne de sa vie. De faire brûler une maison appartenant à des femmes d’église. De vous boucler dans une taule à fous et de vous y laisser pourrir.

Un nouveau mot

Secesh : homme du sud.

20151113_120910Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

4L’ennuie avec les lectures du Club comme avec la tenue du blog, c’est que j’enchaîne la lecture les livres trop rapidement. Pour certains, ce n’est pas si grave car ils font partie de la lecture détente, et je suis ravie de partager ces moments avec les lectrices et lecteurs de mon blog. D’autres résonnent plus profondément en moi, et je veux les lire et relire jusqu’à ce que je les possède et qu’ils m’appartiennent. Les livres ne m’ont jamais appartenu parce qu’ils sont bien rangés dans mes rayonnages, cela je l’ai cru dans ma jeunesse. Ils m’appartiennent parce que je sais me souvenir, en les évoquant, du plaisir qu’ils ont su me procurer. Avec Carole Martinez, il faut du temps pour savourer son histoire et sa façon de la raconter.

Toutes les lectrices qui aiment ses livres sont sous le charme de son écriture passionnée. Aussi bien « les fanas de livres » que Asphodèle et Krol. Cette écriture mérite qu’on la déguste par petites touches, sans se presser qu’on puisse laisser cette histoire et la reprendre juste pour le plaisir de s’entendre raconter une histoire tragique. Tragique comme ces petites filles mariées au sortir de l’enfance dans une France de 1361, si rude, ravagée par la peste, la guerre de cent ans et les compagnies armées qui un temps désœuvrées par le traité de Brétigny soumettent les populations aux violences rapines et pillages.

Carole Martinez sait mettre son écriture au service de ce qu’elle imagine de cette époque. Sous sa plume, les légendes , la religion, les faits historiques se mélangent et nous avons l’impression comme la petite Blanche de presque douze ans, d’être emportés sur les flots de la Lou sans pouvoir maîtriser notre destin. D’être submergés par l’angoisse et la peur des hommes capables de déchaînements de violence. Cette violence et cette absence de respect pour la vie d’enfants si fragiles et si exposés aux maladies, rend la mort presque douce. Roman étrange qui ne tient que par cette écriture à deux voix, celle de la mémoire de l’enfant qui est devenue « la vieille âme » et qui éclaire parfois la voix de « la petite fille » qui a bien du mal à comprendre ce qui lui arrive.

Citations

La présence du Diable

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Désolée pour la couverture de ce livre, j’ai rarement vu plus moche. Heureusement, comme ce roman a été couronné par tant de prix et admiré dans le monde des blogs cela n’empêchera personne de l’acheter . J’avais d’autant plus envie de le lire que j’avais commencé à l’entendre lu par l’auteur lui-même. L’histoire est maintenant bien connue, deux soldats de la guerre 14-18 réchappent de très peu à la mort, malgré la cruauté d’un « salopard de gradé » le lieutenant d’Aulnay Pradelle qui en veut à leur vie. Réunis par la mort qui est passée si près d’Albert Maillard, et qui a gravement mutilé Edouard Péricourt en lui arrachant la moitié du visage, les deux anciens poilus vont essayer de survivre dans l’après guerre, puis ils vont imaginer une fabuleuse escroquerie. Les deux personnalités sont totalement opposées autant l’un est timoré et ne cherche qu’à se faire le plus discret possible, autant l’autre est complètement hors norme.

Un des intérêt du roman, c’est de mettre en scène l’après guerre. Et si l’arnaque aux monuments aux morts est une invention romanesque, le scandale de la façon dont on s’est occupé des dépouilles des soldats tués au combat est en revanche tout à fait historique. Le roman est soutenu par un suspens très fort, on se demande si, ayant échappé au pire, ces deux hommes ne vont pas connaître un destin funeste. Le personnage de Henri d’Aulnay-Pradelle est tellement odieux, qu’il en est caricatural ; on espère sans cesse que la vie va lui faire payer toutes ses turpitudes. C’est ma grande réserve pour ce roman, je n’ai pas pu croire aux personnages des méchants. Pas plus d’ailleurs, qu’au personnage du fonctionnaire incorruptible : il est mal aimé, mal habillé, porte un dentier qui tient mal, sent mauvais, n’est compris de personne, il faut donc avoir ce physique là pour ne pas être corruptible ?

Le rythme du récit fait penser à un roman policier, et les traits des personnalités à une bande dessinée (et, il existe maintenant en bande dessinée). Comme souvent, quand on attend beaucoup d’un roman, on est parfois déçu. Je m’attendais à beaucoup plus de nuances dans le traitement des personnages. Ce serait si simple si les méchants étaient tous comme Henri d’Aulnay-Pradelle, et tous les hommes politique corrompus jusqu’au dernier.

Citations

Verdun

En 1916, au début de la bataille de Verdun – dix mois de combats, trois cent mille morts-, les terrains de Chazières-Malmont, pas loin des lignes de front, encore accessible par la route et assez proches de l’hôpital, grand pourvoyeur de cadavres, s’étaient révélés, pendant un moment, un lieu pratique pour enterrer les soldats. La fluctuation des positions militaires et les aléas stratégiques bousculèrent à plusieurs reprises certaines parties de ce vaste quadrilatère dans lequel se trouvaient à présent ensevelis plus de deux mille corps, personne ne connaissait réellement le nombre, on parlait même de cinq mille, ce n’était pas impossible, cette guerre avait fait exploser tous les records.

J’adore cette scène

Henri (le sale type de l’histoire) n’attendit pas la fin de la phrase pour quitter la pièce en claquant violemment la porte derrière lui. Ce bruit allait faire vibrer la maison de haut en bas. Hélas, l’effet tomba à l’eau. Cette porte, munie d’un mécanisme pneumatiques, se rabattit lentement avec des petits ouf… ouf… ouf… saccadés.

les sentences de Madame Maillard qui scandent le roman à chaque difficulté de son fils Albert

Albert a voulu partir aux colonies , bon, moi je veux bien. Mais s’il fait comme ici et qu’il se met à pleurnicher devant les indigènes, il va pas arriver à grand chose, c’est moi qui vous le dis ! Mais bon c’est Albert. Qu’est ce que vous voulez, il est comme ça.