Édition JC Lattès, traduit de l’anglais par Freddy Michalski

Une histoire à deux voix, deux jeunesses , celle d’Odile qui a vingt ans en 1939 à Paris et Lily qui en a seize en 1988 à Froid dans le Montana. Lily rencontre Odile qui vit à Froid à l’occasion d’un exposé sur la France. Les deux vies vont se dérouler devant nos yeux. Odile réussit, grâce à l’énergie de sa jeunesse à être employée à la Bibliothèques américaine de Paris , et elle y a trouvé le bonheur au milieu des livres qu’elle aime tant. Elle est issue de la petite bourgeoisie parisienne, sa mère est prisonnière de toutes les convenances sociales, et son père, commissaire de police mène sa famille d’une main de fer. La bibliothèque est son espace de liberté dont elle a besoin pour devenir pleinement adulte. La guerre va détruire tout cela et détruira Odile en lui mettant devant les yeux ce qu’elle ne voulait pas voir. La vie de Lily est moins tragique même si elle perd sa mère trop tôt et se retrouve vivre avec une belle mère et deux petits frères aussi adorables que fatigants. Odile aidera, Lily à comprendre sa belle mère et surtout à ne pas perdre son amitié pour Mary-Louise. La solitude d’Odile loin de sa famille parisienne cache bien des drames qui ne sont révélés que peu à peu. Très vite on comprend que les juifs qui disparaissent peu à peu de l’univers de la bibliothèque vont hanter l’esprit d’Odile mais le pire est à venir et on le découvrira à travers la vie de Margaret son amie anglaise qui a réussi à rester vivre à Paris.

J’avoue ne pas avoir beaucoup apprécié cette lecture malgré l’importance donnée aux livres. Je ne crois pas aux personnages et je sens que tout l’intérêt vient du dévoilement progressif des horreurs de la guerre à Paris . Finalement le pire est une réaction de jalousie d’Odile vis à vis de Margaret. Quand j’ai lu ce roman, je me disais que lorsque les Français ont connu cette période ou que leurs descendants essaient de transcrire ce qu’ont vécu leurs aïeux, ils le font de façon beaucoup plus juste . Ici, on a le regard d’une américaine sur la France et cela se déroule comme dans un film américain où toutes les explications psychologiques sont si simples à comprendre et la réalité de la France occupée par les Nazis comme un décor pour un film à suspens.

 

 

Citations

 

L’amour d’un père dans le Montana

– Les gens sont maladroits, ils ne savent pas toujours ce qu’il faut faire ou dire. Essaie de ne pas leur en tenir rigueur. Tu ne sais jamais ce qu’ils ont dans le coeur. 

– Papa est trop souvent absent.
– Oh, quel dommage que les bébés ne gardent aucun souvenir de la manière dont ils ont été chéris. Ton papa t’a bercée dans ses bras des nuits durant.

En 1939 à Paris, dans une famille conventionnelle

Les hommes importants ont des maîtresses, poursuivit-il. C’est un symbole de statut social, comme une montre en or.
– Le divorce, avait répété maman d’une voix blanche. Mais qu’allons nous dire aux gens ?
Ma mère avait une tournure d’esprit bien à elle et sa première réaction était invariablement :  » Que vont penser les gens ? » Elle avait jeté un coup d’œil à Mgr Clément qui se tenait sur les marches de l’église. 
– C’est tout ce que tu trouves, à dire ? s’était exclamé tante Caro.
– Tu ne pourras pas assister à la messe.

 

 

Édition Rivages Étrangers. Traduit de l’anglais par Elisabeth Gilles

Lu dans le cadre du challenge lancé par Aifelle  : le mois Allison Lurie

On remarquera qu’en 1990 on ne disait pas « traduit de l’américain ou de l’anglais USA) mais de l’anglais serait-ce que l’américain et l’anglais sont devenues aujourd’hui deux langues différentes ?
Ce livre qui, comme vous pouvez le remarquer a vécu, est chez moi depuis aout 1990, il m’en avait couté 49 Francs. Autre époque. Je crois que j’ai à peu près tout lu Alison Lurie et beaucoup aimé. Je n’avais pas trop envie de relire ses romans, je craignais de me confronter à mes souvenirs. Je le dis tout de suite, j’ai moins aimé qu’à l’époque, pour une raison simple, j’ai beaucoup lu de romans américains et donc Alison Lurie a perdu un de ses attraits me faire découvrir les USA. Je n’ai quand même pas résisté à l’appel d’Aifelle et j’ai donc relu celui-ci. Je ne regrette pas mon choix, j’y ai bien retrouvé tout ce que j’aimais chez cette auteure. La ville de nulle part, c’est Los Angeles, à travers les yeux de Katherine Cattleman, pure produit de la région de Boston et qui déteste : le soleil, l’absence d’hiver, aller sur la plage, les tenues vulgaires. Que fait-elle dans cette ville ? Elle a suivi son mari Paul qui tout en aimant sa femme la trompe avec des jeunes créatures californienne, lui, à Los Angeles, trouve tout ce qu’il aime dans la vie : l’argent et les filles qui font l’amour sans l’enchainer (croit-il !) dans des relations compliquées. Nous avons donc ici, une analyse du couple à la « Allison Lurie », c’est à dire qu’au-delà des apparences et des clichés, l’auteure s’intéresse à chacun de ses personnages. Et elle va les faire évoluer devant nos yeux. Katherine la jeune femme coincée dans ses principes et dans les valeurs données par son éducation est en réalité malheureuse dans son couple sans oser se l’avouer. Elle va finir par lâcher prise et peu à peu, ses terribles crises de sinusite vont l’abandonner et finalement c’est elle qui s’adaptera à Los Angeles alors que son mari parfaitement adapté au monde « baba-cool » des surfeurs et autres activités plus ou moins licites repartira vers le monde plus classique des universités de l’est du pays. Dans ce chassé croisé des couples compliqués nous suivons aussi celui du psychanalyste le Dr Einsman et de la starlette Glory. (On peut penser au couple si étonnant de Marylin Monroe et Arthur Miller). Tous les personnages ont plus de profondeur que leur apparence sociale. La lente ouverture au plaisir sexuel de Katherine la changera définitivement et lui prouvera qu’elle n’est sans doute pas faite pour vivre avec Paul. Un roman bien construit où l’on retrouve bien le talent d’Alison Lurie d’aller au delà des clichés et des apparences. Mais je le redis la relecture m’a montré que cette romancière a perdu de son charme à mes yeux, top classique sans doute. en tout cas certainement un peu « datée ».

Voici la participation d’Aifelle, de Dasola de Katel de Hélène de Sandrion,de Sybilline 

Citations

Le mauvais goût architectural à Los Angeles

Puis il regarda les maisons. Une douzaine de styles architecturaux étaient représentés en stuc peint : il y avait deux petites haciendas espagnoles au toit de tuiles rouges ; des cottage anglais, poutres apparentes et fenêtres à petit carreaux ; un chalet suisse peint en rose ; et même un minuscule château français dont les tours pointues semblaient faites de glace à la pistache. 
Cette richesse d’invention l’amusait et l’enchantait à la fois par l’énergie qu’elle exprimé. Dans l’Est, seuls les gens très riches osaient construire avec une telle variété, des Palais sur l’Hudson, des temples grecs dans le Sud. Les autres devaient vivre dans des alignements de boîtes presque identiques, en brique ou en bois, comme autant de caisses à savon ou à sardines. Pourquoi n’auraient-ils pas le droit de bâtir leur maison, leur épicerie, leur restaurant en forme de pagode, de bain turc, de bateau ou de chapeau s’ils en avaient envie ? Libre à eux de construire, de démolir et de reconstruire, livres a eu d’expérimenter. (…)
Paul trouvait même du charme au milk-bar proche de l’aéroport international, devant lequel ils étaient passés dans l’après-midi, avec une vache de plâtre haute de trois mètres paissant sur le toit au milieu de marguerites en plastique.

Le couple qui va mal

Elle ment. Tu verras. Je suppose qu’elle l’a toujours su, mais elle ne nous l’a pas dit parce qu’elle voulait que nous lui louions sa maison. Je parie que personne d’autre ne l’aurait prise. Je parie que tout le monde le savait, qu’on allait construire une autoroute, ici, au beau milieu du quartier, tout le monde sauf nous. Tu aurais dû demander à quelqu’un avant de signer l’engagement de location. »
Et depuis cette date, pensa Paul, Katherine regardait chaque jour dans la boîte aux lettres comme si elle désirait y trouver un avis d’expulsion, en dépit de tous les ennuis auxquels cet événement l’exposerait ; ce serait une preuve que la propriétaire était une menteuse et son mari est un imbécile. Elle n’en n’avait plus parlé mais il la connaissait bien. Trop bien : c’était peut-être ça l’ennui.

Ne pas vouloir s’adapter à Los Angeles

Midi, le 1er janvier. Katherine s’apprêtait à partir pour la plage avec Paul. Elle n’en avait pas tellement envie, et même pas envie du tout. D’abord, on était en plein milieu de l’hiver dans l’Est, les gens enfilaient leurs bottes et pelletaient la neige, mais une vague de chaleur s’était abattue sur Los Angeles. Bien qu’il fît très chaud dehors et que le soleil brillât, l’eau serait sûrement glacée. Paul passait son temps à lui reprocher de ne pas aller voir par elle-même. Il avait eu l’air très surpris de l’entendre dire qu’elle l’accompagnerait aujourd’hui, autant se débarrasser de la corvée. Quand elle serait allé à la plage, Paul cesserai de lui en parler. Et ce type désagréable pour qui elle travaillait à l’U.C.L.A cesserait de la taquiner et de la persécuter sous prétexte qu’il était invraisemblable d’être à Los Angeles depuis trois mois et de ne pas avoir encore plongé le bout de l’orteil dans l’océan Pacifique.

Ne pas aimer le beau temps permanent

– Vous n’aimez pas Los Angeles n’est-ce pas ? Dit le Dr Einsam. 
– Non, avoua- t-elle, prise au piège.
 -Vraiment ? Et pourquoi ? demanda le Dr Araki. Katherine le regarda sur la défensive – elle détestait être le point de mire d’un groupe de gens. Mais il lui sourit avec un intérêt si poli, si amical, si peu semblable au formalisme du Dr Smith ou à l’excès de familiarité ironique du Dr Einsam qu’elle essaya de répondre. 
« Je crois que c’est justement à cause de ça. Parce qu’il n’y a pas de saison. Parce que tout est mélangé, on ne sait jamais où on en est quand il n’y a pas d’hiver, pas de mauvais temps.
– La plupart des gens considéreraient cela comme un avantage » dit le Dr Smith.
– Eh bien, moi pas, répliqua Katherine. Ici, les moi non plus aucune signification. » Elle s’adressa spécialement Dr Smith, il venait du Middle West et devait pouvoir la comprendre. « Les jours de la semaine non plus ne signifie nt rien : les boutiques restent ouvertes le dimanche et les gens d’ici viennent travailler. Je sais bien que c’est surtout à cause des expériences sur les rats et les autres animaux, mais quand même. Tout ça prête à confusion. Il n’y a même plus de distinction entre le jour et la nuit. On va dîner au restaurant et on voit à la table à côté des gens en train de prendre le petit-déjeuner. Tout est mélangé, et rien n’est à sa place. »

Excuses de l’homme marié à sa maîtresse

« Ce qui existe entre Katherine et moi n’a rien à voir avec nous. C’est quelque chose de tout à fait différent : ce n’est pas vraiment physique. D’abord, nous ne faisons pas l’amour très souvent. Et puis, cet aspect là n’a pas une grande importance. Enfin, je veux dire, que je n’y prends pas tellement de plaisir, physiquement. 
S’il était possible d’envenimer encore la situation, il y avait réussi. 
« Doux Jésus ! » hurla Cécile en essuyant ses larmes d’un geste violent et en repoussant les mèches qui lui tombaient sur la figure. Elle serrait ses petits poings : Paul cru qu’elle allait encore le frapper et fit un pas en arrière mais elle se contenta de le fusiller du regard en aspirant l’air avec bruit comme un chat qui siffle de colère. « Tu trouves que c’est une excuse, le fait que tu n’aies pas de plaisir à coucher avec elle ? Seigneur, quel con, quel hypocrite tu peux être, en réalité ! »

 

Édition de l’Olivier

Je pensais avoir déjà mis des romans de cet auteur sur mon blog mais puisque je ne l’ai pas encore fait, je vais commencer par celui-là qui a eu le grand mérite de m’occuper pendant deux jours pendant cette horrible période de confinement au printemps 2020. Nous sommes en 2008, et le narrateur un Paul Stern qui doit avoir quelques points communs avec l’auteur, est accablé par une famille assez lourde. Son oncle Charles et son père se détestent. Son père a formé avec sa mère un couple traditionnel, catholique très conservateur qui a un peu étouffé leur fils unique Paul. Le père a eu bien des déboires financiers et a mené une vie assez étriquée, Charles est tout le contraire, il est très riche, vit avec une femme sans être marié qu’il appelle John-Johnny et a de nombreuses maîtresses. Il cherche par tous les moyens à écraser son frère en particulier en achetant des bateaux à moteur très puissants. Ce frère meurt, et le père du narrateur hérite et avoue à son fils qu’il n’a jamais eu la foi et qu’il n’a jamais aimé sa femme… Dans sa propre famille Paul ne comprend pas pourquoi sa femme Anna est dépressive au point de ne plus avoir envie de rien et de dormir toute la journée. En revanche, ses trois enfants ont l’air d’aller bien. Paul Stern part une année à Los Angeles pour rédiger le script d’un film tiré d’un mauvais film français. L’intérêt du roman vient de la peinture du monde de Los Angeles, d’Hollywood exactement et c’est vraiment terrible de voir comment ce grand pays maltraite sa population vieillissante et pauvre. Evidemment la peur de vieillir est encore plus terrible pour les acteurs. Son année aux US est ponctuée par les coups de fils de son père qui n’arrive pas à se mettre dans la tête le décalage horaire, et l’on voit cet homme que son fils a connu toute sa vie très coincé se lâcher dans les plaisirs du sexe et de l’argent. Paul reviendra en France et retrouvera une Anna plus en forme et on l’espère pour lui, une vie familiale plus épanouie.

Il manque de la profondeur à ce roman, en particulier sur les malaises de sa propre famille. On a aucune explication au mal-être d’Anna mais ce n’est sans doute pas ce que voulait faire l’auteur. En revanche l’auteur ne manque pas d’humour et son livre est riche d’impressions hélas trop justes sur l’envers du décor de la réussite américaine.

 

Citations

Ambiance dès le début du roman

Pour autant qu’il m’en souvienne, je n’ai jamais vu vivre ces deux hommes autrement que dans l’exécration et le conflit. Mon oncle, propriétaire de biens, installé à Paris – en outre le seul individu que j’ai connu à posséder un portefeuille en velours pourpre-, tenait son frère pour un velléitaire envieux, un raté oxydé par la province et l’aigreur, tandis que mon père, lorsqu’il évoquait les frasques de son aîné, commençait inévitablement par cette phrase : »Le sauteur s’est encore fait remarquer. » Ce terme désuet était assez approprié à l’univers des frères Stern.

Les deux frères

À quai, les frères s’épiaient . Quand l’un larguait les amarres, l’autre, en général Charles, le suivait précipitamment. À la sortie du chenal, le rituel était toujours le même : mon père calait son régime moteur à 1800 tours par minute – ce qui lui garantissait une consommation horaire d’un litre et demi de gas-oil- et sa ligne sur un cap à l’ouest tandis que son frère derrière lui, lançait ses turbines rugissantes. Au moment où il était dépassé sur bâbord, mon père s’efforçait de demeurer impavide dans la gerbe d’écume, n’adressant pas même un regard à l’énergumène qui envoyait son bateau ballotter dans tous les sens, ce chauffard des mers qu’il ne connaissait que trop.

Portrait d un acteur

 Il faut s’aider de la beauté nébuleuse caractéristique de ces médiocres acteurs dont on ne se rappelle jamais le nom. Il était à l’âge charnière où l’on pouvait encore deviner l’enfant imbuvable qu’il avait été et voir déjà le sale con qu’il s’apprêtait à devenir.

Ce roman date de 2008 mais ce qu’il décrit est encore vrai aujourd’hui.

Il ne rejoindrait pas la cohorte de ces retraités qui se rendaient à leur travail à l’heure où, le soir, je rentrais chez moi. On ne dit pas assez la violence extrême et quotidienne que ce pays inflige à ses ressortissants, aux plus pauvres, aux plus faibles d’entre eux. Pour survivre, payer le loyer et leurs soins médicaux, un nombre croissant d’hommes et de femmes cumule deux emplois. Le jour ils embauchent dans des supermarché ou des compagnies de nettoyage et, la nuit les hommes gardent des parkings tandis que les femmes servent dans les « diners » ouverts vingt quatre heures sur vingt quatre. La ville, le pays tout entier usent ses vieux jusqu’à la corde, puis les jettent à la rue quand ils n’ont plus les moyens de se payer un logement.

Je trouve cela très vrai :

Et je m’étais lancé dans le récit d’un scénario que j’improvisais et modelais tout en le racontant. Ce n’était pas la première fois que je le constatais , mais cela me surprenait chaque fois : l’esprit n’est qu’une matière inerte, un moteur découplé. Pour fonctionner il lui faut un carburant terriblement volatil et précieux : le désir.

Le re-mariage de son père avec la concubine de son propre frère

Je vis surgir mon père dans un costume beurre frais, sans doute taillé pour Maurice Chevalier, canotier compris, s’avancer vers le Maire au bras d’une femme sans doute séduisante, mais moulée dans une robe de taffetas blanc aux lignes emberlificotées qui mouraient vers l’arrière en une esquisse de traîne timidement inachevée. Françoise-Johnny portait un chapeau de la même matière, l’une de ces choses effrayantes que l’on ne voit plus que sur certains hippodromes britanniques, et qui retombait sur ses épaules à la façon d’un col de cygne mort. Je me demandais si c’était l’amour ou l’âge qui rendait à ce point fou. À moins que ce ne fût les deux.

Un milliardaire américain

Pourquoi les milliardaires adoptaient-il toujours le mauvais goût des empereurs et éprouvaient-ils le besoin irrépressible, d’enluminer, de dorer ce qui déjà suintait l’argent ? J’ignorais à partir de quelle quantité de diéthylamide d’acide lysergique (LSD) ce décor de péplum devenait acceptable, mais pour un promeneur néophyte il était une constante irritation oculaire. Même si, dans son genre, Ames n’était sans doute pas le pire. Pour un homme réputé compliqué, il aimait plutôt les choses simples, les colonnes hellènes, un horizon de marbre, des moulures à palmettes, les plafonds sixtiniens, un mobilier emperlouzés,des portes sculptées aux poignées poinçonnées.

Humour

Tu sais comment je l’appelle ? Forrest Gump. Parce qu’il passe la moitié du temps à courir pour se maintenir en forme et l’autre à galoper pour échapper à sa femme. C’est ça, je baise avec Forrest Gump.

Le golf

Alors ce golf ?
– Je ne sais pas jouer. Ce n’est vraiment pas mon sport.
– Qu’est-ce que vous me dites là ? Le golf n’est le sport de personnes, Paul. Les types qui le pratiquent l’ont choisi par défaut, parce qu’ils ont échoué dans d’autres disciplines par manque de vitesse, d’adresse, d’endurance de force. Le golfeur dissimule une petite infirmité, c’est pour ça qu’il fait son parcours en voiturette électrique.

LOS Angeles

Elle incarnait toute la pensée désaxée de ce pays, cette espèce de religiosité spongieuse, de verroterie spirituelle, de macédoine sociale, avec des pauvres pour ramasser les merdes des chiens, des vieux pour garer des voitures, Edwards pour livrer des pizzas, un remède de cheval pour calmer Efrain et des champignons pour guérir les angoisses vertébrale, C4 C5 incluses. Ce pays était une secte, avec ses rites économiques et ses gourous fanatiques.

 

 

Autant notre mémoire a été marquée par l’indépendance de l’Algérie autant celle du Maroc est beaucoup moins traitée par les écrivains. Tout semble se passer plus facilement au Maroc, et pourtant ! Voici un roman qui montre que ce pays a connu son lot de violences. Mais ce n’est pas l’unique intérêt de ce livre bien au contraire. L’auteure puise dans ses origines marocaine par son père et française par sa mère l’objet de son roman. Elle décrit de l’intérieur les difficultés d’un couple métissé en 1945 à Meknes et c’est passionnant. On comprend bien ce qui a motivé sa mère à suivre son amour ce beau marocain venu délivrer la France pendant la seconde guerre mondiale. On comprend aussi combien pour Amine son père, il est difficile de s’imposer comme Marocain et d’être rejeté par les colons et aussi par les autochtones qui lui reprochent son mariage. À force d’un travail complètement fou, ils arriveront à créer une ferme dans les alentours de Meknes, et Mathilde sans être heureuse trouvera une place dans le pays en soignant la population dans un dispensaire où elle accueillera toute la population pauvre du Bled. Comme toujours quand il s’agit de romans sur les pays du Maghreb, la condition de la femme est insupportable et pourtant ce sont bien les femmes qui permettent aux familles de tenir. L’auteure décrit très bien le sentiment de rejet de la population colonisatrice et les difficultés de l’enfant qui se sent méprisée par les petites filles qui se croient supérieures seulement parce qu’elles sont « françaises ». Un jour les sœurs de son école organisent une visite et, grâce à ce roman, j’ai découvert le sort de esclaves chrétiens du XVIII siècle. Pour une fois les rapports étaient inversés, ce ne sont plus les occidentaux qui font souffrir les Arabes, mais les traitements sont tout aussi cruels. Les pauvres esclaves qui ont construit ces labyrinthes étaient descendus par des trous et ne remontaient jamais à la lumière du jour. Ils mourraient d’épuisement car ils étaient très mal nourris. Ce lieu se visite encore aujourd’hui à Meknes :

 

 

Citations

Paroles de colons

Ils peuvent dire ce qu’ils veulent, mais il sera beau ce pays quand nous ne serons plus là pour faire fleurir les arbres, pour retourner la terre, pour y appliquer notre acharnement. Qu’est-ce qu’il y avait ici avant que nous arrivions ? Je te le demande ! Rien.
Moi je le connais ces arabe. Les ouvriers sont des ignare, comment veux-tu ne pas avoir envie de les rosser ? Je parle leur langue, je connais leur travers. Je sais très bien ce qu’on dit sur l’indépendance mais ce n’est pas une poignée d’agités qui va me reprendre des années de sueur et de travail.

Le cherghi

Au début du mois d’août, le cherghi se leva et le ciel devint blanc. On interdit aux enfants de sortir car ce vent du Sahara était la hantise des mères. Combien de fois Mouilala avait-elle raconté à Mathilde histoire d’enfant emportés par la fièvre que le chergui charrie avec lui ? Sa belle-mère disait qu’il ne fallait pas respirer cet air vicié, que l’avaler c’était prendre le risque de brûler de l’intérieur, de se dessécher comme une plante qui fane d’un coup. À cause de se vent maudit, la nuit arrivait mais sans apporter de répit. La lumière faiblissait, le noir recouvrait la campagne et faisait disparaître les arbres mais la chaleur, elle, continuait a peser de toute sa force, comme si la nature avait fait des réserves de soleil

Regret de ne pas avoir fait d’études

Adolescente, Mathilde n’avait jamais pensé qu’il était possible d’être libre toute seule, il lui paraissait impensable, parce qu’elle était une femme, parce qu’elle était sans éducation, que son destin ne soit pas intimement lié à celui d’un autre. Elle s’était rendu compte de son erreur beaucoup trop tard et maintenant qu’elle avait du discernement et un peu de courage il était devenu impossible de partir. Les enfants lui tenaient lieu de racines et elle était attachée à cette terre, bien malgré elle. Sans argent, il n’y avait nulle part où aller et elle crevait de cette dépendance, de cette soumission.

Description des médecins

Il était beau dans sa blouse blanche, ses cheveux noirs peignés en arrière. Il était très différent de l’homme jovial qu’elle avait rencontré la première fois il lui sembla que ses yeux cernés étaient un peu tristes. Il portait sur son visage cette fatigue qui est propre aux bons médecins. Sur leurs traits on voit, comme en transparence, les douleurs de leurs patients, on devine que ce sont les confidences de leurs malades qui courbent leurs épaules et que c’est le poids de ce secret de leur impuissance qui ralentit leur démarche et leur élocution.

L’honneur d’un Marocain qui a épousé une Française

Il la fixa et Mathilde eut alors l’impression que les yeux d’Amine s’agrandissaient que ses traits se déformaient, que sa bouche devenait énorme et elle sursauta quand il se mit à hurler : « Mais tu es complètement folle ! Jamais ma sœur n’épousera un Français ! »
Il attrapa Mathilde par la manche et la tira de son fauteuil. Il la traîna vers le couloir plongé dans l’obscurité, « Tu m’as humilié ! » Il lui cracha au visage et, du revers de la main la gifla.

Femmes battues

Aïcha connaissaient ces femme aux visages bleus. Elle en avait vu souvent, des mères aux yeux mi-clos, à la joue violette, des mères aux lèvres fendues. À l’époque, elle croyait même que c’était pour cela qu’on avait inventé le maquillage. Pour masquer les coups des hommes.

 

Édition Gallmeister traduit de l’américain par Sophie Asnalides

A obtenu un coup de cœur au club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Comment classer ce roman qui a tant plu aux lectrices et au lecteur de notre club de lecture : roman social , parce qu’il décrit si bien la société d’une petite ville de l’Arkansas groupée autour d’un pasteur charismatique, roman policier parce qu’il y a des meurtres, thriller parce que le suspens bien que prévisible est très bien mené. C’est tout cela et beaucoup plus. Parlons d’abord du contexte, le jour de Pâques la famille du pasteur Richard Weatherford est réunie pour célébrer le Seigneur en ce jour qui célèbre sa résurrection. Celui-ci est tourmenté car il a eu une relation homosexuelle avec un jeune de son village, Gary Doane . Celui-ci a décidé de fuir le village et la domination du pasteur avec de l’argent soutiré au pasteur pour ne pas dévoiler ces relations. Tout se passe en cette journée de Pâques et l’on sent que l’on va vers une catastrophe si prévisible. Mais le plus important n’est pas là, même si l’intrigue est très bien menée, à aucun moment on est dans l’interprétation des faits mais dans les faits eux-mêmes. Chaque chapitre tourne autour d’un personnage du village et peu à peu le village apparaît devant nos yeux et c’est vraiment très intéressant. Le titre dit tout de l’ambiance de Stock, cette petite ville où tout le monde connaît tout le monde et se surveille avec peu de charité chrétienne même si le pasteur est bien le personnage tutélaire de ce roman. On est dans l’Amérique profonde qui ne croit ni à le théorie de l’évolution ni à la liberté de penser. Un pas de travers et vous voilà rejeter de ce petit village qui donne envie de fuir. Mais pour cela, il faut un peu d’argent et c’est bien là le nerf de la guerre. Même si on sent bien que rien ne peut s’arranger, je ne peux pas dire que j’avais prévu la fin. Ce roman conviendra à toutes celles et tous ceux qui sont persuadés que les bons sentiments ne mènent pas le monde, même quand ils sont prêchés tous les dimanche d’une voix tonitruante. Un excellent moment de lecture que j’aimerais partager avec vous.

PS . Ce billet est écrit depuis longtemps, mais tout à fait par hasard il résonne avec l’actualité. On y voit, en effet, les ravages que provoquent le risque de mettre à jour une relation homosexuelle qui révèlerait la part d’ombre d’un homme puissant.

 

Citations

La famille du pasteur

Papa, comment c’est possible qu’il y ait des gens qui pensent qu’on descend des singes ? – Je ne sais pas, mon fils. Hitler a dit que si on veut que les gens croient un mensonge, il suffit de le répéter sans arrêt. Les anticléricaux ne cessent de répéter leur discours sur l’évolution et les gens l’accepte sans le remettre en question. Ils entendent des hommes instruits avec des diplômes impressionnants qui pérorent sur les singes, des fossiles, que sais-je d’autre, ils se disent : « Bon je n’y comprends rien, mais je suppose que ça doit être vrai si ces gens intelligents le croient. »

Dialogue entre la femme du pasteur et une amie

Non, je vous ce que tu veux dire, dit Sandy. Femme de pasteur c’est un job qui occupe nuit et jour.
– Tout à fait. Et j’aime ça. Je ne me plains pas. Mais cette position est très exigeante, un peu comme celle de la femme d’un homme politique. Beaucoup de gens la qualifieraient à peine de boulot, mais en réalité, c’est assez proche de la manière dont Ginger Rogers qualifiait ses danses avec Fred Astair.
– « Je faisais tout ce qu’il faisait, mais à reculons et en talons. »

Le cœur du roman : monologue du pasteur

Ce que je ne suis pas, c’est un homosexuel. Cela n’existe pas, les homosexuels. Le concept de l’identité gay est un mensonge du diable, fondée sur les idées fausses que l’homosexualité est un état de l’être. Si les homosexuels existent, alors Dieu a dû créer les homosexuels, donc, non, il ne peut pas y avoir d’homosexuels. Il n’y a que des actes homosexuels, et on peut choisir ou non de commettre ces actes. Je peux me détourner de mon péché.

Le dépressif

Vachement déprimant, comme idée. Soit c’était un raté et sa grange est là, à pourrir au bord de la route, soit il avait réussi et sa grange est là, à pourrir au bord de la route.

Après « le ciel par dessus les toits » , et « Les rochers de poudre d’or » , voici ma troisième lecture d’Anna Appanah . Un véritable plaisir au début qui se termine par une déception. Ce roman raconte comment une femme écrivain a élevé seule sa fille Anna. Elle est le fruit d’un amour très fort, si fort que cette jeune femme n’a pas voulu entraver la liberté de son amant en lui annonçant qu’elle était enceinte. Sa fille ne sait rien de cet homme et imagine une rencontre rapide entre sa mère et un géniteur un peu au hasard. Elle a besoin de stabilité et fait un mariage très conventionnel. Pendant ces quelques jours de préparatifs, on sent toutes les tensions entre la mère et la fille. C’est très finement analysé , l’on comprend aussi que cette maman mauricienne mère d’une enfant au visage britannique a été parfois regardée avec curiosité, mais surtout il lui a fallu faire face et être là pour cette petite fille qu’elle aime tant. Elle vit souvent dans ses propres histoires : celles qu’elle a su si bien inventer pour ses lecteurs. Anna sa fille n’a qu’une crainte, que sa mère ne respecte pas les codes de bienséance pour son mariage. Et évidemment, Sonia, sa mère va transgresser : elle éprouvera une attirance irrésistible pour le père de son gendre (qui est divorcé, ce n’est pas totalement glauque !) et sa fille les surprendra dans le même lit ! Et c’est le reproche que j’ai fait à ce roman je n’ai pas réussi à croire qu’une mère aimante soit capable de faire ça sans penser à sa fille, pas ce jour là !

Je vous l’avez dit, cette fin a gâché ma lecture, dommage car jusque là j’étais vraiment bien dans cette fiction avec encore une fois sous la plume de cette écrivaine une grand finesse dans l’analyse des rapports humains.

 

Citations

Rapports mère fille

Anna m’appelle maman. J’aurais aimé qu’elle me donne un petit nom, quelque chose qu’elle aurait inventé pour moi, qui ne serait qu’à moi et si, par hasard, un jour, elle m’appelle alors que j’ai le dos tourné dans une grosse foule, si ce jour-là elle m’appelle à tue-tête de ce nom qu’elle m’aurait donné, je me retournerai, forcément, je saurai. Mais dans une foule, si quelqu’un crie maman, des centaines de femmes se retournent. Anna m’appelle maman, solennellement, gravement. Elle y met de la force, elle articule, elle fait des angles droits à ce mot-là, des falaises abruptes et des rochers affûtés en dessous, elle y met de la distance parfois, de la réprobation souvent. Elle me somme aussi, ai-je quelquefois l’impression, puisque je me raidis à ce mot-là. Une ou deux fois, au lieu de maman j’ai entendu madame et ça m’a rempli le cœur de larmes.

Chagrin d’une mère

Anna, ma fille, s’est éloignée de moi très jeune. Où est-ce moi qui ai fait le premier pas de côté à force d’être penchée sur des livres, de nourrir des familles entières dans la tête, de les aimer, de les faire grandir, de les tuer, de les triturer et à ma guise, peut-être dans ces moments-là, j’étais une mère distante, absente, faite de cendres et de fumée ?

(….)Je me suis dit que peut-être, elle ne m’aimait pas. C’est possible, cela arrive beaucoup plus souvent qu’on le pense, les enfants ne sont pas obligés d’aimer leurs parents.

Le bouquet du futur gendre

Les lys étaient droits comme des I, équilibre magique, plus rien de la fragilité de la douceur des fleurs, un boa en plumes blanches recouvrait le cou du vase- instrument et dans l’eau flottaient des paillettes blanches. Des jours plus tard, quand les lys se sont fanés et que j’ai essayé de les libérer de cette composition indescriptible , j’ai été saisie d’horreur en découvrant qu’ils étaient traversés par un fil de fer les maintenant jusqu’au pourrissement ultime, droit comme des militaires.

Que de remarques exactes dans ce court extrait

J’ai appris que l’expérience des autres n’a jamais servi à rien. D’ailleurs, on se demande bien si on apprend de sa propre expérience. 
On entend les gens dire des banalités, avoir de l’espoir ridicule, on sait qu’ils vont se casser la gueule sur la routine, que la vie à deux ce n’est pas cela, que les preuves d’amour c’est dans le quotidien, pas dans un nom qu’on porte, que l’amour c’est continuer à pardonner.

Édition Stock La cosmopolite. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Mireille Vignol

Rien au monde n’est plus lourd que le cercueil d’un enfant et jamais d’adulte ayant ployer sous ce fardeau ne sera en mesure de l’oublier.

 

Je dois cette lecture à Krol, vous vous souvenez sans doute de son enthousiasme ? Et bien je vais vous faire partager le mien. Keisha me rappelle dans son commentaire qu’elle a beaucoup aimé aussi, je lui avais bien dit que mon billet allait venir, mais je ne dis plus jamais quand !

Je ne sais pas si c’est très utile mais l’auteur a eu besoin de nous avertir par ces mots :

Ce roman a été en partie inspiré par des faits qui se sont produits à Weston, dans le Wisconsin le 23 mars 2008.

Est-ce que cela rajoute quelque chose au roman ? En réalité , je n’en sais rien, tout parent qui a connu un de ses enfants s’éloigner de l’amour familial pour aller vers une dérive sectaire et y entraîner ses petits enfants peuvent se retrouver dans ce roman. Ici, il s’agit donc d’une dérive particulière, reliée aux églises pentecôtistes, les adeptes pensent que la prière peut remplacer les soins médicaux. C’est terrible pour les grands parents et il leur faudra tout leur amour pour essayer de sauver et d’arracher leur petit fils aux griffes de la secte tout en ne coupant pas les ponts avec leur fille.
Ce qui rend ce roman si attachant , c’est la description de la vie dans une petite ville du Wisconsin. Tout sonne juste, le magasin d’Électroménager qui a fermé ses portes, l’église traditionnelle qui se vide, les formes nouvelles de religion qui font le plein avec à leur tête des pasteurs peu scrupuleux. Les vieux amis qui disparaissent et le travail dans un verger qui est un des points forts du roman. Lyle le grand-père, impuissant devant les choix de sa fille s’y sent bien et aime y venir le plus souvent possible avec le petit Isaac. Mais sa fille est persuadée que ce grand-père a une influence satanique sur son fils, et Steven le pasteur malhonnête que l’enfant a des dons de guérisseur. La foi religieuse a une grande importance dans ce roman, et personne n’a de réponses toutes faites, sauf les sectaires qui ne doutent de rien et qui font tant de mal autour d’eux. Le personnage du pasteur traditionnel Charlie est tellement plus humain. Mais son église n’attire plus grand monde, dommage ! Une plongée dans l’Amérique religieuse qui va très mal avec des personnages très attachants. Lyle le grand père qui a lui-même perdu un enfant de neuf mois est très crédible et très attachant. On ne l’oublie pas facilement, je pense qu’en France il aurait eu plus facilement les autorités avec lui pour sauver plus vite son petit Isaac. Mais cela ne veut pas dire grand chose car, cela voudrait peur être dire que les sectaires se cachent mieux qu’aux USA. Il ne faut pas oublier qu’en France de très nombreux parents ne font pas vacciner leurs enfants.

Citations

Prémisses de radicalisation religieuse

Depuis qu’Isaac et Shiloh étaient revenus vivre à la maison, elle assistait poliment à la messe dominicale avec ses parents mais se rendait ensuite à une autre église abritée dans un ancien cinéma de la Crosse. Elle y passait tout l’après-midi jusqu’en début de soirée, en « confrérie », disait-elle. Lyle comprenait le concept de confrérie religieuse, certes, mais il se limitait pour lui à deux ou trois tasses de café trop léger et à quelques bavardages polis .

Le vieillissement de l’église traditionnelle

La messe à Sainte Olaf était un rappel hebdomadaire et mélancolique de cette perte. Car au fil des ans, les cheveux des paroissiens avaient grisonné, blanchi, puis complètement disparu, et les bancs s’étaient progressivement clairsemé. Il y avait assurément beaucoup moins d’enfants, si bien que le dimanche matin le prêche à la fois désuet et provoquant du pasteur Charlie résonnait dans le vide ; la chaire sur laquelle il se dressait semblait de plus en plus fragile et artificielle. Lyle s’était souvent demandé s’il n’aurait pas mieux valu former un grand cercle et parler. Quant au pasteur Charlie, que pensait-il face à cette longue salle rectangulaire, bondée deux décennies plus tôt, elle accueillait maintenant quelques dizaines de paroissiens …

Vivre dans une petite ville

Lyle et Charlie avaient grandi ensemble dans des fermes voisines ; ils s’acquittaient de leurs corvées, allaient à l’école, jouaient au football et assistaient à l’école du dimanche ensemble. C’est la bénédiction et la malédiction la plus flagrante d’une petite ville : votre famille, vos amis, vos voisins, vos collègues de travail et votre paroisses ne cessent, semble-t-il, de vivre dans votre poche, de vous observer par la fenêtre, ils sont assez proches de vous pour deviner si vous êtes heureux, triste, distrait, amoureux ou si vous avez une furieuse envie de disparaître à tout jamais.

Le cancer de son vieil ami

Le cancer, mon vieux. On dirait qu’on m’a renversé un sachet de M&M’s sur la poitrine. Sauf qu’ils sont tous de la même couleur merdique. Tout un tas de vilaines petites tumeurs blanches. Le médecin m’a même présenté des excuses. Pour avoir cru que c’était une pneumonie(….) En même temps il y a aussi une bonne nouvelle.
 Lyle le regarda.
– Ah bon ?
– Plus besoin d’arrêter de fumer, dit Hoot avec un sourire mélancolique.

Évolution du commerce

C’est pour ça que Redford-Électroménager a fait faillite, tu sais. À cause de magasins comme ça. Les petits commerces peuvent pas faire le poids.
– C’est bien triste, si tu veux mon avis.
– Peut-être mais c’est l’Amérique, non ? La main invisible et tout ce bazar. Le libre marché. Personne se soucie des commerces de proximité. Je crois qu’on a eu de la chance jusqu’à maintenant. On était protégés de tout ça dans notre petite ville. Mais c’était juste une question de temps avant qu’on nous découvre.

Un dimanche dans le Midwest

Il est des jours dans le Midwest américain où rien ne semble plus naturel que de parcourir de longues distances, ne serait-ce que pour quitter votre ville une poignée d’heures ; cette expédition incompréhensible au reste du monde représente un simple loisirs dominical : photographier des feuilles automnales ; suivre le cours du Mississippi ou de la rivière Sainte-Croix, des rivages du lac supérieur ou du lac Michigan (qui sont de véritables océan intérieur en vérité ) ; emprunter un sentier menant à quelques cascades ou peut-être entreprendre une longue excursion en en cas d’une chose aussi simple qu’une part de tarte. Quand il n’y a rien à faire -en route !

 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. Édition Albin Michel

 

Dans cette période qui devrait normalement être celle de la fréquentation des cimetières, je vais vous parler d’un roman pour lequel je ne suis pas enthousiaste, même si j’ai eu quelques bons moments pendant la lecture. Violette Toussaint née Trénet est gardienne de cimetière. Quand je dis « née » je ne vous dis pas l’essentiel : Violette est née sous « x » et une sage femme l’a prénommée Violette car à la naissance sa peau violacée l’avait condamnée à ne pas survivre, puis Trénet sans doute parce qu’elle aimait ce chanteur. Violette rencontre son destin sous les traits de Philippe Toussaint un trop beau garçon qui passe son temps à faire l’amour aux femmes, la sienne, celles des autres et toutes les filles qui en ont envie. De cette union mal assortie naîtra une petite fille Léonine et sept ans de bonheur intense pour Violette, même si son mari continue à courir les femmes dans toute la région. Le malheur de Philippe vient d’une mère Chantal Toussaint qui méprise sa belle fille et cherche à transmettre à son fils son propre mépris. Un accident terrible va survenir, mais je ne peux, sans divulgâcher le récit, vous le raconter. Les plaisirs de lecture de ce gros roman, vient des différentes anecdotes liées aux histoires de cimetière. Violette aime son métier et accueille avec respect les malheur des uns et des autres, c’est cet aspect qui m’a le plus intéréssée. J’avoue que l’intrigue autour de la mort de sa petite fille de sept ans, m’a beaucoup moins passionnée et surtout, je ne crois pas du tout aux deux personnages principaux. On est dans la caricature ou dans l’esquisse de personnages mais pas dans la richesse de la complexité de l’humain. L’histoire se tisse lentement au gré d’incessants retour en arrière ou de changements de personnages, on s’y perd un peu. Ce n’est pas ce qui m’a le plus dérangée, mais je ne comprends pas trop cette envie de rendre le roman aussi sinueux . Pour finir par un happy-end très prévisible. Comme je le disais en commençant, il y a de très bonnes petites histoires autour du cimetière, qui rendent ce roman parfois très agréable à lire, mais sinon il faut accepter le côté « romanesque », dans le mauvais sens du terme, des personnages. Cela m’a fait penser aux romans d’Anne Gavalda en plus caricatural.( Et je précise que parfois je prends plaisir à lire Anne Gavalda – comme pour ce roman que je suis loin d’avoir entièrement rejetée.)

 

Citations

Portrait de son mari

Le jour de la parution de l’article, Philippe Toussaint est rentré de la feue ANPE la mort dans l’âme : il venait de réaliser qu’il allait devoir travailler. Il avait pris l’habitude que je fasse tout à sa place. Avec lui, niveau fainéantise, j’avais gagné le gros lot. Les bons numéros et le jackpot qui va avec.

J’aime bien ce genre de remarques

Demain, il y a un enterrement à 16 heures. Un nouveau résident pour mon cimetière. Un homme de cinquante cinq ans, mort d’avoir trop fumé. Enfin, ça, c’est ce qu’on dit les médecins. Ils ne disent jamais qu’un homme de cinquante cinq ans peut mourir de ne pas avoir été aimé, de ne pas avoir été entendu, d’avoir reçu trop de factures, d’avoir contracté trop de crédits à la consommation, d’avoir vu ses enfants grandir et puis partir, sans vraiment dire au revoir. Une vie de reproches, une vie de grimaces. Alors sa petite clope et son petit canon pour noyer la boule au ventre, il les aimait bien.
On ne dit jamais qu’on peut mourir d’en avoir eu trop souvent trop marre.

Une enfance et un couple sans amour.

Je crois que j’ai toujours eu ce réflexe, celui de ne pas déranger. Enfant, dans les familles d’accueil, je me disais : « Ne fais pas de bruit, comme ça cette fois tu resteras, ils te garderont. » Je savais bien que l’amour était passé chez nous il y a longtemps et qu’il était parti ailleurs, entre d’autres mur qui ne seraient plus jamais les nôtres.

Moment d’humour

Maintenant, ma dernière volonté, c’est de me faire incinérer et qu’on jette mes cendres à la mer. 
-Vous ne voulez pas être enterrée près du comte ? 
-Près de mon mari pour l’éternité ?!Jamais ! J’aurais trop peur de mourir d’ennui !
-Mais vous venez de me dire que ce sont les restes qu’on enterre ici. 
-Même mes restes pourraient s’ennuyer près du comte. Il me fichait le bourdon.

Édition folio, traduit de l’américain par Josée Kamoun

 

C’est donc le troisième roman de cet auteur sur mon blog . Après « La Tache« , chef d’œuvre absolu , et « Le complot contre l’Amérique » qui m’avait un peu déçue, j’ai retrouvé dans « Un Homme » tout ce qui fait de cet écrivain un grand de la littérature contemporaine. Dans un texte assez court Philip Roth cerne la vie d’un homme de 73 ans à l’enterrement duquel nous assistons dans le premier chapitre. Grâce à une succession de flashback nous allons mieux connaître ses parents, son frère, sa fille Nancy, ses femmes et ses fils . Certains de ces personnages l’aiment ou l’ont beaucoup aimé d’autres, en particulier ses deux fils, n’éprouvent que de l’hostilité pour lui. Philip Roth sait bien décrire tous les ressorts de l’âme humaine, sans jamais forcer le trait , il n’édulcore aucun aspect négatif mais ne renie jamais ce qui a été le moteur de sa vie : il aime et a été aimé des femmes et cela a rendu le mariage compliqué pour lui, il aime la jouissance physique cela rendu aussi, la fidélité quasiment impossible. Il a bien réussi sa carrière de publicitaire mais nous n’en saurons pas grand chose si ce n’est que cela lui permet de vivre une retraite sans soucis financier. Une grande partie du roman décrit la difficulté de vivre avec les maladies qui accablent parfois les êtres vieillissants. Et lui a subi moultes opérations pour permettre à son cœur de fonctionner normalement. Alors, bien sûr, il ne peut que se poser « La Question », la seule qui devrait nous hanter tous : celle de la mort. Aucune réponse n’est donnée dans ce livre et pourtant le personnage principal se confronte à elle sans cesse, il passe même une journée dans le cimetière où sont enterrés ses parents pour bien comprendre le travail du fossoyeur, et, il est parvenu à m’intéresser à la technique du creusement d’une tombe ! J’ai aimé aussi l’évocation de sa vie de petit garçon qui faisait les courses pour son père horloger bijoutier, celui-ci lui faisait traverser New-York avec une enveloppe remplie de diamants. J’ai aimé aussi son rapport à Hollie son grand frère toujours en bonne santé. Il éprouvera même de la jalousie face à cette injustice, lui, encore et toujours, malade et Hollie dont la bonne santé est comme un contrepoint à ses propres souffrances. Son amour pour Nancy, sa fille de sa deuxième femme, est très tendre . Bref un homme tout en nuances comme sans doute les trois quart de l’humanité, banal en somme mais quel talent il faut à un écrivain pour intéresser à la banalité en faire ressortir tout l’aspect humain. Ce livre qui commence et se termine par les poignées de terre jetées sur son cercueil, comme elles l’avaient été auparavant sur celui de son père nous permet-il d’accepter un peu mieux la mort ? Aucune certitude évidemment.

 

(Je me souvenais d’avoir lu le billet de Géraldine que je vous conseille vivement.)

 

Citations

Les communautés de retraités aux USA

Il quitta Manhattan pour une communauté de retraités, Starfish Beach, à trois km de la station balnéaire où il avait passé des séjours d’été en famille, tous les ans, sur la côte du New Jersey. Les lotissement de Starfish Beach se composaient de jolis pavillons de plain-pied, coiffés de bardeaux, avec de vastes baies et des portes vitrées coulissantes donnant sur des terrasse en teck ; ils étaient réunis par huit pour former un demi-cercle autour d’un jardin paysager et d’un petit étang. Les prestations offertes aux cinq cents résidents de ces lotissement répartis sur cinquante hectares de terrain comprenaient des courts de tennis, un vaste parc avec un abri de jardin, une salle de sport un bureau de poste, une salle polyvalente avec des espaces de réunion, un studio de céramique, un atelier bois, une petite bibliothèque, une salle informatique avec trois terminaux et une imprimante commune, ainsi qu’un auditorium pour les conférences, des spectacles et les diaporamas des couples qui rentraient d’un voyage à l’étranger. Il y avait une piscine olympique découvert et chauffée en plein cœur du village, et une autre, plus petite couverte, il y avait un restaurant tout à fait convenable dans la modeste galerie marchande, au bout de la rue principale, ainsi qu’une librairie, un débit de boissons, une boutique de cadeaux, une banque, un bureau de courtage, un administrateur de biens, un cabinet d’avocat et une station-service.

Les choix de vie d’un homme qui a peur d’encombrer sa fille (Nancy)

Il rentra sur la côte, reprendre son existence solitaire. Nancy, les jumeaux et lui -ça ne tenait pas debout, de toute façon, et puis ça aurait été injuste, car il aurait trahi le serment qu’il s’était fait de maintenir une cloison étanche entre sa fille trop affectueuse et les tracas et faiblesses d’un homme vieillissant.

Je comprends ce choix

Quand il avait fui New York, il avait élu domicile sur la côte parce qu’il avait toujours adoré nager dans les rouleaux et braver les vagues, et puis parce que cette partie du littoral était associé pour lui a une enfance heureuse.

La vieillesse

La vieillesse est une bataille, tu verras, il faut lutter sur tous les fronts. C’est une bataille sans trêve, et tu te bats alors même que tu n’en n’as plus la force, que tu es bien trop faible pour livrer les combats d’hier. 

Une note d’humour

Son épouse de l’époque, sa troisième et dernière épouse (…) était une présence à haut risque. Pour tout soutien, le matin de l’opération, elle suivit le chariot en sanglotant et en se tordant les mains, et finit par lâcher  :  » Qu’est-ce que je vais devenir ? »
Elle était jeune, la vie ne l’avait pas éprouvée ; elle s’était peut-être mal exprimée, mais il comprit qu’elle se demandait ce qu’elle allait devenir s’il restait sur le billard. « Chaque chose en son temps, s’il te plaît. Laisse-moi d’abord mourir, si tu veux que je t’aide à supporter ton chagrin. »

 

 

Édition Acte Sud.Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Quelle horreur ce roman. Il détruit une des rares valeurs à laquelle je crois depuis toujours : l’écriture. Pia Petersen a imaginé une histoire horrible et tout le long de cette lecture, je me demandais pourquoi elle a eu besoin d’imaginer cela. Un écrivain américain, Gary Montaigu vient de gagner un prestigieux prix littéraire aux États-Unis. À partir de là tout devient absurde car il accepte de participer à une émission de téléréalité qui se nomme  : « un écrivain un vrai ». Une équipe de télévision s’installe dans la maison de Gary et de sa femme Ruth. Mais au bout d’un mois ils ne supporte plus cette situation, il s’enferme chez lui dans le sous-sol et décide qu’il n’en peut plus qu’il ne peux même plus marcher, il ne se déplace qu’en fauteuil roulant.Il passe son temps à regarder une araignée et un mouche, c’est sans doute ce qui m’a le plus intéressée dans ce roman : comment remplir le vide par de tous petits détails. Le livre est construit comme un thriller, on sent l’ angoisse terrible du personnage qui s’est enfermé lui-même dans son sous-sol, il est comme la mouche qui va être prise pris dans la toile de l’araignée ; le suspens est assez bien raconté et effectivement la fin va être tragique. Les personnages féminins sont horribles sa femme est une arriviste qui vit sur du talent de son mari et une jeune femme journaliste qui ne rêve que d’aimer cet homme est tout aussi horrible qu’elle. En fait aucun personnage n’est positif, la société américaine est totalement stupide et ne pense qu’à la réussite télévisuelle. Bref c’est un monde d’horreur d’une tristesse infinie et j’espère que jamais une telle émission ne verra jamais le jour.

Même si ce roman et efficace , pour dénoncer « la télé-réalité » je ne comprends pas son utilité je pense qu’aucun écrivain ne se laisserait aller à une telle un tel voyeurisme et il y avait bien d’autres façons de dénoncer ces phénomènes de télévision que de choisir l’écriture qui est justement un acte individuel , et repose sur l’intime. Cette écrivaine Pia Peterson est d’origine danoise mais a choisi d’écrire en français ce que je trouve assez extraordinaire. Elle traite son sujet de façon efficace mais je ne lui ai pas trouvé un grand intérêt tant les personnages sont caricaturaux, la lecture m’a rendu tellement triste que j’aurais bien du mal à le recommander à tous les gens qui, comme moi, aiment la lecture.

Citation

L’animateur de la télé-réalité

Irrité, Miles boit une gorgée. Gary le défie. Persuadés d’être des créateurs, les écrivains se prennent décidément trop au sérieux comme s’ils étaient destinés à écrire et c’est vraiment n’importe quoi, voilà ce qu’il pense. Les scénaristes aussi écrivent mais ne se prennent pas pour des dieux, pas comme ces écrivains obtus qui pensent que leur travail s’inscrit dans une logique historique. Miles songe un bref instant qu’ils détestent plus que tout les écrivains.