Édition J.C Lattes.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Un livre bien écrit et une intrigue bien ficelée. Ce roman se lit vite et agréablement. J’avais un peu oublié son roman « Par amour » pour lequel j’avais eu plus de réserves. Un matin Pax Monnier nom de scène pour Émile Moreau entend des bruits d’une violence extrême dans l’appartement au-dessus du sien. Il sort et voit dans l’escalier brièvement le dos d’un homme. Il ne prévient pas la police, il ne cherche pas à en savoir plus car il a un rendez-vous très important avec un réalisateur américain pour un petit rôle qui pourrait décider du lancement de sa carrière d’acteur. Seulement,le lendemain il apprend que le jeune étudiant du studio au-dessus a été sauvagement agressé . Il préfère mentir à la police plutôt qu’avouer qu’il aurait pu intervenir .

Il vit maintenant avec un sentiment de culpabilité qui va devenir obsessionnel jusqu’au jour où il rencontrera et tombera amoureux de la mère de la victime. Il apprend alors, que si la police avait pu intervenir tout de suite l’œil d’Alexis aurait pu être sauvé. Emi Shimuzu, la mère d’Alexis, est une directrice du personnel très compétente et très belle mi-japonaise mi-française. Elle est minée par la souffrance de son fils, et se sent coupable du suicide de l’un de ses employés. Tous ces personnages sont torturés par la culpabilité et cela m’a fait penser plus d’une fois à « La Chute » d’Albert Camus. Comme Camus Valérie Tong Cuong aurait pu écrire :

Du reste, nous ne pouvons affirmer l’innocence de personne, tandis que nous pouvons à coup sûr affirmer la culpabilité de tous. Chaque homme témoigne du crime de tous les autres, voilà ma foi, et mon espérance.

Et comme Jean-Baptiste Clamence qui se demande si nous lecteur nous aurions essayé de sauver la personne qui s’était jetée d’un pont, en lisant le livre de Valérie Tong Cuong, on se se demande si nous saurions réagir en cas d’agression dont nous sommes témoin ; ou plutôt comme Pax nous aurions fait comme si nous n’avions rien entendu.

Une petite note d’espoir à la fin mais bien faible pour un roman tout en nuance qui met le lecteur mal à l’aise car nous aimerions croire à un happy-end alors qu’il ne reste qu’une toute petite flamme bien vacillante beaucoup plus proche de la réalité que du romanesque.

 

Citations

Les difficultés des mariages interculturels

Émi est âgée de quarante quatre-ans. Il y a longtemps qu’elle a analysé la logique inexorable qui a pesé sur sa famille et engendré ce sentiment épuisant d’un monde dysharmonique. Le mécanisme s’est enclenché très en amont de sa naissance, lors de la fracture brutale survenue entre son père et ses propres parents, après qu’Izuru a choisi de quitter les bureaux de Honda à Hamamatsu pour rejoindre l’usine de Belgique, puis d’épouser Sonia. Le brillant ingénieur destiné aux plus hautes responsabilités était tombé amoureux de la fille d’un concessionnaire de deux roues français en visite commerciale à Alost. Tombé c’était le mot qui convenait selon Issey et Akiko Shimizu, l’un fonctionnaire à l’hôpital public l’autre fonctionnaire à la bibliothèque municipale de Toyooka. Ils refusèrent d’assister aux noces et même de recevoir leur belle fille. Ils écrivirent à Izuru « tu es le poignard qui déchire le rêve », faisant allusion à une devise de Soichiro Honda – « évoquer le le rêve »- qu’Izuru avait peinte sur le mur de sa chambre lorsqu’il était encore un étudiant studieux aux résultats remarquables.

La carrière d’acteur

Il est apparu dans des productions complaisantes et s’est gâché, oubliant que c’est le rôle qui révèle le talent et non le talent qui fait la force du rôle. Il a négligé l’importance du désir, qui requiert une combinaison fragile de rareté, de qualités et d’exigence. En conséquence, le milieu l’a étiqueté comme un comédien sans consistance et les responsables des castings prestigieux ont écarté sa fiche avec un sourire blasé : Pax Monnier, non merci.

Je note souvent quand il s’agit de Dinard (même si ce n’est pas flatteur)

Ses parents, courtiers en prêt immobilier, vie va être tranquille entre leur quatre pièces du dix-septième arrondissement, le beau dix-septième aimaient-ils souligner, comme s’il eût existé une frontière ouvrant sur une seconde zone infamante, et une petite maison à Dinard face à la mer, deux biens négociés fièrement à un prix en dessous du marché.

24 ans et la jeunesse

Elle n’a que vingt-quatre ans, cet âge où l’on est persuadé d’avoir tout compris, où l’on se fiche de commettre des erreurs parce que l’on est convaincu qu’il y a toujours un moyen de recommencer à zéro.

 

 

 

Édition Buchet-Castel

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

J’ai un faible pour cet auteur qui raconte si bien le milieu dont je suis originaire. Je ne sais absolument pas si ce roman peut plaire à un large public, car il se situe dans un microcosme que peu de gens ont connu : les logements de fonction pour les institutrices et instituteurs des écoles primaires. J’ai envié celles et ceux de mes amis filles et fils d’instit, comme moi, qui pouvaien,t en dehors des heures d’ouverture scolaires, faire de la cour de récréation leur aire de jeux. Le roman se situe en 1975, année où s’impose un peu partout la mixité ce qui n’est pas du goût de tout le monde. Le roman commence par une tragédie évitée de peu : la chute de Philippe 11 ans du toit de l’école. En effet, si les enfants du roman jouent assez peu dans la cour, ils investissent le grenier qui donne sur le toit. Bien sûr après l’intervention des pompiers pour sauver l’enfant, ils seront interdits de grenier et se réfugieront sur un terrain vague. Ce qui me frappe dans ce roman, c’est l’incroyable liberté dont profite ces enfants. Ils sont laissés à eux même beaucoup plus que ce que je connais des enfants de cette époque. Leur terrain vague est mitoyen d’une ligne de chemin de fer, ils ont, évidemment, interdiction de la traverser , ce qu’ils font, évidemment !
Le livre se divise en quatre chapitre, la présentation des résidents du groupe scolaire Denis Diderot, le second s’appelle « Automne », puis « Printemps » et enfin « Été ». Cela permet de suivre tout ce petit monde une année scolaire, l’auteur raconte avec précision toutes les tensions et des relations plus ou moins réussies entre les enseignants. Il y a donc quelques intrigues qui, à mes yeux, sont secondaires par rapport à l’intérêt principal du livre : je n’avais pas idée à quel point les mœurs de l’école ont évolué : entre la paire de claque (« bien méritée, celle-là ! ») que les instituteurs et institutrices n’hésitent pas à distribuer, les cheveux sur lesquels ils tirent au point d’en arracher des touffes (« ça t’apprendra à faire attention ! »), les oreilles qui gardent les traces d’avoir été largement décollées à chaque mauvaise réponse ou manquement à la discipline (« ça va finir par entrer, oui ou non ! »), aucun enfant d’aujourd’hui ne reconnaîtrait son école ! J’ai aimé tous les petits changement de la vie en société, nous sommes bien sûr après 1968, une référence pour l’évolution des mœurs mais en réalité, comme souvent, il a fallu bien des années pour que cela soit vrai et que les enfants ne soient plus jamais battus à l’école même si chez eux ce n’est pas encore acquis en 2020…

 

Citations

 

Les gauchers

Michèle soupire car Dieu sait à quel point Philippe est empoté. Ce n’est pas de sa faute, à expliquer le rééducateur, c’est à cause de sa patte gauche, c’est un gaucher franc (parce qu’apparemment il y en a des hypocrites, des qui se font passer pour gaucher alors qu’en fait ils sont droitier, heureusement qu’on ne compte pas Philippe parmi ces fourbes-là) et, à partir de là, on ne peut pas remédier à son handicap.

Autre temps autres mœurs

Tous les parents s’accordent à dire que c’est un excellent maître parce qu’avec lui, au moins, ça file droit et qu’on entendrait une mouche voler. On concède qu’il est un peu soupe au lait et qu’il monte facilement en mayonnaise, mais on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. Du côté des parents, on aime les proverbes et les expressions consacrées. Et l’ordre, surtout. On ne cille pas devant les témoignages de touffes de cheveux arrachés ou de gifles retentissantes. On répète que c’est comme ça que ça rentre et tu verras plus tard au service militaire.

Édition Acte Sud, traduit de l’allemand par Rose Labourie 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Un roman intéressant lu qui se lit très vite. Un homme part faire une course à vélo et en solitaire dans un endroit très escarpé sur l’île de Lanzarote, appartenant à l’archipel des Canaries.

Il est épuisé mais ressent une urgence à accomplir cet exploit. Très vite nous apprenons qu’il est sujet à des crises de panique incontrôlables qui lui rendent la vie très douloureuse alors qu’il a, comme on dit, « tout pour être heureux ». Une femme qu’il aime, deux enfants, un travail et un choix de vie de couple qui correspond à ses engagements. Les deux parents se sont mis à mi-temps pour élever les petits sans que cela nuise à la vie professionnelle de l’autre. Seulement, sans le prévenir « la chose » le saisit et il doit alors lutter de toutes ses forces pour revenir à la réalité. Evidemment comme moi, et tous les lecteurs je suppose vous avez compris que la solution se trouve en haut de la montagne. Je sais que beaucoup d’entre vous détestez que l’on vous divulgâche le suspens alors je n’en dirai pas plus.
J’ai bien aimé dans ce roman l’analyse des couples d’aujourd’hui. En réaction avec l’éducation de leurs parent sil essaient d’être impliqués à part égale dans l’éducation et les tâches ménagères. Et pourtant rien n’est simple , et cela n’évite pas certaines tensions. J’ai beaucoup aimé aussi que le drame principal soit raconté du point de vue d’un enfant de quatre ans, cela donne beaucoup de force au récit.
Alors pour quoi est ce que je manque d’enthousiasme à propos de ce roman , j’ai beaucoup aimé sans en faire un coup de cœur parce que l’histoire ne m’a pas passionnée ; malgré le talent certain de l’écrivaine.

Citations

Nouvelle organisation des couples d’aujourd’hui

Theresa et lui travaillent à mi-temps. Ils se répartissent les enfants et le travail. C’est important pour eux. Ils ont pris sur eux pour imposer leur modèle à leur employeur, et le cabinet d’expert-comptable de Theresa s’est même montré plus coopératif que la maison d’édition de livres pratiques orientée à gauche où travaille Henning. L’éditeur a été jusqu’à le menacer à mots couverts de licenciement, il a fallu que Henning lui promette d’emporter du travail à la maison pour que son employeur mette de l’eau dans son vin. Teresa appelle ça « travailler à plein-temps, être payé à mi-temps ». Au moins comme ça, Henning peut faire sa part au quotidien. « Organisation » est le mot magique. Souvent, il travaille sur ses manuscrits tôt le matin ou tard le soir, ce qui ne l’empêche pas d’avoir le sentiment désagréable de ne plus s’occuper des livres aussi bien qu’avant. Par chance, aucun de ses auteurs ne s’est plaint jusque-là.
 Le principal, c’est de ne pas faire comme leurs parents. La mère de Henning était célibataire et se tuait à la tâche. Et la mère de Theresa s’occupait des enfants seule pendant que son mari était au travail. Pour Henning et Theresa, c’était clair dès le départ, il voulait autre chose. Une solution moderne. Du 50/50 plutôt que du 24/7.

Traumatisme

Maintenant, il sait. Il souffre d’un traumatisme, et d’un grave, n’importe quel psychologue le confirmera. Pendant trente ans, il a vécu sur un réservoir souterrain, sur une grotte, en faisant tout pour ne pas voir le trou qui menaçait de l’engloutir.

 

Traduit de l’anglais (États -Unis) par Vincent Raynaud, Édition Globe.

 

Je mets rarement les livres de ma liseuse sur mon blog car je pense que j’aurais toujours le temps de le faire et puis j’oublie car ils sont toujours à mes côtés. C’est un peu les cas de « Hillbilly élégie ». D’abord je dois dire que le titre m’étonne, autant je trouve que cet essai décrit très bien cette population regroupée sous le nom de « Hillbilly » autant je ne trouve aucun caractère élégiaque à ce récit. Sauf, et c’est sans doute l’explication du titre, l’incroyable ténacité de ses grands-parents à qui il doit tout. D’ailleurs il leur adresse ce livre

Pour Mamaw et Papaw, mes Terminators à moi

Dans son introduction, il explique très bien qu’il est exceptionnel, non parce qu’il est diplômé de Yale, mais parce qu’il vient de la « Rust-Belle » c’est à dire d’une région de l’Ohio qui produisait autre fois de l’acier et qui maintenant est peuplée de gens dans la misère des petits boulots ou du chômage. Cet essai m’a permis de rencontrer une partie de la population américaine que l’on ne connaît pas très bien. Issues de l’émigration écossaise et irlandaise, ces familles très soudées se sont regroupées dans cette région autour des aciéries nord américaines. Ces usines demandaient des hommes forts et résistants à la fatigue et la souffrance au travail. On voit très bien le genre de personnalités masculines que cela pouvait engendrer. Aujourd’hui, il n’y a plus d’aciéries et il ne reste que la misère et les mauvais comportements. Mais aussi un esprit clanique qui empêche les « Hillbilly » de partir dans des régions où l’on trouve du travail. J.D Vance est issue d’une de ces familles , et il est très bien placé pour nous décrire ce qui détruit ce groupe social. Sa mère est dépassée par la misère, les nombreux maris et la drogue, il lui reconnaît une qualité : elle a toujours choisi des hommes qui étaient gentils avec les enfants. J.D n’a donc pas été maltraité par ses nombreux beaux-pères. Mais ce qui l’a sauvé de la répétition du modèle parental, c’est la stabilité que lui a offert le foyer de ses grands-parents. Pour lui, la clé de la défaite et le plongeon dans la misère c’est l’instabilité du foyer et la clé du sauvetage c’est au contraire un foyer stable où l’enfant peut trouver des modèles sur lesquels s’appuyer pour affronter les différentes difficultés de la vie en particulier l’école. Venant de ce milieu très pauvre et violent, il peut en décrire les rouages de l’intérieur. Une idée qui revient souvent chez lui, c’est l’importance de prendre conscience que l’individu fait des choix : avoir un bébé sans avoir fini l’école c’est un choix, prendre de la drogue c’est un choix, frapper un enfant c’est un choix … Mais plus que tout offrir à un enfant un milieu stable l’aidera à se construire, car tous les pièges du déclassement social sont là juste derrière la porte de son foyer : l’alcool, le chômage, la violence, la drogue, l’échec scolaire… Si aucun adulte n’a eu confiance dans le jeune alors il tombera certainement, dans ces pièges. (Et pourront alors devenir le héros des romans sur les déclassés des USA que certains d’entre nous aimons tant !)

Pourquoi n’ai-je mis que trois coquillages ? Car j’ai trouvé le livre répétitif , la vie et l’amour de ses grands parents sont vraiment très touchants et m’ont beaucoup intéressée et même si je comprends bien que J.D Vance ait été obligé de passer par une description minutieuse du milieu des « Hillbilly »pour nous faire comprendre, à la fois, d’où il venait et pourquoi, il est le seul de sa communauté à être sorti de Yale, c’est très (trop, pour moi !) long .

Et depuis j’ai lu les billets de Ingamic qui pour des raisons différentes a aussi quelques réserves sur ce livre. De Kathel et de Keisha .

Citations

Sa famille

Pour employer un euphémisme, j’ai une relation « compliquée » avec mes parents, dont l’un s’est battu toute sa vie ou presque contre une forme d’addiction. Ce sont mes grands-parents qui m’ont élevé. Aucun d’eux n’a terminé le lycée et très peu de gens dans ma famille, même élargie, sont allés à l’université. Les statistiques le prouvent : les gosses comme moi sont promis à un avenir sombre. S’ils ont de la chance, ils parviendront à ne pas se contenter du revenu minimum, et s’ils n’en ont pas ils mourront d’une overdose d’héroïne – comme c’est arrivé à des dizaines de personnes la seule année dernière, dans la petite ville où je suis né.

 

Le contexte social

Au contraire, je me reconnais dans les millions de Blancs d’origine irlando-écossaise de la classe ouvrière américaine qui n’ont pas de diplômes universitaires. Chez ces gens-là, la pauvreté est une tradition familiale -leurs ancêtres étaient des journaliers dans l’économie du Sud esclavagiste, puis des métayers, des mineurs, et, plus récemment, des machinistes et des ouvriers de l’industrie sidérurgique. Là où les Américains voient des « Hilliliies », des « Rednecks » ou des « Whiste trash », je vois mes voisins, mes amis, ma famille.

Sa ville

Près d’un tiers de la ville, environ la moitié de la population locale, vit sous le seuil de pauvreté. Et la majorité des habitants, elle, juste au-dessus. L’addiction aux médicaments s’est largement diffusée, les gens se les procurent sur ordonnance. Les écoles publiques sont si mauvaises que l’État du Kentucky en a récemment pris le contrôle. Les parents y mettent leurs enfants parce qu’ils n’ont pas les moyens de les scolariser ailleurs. De son côté, le lycée échoue de façon alarmante à envoyer ses élèves à l’université. Les habitants sont en mauvaise santé et, sans les aides du gouvernement, ils ne peuvent même pas soigner les maladies courantes. Plus grave encore, cette situation les rend aigris – et s’ils hésitent à se confier aux autres, c’est simplement parce qu’ils refusent d’être jugés.

Exemple sordide

J’étais en première quand notre voisine Pattie téléphona à son propriétaire pour lui demander de faire réparer des fuites d’eau du plafond de son salon. Lorsque celui-ci se présenta, il trouva Pattie seins nus, défoncée et inconsciente sur son canapé. À l’étage, la baignoire débordait – d’où les fuites. Visiblement, elle s’était fait couler un bain, avait avalé des cachets puis était tombée dans les vapes. Le sol de l’étage était endommagé, ainsi qu’une partie des biens de la famille. Voilà le vrai visage de notre communauté : une junkie à poil qui bousille le peu de chose qu’elle possède. Des enfants qui n’ont plus ni jouets ni vêtements à cause de l’addiction de leur mère.

Son cas personnel

Je ne dis pas que les capacités ne comptent pas. Elles aident, c’est certain. Mais comprendre qu’on s’est sous estimé soi-même est une sensation puissante – que votre esprit a confondu incapacité et efforts insuffisants. C’est pourquoi, chaque fois qu’on me demande ce que j’aimerais le plus changer au sein de la classe ouvrière blanche, je réponds : « Le sentiment que nos choix n’ont aucun effet. » Chez moi, les marines ont excisé ce sentiment comme un chirurgien retire une tumeur.
Tu peux le faire tout donner

 

Faire des choix

Quand les temps étaient durs, quand je me sentais submergé par le tumulte et le drame de ma jeunesse, je savais que des jours meilleurs m’attendaient, puisque je vivais dans un pays qui me permettrait de faire les bons choix, choix que d’autres n’auraient pas à leur disposition. Aujourd’hui, lorsque je pense à ma vie et à tout ce qu’elle a de réellement extraordinaire – une épouse magnifique, douce et intelligente, la sécurité financière dont j’avais rêvé enfant, des amis formidables et une existence pleine de nouveautés –, je me sens plein de reconnaissance pour les États-Unis d’Amérique. Je sais, ça sonne ringard, mais c’est ce que j’éprouve.

La classe populaire la désinformation et la presse

Certaines personnes pensent que les Blancs de la classe ouvrière sont furieux ou désabusés à cause de la désinformation. À l’évidence, il existe une véritable industrie de la désinformation, composée de théoriciens conspirationnistes et d’extrémistes notoires, qui racontent les pires idioties sur tous les sujets, des prétendues croyances religieuses d’Obama à l’origine de ses ancêtres. Mais les grands médias, y compris Fox News, dont la malignité n’est plus à démontrer, ont toujours dit la vérité sur la citoyenneté d’Obama et sa religion. Les gens que je connais savent pertinemment ce que disent les grands médias en la matière. Simplement, ils ne les croient pas. Seuls 6 % des électeurs américains pensent que les médias sont « tout à fait dignes de confiance ». Pour beaucoup d’entre nous, la liberté de la presse – ce rempart de la démocratie américaine – n’est que de la foutaise. Si on ne se fie pas à la presse, qui reste-t-il pour réfuter les thèses conspirationnistes qui envahissent sans partage Internet. Barack Obama est un étranger qui fait tout ce qu’il peut pour détruire notre pays. Ce que les médias nous disent est faux. Dans la classe ouvrière blanche, beaucoup ont une vision très négative de la société dans laquelle ils vivent. Voici
La liste est longue. Impossible de savoir combien de gens croient à une ou plusieurs de ces histoires. Mais si un tiers de notre communauté met en doute la nationalité du président – malgré d’innombrables preuves –, il y a tout lieu de penser que d’autres thèses conspirationnistes sont elles aussi à l’oeuvre. Ce n’est pas du simple scepticisme libertarien à l’égard des pouvoirs publics, sain dans toute démocratie. Il s’agit d’une profonde défiance à l’encontre des institutions de notre pays, qui gagne le cœur de la société.

Changement de classe sociale

Nous vantons les mérites de la mobilité sociale, mais elle a aussi son revers. Celle-ci implique nécessairement une forme de mouvement – vers une vie meilleure, en principe –, mais aussi un éloignement de quelque chose. Or on ne choisit pas toujours les éléments dont on s’éloigne.

 

Conséquences d’une enfance difficile

Ceux qui ont subi de multiples expériences négatives de l’enfance ont une plus forte probabilité d’être victimes d’anxiété et de dépression, d’avoir des maladies cardiaques, d’être obèses et de souffrir de certains cancers. Ils ont aussi une plus forte probabilité de connaître des difficultés à l’école et de ne pas réussir à avoir des relations stables à l’âge adulte. Même le fait de trop crier peut miner le sentiment de sécurité chez un enfant, affaiblir sa santé mentale et entraîner à l’avenir des problèmes de comportement.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

La quatrième de couverture vous le dira, ce roman raconte la rencontre de Lucie Paugham, marionnettiste célèbre pour adultes qui a souffert dans son enfance du suicide de son père, qui avant de se pendre, avait lancé à la cantonade devant sa famille rassemblée devant le film, « Les tribulation d’un chinois en Chine » :

« Qu’est ce qui pourrait bien m’empêcher de me suicider ce soir ? »

Or trente ans plus tard son voisin au cinéma lui dit :

« Donnez-moi une bonne raison, un seule de ne pas me suicider cette nuit ».

Le roman est lancé, Lucie va faire entrer cet Alexandre Lannier dans sa vie et risquer de tout perdre. Mais au passage nous aurons découvert le drame de la famille Paugham, les aigreurs de la mère de Lucie, le déséquilibre affectueux de sa sœur, la difficulté du couple de Lucie et Philippe, leurs relations à leurs enfants et surtout, surtout l’incroyable métier de marionnettiste qui m’a vraiment donner envie d’aller voir des spectacles de marionnettes pour adultes ce que je n’ai encore jamais fait. Lorsque les déplacements et les spectacles recommenceront, je me fais la promesse d’aller voir le festival mondial de spectacles de marionnettes le problème c’est que cela se passe à Charleville-Mézières et que déjà ce n’est pas une ville qui m’attire et qu’en plus c’est la région la plus touchée par le Covid-19 ! ! ! Si cette lecture reçoit quatre coquillages, elle le doit à la découverte, pour moi, de la relation entre le marionnettiste et sa marionnette car sinon je reproche à cette romancière d’esquisser des personnages plus que de les traiter en profondeur ou en finesse.

 

Citations

En période de confinement voici des bruits que l’on n’entend plus !

Faire la queue m’humilie et la liesse me dérange. Le consensus m’emmerde tout autant que le succès programmé, le bruit et les pop-corn.

Remarque intéressante

Un philosophe a dit que les autres nous sauvent de la répétition. C’est vrai, mais pas tout le temps et pas avec tout le monde. J’ajouterai que dans une rencontre, quelle qu’elle soit, tout nous est donné, d’emblée. Nous disposons dès les premiers instants d’indice troublants qui devraient nous alerter. Mais nous sommes éduqués pour que tout se passe bien avec les autres et sans même nous en apercevoir, nous modelons l’étrangeté à notre mesure pour la rendre familière et vivable.

C’est hélas vrai !

La phrase est pour le bègue une ascension interminable et douloureuse dont l’intérêt et le sens se perdent en route

Rapports avec sa mère

J’ai passé ma vie à ne pas vouloir ressembler à ma mère. Aujourd’hui encore, je reste vigilante même si mon existence est aux antipodes de la sienne. Pourtant, quand je lui rends visite, deux ou trois fois par an, notre ressemblance physique me brise le moral à la manière d’une mauvaise habitude qu’aucun effort ne pourra jamais corriger. Je me vois dans trente ans et ce que je constate me déplaît souverainement. J’imagine que mes rondeurs deviendront son embonpoint, que ma peau aura la tremblotante mollesse de ses bajoues de cocker et que mon cul plat s’évasera comme le sien. Ma mère nous a donné sa laideur en héritage. Je n’y peux pas grand-chose

Édition Verdier

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Anne Pauly perd son père éprouve le besoin de le raconter et d’en faire un livre. Elle se rapproche de celui qui n’a pas été un homme facile. Si, dans le voisinage et dans la famille, le monde a de bons souvenirs de sa mère très pieuse et cherchant à faire le bien autour d’elle son père alcoolique et très violent dans ses propos n’est pas très attirant. Il laisse une maison qui est véritable Capharnaüm dans lequel l’auteure se perd . Elle comprend que ce père qui lui manque tant est un être à plusieurs facettes. Elle raconte la violence du deuil et combien il est difficile de gérer l’absence. Elle écrit bien et, si le sujet vous touche, vous pourrez avoir de l’intérêt à lire ce récit. J’avoue ne pas trop comprendre l’utilité de tels livres même si, parfois, au détour d’une phrase ou d’une révélation, je peux être très émue.

 

 

Citations

Charmante famille

Je revoyais papa couteau à la main, immense et ivre mort, courir après maman autour de la table en éructant, Lepelleux, arrête de péter dans la soie et occupe-toi de ton ménage plutôt que de sauter au cou du curé. C’est indéniable : bourré, il avait vraiment le sens de la formule, même si, dans la réalité, personne ne portait de culotte de soie ni ne sautait au cou du curé. Prodigue et ample, ma mère, tardive dame patronnesse en jupe-culotte denim, c’était, il est vrai, investi dans les activités de paroisse, qui au fond ne lui ressemblait guère, pour échapper à ses excès à lui d’alcool, de colère et de jalousie.

Alcoolisme

Au fond, on ne sait jamais vraiment si quelqu’un boit pour échouer ou échoue parce qu’il boit.

Le pouvoir des chansons

Et puis là, sans prévenir, le refrain m’a sauté à la figure comme un animal enragé : « Mais avant tout, je voudrais parler à mon père. » Dans mon cœur, ça a fait comme une déflagration et je me suis mise à sangloter sans pouvoir m’arrêter. Félicie est remontée en voiture juste après, effarée, se demandant ce qui avait bien pu se passer entre le moment où elle était parti payer et le moment où elle était revenue. Comme je n’arrivais pas à lui répondre, elle a redémarré toutes fenêtres ouvertes dans le vent du soir et c’est en entendant le reste de la chanson qu’elle a fini par comprendre. Mes toutes dernières larmes sont sorties ce jour-là. J’avais enfin accepté. Si on m’avait dit que Céline Dion m’aiderait un jour dans ma vie à passer ce style de cap, je ne l’aurais pas cru. La catharsis par la pop-check.
(Je me suis retrouvée en pleurs en entendant Serge Réggiani chanter « ma liberté » dans des circonstances analogues.)

 

 

 

Comme je le constate à travers mes blogs amis, nos habitudes de lecture, en temps de confinement, changent beaucoup. Je pense que certains d’entre nous sont plus occupés qu’avant et ont moins le temps de lire , d’autres ont perdu l’envie de la fiction, jugeant sans doute la réalité trop difficile à vivre, et enfin comme moi, il arrive que certains changent leurs centres d’intérêt. Si vous suivez Luocine, vous savez que je lis peu, sinon pas, de romans policiers. Et en voilà trois d’un coup que j’ai absolument dévorés, je les achetés sur ma liseuse : confinement oblige ! Et si je leur attribue cinq coquillages, c’est que dans le genre, ils sont tous les trois absolument parfaits. Vous avez parfaitement le droit de vous demander comment puis-je juger d’un genre que je lis si peu ? Réponse : c’est le privilège de Luocine, de ne prétendre à aucune objectivité. C’est un billet de Géraldine qui m’avait tentée, mais peut-être que cet auteur connaît déjà un large succès sur la blogosphère, il le mérite largement. Ces trois romans peuvent se lire séparément mais il y a « un petit plus » à les lire à la suite. En les découvrant, j’ai beaucoup pensé à la série « the Wire » qui reste pour moi la meilleure série de tous les temps, en 2010, je concluais ainsi mon billet :

En regardant cette série, on l’impression de mieux comprendre les Etats-Unis. On voit aussi les différences et les ressemblances avec notre société en espérant qu’on ne laisse jamais s’installer, en France, une économie parallèle autour de la drogue aussi puissante !

 

Comme j’étais naïve ! bien sûr que la France a suivi le chemin des États Unis . Déjà dans le roman « La Daronne », Hannelore Cayre nous avait donné une bonne description de l’importance du trafic de Haschisch entre le Maroc et la France, la corruption à tous les niveaux de notre société, la justice aux yeux bien bandés qui a complètement oublié la balance de l’impartialité devant la loi, et la violence dans les quartiers à la périphérie de Paris. Ici, dans cette trilogie , Olivier Norek scrute trois aspects du problème, le trafic de drogue dans « code 93 », la corruption de la municipalité dans « Territoires » et enfin, l’enfer carcérale dans « Surtension » . Bien sûr ces trois faits de société sont liés mais avoir su mettre l’éclairage sur un des aspects rend la trilogie passionnante. Comme dans tout bon roman polar les personnages ont leur importance : Victor Coste dont nous suivons les enquêtes est un policier intelligent et tenace. Son regard triste exprime tous ses dégoûts pas seulement de la violence des truands mais aussi de la veulerie et de la corruption du personnel politique. Sa hiérarchie ne l’aime pas beaucoup, en revanche son équipe lui est très dévouée. Ronan le policier trop fonceur, Sam le fou d’informatique et Johanna la nouvelle de l’équipe une Superwoman mais aussi la seule qui ait une vie de famille réussie. J’oubliais Léa, la médecin légiste avec qui Coste essaie d’établir une relation amoureuse. Olivier Norek a été policier et il rend bien compte de l’atmosphère d’un commissariat, il connaît le 93, je ne sais pas comment mais ses descriptions rejoignent tout ce qu’on peut entendre dans les média. Au moment où j’écris, les banlieues sont le théâtre de violences qui auraient complètement leur place dans un roman d’Olivier Norek, voici un extrait du journal Marianne :

A Villeneuve-la-Garenne (Hauts-de-Seine), des tirs de mortiers d’artifice ont été constatés peu avant minuit. Un peu plus tôt, les incidents avaient commencé dans la commune voisine d’Asnières, avec des tirs similaires. En Seine-Saint-Denis, des poubelles ont été incendiées à Aulnay-sous-Bois et Saint-Denis vers 22h30. « Il n’y a pas eu d’affrontements avec les forces de l’ordre », a précisé la préfecture. Sept personnes ont été arrêtées à Clichy-la-Garenne et deux autres à Rueil-Malmaison, deux communes des Hauts-de-Seine. 

Tous les ingrédients des romans de Norek sont présent dans cet incidents, un jeune délinquant arrêté de multiple fois par la police est mis à terre de son scooter brutalement par un policier qui a ouvert sa portière au moment où il cherchait à fuir. Le quartier dont il est issu vit essentiellement du trafic de la drogue, or le confinement sanitaire trouble ce trafic. La police patrouille un peu plus que d’habitude dans ces quartiers tenus par des dealers. Le jeune circulait sans autorisation et sans casque sur un scooter. ET …. son arrestation ouvre la voie à des violences nocturnes et sans doute à une reprise du trafic. C’est tout à fait dans la veine de que raconte « Territoires » Dans ce deuxième roman, on voit à quel point pour avoir la paix politique les élus locaux font la part belle aux truands repentis qui seuls savent tenir les quartiers. Encore une fois l’actualité raconte parfois de tels faits, on peut penser que ce n’est que la partie visible d’une pratique beaucoup plus généralement répandue. Enfin dans le troisième roman, on quitte la banlieue pour arriver dans une prison et là, l’horreur atteint son comble. On quitte aussi les trafiquants des banlieues pour croiser la mafia corse et les avocats peu scrupuleux sur la façon de s’enrichir c’est une autre forme de violence tout aussi radicale mais qui ne s’appuie pas sur la destruction de la ville d’où ils viennent.

Il me reste à vous parler du style d’Olivier Norek. D’abord le suspens, il est très doué : tout s’emboîte de façon incroyable, il n’y a aucune invraisemblance et hélas, il n’y a pas non plus de super-héros qui permettrait au lecteur de reprendre son souffle et de croire que cela peut se finir sinon bien un peu mieux ! Non, les gentils ne gagnent pas à tous les coups et oui, les méchants perdent des batailles mais jamais la guerre. La langue d’Olivier Norek est précise et très agréable à lire et en plus, ce qui ne gâte rien, cet auteur a le sens de la formule qui fait mouche .

Les chiffres ne sont que des paillettes pour faire beau à la fin des rapports vides.

ou

Sérieux, dans la phrase « non », c’est quoi le mot que tu comprends pas ?

 

 

Je pourrais presque dire merci au confinement pour m’avoir permis de rencontrer un tel écrivain.

En 2016, déjà, Dasola parlait très positivement de cet auteur

Citations

Code 93

La médecin légiste

 

Dans les siennes elle avait pris ses mains salies, frôlé ses cheveux puis passé le bout des doigts sur les blessures de son visage. Elle avait regardé alentour, car ces choses-là ne se font pas. Elle avait ôté ses gants en latex et recommencé les mêmes gestes. Elle s’était laissée aller au pire des maux de son métier, l’empathie.

 

Description de la banlieue

 

Quatre voies grises et sans fin s’enfonçant comme une lance dans le cœur de la banlieue. Au fur et à mesure,voir les maisons devenir immeubles et les immeubles devenir tours. Détourner les yeux devant les camps de Roms. Caravanes à perte de vue, collées les unes aux autres à proximité des lignes du RER. Linge mis à sécher sur les grillages qui contiennent cette partie de la population qu’on ne sait aimer ni détester. Fermer sa vitre en passant devant la déchetterie intermunicipale et ses effluves, à seulement quelques encablures des premières habitations. C’est de cette manière que l’on respecte le 93 et ses citoyens : au point de leur foutre sous le nez des montagnes de poubelles. Une idée que l’on devrait proposer à la capitale, en intra muros. Juste pour voir la réaction des Parisiens. À moins que les pauvres et les immigrés n’aient un sens de l’odorat moins développé…

 

Si vrai

Elle ne pleurerait pas tant qu’il serait là. La tristesse c’est personnel, ça ne se partage pas.

 

Une mère peu aimante

 

Mais si j’étais à Bercy tu ne t’en satisferais pas plus et tu m’enverrais l’Élysée au visage… Je te connais, maman, ton ambition pour les autres est débordante. Seul le corps fatigué de Margaux Soultier avait soixante-dix-huit ans. Le reste aurait pu durer encore quelques générations. Elle avait joué son rôle de mère comme une actrice désastreuse, se considérant plutôt comme une femme d’homme de pouvoir, de celles qui poussent à se surpasser et qui admettent aisément le concept de dommages collatéraux qu’une carrière politique ne manque pas de produire. – Cela t’amuse toujours autant de m’appeler maman ? – C’est ce que tu es, non ? – Ne sois pas ridicule, évidemment, mais tu n’as plus besoin d’une maman à ton âge.

Le monde des affaires et le monde politique

Jacques Soultier était aisément passé d’homme d’affaires à homme de pouvoir sans avoir à changer les règles du jeu, puisqu’elles lui avaient paru être identiques. Il avait construit sa deuxième carrière comme il mettait en place le rachat d’une société ou la liquidation d’une autre : en connaissant les secrets de ses adversaires autant qu’ils tentaient de les cacher.

 

Immigration

 

Au lendemain des révolutions arabes, le flux migratoire tunisien et algérien s’était vu multiplié par trois sans que soit mis en place le moindre programme d’accueil et de logement. Attirés par les lumières de Paris puis rapidement expulsés comme un corps étranger, les nouveaux migrants avaient été, comme d’habitude, accueillis par le cousin pauvre du 93. 

 

Les chiffres et la vérité

Les chiffres ne sont qu’une indication. Ils ne veulent rien dire. Demander un chiffre c’est faire l’évaluation d’un travail. La réponse changera en fonction de la personne à qui vous posez la question. Si vous le demandez à celui qui a effectué le travail, il sera poussé vers le haut. Si vous le demandez à ses détracteurs, il sera tiré vers le
bas. Demander de chiffrer une activité c’est être assuré d’avoir une information déjà faussée. Les chiffres ne sont que des paillettes pour faire beau à la fin des rapports vides.

Le monde politique

En politique, partez du principe qu’il n’existe aucune saloperie à laquelle vous puissiez penser qui n’ait déjà été commise. Aucune. Planquer des cadavres pour permettre la création du Grand-Paris, votre Code 93 n’a pas plus d’ambition qu’une vulgaire opération immobilière.

 

Territoires

 

Des dialogues comme je les aime

– Foret quatre millimètres. C’est gravé dessus. On m’a assuré que vous étiez bon enquêteur, je suis plutôt déçu. –
– On m’a assuré que vous étiez carrément désagréable. Personnellement, je suis comblé.

Les votes en banlieue

– Moins on n’a de votants et plus il est simple d’influer sur le cours d’une élection, c’est mathématique.
– Mathématique, pas politique !

Mort d’un délinquant de banlieue sa mère et la maire …

Sauf madame Doucouré, dissimulée derrière son voile, imperturbable, ou déjà rendormie. Vesperini s’approcha d’elle et elles restèrent ainsi en silence, comme en prière. S’il n’y avait eu aucune bonne fée au-dessus du berceau de Bibz, il y avait bien eu deux sorcières penchées sur son cercueil.

le langage jeune

Sérieux, dans la phrase « non », c’est quoi le mot que tu comprends pas ?

La banlieue

Toi-même tu sais. Douze ans du 93 c’est pas douze ans de Paris. C’est pas les mêmes formats.

La corruption municipale

Certes, Sébastien était le fils de son ex beau-frère, mais surtout elle appréciait sa créativité. Marchés surfacturés, associations fictives, financement occulte de campagne, achat de votes, de gros bras, de colleurs d’affiches, de concierges et de journalistes rapporteurs d’infos, emplois fictifs et placement d’amis aux bons postes. Delsart avait commis tant de malversations qu’il n’en voyait même plus l’illégalité. Dans la mesure où il ne s’agissait pas d’enrichissement personnel, il prenait presque plaisir à ce jeu du chat et de la souris avec la préfecture, les administrations publiques et la Cour régionale des comptes. Pour lui, tout cela ressemblait à de simples mouvements bancaires. Avec juste un peu plus de malice et d’attention.

Une maire efficace

Vesperini venait de décrocher cinq millions d’euros. En provoquant elle-même une émeute dans sa propre ville, elle avait réussi un casse historique. Pire, elle venait de braquer l’État.

Le fonctionnement des municipalités en banlieue

Vous ne savez pas comment gérer ces milliers de gamins sans diplômes ni emplois, mais moi je m’en occupe. Je leur donne un travail et ils font vivre leurs familles. Résultat, le trafic tempère vos quartiers défavorisés et hypocritement, vous nous avez laissés faire, comme si vous ne connaissiez pas les raisons de ce calme. Mieux que ça, vous nous utilisez. Vous nous payez pour garantir votre sécurité pendant vos campagnes, vous nous payez pour vous récupérer des votes et des procurations. Vous vous servez de nous pour asseoir votre pouvoir et, pour être sûre de notre loyauté, parfois, vous engagez certains d’entre nous dans votre propre équipe. Vous
collaborez avec le mal qui ronge votre ville pour en garder le contrôle. Vous êtes même prête à la mettre à feu et à sang. Le serpent se mord la queue. Cercle vicieux, donc.

Surtension

Le cannabis en prison

Le cannabis. Encore un moyen de se garantir un peu de calme. Une partie non négligeable des prisonniers se retrouvent à Marveil pour des délits relatifs à la drogue. Qu’elle soit tolérée à l’intérieur de la prison relève de l’ironie.

La sexualité en prison

Une partie non négligeable des prisonniers se retrouvent à Marveil pour des agressions sexuelles. Qu’elles soient tues, voire tolérées à l’intérieur de la prison, voilà encore qui relève de l’ironie.

La prison école du crime

Malheureusement, il n’existe pas d’endroit plus dangereux, inégal et injuste que la prison. Et au lieu de ressortir équilibré ou cadré, les détenus en sortent plus violents, désabusés, perdus et agressifs, sans aucun projet de réinsertion. Plus venimeux en sorte. La prison comme une école du crime. »

Un moment d’humour

C’est l’affaire du Norvégien. Un type de soixante ans qu’on a retrouvé poignets et chevilles accrochés à un lit après une overdose à l’ecstasy et au poppers. C’est son jeune amant qui nous a appelés. Quand on a essayé de contacter sa famille, on a découvert qu’il était ici en voyage d’affaires sur un projet de jumelage de deux églises, entre la France et la Norvège. Le type était prêtre. Je sais que là-bas ils sont ouverts d’esprit et qu’ils aiment bien se baigner à poil dans l’eau glacée, mais ils ont quand même dû être un peu secoués par la nouvelle.

 

Traduit du polonais par Margot Carlier, Édition Noir sur Blanc,Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Olga Tokarzuk qui, malgré son prix Nobel de littérature en 2018, m’était totalement inconnue, est véritablement un grand nom de la littérature contemporaine. Je ne vous renvoie pas à l’article de Wikipédia (qui m’a permis d’en savoir plus sur cette immense écrivaine) et je vous décourage de le lire si vous ne voulez pas vous gâcher le plaisir de lire ce roman qui est y est décrit sans aucun attention pour les lecteurs qui n’aiment pas que l’on leur raconte le dénouement avant de se lancer dans la lecture. Nous sommes ici sur la frontière tchèque au sud de le Pologne, dans une région de forêts et de collines. Une femme âgée qui a été autrefois ingénieure, vit dans une petite maison en totale harmonie avec la nature. Elle garde les maisons voisines qui ne sont habitées que l’été et donne quelques cours d’anglais dans une école primaire. Elle a deux amis, un traducteur de William Blake et Matoga son voisin dont le fils est policier. Elle passe une grande partie de son temps à écrire à la police pour dénoncer les pratiques des chasseurs. Elle trouve particulièrement cruel que ceux-ci attirent les animaux en leur offrant de la nourriture dans ce qu’elle appelle des « Ambons » qui- loin d’être des meubles religieux- sont des sortes de promontoires remplis de foin ou de fruits, les chasseurs pouvant alors tirer sur les bêtes qui se nourrissent sans se donner le mal de les chercher dans la forêt. Mais voilà que, dans ce village, une succession de morts suspectes troublent tous les habitants, les morts sont des chasseurs et des hommes enrichis par des pratiques douteuses et qui peuvent avoir un rapport avec la mafia russe. Mais elle, notre narratrice sait qu’il s’agit là de vengeances des animaux qui ne supportent plus d’être assassinés par des chasseurs cruels et sans cœur. Elle le sait d’autant plus qu’elle lit dans les astres et les planètes et que tout y est écrit. Elle en informe, à travers une multitude de lettres, la police qui la prend pour une folle. Et nous lecteurs ? et bien aussi curieux que cela puisse paraître, on aimerait tant que cela soit possible qu’on se laisse embarquer dans ses raisonnements. Je ne vous en dis pas plus. Je vous laisse savourer cette lecture qui est un hymne à la nature et aussi, une très bonne description de la société polonaise, cette auteure le fait avec un humour incroyable, on est vraiment bien dans tous les récits qui peuplent ce roman. Elle nous rend aussi un grand service en nommant tous les personnages par des surnoms qui sont tellement plus faciles à retenir que les prénoms polonais . Par exemple son ami Matoga s’appelle en réalité Świetopęlk . Avouez que c’est plus facile de prononcer, et de retenir, Matoga, il en va ainsi de « Grands-pieds », « Bonne-nouvelle » et tous les autres. Un roman fabuleux et magique et « un peu » moins sombres (grâce à l’humour) que les romans polonais que j’ai lus récemment. Et qui a beaucoup plu aussi à Krol.

 

 

Citations

Une astrologue avertie

En général, il est très peu loquace. Selon moi, il doit avoir Mercure en Capricorne, un signe de silence, ou bien en conjonction, en carré ou peut-être en opposition avec Saturne. Cela pourrait être aussi un Mercure rétrograde -ce qui est typique pour un introverti.

Humour

Selon moi, il aurait plus d’une fois mérité une punition, voire même la prison. J’ignore pourquoi il n’a jamais subi la conséquence de ses actes. Peut-être était-il sous la protection des anges, il arrive parfois qu’ils s’engagent du mauvais côté.

Les hommes vieillissants

J’ai ma théorie sur le sujet. L’âge venant, beaucoup d’hommes souffrent d’une sorte de déficit, que j’appelle. »autisme testostéronien », il se manifeste par une atrophie progressive de l’intelligence dite sociale et de la capacité à communiquer, et cela handicape également l’expression de la pensée. Atteint de ce mal, l’homme devient taciturne et semble plonger dans sa rêverie. Il éprouve un attrait particulier pour toutes sortes d’appareils et de mécanismes. Il s’intéresse à la Seconde Guerre mondiale et aux biographies de gens célèbres, politiciens et criminels en tête. Son aptitude à lire un roman disparaît peu à peu, étant entendu que l’autisme dû à la testostérone perturbe la perception psychologique des personnages.

Les actualités vues par quelqu’un qui ne regarde que la chaîne météo

À l’heure du café, on présente généralement le bulletin météorologique pour les skieurs. Il montre l’univers rugueux des monts, piste et vallées, avec leur enveloppe neigeuse ô combien capricieuse -la peau rêche de la terre n’est blanchie par la neige qu’à certains endroits. Au printemps, les skieurs cèdent la place aux allergique et l’image devient plus colorée. Des courbes douces déterminent les zones à risques. La couleur rouge indique les zones où la nature attaque le plus vigoureusement. Durant tout l’hiver, elle a attendu, endormie, pour frapper enfin les défenses immunitaires particulièrement fragile de l’homme. Un jour viendra où elle aura notre peau. À l’approche du weekend apparaissent les prévisions pour le trafic, mais elle se limite en réalité à quelques rares autoroutes. Cette répartition de la population humaine en trois groupes -skieurs, allergiques et conducteurs, je la trouve très convaincante. C’est une typologie simple et claire. Les skieurs, ce sont les hédonistes. Ils se laissent glisser sur les pentes. Les conducteurs préfèrent tenir leur sort bien entre leurs mains, quitte à faire souffrir leur colonne vertébrale, après tout, la vie n’est pas simple. Les allergiques, enfin, sont toujours en guerre. À l’évidence, je suis une allergique.

Le portrait de l’écrivaine (autoportrait ?)

L’écrivaine arrive habituellement au mois de mai, dans sa voiture remplie de livres et de nourriture exotique. Je l’aide à décharger et à défaire ses bagages, car elle souffre de la colonne vertébrale. Elle porte une minerve. À cause d’un accident, paraît-il. Mais peut-être est-ce en raison du temps passé à écrire que sa colonne vertébrale s’est détraquée. Elle me fait penser à quelqu’un qui aurait vécu les derniers jours de Pompéi -on dirait qu’elle est couverte de cendres : son visage est gris, ses lèvres aussi, tout comme ses yeux et ses cheveux, attachés avec un élastique et relevés en chignon. Si je la connaissais moins bien, j’aurais sans doute lu ces livres. Mais puisque je la connais, j’ai trop peur de cette lecture. Peur de me reconnaître, présentée d’une façon que je ne pourrai certainement pas comprendre. Ou d’y retrouver mes endroits préférés qui, pour elle, n’ont pas du tout la même signification que pour moi. D’une certaine façon, des gens comme elle, ceux qui manient la plume, j’entends, peuvent être dangereux. On les suspecte tout de suite de mentir, de ne pas être eux-mêmes, de n’être qu’un œil qui ne cesse d’observer, transformant en phrase tout ce qu’il voit, tant et si bien qu’un écrivain dépouille la réalité de ce qu’elle contient de plus important. : l’indicible.

Parler (avec humour) aux morts

Ma mère se tenait là, vêtue d’une robe d’été à fleurs, un sac en bandoulière. Elle était inquiète, désorienté.
– Nom de Dieu, mais qu’est-ce que tu fais ici, maman ? Me suis-je écriée, surprise.
 Elle a plissé les lèvres comme si elle voulait me répondre, puis elle est restée ainsi à les remuer durant un moment, mais sans produire le moindre son. Finalement, elle a renoncé. Ses yeux inquiets lançaient des regards circulaires sur les murs, sur le plafond. Elle ne savait plus où elle se trouvait. De nouveau, elle a tenté de me dire quelque chose et de nouveau elle y a renoncé.
-Maman… Murmurai-je, en essayant de capter son regard fuyant.
J’étais furieuse contre elle, parce qu’elle était morte depuis un certain temps déjà. Non mais je rêve ! Les mères qui ne sont plus de ce monde ne se comportent pas ainsi.

Les courses en ville en Pologne et les subventions européennes

Nous nous présentions sans rechigner aux interrogatoire, profitant de ce déplacement en ville pour accomplir un tas de choses, acheter des graines, déposer une demande de subvention de l’Union européenne, nous sommes aussi allés au cinéma

Une astrologue particulièrement douée…

Cette fois-ci, j’analysais scrupuleusement le programme télé, que j’avais imprimé avec le maximum de chaînes possibles, et je cherchais à établir un lien entre l’argument des films diffusés un jour donné et la configuration des planètes. Des liens réciproques se dégageaient avec un caractère d’évidence.

Remède contre les cauchemars

Il y a un vieux remèdes contre les cauchemars qui hantent les nuits, c’est de les raconter à haute voix au-dessus de la cuvette des WC, puis de tirer la chasse.

Portrait du dentiste

Selon moi, le dentiste aurait pu devenir l’attraction touristique du coin si seulement son activités avait été légale. Malheureusement, quelques années auparavant, on l’avait privé du droit d’exercer son métier pour abus d’alcool. C’est tout de même curieux que l’on interdise pas l’exercice de ce métier pour mauvaise vue, car cette affection peut s’avérer bien plus dangereuse pour le patient. Quant au dentiste, il portait des verres épais, dont un était collé avec du ruban adhésif.

Toujours cet humour

Je dois avouer que c’était un bel homme, malgré son ventre proéminent qui l’enlaidissait. Il était sûr de lui, séduisant, sa carrure jupitérrienne faisait excellente impression . Eh bien, oui ! cet homme était né pour gouverner. D’ailleurs, il ne savait rien faire d’autre.

Édition Delcourt Traduit de l’anglais(Irlande) par Claire Desserey

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Un vieil homme irlandais va, avant de mourir, porter un toast aux personnes qui ont le plus compté pour lui. Il le fait d’un bar du Rainsford House Hotel et en s’adressant à son fils Kevin qui est journaliste aux États-Unis. Ainsi, il va dérouler sa vie pour le plus grand plaisir des lecteurs et des lectrices des blogs comme Krol , Kathel et Jérôme,par exemple. Ce sera d’abord Tony, ce grand frère qui a soutenu et protégé le mieux qu’il pouvait ce petit frère qui n’aimait pas l’école. Puis Molly, sa première enfant qui n’a pas vécu mais qu’il aime de toutes ses forces et qui l’accompagne dans sa vie de tous les jours. Ah oui, j’ai oublié : Maurice Hannigan parle aux morts qui ont jalonné sa vie et qu’il a aimés. Il y a aussi Noreen, sa belle sœur une personne « différente » qui l’a touchée grâce à cette différence et puis finalement Sadie son épouse à qui il n’a pas assez dire combien il l’aimait.
Le fil de cette histoire, c’est une rivalité entre une famille riche et propriétaire, les Dollard, et la pauvre famille de fermiers, les Hannigan. On suit aussi une histoire de pièce d’or trouvée par Maurice quand il était enfant et qui contribuera à détruire la famille Dollar.
Je n’ai pas envie d’en révéler davantage, mais cette saga familiale permet de vivre soixante dix années de l’Irlande et une ascension sociale. Les début de la famille qui vit à la fois dans l’extrême pauvreté et le mépris de classe m’ont beaucoup touchée. Les difficultés scolaires de Maurice qui ne saura que bien plus tard pourquoi il ne pouvait pas apprendre à lire aussi vite que les autres mais qui est soutenu par l’amour de son grand frère qui ne doute jamais de ses capacités. Cela fait penser au livre de Pennac « Mon frére« . Mais ce que j’ai aimé par dessus tout c’est l’absence de manichéisme, d’habitude dans les romans qui décrivent une ascension sociale aux dépens d’une famille riche ayant écrasé de son pouvoir les pauvres autour d’elle, celui qui est sorti d’affaire est souvent (sinon toujours) montré comme un héros positif , et bien ici, ce n’est pas le cas. Il a beaucoup de défaut ce Maurice Hannigan, il s’est même montré bien inutilement cruel, il ne s’auto-justifie jamais et ne s’apitoie pas sur lui, c’est sans doute pour cela qu’on l’aime bien, ce sacré bonhomme.
Un très bon roman, aux multiples ressorts, comme on en rencontre assez peu et qui nous permet de comprendre un peu mieux l’Irlande et les Irlandais.

 

Citations

La vieillesse

Il est temps que j’aille au petit coin. Un des avantages d’avoir 84 ans, c’est qu’avec toutes ces expéditions aux toilettes, on fait de l’exercice.

Le deuil et la foi

C’est vrai que ma foi a été mise à rude épreuve quand on m’a pris Tony, mais lorsqu’il a décidé du même sort pour Molly, j’ai décrété que c’en était trop. Ta mère était encore croyante. Je l’accompagnais à la porte de l’église pour la messe et je traînais dehors ou je repartais m’asseoir dans la voiture. Je ne pouvais pas pénétrer à l’intérieur. Je voulais pas Lui accorder ce plaisir.
 J’ai fait la paix avec Lui, si on peut dire, après ta naissance. Pour autant je lui ai pas encore accordé un pardon total. J’ai plus la foi que j’avais avant. Je la connais la théorie : ces souffrances sont destinées à nous éprouver, ce qu’Il donne d’une main, Il le reprend de l’autre, etc. Aucun verset de la Bible, aucune parole apaisante du père Forrester ne pouvait réparer l’injustice de la perte de Molly. J’ai franchi le seuil de Sa maison uniquement pour des funérailles, celle de Noreen, et celle de Sadie, mais cela n’avait rien à voir avec Lui, c’est pour elle que je l’ai fait. On a un accord tacite, Lui et moi, Il me laisse mener ma vie à ma guise, et, en échange, je récite de temps en temps une petite prière dans ma tête. C’est un arrangement qui fonctionne.

La bière

Il observait la « stout » reposer dans son verre, il la surveillait comme une génisse dont on craint les ruades.. Pour retarder la première gorgée, il sortait sa pipe de sa poche et la bourrait en tassant bien le tabac avec le pouce. Puis il goûtait sa bière et poussait un long soupir, on aurait dit qu’il se tenait devant une belle flambée après avoir bataillé tous les jours contre le vent d’hiver.
 « Si un jour tu as de l’argent, n’abuse pas de cette drôle. Elle videra tes poches et fera de toi un ivrogne.« 

Le couple et l’argent

Ta mère et moi, on était jamais d’accord à propos de l’argent. On avait tous les deux un point de vue tranché , j’aimais en avoir, elle le méprisait. Alors, pour le bien de notre mariage, on abordait rarement le sujet. J’avais des scrupules à l’empoisonner avec ça. Elle savait pas ce qu’on avait sur notre compte ni la superficie de nos terres. Si elle tombait sur un document détaillé, elle se contentait de me le tendre comme si c’était une chaussette sale que j’avais oublié sur la moquette.

 

Édition JC Lattès traduit de l’anglais(Royaume-Uni) par Dominique Edouard.

En période de confinement, la lecture reste une bon dérivatif. Je ne sais pas trop l’expliquer mais j’ai eu besoin de trouver un roman plus « agréable » pour ne pas dire « facile », pour retrouver ce plaisir qui, chez moi, est une seconde nature. C’est pour cela que je vous propose ce roman que vous pouvez classer dans la rubrique « pour le sourire » et « so british » . J’ai déjà lu de cet auteur « Passé Imparfait » qui était plus réussi sur le plan de l’intrigue romanesque. Comme je n’arrivais absolument plus à lire depuis que tous les soirs, j’entends le nombre de morts augmenter et l’épidémie frapper à nos portes sans pouvoir me réfugier auprès de mes enfants et petits enfants ce qui est, pour moi, le viatique le plus sûr, j’ai pris ce roman sur ma pile, il m’a fait sourire et je l’ai lu jusqu’au bout avec attention. Certes ce n’est pas le roman du siècle et en d’autre temps, j’aurais été plus critique et sans doute je l’aurais lu plus rapidement mais les circonstances étaient telles, que cette vie d’Anglais de la haute société a été un très bon dérivatif. (Comme vous le savez sans doute Julian Felowes est le créateur de « Downton Abbey ») . Il a choisi pour ce roman deux univers qu’il connaît bien, celui de la noblesse anglaise et le monde des acteurs. Le snobisme est partout mais celui qui me ravit est celui des grandes familles anglaises. L’intrigue est simplissime trop sans doute, une jeune femme très belle réussit à épouser un noble anglais fortuné, cela veut dire pour elle un enfermement dans la campagne anglaise avec un mari qu’elle va vite trouver ennuyeux. (une Emma Bovary en puissance ?) Un trop bel acteur vient troubler son mariage et lui apporte la satisfaction sexuelle et une vie qu’elle croit plus trépidante, mais… Je ne divulgâche pas plus surtout que ce n’est vraiment pas le plus intéressant. Julian Fellowes est un excellent analyste de l’âme humaine et un observateur de ces deux mondes qu’il connaît bien. Il y a en lui une grande bienveillance pour les faiblesses humaines ce qui enlève du mordant à son récit mais en fait un roman agréable à lire. Personne n’est à l’abri du snobisme sauf, peut-être, la reine d’Angleterre puisqu’elle remplit toutes les cases ! Les autres, tous les autres ont toujours au dessus de leur catégorie sociale quelqu’un qu’ils aimeraient fréquenter pour « faire bien » et montrer qu’ils sont, grâce à cette fréquentation, une personne importante. Les amis du narrateur, David et Iabelle Easton, obsédés par la maison Broughton (les riches châtelain du coin) m’ont fait penser à ce passage de Proust qui décrit si bien lui aussi le snobisme :

l’absence de relations avec les Guermantes,—pourrait bien avoir été non pas subie, mais voulue par lui, résulter de quelque tradition de famille, principe de morale ou vœu mystique lui interdisant nommément la fréquentation des Guermantes. « Non, reprit-il, expliquant par ses paroles sa propre intonation, non, je ne les connais pas, je n’ai jamais voulu, j’ai toujours tenu à sauvegarder ma pleine indépendance ; au fond je suis une tête jacobine, vous le savez. Beaucoup de gens sont venus à la rescousse, on me disait que j’avais tort de ne pas aller à Guermantes, que je me donnais l’air d’un malotru, d’un vieil ours. Mais voilà une réputation qui n’est pas pour m’effrayer, elle est si vraie ! Au fond, je n’aime plus au monde que quelques églises, deux ou trois livres, à peine davantage de tableaux, et le clair de lune quand la brise de votre jeunesse apporte jusqu’à moi l’odeur des parterres que mes vieilles prunelles ne distinguent plus. » Je ne comprenais pas bien que pour ne pas aller chez des gens qu’on ne connaît pas, il fût nécessaire de tenir à son indépendance, et en quoi cela pouvait vous donner l’air d’un sauvage ou d’un ours. Mais ce que je comprenais c’est que Legrandin n’était pas tout à fait véridique quand il disait n’aimer que les églises, le clair de lune et la jeunesse ; il aimait beaucoup les gens des châteaux et se trouvait pris devant eux d’une si grande peur de leur déplaire qu’il n’osait pas leur laisser voir qu’il avait pour amis des bourgeois, des fils de notaires ou d’agents de change, préférant, si la vérité devait se découvrir, que ce fût en son absence, loin de lui et « par défaut » ; il était snob.

Oui des snobs, il y en a partout et dans tous les pays mais ils sont rarement aussi drôle que les Britanniques qui en plus le font souvent avec humour. et c’est peut être le bon moment de réécouter la chanson de Boris Vian

 

Citations

Le couple

Vu de l’extérieur, il semble essentiel à la survie de nombreux mariages que chaque conjoint devienne le fidèle complice des tricheries de l’autre. 

Portrait d Édith

Édith avait une de ces bouches ciselées, aux lèvres admirablement dessinées, rappelant celle des actrices de cinéma des années 40. Et puis, il y avait sa peau. Pour les Anglais , vanter le teint d’une femme est l’ultime ressource lorsqu’on est en panne de compliments. L’on évoque généralement un joli teint quand on parle des membres les moins flamboyants de la famille royale.

Particularisme anglais (mais je connais bien des français qui adorent cela aussi)

Les Anglais, quelle que soit la classe à laquelle ils appartiennent, adorent l’exclusivité. Mettez trois anglais dans une pièce et il inventeront une règle pour empêcher un quatrième de se joindre à eux. Ce qui rendait Édith différentes, c’est que la plupart des gens, en tout cas les membres de la noblesse, feignent de n’attacher aucune importance à leurs privilèges. Reconnaître le plaisir que l’on éprouve d’être invité alors que le public doit payer son billet, de franchir une barrière, ou pénétrer dans une pièce dont les autres sont exclus, ne vous attirera que des regards d’incompréhension des aristocrates (vrais ou faux. Les douairières chevronnées se contenteront sans doute d’un haussement de sourcil désapprobateur pour indiquer que l’idée même dénote d’un manque de savoir-vivre navrant. Si stupéfiante que soit la malhonnêteté de tout cela, la discipline avec laquelle ces gens-là respectent leurs inébranlables règles force le respect.

Très bonne analyse

Dans l’ensemble, les gens privilégié ne sont pas du genre à geindre. On ne parle pas de ces ennuis, ça ne se fait pas. Une promenade d’un pas vif ou un bon cordial sont leur façon de réagir lorsqu’ils ont des peines de cœur ou d’argent. La presse populaire décrit souvent leurs froideur or ce n’est pas le manque de sentiments qui les rend différents, plutôt leur habitude de ne pas les exprimer. Élevés dans cette discipline de pudeur, ils n’apprécient évidemment pas les débordements d’émotion chez les autres, et sont sincèrement désorientés par le chagrin des classes laborieuses, ces mère en sanglots que l’on traîne et soutient jusqu’à l’église pour l’enterrement de leur enfant, ces veuves de soldat photographiées en larmes, lisant sa dernière lettre. Le mot même de « conseiller » les révulse. Sans doute ne comprennent-ils pas que toute tragédie nationale ou personnelle -guerre meurtrière, attentat, accident de la route, offre aux gens plus simples l’occasion de connaître une célébrité éphémère. Pour une fois dans leur vie, ils peuvent apaiser le désir obsédant, et tellement humain, de vedettariat , de reconnaissance publique de leur condition. Un besoin que les privilégiés ne s’expliquent pas parce qu’ils ne le ressentent pas. Eux sont nés sur le devant de la scène.

Discussion politique

L’issue de la discussion n’avait aucune importance pour aucun d’entre nous, il n’empêche que l’appuie que m’apportait Tommy agaçait Henri. Comme tous les représentants les moins intelligents de sa classe, il s’imaginait que sur chaque sujet, du choix d’un porto à l’euthanasie, il existe une façon correcte de penser et qu’il suffit de la formuler pour emporter la position. Vu qu’il ne s’adresse généralement qu’à des gens de leur bord, la partie est souvent facile à gagner.

La lady la plus aboutie

Lady Uckfield parlait de lui comme on parle d’un vieil ami mais comme elle cachait toujours ses sentiments, y compris à elle-même, j’étais incapable d’évaluer leur degré d’intimité.

Le personnage principal tombe amoureux

Elle s’appelait Adela Fitzgerald, son père était un baronnet Irlandais, un des plus anciens, précisa-t-elle parfois d’un ton tranchant. Elle était grande, jolie, sérieuse et je perçus aussitôt que j’avais toutes les chances d’être heureux auprès d’elle pour le restant de mes jours. Aussi fus-je très occupé dans les mois qui suivirent à la convaincre de cette évidence qui, je dois l’admettre, lui paraissait moins criante qu’à moi.

Comparaison : femme d’aristocrate et femme de star

La femme d’un comte est une authentique comtesse. Les gens ne voient pas simplement en elle le moyen d’accéder à son mari. De plus, si la famille qu’elle a épousée à conserver ses biens, ce qui était le cas des Broughton, elle peut régner en souveraine sur le micro-royaume de son mari. En revanche, la femme d’une star n’est… que sa femme. Rien de plus. Les gens ne la courtisent que pour s’insinuer dans les bonnes grâces de la vedette. Il n’y a aucun domaine sur lequel régner. Le royaume de son mari, ce sont les studios et la scène où elle n’a pas sa place. Lorsqu’elle y fait de rares apparitions, elle dérange même plutôt, inactive parmi des gens en train de travailler.