Édition folio poche . Traduit du tchèque par Barbora Faure.

Coucou Athalie, tu m’avais bien tentée avec ce roman, et je te remercie de me l’avoir fait lire. C’est une petite merveille ce livre de souvenirs d’un enfant tchèque de père juif et de mère chrétienne qui connaît une enfance aimée et riche en évènements avant la guerre, traverse les horreurs de la guerre et se reconstruit sous le communisme.
Raconté comme cela, vous pensez qu’il s’agit « encore » d’un roman sur la tragédie de la Shoa , mais pensez au titre ! Ce livre raconte la passion de cet enfant pour les rivières et les poissons et nous fait connaître son père Léo un personnage auquel rien ne résiste. Enfin presque . Dès la dédicace du livre le ton est donné et mon sourire était sur mes lèvres :

À ma maman

qui avait mon papa pour mari.

C’est vrai qu’il est un peu encombrant ce Léo , toujours prêt à gagner des millions et devenir très très riche. Seulement voilà, la vie est faite d’imprévus surtout quand on aime les jolies femmes, offrir des tournées à tous ses amis dans les bars, et surtout aller pêcher la carpe dans des endroits merveilleux plutôt que de vendre des aspirateurs. Pourtant cela avait bien commencé avec le titre de « Meilleur Vendeur du Monde » d’aspirateur Electrolux. La vie auprès de lui, pouvait être compliquée, elle n’était jamais ennuyeuse, il a fallu le nazisme pour ralentir sa fougue. Après la guerre, il s’enthousiasme pour le communisme jusqu’à ces terribles procès qui lui assène une si triste réalité :

Pour la première et la dernière fois de sa vie, il s’est blotti entre me bras comme le font les enfants. J’étais déjà un homme. Je le tenais dans mes bras et je regardais par-dessus sa tête ce « Rudé Oarvo » où il avait coché au crayon rouge

  • Rudolf Slansky, d’origine juive
  • Bedrich Germinder, d’origine juive
  • Ludvick Frejka, d’origine juive
  • Bedrich Reicin, d’origine juive
  • Rudolf Margolieus, d’origine juive

La série de Juifs continuait et elle était toute maculée de larmes. Lorsqu’il se fut calmé, il me regarda d’un air absent, comme s’il ne me reconnaissait pas et dit :

-Ils se remettent à tuer les Juifs. Ils ont de nouveau besoin d’un bouc émissaire.

Puis il se leva, il donna un coup dans ce ‘Rué Pravo » et il se mit à crier :

-Je pardonne les meurtres. Même judiciaires. Même politiques. Mais dans ce « Rudé Pravo » communiste, on ne devrait jamais voir « d’origine juive » ! Des communistes, et ils classent les gens en Juifs et non-juifs !

Ota Pavel a connu lui, aussi les affres de la dépression, mais grâce à tous ses souvenirs de pêches dans des endroits merveilleux, il a réussi à se reconstruire et il nous a laissé un livre qui nous fait sourire et aimer la vie. Son humour et sa pudeur en font un grand écrivain.
Bravo à cet auteur .

Citations

Que disent nos féministes ?

Vous ne peignez pas de femmes ? 
– Vous savez, mon petit bonhomme, je ne les apprécie pas tellement, vos bonnes femmes. Elles m’énervent terriblement. Quand elles posent pour se faire peindre, elles sont affreusement bavardes et quand elles se taisent, alors elles sont tout à fait fadasses.

Le talent de son père

Pour la firme Electrolux l’arrivée de papa fut une grande aubaine. Il s’avéra rapidement qu’il était un prodige en ce qui concerne la vente d’aspirateurs et de réfrigérateurs. Difficile de dire à quoi cela tenait, mais il était génial dans ce domaine et si le talent est déjà mal aisé à reconnaître chez les génies artistique, il est d’autant plus quand il s’agit de vendre des aspirateurs à poussière (…). Il était parvenu à faire acquérir des aspirateurs à des paysans de Nesuchyne où il n’y avait pas encore de courant électrique moi. Bien entendu, il leur avait promis qu’il allait les aider à faire venir l’électricité, mais il ne tint pas sa promesse. 

La pudeur du récit

Un autre homme heureux était le professeur Nechleba. Il s’était remis à peindre sa Lucrèce. Un jour, quelques années plus tard, papa vint le voir et lui dit à quel point il la trouvait belle, et le professeur, tout joyeux la lui donna. Pendant la guerre, un SS saoul, blond aux yeux bleus, l’arracha de notre mur et la fendit d’un coup de poignard, la tuant somme toute pour la deuxième fois. Ce jour-là papa en eut les larmes aux yeux car il avait depuis longtemps oubliée Mme Irma et il était secrètement amoureux de Lucrèce.

La guerre

À cette époque la chair grasse et goûteuse des carpes nous était indispensable, pour nous, comme pour le troc. Pour les échanger contre de la farine, du pain et les cigarettes pour maman. J’étais resté seul avec maman, les autres étaient en camp de concentration. Je ne connaissais pas encore très bien les carpes. Je devais apprendre à voire si elles étaient de bonne ou de mauvaise humeur, si elles avaient faim ou au contraire repues et si elles avaient envie de jouer. Je devais connaître leur lieu de passage et les endroits où il était vain de les attendre. Je te les prête une canne solide et court, une ligne, un bouchon et un hameçon. 

L’antisémitisme après la guerre

Ce monsieur commença à lui faire la cour et au milieu de la danse, il lui dit :
– Vous êtes tellement belle, en la mangeant des yeux. 
Maman sourit, quelle femme n’aurait pas été flatté ?
 Et alors ce beau monsieur ajouta :.
– Mais je voudrais savoir, qu’est-ce que vous avez de commun avec ce juif ? 
-Trois enfants, répondit maman qui termina la danse et revint s’asseoir auprès de papa.

 

Édition Albin Michel

 

 

Le destin de femmes, en particulier les quatre femmes de la famille Malivieri, Agnès la mère, Sabine l’aînée, Hélène la seconde et Mariette la cadette est décrit avec précision par Véronique Olmi, ce récit est inscrit dans le temps : de 1970 à 1981.

C’est un gros roman de cinq cents pages, l’auteure souhaite donner la même importance à chacune de ces femmes. C’est donc l’émergence de la condition féminine qui va être le principal moteur de cette histoire.

Nous sommes au début, dans la famille Maliviéri, un couple uni dans la foi catholique et qui est presque dans la misère, car le père, Bruno doit payer pour la faillite financière de l’affaire de son père. À cause de ce manque d’argent, la famille doit accepter un chèque mensuel de la famille Tavel, le beau-frère d’Agnès, sa sœur a fait un très beau mariage avec un très riche industriel. La seule contre partie à ce chèque mensuel, c’est de laisser Hélène venir passer toutes ses vacances dans la famille Tavel. C’est humiliant et compliqué à vivre pour la petite fille, car elle aime les deux familles et ne se sent chez elle nulle part. Ses deux pères sont des figures bienveillantes qui vont l’aider à se construire une personnalité toujours un peu ambivalente.

Commençons donc par la mère Agnès, dernière née d’une famille nombreuse, elle n’a pas été soutenue dans son désir d’études et s’est précipitée dans son mariage avec le gentil Bruno, pensant trouver là le moyen de se réaliser. Le début de leur union sera marqué par la perte d’un enfant à la naissance, mais la foi chrétienne et la vie de famille avec trois filles suffiront au bonheur d’Agnès. Et puis les filles partiront vivre leur vie et le silence qui s’installe dans leur petit appartement devient pesant. Elle décide alors de devenir factrice et c’est encore un moment de bonheur dans le monde du travail qui s’installe pour elle . Hélas ! une dernière grossesse désirée par le couple se soldera par un drame (je ne peux pas sans trop en dire sans divulgâcher la fin).

Ensuite vient Sabine, l’aînée des filles qui a une volonté de fer et une énergie peu commune. Elle n’a qu’une envie vivre à Paris et quitter l’atmosphère étriquée de la province. Elle se lancera dans une carrière d’actrice et nous permet de découvrir la galère des débuts dans le monde du spectacle et toutes les luttes qui ont marqué cette époque. Elle a des amours compliqués et un engagement politique à gauche qui lui permettra de fêter avec un grand bonheur la victoire de Mitterrand sur Giscard .

Vient ensuite Hélène, la seule qui soit à l’abri des soucis financiers grâce à l’affection de son oncle David Tavel. Elle épousera la cause animale et se lance dans la lutte pour la survie de toutes les espèces. Ses amours ne sont pas très simples et cela nous permet de découvrir le monde de Neuilly vu du côté des jeunes très favorisés.
Il reste donc Mariette qui a vécu longtemps seule avec ses parents et qui en veut à ses sœurs de ne pas se soucier plus des difficultés de Bruno et Agnes , elle se découvrira une passion pour la musique et un amour pour Joël qui l’aide à comprendre ses parents.
J’ai oublié une autre femme : Laurence une femme aisée et libre qui vit dans une belle bastide et qui sera un point d’appuie important pour Agnès et Mariette.

Bien sûr il y a des hommes mais ils ne sont là que pour accompagner le cheminement de ces femmes. Même Bruno, le gentil Bruno, qui jamais ne s’impose auprès de sa femme ni de ses filles.

C’est un roman qui se lit très facilement et où on retrouve des aspects de la société que l’on a connus. Je trouve très bien raconté, l’arrivée de la sexualité dans la vie des jeunes filles. La peur et l’attirance à la fois. Comme je viens d’un milieu laïc, je suis étrangère à l’engagement religieux des parents, mais laïcs ou catholiques se retrouvent dans la condamnation d’une sexualité féminine libérée. J’ai été un peu lassée par la répétition des modèles féminins. Si elles sont différentes, ces quatre femmes, elles donnent toutes l’impression de sortir d’un cocon et d’ouvrir peu à peu leurs ailes pour affronter le monde. Je n’ai pas réussi à croire complètement aux personnages, et je regrette qu’aucun homme ne prenne une vraie consistante. J’imagine cependant assez bien l’adaptation de ce roman en une mini série télévisée .

 

 

Citations

Bien observé

Autour du cou une étiquette à son nom Hélène Malivieri , mais elle n’avait plus, comme lorsqu’elle était plus jeune, à tenir la main d’hotesse de l’air qui ressemblaient toutes à Françoise Dorléac et s’avançaient au-devant de son père avec un air affranchi et une sensualité piquante.

Le manque d’argent

Le manque d’argent rendait les liens fragiles, comme si tout pouvait disparaître d’un jour à l’autre, et les parents à force de se priver et de faire attention ressemblaient à deux enfants au bord de la route sans jamais arriver à traverser.

Le mariage

Les liens du mariage sont sacrés, avait-il expliqué à ses filles, ils ne peuvent jamais être rompus, le mariage est indissoluble, comme le métal dans l’eau, c’est in-dis-so-lu-ble, ça ne cesse jamais d’exister même après un divorce puisqu’un mariage ne peut pas être annulé, donc le divorce c’est tout simplement impossible. Cela les avait soulagées d’apprendre que jamais leurs parents ne divorceraient, que ce malheur-là ne pourrait pas avoir lieu, mais il y avait avant cet indissolubilité une énergie puissante qui donnait au mariage la force d’une condamnation.

Les castings

Un directeur de casting lui dit qu’il avait quelque chose pour elle, elle pouvait faire un stage et devenir cascadeuse, on manquait de cascadeuse. Un autre lui demanda de rire. Elle rit. De pleurer. Elle pleura. Il frappa dans ses mains, Ris ! Pleure ! Rit ! Pleure !Et quand elle eut fini, il lui dit qu’elle était très ordinaire.

Portrait d’un mari et (père) effacé

Il ne comprenait pas qu’Agnès soit partie en cachette, comme si elle avait été captive, mais peut-être avait-elle besoin de cela aussi, ce sentiment d’évasion, il ne savait pas, il savait peu de chose, à la vérité, il avait la sensation d’être un peu à la traîne et de ne rien voir venir, il demeurait cet homme décalé et qu’on aimait pourtant, il ne savait pas vraiment pourquoi. La mort de la petite fille, Agnès refusait d’en parler et cette mort l’obsédait comme une faute inexcusable, la douleur était physique. Il n’osait dire que l’enfant lui manquait et qu’il lavait aimée, lui aussi, même s’il ne l’avait pas portée. La grossesse, cet état qu’il ne vivrait jamais, était sa défaillance, il était spectateur d’un mystère puissant et menaçant. Il avait l’impression d’avoir toujours vécu avec Agnès et il pensait rarement à sa vie d’avant, son enfance au fil du temps était devenu une zone un peu floue, appartenant à un petit garçon aux cheveux rasés et au sourire rêveur, ainsi que les photos le représentait au milieu de garçons en short et de filles aux nattes brunes, ses frères et soeurs. C’était loin, des années sans tendresse dont il aurait préféré se passer. Agnès n’était pas la deuxième partie de sa vie, elle était toute sa vie, une vie prise à présent entre deux enfants perdus, l’effroyable chagrin sans souvenir.

Création de la ligue de protection des oiseaux

C’était juste avant la Grande Guerre. En 1912. Des safaris était organisée sur les côtes bretonnes par les chemins de fer de l’Ouest, et chaque dimanche des chasseurs débarquaient pour tirer sur les macareux moines venus nicher en France. Le soir ils repartaient et laissaient derrière des oiseaux plombés, des poussins affamés et des oeufs explosés. Un homme, le lieutenant Hémery, a décidé de stopper ce massacre. Il a créé la Ligue pour la Protection des Oiseaux, et la chasse dans les sept îles au large de Perros-Guirec est devenu illégale.

Le symbole de Luocine : le fou de bassan

Depuis 1930, l »île parce qu’elle est protégée attire les fous de Bassan. Ces milliers de points blancs, ce sont eux, en colonie, sur l’île de Rouzic, que l’on surnomme l’île aux oiseaux. Ils l’ont choisie pour sa sécurité mais aussi pour les bonnes conditions de vent du vent, de déplacement et de nourriture tout autour.

 

Édition 10/18 domaine étranger . Traduit de l’anglais par Delphine et Jean-Louis Chevalier

 

Le 23 janvier 2020 je disais à Aifelle que ce livre me tentait beaucoup. Elle me mettait en garde contre l’aspect très noir du roman, elle avait bien raison mais je ne regrette absolument pas cette lecture même si parfois je l’ai trouvée éprouvante.

Ce n’est pas un roman qui se lit facilement parce qu’il décrit une tension que rien ne semble pouvoir apaiser. Mais il permet de découvrir le sort qui était réservé aux émigrés européens qui, après la guerre, ont voulu rejoindre l’Australie pour fuir les horreurs qu’ils venaient de vivre. Comme à toutes les époques d’après conflits, les populations recherchent un ailleurs plus souriant, mais les pays se referment sur eux mêmes et n’accueillent que difficilement de nouveaux arrivants même dans un pays comme l’Australie qui pourtant, est, en principe, une terre d’immigration.

Le roman se construit sur deux époques, l’enfance de Sonja dans les années 1950, et en 1990 son retour alors qu’elle est enceinte vers son père Bojan Buloh, un ouvrier dur à la tâche et qui noie son mal de vivre dans l’alcool. Avant ces dates, il y a aussi le passé dans les montagnes Slovènes où Bojan et sa femme Maria ont connu l’horreur absolue de la guerre contre les nazis menée par des partisans. Ces horreurs ont modelé des êtres qui renferment alors en eux des bulles de fragilités dont ils n’ont eux-mêmes pas idée et qui peuvent éclater à tout moment. Les chasser loin, au delà de leurs souvenirs, ne leur permettra pas de se débarrasser de leur présence dans leur personnalité.

Marie, disparaît dès le premier chapitre. Disparaît c’est vraiment le mot employé et elle laisse derrière elle, une petite fille de 5 ans qui ne comprend pas et un mari complètement effondré qui ne trouvera que dans l’alcool des oublis qui ne durent que le temps de l’ivresse. La vie des émigrés étaient dures, en effet, avant de devenir australien, ils devaient accepter de travailler pendant deux ans là où on avait besoin d’eux. Pour Bojan, ce sera à construire des barrages hydrauliques en Tasmanie. Si la description du climat est réaliste, cela ne donne guère envie d’y faire du tourisme, il y fait froid, le paysage est noyé sous la brume ou la pluie battante. L’enfant est d’abord retiré à son père et fréquentera deux familles d’accueil absolument horribles, puis elle viendra vivre avec lui. Bojan aime son enfant mais est dépassé par son drame personnel, et lorsqu’il a bu frappe sa fille sans raison. Malgré cela Sonja a bien du mal à le quitter, et c’est vers lui qu’elle revient adulte et enceinte.

Ce roman est donc très sombre et parfois trop pour moi, et il est soutenu par une évocation d’une nature sans pitié qui colore le roman d’une tension supplémentaire. Pendant tout le roman on espère comprendre le pourquoi de tant de malheurs, on sent que la vérité va être insupportable et elle l’est effectivement. Je ne m’attendais pas à cette explication que je me garde bien de vous dévoiler. La fin du roman est un petit moment d’espoir autour d’un bébé qui représente un avenir possible. En tout cas, c’est que j’espère, on croise les doigts pour ce bonheur fragile.

 

Citations

 

Réaction de Soja face à la colère de son père complètement ivre

Il n’était pas grand, Sonja Buloh n’était pas grande non plus et ne possédait pas sa faculté de prendre des proportions gigantesques. Elle, c’était précisément l’inverse. Pour échapper à ce courroux, elle avait appris l’art de la petitesse, l’art de rendre son être si menu qu’il devenait invisible sauf à un examen attentif.

La langue et l’immigration

Il s’arrêta, rassembla ses pensées dans sa tête et essaya de les réarranger en un semblant d’anglais correct. « J’aurais dû écrire à toi, euh, des lettres, mais euh, mon anglais, il va au travail, il va au pub, mais il va pas si bien sur le papier. »
« Il y a des choses qui comptent plus que les mots » dit-elle puis elle s’arrêta. Sa remarque avait toutefois frappé son père . Il devint presque volubile, mais sans colère, pour la réfuter. 
« Peut-être tu dis ça parce que tu as plein de mots, dit-il tu as trouvé une langue. Moi j’ai perdu la mienne. J’ai jamais eu assez de mots pour dire aux gens c’que je pense, c’que je ressens. Jamais assez de mots pour un bon boulot. »

Illusions australiennes .

Pour Sonja la ville de Tullah n’était pas nichée dans la haute vallée entourée de tous côtés par les montagnes sauvages, mais avait plutôt un air de catastrophe industrielle disposée en petit tas réguliers qu’on avait laissés s’enfoncer dans le sol marécageux. Tout être, toute chose était provisoire. Sauf la forêt tropicale et le bois bouton qui repousserait une fois terminé cette brève interruption. Ce n’était pas un lieu où les gens naissaient ou souhaitaient mourir, mais un lieu qu’ils aspiraient simplement à quitter. 
La promesse faite aux travailleurs émigrés, l’offre d’une vie meilleure en Australie dans l’Europe dévastée par la guerre, l’insaisissable arc-en-ciel de la prospérité et e de temps plus paisibles, tout cela s’était amenuisé, éloigné, ce n’était plus une chose réelle mais un kaléidoscope, un rêve à moitié fixé dans la mémoire qu’il valait mieux essayer d’oublier.

Les désespérés

À la fin la seule chose qui comptait, c’était qu’il semblait ne pas y avoir d’issue, vraiment rien d’autre que la mort ou l’alcool. Au bout d’un certain temps tout le reste s’évanouissait, et certains étaient assez contents qu’il en soit ainsi et d’autres non, mais dans un cas comme dans l’autre la plupart finissait par décider que mieux valait ne pas songer sans cesse au joug du destin qui pesait si durement sur eux. Au bout d’un certain temps ils perdaient à peu près tout, famille, argent, espoir. Ils conservaient toutefois une certaine camaraderie de chiens perdus qui valait ce qu’elle valait, généralement pas grand-chose, certaines fois énormément.

Le discours que le père n’a pas pu dire à sa fille

Elle partie, il trouva finalement les mots pour exprimer ce qu’il voulait lui dire depuis longtemps. « Toi et moi, dit-il d’une voix basse au débit hésitant, on a vécu, on a vécu pire que des chiens. Je regrette. Je pense pas qu’tu reviendras. Crois-moi, j’ai jamais voulu tout ça, la boisson, les coups, ces gourbis d’émigrés, des fois des choses t’arrivent dans la vie et malgré tout, malgré c’que t’espères, tu peux pas les changer. »
Sa confession terminée, son éloquence l’abandonna aussi rapidement qu’elle était venue. 
Avant d’aller prendre dans le frigo sa première bouteille de la journée, oublieux de l’heure matinale, il dit seulement une chose à la brise qui s’engouffrait du monde extérieur.
 » On est venus en Australie, dis Bojan Buloh, pour être libres ».

 

 

 

 

Édition La table ronde . Traduit de l’Anglais par Christiane Armandet et Anne Bruneau

 

C’est sans doute pendant le mois anglais que j’ai vu le nom de cette auteure, je sais que Keisha et Katel l’apprécient. Si vous ne connaissez pas ce roman, je vous remets le sujet en tête : trois femmes britanniques très différentes sont volontaires pendant la deuxième guerre mondiale pour travailler dans une ferme. En effet, la mobilisation de jeunes hommes anglais privent l’agriculture de bras précieux. Elles sont très différentes et pourtant toutes les trois auront une aventure sexuelle avec le fils du fermier : Joe, réformé pour asthme. Prue, la jeune coiffeuse se lance immédiatement dans la séduction de Joe pourtant fiancé officiellement à Janet qui travaille dans une ville éloignée . Ag ne va utiliser les services de Joe que pour se débarrasser de sa virginité qui l’encombre, avant de pouvoir se lancer dans l’aventure amoureuse avec son collègue professeur à Cambridge Eliel. Stella est passionnément amoureuse d’un bel officier de la marine britannique Philip qu’elle n’a rencontré que trois fois. Lorsque son rêve rencontrera la réalité elle sera déçue et vers qui ses regards se tourneront ? et oui Joe, et ils finiront par s’aimer.

J’avoue ne pas avoir été enthousiaste par ce roman qui se centre trop les amours des uns et des autres, mais il est sauvé par la toile de fond : la guerre 39/45 sur le sol anglais.

 

Citations

Genre de remarques qui me fait aimer les romans anglais

Des années auparavant, sans s’extraire de sa somnolence, elle lui aurait réclamer un baiser. Il se serait exécuté et en aurait été remercié d’un sourire en sommeiller. À proprement parler, et tu dis tu n’avais pas souri depuis des années. Pas de bonheur. La seule chose qui faisait briller ses yeux, c’était le triomphe. Triompher de ses voisins, ses clients. Triompher de n’importe qui, et de Ratty lui-même. Il se demandait ce qui avait si vite transformer une jeune fille insouciante en une vieille femme revêche. Rien que Ratty pût clairement identifié, il faisait ce qu’il pouvait pour la satisfaire. Mais il avait appris que le mariage était une drôle d’affaire. À l’époque -jeune homme tout fou- il ne savait pas dans quoi il se lancer. Et il n’avait jamais envisagé d’abandonner sa stérile embarcation. Il avait fait des promesses au Seigneur et il ne Les romprait pas.

Deux conceptions de l’amour

Je suis si désespérément romantique que la seule idée de l’amour me suffit presque, bien que je sache, au fond de mon cœur, que l’essentiel n’est que chimère et que je serai déçue. Je le suis presque toujours. Et cette fois avec Philippe, je crois que c’est différent. 
-Je croiserai les doigts, dit Prue. Moi je ne marche pas dans tout ces romans fleur bleue. Surtout pas quand il y a une guerre, pas de temps à perdre,. Se déshabiller aussi vite que possible, voilà ma devise, avant que ces pauvres diables ne soient tués. Un peu de plaisir rapide, puis au suivant. À la fin de la guerre, quand nous serons tous un peu plus vieux et plus sage, il sera temps de chercher un mari. C’est là qu’un millionnaire sans méfiance sera le bienvenu. En attendant, je prends mon plaisir là où je le trouve.

 

Ce livre reçu en cadeau, m’a vraiment intéressée. Je n’en fais pas un coup de cœur pour des raisons qui lui sont reprochées par son éditeur à l’intérieur (en effet c’est un roman qui raconte entre autre la création d’un roman qui s’appelle « l’Anomalie »), son éditeur lui reproche le trop grand nombre de personnages, et je suis d’accord on se perd un peu et il faut vraiment s’accrocher pour suivre tous ces destins . Il est temps que je vous raconte un peu l’histoire sans pour autant divulgâcher le suspens . (Tâche au combien délicate, surtout pour moi qui adore commencer les romans par la fin … ) Tous les personnages ont un point commun : ils ont pris un vol Paris- à New-York et ont été victimes de turbulences absolument catastrophiques et tous ont cru en leur mort prochaine. Mais ils ont finalement bien atterri. Surtout ne cherchez pas, comme je l’ai fait, un lien entre tous ses gens, il n’y en pas. On commence donc par connaître la vie d’un tueur, puis celle du de l’écrivain Victor Miesel qui écrit le roman « l’anomalie » et ainsi de suite avec sept autres personnages. Et puis … le même avion revient sur terre quelques mois plus tard … avec les mêmes personnes à bord. C’est là que le roman devient passionnant même si c’est un sujet très traité, il l’est ici de façon originale : comment l’humanité réagirait à un phénomène qui dépasse notre raison. Les débats entre les scientifiques, les philosophes, les religieux sont très bien menés et le lecteur se demande alors ce qu’il aurait pensé et comment il aurait agi s’il avait eu un quelconque pouvoir. L’auteur pour rendre le questionnement plus vivant imagine que c’est un phénomène qui s’est déjà produit en Chine. Evidemment les Chinois ne se sont pas embarrassés de considérations humanitaires, ils ont fait disparaître le deuxième avion et tous ceux qui étaient dans cet avion. Aux États-Unis, on a plus de scrupules et commence alors une autre partie du roman : la confrontation de ces revenants avec eux-mêmes . Je ne peux pas vous raconter la suite sinon vous ne viendrez plus sur Luocine .

J’ai toujours un peu de mal avec le genre science-fiction mais j’apprécie aussi que l’on me confronte à des interrogations qui me font sortir de mes pensées ordinaires. Hervé Le Tellier croque assez bien les défauts de notre époque. Mais il reste que ce roman avec tous ces personnages m’a un peu perdue en route.

J’ai lu et bien aimé de cet auteur Toutes les familles heureuses, un peu moins Assez parlé d’amour

 

Citations

Une rupture

Peu à peu, face à l’exaltation d’André, à ces bras qui veulent l’enserrer , à ces baisers qui lui infligent à tout instant devant ces amis à qui il veut absolument la présenter, comme le butin d’une bataille qu’il aurait gagné, elle recule. Pourquoi les chats qui attrapent les souris refusent-il de les laisser vivre ? Elle n’était pas disposée à un tel envahissement, elle aurait voulu moins d’impératif, un engagement plus lent et plus serein. L’avidité de ses mains d’homme l’effraie, leur convoitise oppressante interdit à son propre désir de naître.

Patriotisme

À Guantanamo, on avait bien balancé des tranches de jambon dans les cages. Des ordures seront toujours trouvé refuge dans le patriotisme.

Le racisme aux USA

Elle discerne dans le rictus de Prior cet indicible du Sud qu’il porte sur lui, ces signes et ces nuances symboliques qui imprègnent toutes les relations raciale, elle reconnaît cette posture spontanée qui autorise une riche dame blanche aux cheveux bien mis à offrir à son chauffeur noir le plus radieux des sourires, un sourire d’affection écrasant où se déchiffre son impérieuse certitude de l’infériorité naturelle de ce petit- fils d’esclave, ce sourire empoisonné qui n’a pas bougé d’un pouce depuis « Autant en emporte le vent » et que toute son enfance Joanna a vu se dessiner sur le visage poudré des clientes blanches de sa mère couturière.

L’âge entre amants

La différence d’âge rendait tout invraisemblables. Jeanne, sa fille, aura bientôt l’âge de Lucie. Voici peu, il a demandé à une femme, pour rire. Voulez-vous être ma veuve ? La veuve putative n’avait pas ri. Et pourquoi ses compagnes sont-elles désormais si jeunes ? Ses amis vieillissent avec lui, mais pas les femmes qu’il aime. Il fuit, il a peur. Il peut dîner avec la mort à venir, mais ne parvient pas à coucher avec.

 

Édition Pocket

Le bandeau me promettait une lecture inoubliable et un roman qui a connu un énorme succès. Même « la souris jaune » en avait dit beaucoup de bien, je dis même car il est très rare que je trouve chez elle des livres à grand succès. Je l’avais remarqué chez « Sur mes brizées« . J’ai été beaucoup plus réservée qu’elles deux. Je trouve que la première partie sur la montée du nazisme en Autriche est bien raconté mais je crois que j’ai tellement lu sur ce sujet que je deviens difficile. Il y a un aspect qui a retenu mon attention, c’est à quel point les Autrichiens ont été parfois pires que les Allemands dans le traitement des juifs. Ils n’ont pourtant été que peu jugés après la guerre pour ces faits. On comprend bien la difficulté de s’exiler, même quand l’étau antisémite se resserre, la famille que nous allons suivre a beaucoup de mal à laisser derrière elle leurs parents âgés et ils espèrent toujours au fond d’eux que cette folie va s’arrêter. Quand ils se décideront à partir au tout dernier moment, les frontières se sont refermées et les pays n’accueilleront plus les juifs. Ils passent donc un moment en Suisse dans un camp assez sinistre. Ils iront finalement dans le seul pays qui a accepté de recevoir des juifs : La République Dominicaine. C’est toute l’originalité du destin de ces juifs qui ont été accueillis dans ce pays si loin de leurs traditions autrichiennes. Dans ce gros roman l’auteure décrit avec force détails l’installation de ces intellectuels dans un kibboutz où chacun doit cultiver, élever les animaux, construire une ferme dans le seul pays qui a accepté officiellement d’accueillir jusqu’à la fin de la guerre des juifs chassés de partout. Nous voyons ces Autrichiens ou Allemands tous intellectuels de bons niveaux s’essayer aux tâches agricoles et de faire vivre un kibboutz et ensuite la difficulté de se reconstruire avec des origines marquées par la Shoa . Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas entièrement adhéré à ce roman. Je n’avais qu’une envie le de finir sans jamais m’intéresser vraiment à ces personnages.

 

Citations

 

Beau rapport père fils

Je ne pus retenir un soupir de soulagement : finalement il n’y avait eu ni affrontement ni querelle. Je lus dans les encouragements de mon père une grande ouverture d’esprit et une tolérance que je ne soupçonnais pas. Ses yeux perçants souriaient et je sentis une puissante vague d’amour déferler et m’envelopper tout entier. Je savais quel renoncement et quels regrets c’était pour lui. J’étais fier de mon père. Il m’aimait. Je ne le décevrais pas.

Vienne

Je ne me sentais pas juif, mais simplement et profondément autrichien. J’étais né dans cette ville, comme mon père et ma mère avant moi. C’était mon univers, dans lequel je me sentais en confiance et en sécurité, et qui devait durer éternellement. L’Autriche était ma patrie, et être juif n’avait pas plus d’importance qu’être né brun ou blond. Bien sûr nous étions juifs, mais notre origine ne se manifestait guère plus qu’une fois par an le jour du grand Pardon, quand mon père s’abstenait de fumer ou de se déplacer, plus pour ne pas blesser les autres dans leurs sentiments que par convention conviction religieuse.

Vienne et ses juifs

Malgré les signaux d’alerte qui ne cessaient de se multiplier, nous nous raisonnions : nous étions si nombreux, quelques 180000 rien qu’à Vienne, et tant de juifs occupaient des positions clés dans l’économie et la culture. Nous étions héros de guerre, artistes, scientifiques, universitaires, médecins, notre pays ne pouvait se passer de nous.

 

 

 

Un petit trésor que cette BD, à lire avec la musique jouée par cet incroyable interprète . La vie de ce musicien hors du commun a déjà inspiré de nombreux ouvrages, le talent de Sandrine Revel nous plonge dans l’univers mental de Glenn Gould à celui qui disait :

Je tenais pour acquis que tout le monde partageait ma passion pour les ciels nuageux. J’ai eu tout un choc en apprenant que certaines personnes préféraient le soleil.

elle a répondu par ces dessins absolument magiques de nuages

Elle raconte très bien à la fois son obsession pour la pureté du son et le respect de la musique. C’est une vie triste mais aussi merveilleuse car habitée par la musique la seule chose qui pour lui avait de la valeur et était sa seule lumière. On retrouve tout ce que l’on sait de cet homme et quand on referme cette BD on pense que c’est si triste qu’il soit disparu trop tôt . Il ne s’est jamais épargné et il a tout le temps mis sa vie en danger par des peurs réelles ou imaginaires.

La BD vaut autant pour ce qu’on découvre de la vie de cet artiste si original que par le talent de la dessinatrice.

Une BD à regarder et un artiste à écouter encore et encore

Édition Folio

 

J’ai certainement suivi l’avis d’un blog pour acheter ce roman, qui n’est vraiment pas pour moi. C’est un très joli texte, écrit de façon poétique. Mais je ne suis absolument pas rentrée dans cette histoire ni dans l’écriture. Ce livre raconte à la fois une histoire d’amour très puissante pour un homme des bois dans une région qui ressemble à la Sibérie. Mais c’est aussi l’histoire des violences dues à la guerre et à l’intolérance des hommes pour des gens différents. C’est aussi l’évocation d’une contrée si rude que l’on peut mourir de ne pas se protéger du froid ou de la force des éléments. Je crois qu’en « livre lu » par une belle voix ce livre aurait pu me toucher mais je ne devais pas, ce jour là, être d’humeur à me laisser portée par les esprits , les guérisseurs, les animaux sauvages qui peuvent avoir des relations avec les hommes. Non, ce jour là, je n’étais pas réceptive à ce roman qui a pourtant de belles qualités.

 

Citations

Pour vous donner une idée du style de l’auteure :

Chez les Illiakov, on se contentait de ce qu’en avait toujours dit la grand-mère, « Ajoute une herbe sèche dans le désert et ce n’est plus le désert ». La mère avait repris ses gestes et ses paroles. Elle les avait à son tour transmis à Olga. La décoction avait un goût de terre. L’haleine d’humus rappelait que sous l’écorce de glace, la glèbe sommeillait, prête à réapparaître. Matin après matin, ce goût nous accompagnait un peu plus loin dans la fonte des neiges. Combien de fois l’hiver l’emportait-il sur le courage ? Combien de fois nous ôtait-il la force de nous lever ? Les ancêtres avaient trouvé des ruses. Déjoué la tentation de l’abandon. « Ajoute une herbe sèche dans le désert et ce n’est plus le désert. »

Les esprits

Immobile auprès d’Igor, je souris dans le vague. Je sais que ma bouche est traversée par une trace grise. On ne revient jamais indemne du Grand-Passage. Il faut bien payer un tribut aux esprits. Je n’en connais pas la nature. Je sens seulement, après chaque rituel, que mon corps pèse si lourd qu’il pourrait s’enfoncer dans la terre. Mes mains pendent au bout de mes bras, plus lourdes que des outres pleines. On dirait que du plomb a coulé dans ma tête. Je souris car j’ai accompli mon devoir mais il me semble aussi que dans ma chaire devenue viande on m’a ôté un peu de vie. Alors Igor pose sa main sur ma tête, ainsi que Baba le faisait, et la régularité de son pouls, l’enserre de ses doigts m’allège de cette pesanteur. Je sors de ma torpeur comme on recouvre progressivement la vue après avoir regardé trop longtemps le soleil en face.

 

J’aime beaucoup cette auteure, au point d’acheter deux fois son livre et de le lire deux fois aussi. Au fur et à mesure que je le lisais, je retrouvais les personnages et l’histoire que j’avais déjà lue, et comme je fais partie de la minorité, si injustement décriée, des lectrices qui adorent qu’on leur raconte la fin des intrigues, c’était le bonheur total. C’est vraiment une lecture distrayante et que vous aimerez si vous avez gardé le plaisir que vous l’on raconte des histoires. Le procédé narratif n’est pas banal , car pour expliquer pourquoi cette mère Tatiana a dû empêcher sa fille Nine d’aller à la fête du lycée, elle doit d’abord l’emmener dans une cabane perdue près d’un lac, où malheureusement aucune connexion n’est possible , mais surtout raconter son enfance et révéler peu à peu les secrets de sa famille. Ceux-ci sont si lourds et si complexes qu’il ne faut surtout pas les révéler trop brutalement, et il faudra bien tout le temps d’un roman, pour que Nine sente combien sa mère l’a aimée plus que tout et qu’avant sa mère, Rose-Aimée sa grand mère avait fait preuve d’un courage incroyable pour que ses trois enfants puissent vivre à l’abri d’un père on ne peut plus destructeur. L’auteure termine son roman quand les différents personnages vont se retrouver et j’avoue que j’aurais bien aimé savoir comment leurs retrouvailles allaient se passer . Mais son histoire est terminée quand tant d’autres la commenceraient.

C’est un roman qui est classé « ado », et oui, je pense que cela peut plaire à des jeunes lecteurs car l’intrigue est bien ficelée, mais surtout l’adolescence est parfaitement décrite. Dans ses excès, ses fragilités et son incroyable sens de l’humour. Et c’est ce qui rend ce roman lisible pour les adultes qui aiment cet âge. Quand elle était jeune Tatiana qui s’appelait alors Consolata a supporté les errances de sa mère qui changeait assez souvent de compagnon. L’auteure décrit très bien les difficultés de l’enfant lorsque sa mère change de partenaire, elle aimait l’ancien et détestait le nouveau qui pourtant a bien des qualité qu’elle découvrira petit à petit. Elle se crée des pères biologiques au gré de ses passions, un célèbre footballeur ou un chanteur de rock Elle ne sait rien des difficultés réelles de sa mère mais une chose certaine elle n’a pas manqué d’amour dans sa vie. À son tour elle aimera de toutes ses forces sa fille, Nine, même si elle ne lui offre pas le dernier IPhone le même que celui de toutes ses amies . D’ailleurs le rapport à l’argent de Tatania-Consolata semble bien compliqué, et on découvrira pourquoi. Rassurez-vous je respecte les anti-divulgâcheuse et je n’en dirai pas plus !

Je crois que j’ai préféré « et je danse aussi » du même auteur mais il est bien dans la même veine que « le temps des miracles » et pour le côté combat des femmes : « Pépites »

 

Citations

Tellement bien vu !

C’est une vieille voiture de marque allemande, le genre de tank démodé qui polluent l’atmosphère depuis la fin du 20e siècle et qui fait honte à la fille assise à l’arrière.
 La fille, c’est Nine, 16 ans la semaine prochaine, cinq cents kilomètres de silence au compteur.

Une autre époque

D’une certaine façon, le monde était plus lent et plus vide qu’aujourd’hui. Chaque chose que nous faisions prenait du temps, réclamait des efforts, mais personne ne s’en plaignait puisque c’était normal. Les photos, par exemple. Il fallait apporter la pellicule chez un photographe pour qu’elle soit développées dans un labo. Parfois, il s’écoulait plusieurs mois entre la prise de vue et le tirage, si bien qu’en découvrant le résultat, on ne se souvenait même plus qui était sur le cliché ! Rien n’était instantané, à part le chocolat en granulés et le café en poudre ! Si tu étais fan de musique, pour écouter ton morceau préféré, tu devais attendre qu’il passe à la radio. Ou bien, tu devais aller acheter le disque vinyle dans un magasin spécialisé. Et si par malheur tu n’avais pas de magasins de disques près de chez toi, tu devais le commander sur le catalogue, ce qui supposait d’attendre encore plus longtemps…

Édition NRF Gallimard. Traduit de l’anglais par Élodie Leplat

J’avais lu des réserves sur ce roman, réserves que je partage, pourtant son premier roman : » Le Chagrin des Vivants » m’avait beaucoup plu, j’étais moins enthousiaste pour « La salle de Bal’ et encore moins pour celui-ci. On suit le destin de trois amies : Hannah qui cherche à avoir un bébé à tout prix, Clare qui se remet difficilement de la naissance de son fils et Mélissa (Lissa) qui veut réussir sa vie d’actrice. Ces trois femmes sont les filles de la génération qui pense avoir libéré la femme des carcans qui avaient tellement pesé sur elles. Libérées ? je ne sais pas si elles le sont mais en tout cas heureuses elles ne le sont pas tellement. Lissa, malgré un succès dans une pièce de Tchekhov, finira par renoncer à sa carrière . Hannah détruira son couple à force de FIV et de traitement hormonaux, et Clare ne sait plus si elle est homosexuelle ou amoureuse encore d’un mari qui fait tout pour l’aider à élever leur fils. L’auteure promène son lectorat dans l’enfance et la jeunesse de ces trois femmes et je lui reconnais un soucis d’honnête très poussé au détriment des effets romanesques trop faciles. Je pense qu’elle cerne bien les personnalités des jeunes femmes à l’heure actuelle , mais c’est loin d’être passionnant. Tout tourne autour de la transmission mère/fille et du désir d’enfant. ( je me suis demandé si l’auteure n’étais pas confrontée à un bébé un peu fatigant quand elle a écrit ce roman). Les difficultés de notre société, et la vie des couples d’aujourd’hui sont très bien rendues, et beaucoup d’entre nous reconnaîtrons leur mère, leur fille, leurs amies. Il n’empêche que cette lecture m’a quelque peu ennuyée et je sais que j’oublierai assez vite ces personnalités sans grand intérêt. Je crois que c’est particulièrement compliqué de rendre compte de la vie « ordinaire » ! ( pas si ordinaire que cela puisque deux d’entre elles sont diplômées d’Oxford !)

 

Citations

 

L’université

C’est là, d’après Lissa, l’enseignement principal de l’Université, comment raconter des conneries avec conviction. Plus la fac est réputée, meilleures sont les conneries.

Droite et gauche en Grande Bretagne

Comparés à ses propres parents, la mère et le père de Cate paraissent jeunes. 
Chez Cate on vote à gauche. Chez Hannah on vote à droite.
 Chez Cate il y a Zola et Updike. Chez Hannah il y a les Reader Digest et l’Encyclopaedia Britannica. 
Le père de Cate fait un métier en rapport avec l’ingénierie. Le père d’Hannah est gardien à l’hôpital Christie.
 Chez Cate il y a de l’huile d’olive. Chez Hannah il y a de la vinaigrette toute prête.