20161107_111041Traduit de l’anglais par Élodie LEPLAT. Lu grâce au club de lecture de la média­thèque de Dinard.

Notre Club s’est donné une tradition pour clore ses lectures. Au mois de juin, nous élisons « notre coup de cœur des coups de cœur », pour cela, la vingtaine des participants – remarquez le masculin, cette année deux hommes nous ont rejointes !) doivent lire les dix livres en lice pour pouvoir participer au vote autour d’agapes faites maison. « Le chagrin des vivants » avait connu un tel succès que je n’avais pas pu le lire l’an dernier , et depuis il est toujours sorti de la médiathèque. Comme je comprends son succès ! je pense que ce roman va être un concurrent sérieux pour notre prix en juin 2017.

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Le roman se déroule essentiellement à Londres, sur cinq jours, du 7 novembre 1920 au 11 novembre où toute cette grande ville et tout le pays lui-même se souviendra de ceux qui sont morts pendant la guerre 14-18 sur le sol de France. Nous suivons également la dépouille du « combattant inconnu » qui sera inhumé à Westminster. Le début du roman est un peu compliqué, car c’est un roman choral, nous suivons le destin d’Hettie une jeune fille d’origine très modeste, de 19 ans qui veut danser et vivre à tout prix alors que son frère mort vivant n’arrive pas à retrouver le goût de la vie après son retour du front. Puis à Evelyn d’origine aristocrate qui a travaillé dans une usine d’armement pendant la guerre pour oublier la mort de son fiancé, et se sent devenir une vieille fille acariâtre et enfin à Ada dont le fils est mort à Albert avant d’envoyer cette carte postale de l’église tristement célèbre à sa mère.

066_001À partir de ces quatre femmes dont les destins se croisent, l’après guerre à Londres se dessine devant nos yeux de lecteur encore surpris de tant d’horreurs. Est-ce qu’il faut attendre 100 ans pour que tout soit dit sur une guerre ? J’ai beaucoup lu sur celle-ci, mais évidemment du côté français, il me semble qu’en France on a mieux traité les anciens combattants qu’en Grande Bretagne. Les hommes mutilés sont réduits à la mendicité. J’aimerais en savoir plus sur ce sujet mais déjà, dans la célèbre série Downton Abbey, on voit que les anciens soldats ont besoin de la charité publique pour se nourrir. La force du roman vient de ce que peu à peu comme beaucoup de Londoniens nous sommes attirés par la cérémonie du 11 novembre 1920 où beaucoup de Britanniques, dont nos quatre personnages, trouveront dans cette cérémonie en l’honneur du « combattant inconnu » un peu de consolation pour des maux si multiples et si profonds que rien ne semblait pouvoir les apaiser. L’auteure a très bien rendu compte de la variété des destins brassés dans un même creuset, celui de la guerre qui a tué, mutilé, ravagé une génération d’hommes jeunes et donc par voies de conséquences de leurs proches.

Citations

Les souffrances d’une mère

L’automne vint, les journées commençaient à raccourcir, la conscription à s’imposer. Alors elle commença à prier, ce qu’elle n’avait pas fait depuis des années. Elle priait égoïstement, désespérément, pour elle, pour Michael, pour que la guerre s’arrête à sa porte. Elle ignorait à qui elle adressait ces prières, elle ignorait qui était le plus puissant : un Dieu distant, qui écoutait ou pas ; la guerre affamée elle-même, qui grondait sur leur seuil.

Ceux qui sont revenus

Pourquoi ne peut-il pas passer à autre chose ?

Pas seulement lui. Tous autant qu’ils sont. Tous les anciens soldats qui font la manche dans la rue, une planche accrochée autour du cou. Tous vous rappellent un événement que vous voudriez oublier. Ça a suffisamment duré. Elle a grandi sous cette ombre pareille à une grande chose tapie qui lessive la vie de toute couleur et toute joie.
La guerre est terminée, pourquoi ne peuvent-ils donc pas tous passer à autre chose, bon sang ?

Payer pour une inscription sur les tombes des soldats morts en France

Ils m’ont demandé quelle inscription mettre sur la tombe. C’était six pence la lettre, rien que ça. On aurait pu croire qu’ils payeraient pour ça non ?

Qui a gagné la guerre

L’Angleterre n’a pas gagné cette guerre. Et l’Allemagne ne l’aurait pas gagnée non plus

– Qu’est ce que tu veux dire ?
– C’est la guerre qui gagne. Et elle continue à gagner, encore et toujours.

31 Thoughts on “Le chagrin des vivants – Anna HOPE

  1. Merci pour ce très beau partage… Et bravo aux deux hommes :-)

    • et ils résistent … je verrai jeudi prochain s’ils sont toujours là! un très beau roman que j’avais très envie de lire et que j’ai découvert grâce à notre club.

  2. Tu as vraiment de la chance avec ton club de lecture!
    (le livre serait disponible un jour, je dois attendre, déjà, il existe)

  3. Oui c’est vrai et j’ai de la chance aussi de suivre des blogs qui m’inspirent, j’ai beaucoup aimé la discussion chez Yspaddaden http://yspaddaden.com/2016/11/27/de-la-diversite-des-blogs-litteraires/

  4. Ma bibliothèque ne l’a pas, il va falloir encore réclamer … je ne suis pas sûre que la France ait été meilleure avec ses soldats. As-tu lu le roman d’Angélique Villeneuve « Les fleurs d’hiver », qui parle du difficile retour des blessés ?

  5. Non mais je suis intéressée . Il me semble qu’il a existé assez tôt une indemnité « ancien combattant et victime de guerre » mais je ne suis pas certaine.

  6. Je viens de le lire récemment… et je me tâte pour savoir si je fais un billet ou pas ! Je suis un peu moins enthousiaste que toi, peut-être ai-je eu une impression de déjà-lu…

  7. ce que j’ai trouvé très novateur , c’est cette lente montée vers la cérémonie du 11 novembre 1920 à Londres et qui visiblement a été un moment qui a permis de « soigner » un tout petit peu les rescapés. En somme une catharsis dont tout le monde éprouvait le besoin. Et je trouve que le cas d’Albert m’a beaucoup touchée. S’il te plaît Kathel fait un billet, j’aimerais bien le lire.

  8. Sitôt ton blog refermé, je vais voir si ma médiathèque le possède !!! De quand est-il ce roman ?

    • je ne sais pas trop mais sans doute 2015 en français. J’aime bien qu’il s’agisse de la peine des femmes . Et j’ai découvert le point de vue de l’Angleterre à l’arrière.

  9. Quel enthousiasme ! C’est noté. J’ai surtout lu des romans de 14-18 en France mais pas en GB, je note celui-là

    • J’ai beaucoup aimé le point de vue: juste l’après guerre et les souffrances de ceux et celles qui ont vu leurs proches détruits ou gravement blessés.

  10. je ris en te lisant car je viens moi aussi de mettre la main dessus, il va falloir qu’il soit aussi bon que tu le dis pour me convertir à la lecture en ce moment mais le déclic aura peut être lieu

  11. Moi j’aime ce genre de romans , je trouve que cette ecrivaine a bien traité son sujet. Elle m’a émue, intéressée, et beaucoup appris à travers des détails du quotidien. J’espère que tu aimeras la voyante, c’est ce genre de moments dans un roman où je suis totalement bien.

  12. Et bien, quel coup de cœur ! Forcément ça incite à s’y plonger au plus vite.

    • oui j’ai aimé le récit de ces femmes et aussi l’écriture de cette auteure : travail sérieux mis au service de la compréhension d’une époque .

  13. Ce livre croise mon chemin régulièrement mais ta chronique me donne vraiment envie de l’acheter et de le lire la prochaine fois. C’est aussi une bonne idée de cadeau de Noël.

  14. Framboise l’a lu et en a parlé sur le blog avec le même enthousiasme que toi ! Voilà que tu en rajoutes une couche !

  15. J’ai aussi beaucoup aimé et j’ai eu la chance de rencontrer l’auteur qui a éclairé ma lecture et maitrise parfaitement son sujet.
    MYMY des cousines de lectures

    http://cousineslectures.canalblog.com/archives/2016/01/29/33280451.html

  16. merci pour ton passage et pour le lien , l’auteure parlait en français ?
    J’aurais bien aimé être là!

  17. Un livre que j’avais beaucoup aimé

    • Un très bon roman dur un sujet qu’on a pas l’habitude de voir traiter de cette façon : le point de vue de ceux qui n’étaient pas au front en Grande Bretagne

  18. Un premier roman dont l’auteure a reçu un peu d’inspiration de de Mrs Dolloway. Construction subtile (roman choral), roman qui obtient votre cote maximum, À lire donc.

  19. Bonjour Luocine, ton billet me confirme qu’il faut que je lise ce roman à propos duquel je n’ai entendu et lu que du bien. Bonne journée.

    • Ton commentaire s’est glissé parmi les indésirables voilà pourquoi je ne t’ai pas répondu. Lis le et j’aurai plaisir à lire ton commentaire.

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