20160612_111710Traduit de l’italien par Bernard Comment.

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J’ai ce livre depuis un certain temps, il est de tous mes déplacements avec toujours cette envie de le lire que je dois à un blog dont j’ai oublié de noter le nom. Pour une fois la quatrième de couverture dit assez bien ce que raconte ce roman : « une prise de conscience d’un homme confronté à la dictature ». Le Docteur Pereira, journaliste, vit à Lisbonne en 1938, il est chargé de la page culturelle du « Lisboa », hebdomadaire qui préfère, et de loin, raconter l’arrivée des yachts de luxe et des réunion mondaines, qu’informer ses lecteurs sur les assassinats en pleine rue de pauvres gens comme ce vendeur de pastèques. Docteur Pereira est un peu trop gras, un peu diabétique et surtout très malheureux depuis la mort de sa femme. Il se confie au portrait de celle qui a, sans doute, été le seul vrai rayon de soleil dans une vie plutôt triste. Cet homme sans espoir, et sans illusion voudrait pouvoir manger ses omelettes au fromage et boire ses citronnades tranquillement.

Mais voilà, autour de lui rien n’est exactement à sa place. Lisbonne n’est plus la même ville : le boucher juif voit sa devanture brisée sans qu’il puisse se plaindre à une police très certainement complice, sa concierge l’espionne pour le compte de la milice, et une nouvelle d’Anatole France qu’il traduit pour la page culturelle de son journal lui voudra de très vives remontrances de son directeur. La lente montée chez cet homme du malaise qui peu à peu s’empare de lui alors qu’il met toutes ses force à fuir la réalité est très bien racontée. Un presque rien, la rencontre avec un jeune couple de résistants à l’oppression, va être le petit grain de sable qui va enrayer sa belle construction intérieure, ses protections vont peu à peu se fissurer et un jour il ne pourra plus fuir. Je ne peux évidemment pas vous dévoiler cette fin mais c’est superbe.

Ce roman que j’ai commencé plusieurs fois est finalement un texte qui me restera en mémoire, je crois à ce personnage et il m’a émue à cause ou plutôt grâce à ses faiblesses si humaines. Le style est un peu agaçant puisque le livre est présenté comme un témoignage, toutes les phrases où Pereira prend la parole commence par ces mots repris dans le titre « Pereira prétend… ». C’est voulu bien sûr, et cela donne encore plus l’idée d’un personnage peu sûr de lui, il a fallu pourtant que je me force pour accepter cet effet.

PS grâce aux commentaires je sais que je dois ce livre à Éva 

Citations

La résurrection (portrait du personnage principal)

Et Pereira était catholique, ou du moins se sentait-il catholique à ce moment-là, un bon catholique, quoiqu’il eût une chose à laquelle il ne pouvait pas croire : à la résurrection de la chair. À l’âme oui, certainement, car il était sûr d’avoir une âme ; mais la chair, toute cette viande qui entourait son âme, ah non, ça n’allait pas ressusciter, et pourquoi aurait-il fallu que cela ressuscite ? se demandait Pereira . Toute cette graisse qui l’accompagnait quotidiennement, et la sueur, et l’essoufflement à monter l’escalier , pourquoi tout cela devrait-il ressusciter ?

L’envie de fuir

Il fallait se renseigner dans les cafés pour être informé, écouter les bavardages , c’était l’unique moyen d’être au courant … mais Perreira n’avait pas envie de demander quoi que ce soit à personne, il voulait simplement s’en aller aux thermes, jouir de quelques jours de tranquillité, parler à son ami le professeur Silva et ne pas penser au mal dans le monde.

17 Thoughts on “Pereira prétend (un témoignage) – Antonio TABUCCHI

  1. Je ne pense pas avoir lu sur cette période de l’histoire portugaise, je retiens le titre.

    • C’est vrai que la dictature de António de Oliveira Salazar est beaucoup moins racontée en littérature que celle de Franco et Mussolini, c’est l’intérêt de ce roman , c’était une ambiance oppressante et glauque mais moins violente qu’en Italie et en Espagne.

  2. J’ai lu ce livre il y a bien longtemps et ne m’en souviens pas si ce n’est que j’avais aimé… A relire peut-être avec mes yeux d’aujourd’hui…

    • comme je l’ai dit dans mon billet , je l’ai lu plusieurs fois avant d’accrocher vraiment. Mais ce roman a le mérite de décrire parfaitement la lente montée de la prise de conscience d’un homme qui préférerait ne pas savoir, un homme un peu lâche mais si humain!

  3. Un sujet qui semble universel… je le note pour une envie de retour vers des romans que j’ai ratés il y a quelques années ou décennies !

  4. je m’étais une fois cassé les dent sur Tabucchi donc je suis ravie de pouvoir le lire avec l’assurance d’y prendre plaisir
    j’aime le thème et je suis de mon côté en train de lire autour de la même problématique mais avec un roman allemand

    • Je trouve que la dictature portugaise est moins souvent traitée que les autres. Ce qui m’a touchée dans cette histoire, c’est une certaine lâcheté du personnage , s’il pouvait continuer à vivre tranquillement il le ferait , mais voilà la dictature ne le laisse pas tranquille. En ces moments de violence, je me réfugie auprès des miens et de mes chers livres mais ne suis-je pas lâche moi aussi.

  5. Il va être adapté en BD à la rentrée, je lirai bien le roman et la BD à la suite ;)

  6. Bonsoir Luocine, je note ce roman d’un écrivain dont la disparition il y a 5 ans est passée relativement inaperçue. Bonne soirée.

  7. Je l’ai lu cette année et comme toi, je l’ai conseillé pour son côté humain et cette fragilité touchante du personnage principale. Il n’y a pas énormément d’action dans l’histoire, mais son combat intérieur est passionnant.

  8. ah oui, tu l’as lu ! Et tu m’as donné envie de le lire! Le roman après la BD, je ne crois pas que ça m’était déjà arrivé:)

    • j’ai beaucoup aimé les fragilités si humaines du personnage principal et le roman se termine par une fin qui vaut la peine , mais je;suppose que tu le sais déjà

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