Traduit du Néerlandais par Philippe Noble

 

Cette partie de petits chevaux ne sera jamais terminée puisque ce soir de janvier en 1945, à Haarlem en Hollande, la famille Steenwick entendra six coups de feu dans leur rue. La famille voit alors avec horreur que leurs voisins déplacent un cadavre au seuil de leur porte. C’est celui de Ploeg un milicien de la pire espèce qui vient d’être abattu par la résistance. Peter Steenwick un jeune adolescent sort de chez lui sans réfléchir et tout s’enchaîne très vite. Les Allemands réagissent avec la violence coutumière des Nazis, exacerbée par l’imminence de la défaite, ils embarquent tout le monde et incendient la maison. Anton âgé de 12 ans survivra à ce drame affreux . Après une nuit au poste de police dans une cellule qu’il partage avec une femme dont il ne voit pas le visage mais qui lui apportera un peu de douceur, il sera confié à son oncle et sa tante à Amsterdam et comprendra très vite que toute sa famille a été fusillée. C’est la première partie du roman, que Patrice et Goran m’ont donné envie de découvrir. Un grand merci car je ne suis pas prête d’oublier ce livre.

Anton devient médecin anesthésiste et en quatre épisodes très différents, il fera bien malgré lui la lumière sur ce qui s’est passé ce jour là. Il avait en lui ce trou béant de la disparition de sa famille mais il ne voulait pas s’y confronter. Il a été aimé par son oncle et sa tante mais ceux-ci n’ont pas réussi à entrouvrir sa carapace de défense, il faudra différents événements et des rencontres dues au hasard pour que, peu à peu , Anton trouve la force de se confronter à son passé. Cela permet au lecteur de vivre différents moments de la vie politique en Hollande. La lutte anti-communiste et une manifestation lui permettra de retrouver le fils de Ploeg qui est devenu un militant anti-communiste acharné. Puis, nous voyons la montée de la sociale démocratie et la libération du pire des nazis hollandais et enfin il découvrira pourquoi son voisin a déplacé le cadavre du milicien. Il y a un petit côté enquête policière mais ce n’est pas le plus important, on est confronté avec Anton aux méandres de la mémoire et de la culpabilité des uns et des autres. Aux transformations des faits face à l’usure du temps. Et à une compréhension très fine de la Hollande on ne peut pas dire que ce soit un peuple très joyeux ni très optimiste. Les personnalités semblent aussi réservées que dignes, et on découvre que la collaboration fut aussi terrible qu’en France. La fin du roman réserve une surprise que je vous laisse découvrir.

PS je viens de me rendre compte en remplissant mon Abécédaire des auteurs que j’avais lu un autre roman de cet auteur que je n’avais pas apprécié  :  » La découverte du ciel »

Citations

Discussion avec un père érudit en 1945 à Haarlem au pays bas.

Sais-tu ce qu’était un symbolon ?
– Non,dit Peter d’un ton qui montrait qu’il n’était pas non plus désireux de le savoir.
-Eh bien, qu’est ce que c’est, papa ? Demanda Anton.
– C’était une pierre que l’on brisait en deux. Suppose que je sois reçu chez quelqu’un dans une autre ville et que je demande à mon hôte de bien vouloir t’accueillir à ton tour : comment saura-t-il si tu es vraiment mon fils ? Alors nous faisons un symbolon, il en garde la moitié et, rentré chez moi, je te donne maître. Quand tu te présentera chez lui, les deux moitiés s’emboîteront.

Les monuments commémoratifs

Peut-être s’était-on vivement affronté, au sein de la commission provinciale des monuments commémoratifs, sur le point de savoir si leurs noms avaient bien leur place ici. Peut-être certains fonctionnaires avaient-il observé qu’ils ne faisaient pas partie des otages à proprement parler et n’avaient d’ailleurs pas été fusillés, mais « achevés comme des bêtes » ; à quoi les représentants de la Commission nationale avaient répliqué en demandant si cela ne méritait pas tout autant un monument ; enfin les fonctionnaires provinciaux avaient réussi à obtenir à titre de concession au moins le nom de Peter fût écarté. Ce dernier -avec beaucoup de bonne volonté du moins -comptait parmi les héros de la résistance armée, qui avaient droit à d’autres monuments. Otages, résistants, Juifs, gitans, homosexuels, pas question de mélanger tous ces gens-là, sinon c’était la pétaudière !

Culpabilité

Tu peux dire que ta famille vivrait encore si nous n’avions pas liquidé Ploeg : c’est vrai. C’est la pure vérité, mais ce n’est rien de plus. On peut dire aussi que ta famille vivrait encore si ton père avait loué autrefois une autre maison dans une autre rue, c’est encore vrai. Dans ce cas je serai peut-être ici avec quelqu’un d’autre. A moins que l’attentat n’ai eu lieu dans cette autre rue, car alors Ploeg aussi aurait pu habiter ailleurs. C’est un genre de vérité qui ne nous avance à rien. La seule vérité qui nous avance à quelque chose, c’est de dire, chacun a été abattu par qui l’a abattu, et par personne d’autre. Ploeg par nous, ta famille par les Chleuhs. Tu as le droit d’estimer que nous n’aurions pas dû le faire, mais alors tu dois penser aussi qu’il aurait mieux valu que l’humanité n’existe pas, étant donné son histoire. Dans ce cas tout l’amour, tout le bonheur et toute la beauté du monde ne serait même pas compensé la mort d’un seul enfant.

En Hollande en 1966

Voilà ce qui reste de la Résistance, un homme mal soigné, malheureux, à moitié ivre , qui se terre dans un sous-sol dont il ne sort peut-être plus que pour enterrer ses amis, alors qu’on remet en liberté des criminels de guerre et que l’histoire suit son cours sans plus s’occuper de lui …

Réflexion sur le temps

Il n’y a rien dans l’avenir, il est vide, la seconde qui vient peut-être celle de ma mort -si bien que l’homme qui regarde l’avenir a le visage tourné vers le néant, alors que c’est justement derrière lui qu’il y a quelque chose à voir : le passé conservé par la mémoire.
Ainsi les Grecs disent-ils, quand il parle de l’avenir :  » Quelle vie avons-nous encore derrière nous ? »

22 Thoughts on “L’attentat – Harry MULISCH

  1. keisha on 29 avril 2019 at 09:05 said:

    Un auteur que je veux découvrir depuis longtemps (un autre titre, mais celui ci a l’air TB aussi)

  2. Il a échappé à mon radar ce roman, pourtant, il a tout pour me plaire.

    • c’est l’effet toile d’araignée de la blogosphère , on croit qu’on lit tous le sm^mes blogs et puis non mais un bon roman se propage assez vite. Et tu vois Dominique aime beaucoup cet auteur et là je suis sûre que tu lis son blog. Je ne sais pas si elle a lu celui-ci.

  3. Il est sur ma PAL à la suite des billets de Patrice et Goran, aussi. Quel enthousiasme de ta part ! Et la mention de la surprise à la fin de ton billet me le ferait presque sortir de suite de mes étagères…

  4. Très heureux de voir que notre lecture commune avec Goran t’ait donné envie de découvrir ce titre et de voir bien sûr les 5 coquillages ! Merci pour la jolie chronique et les extraits chroniqués.

  5. Goran est souvent de bon conseil… Et quand on lit ton enthousiasme, on se réjouit pour toi d’avoir fait une telle découverte !

    • Je trouve des conseils très précieux sur la blogosphère et quand je me souviens qui m’a suggéré l’ouvrage je mets un lien, mais hélas parfois je ne le note pas et j’oublie où j’ai trouvé l’idée de la lecture.

  6. Voilà qui donne très envie, j’ajoute à ma liste de lecture.

  7. c’est la 1ère fois que j’entends parler de ce livre mais ça m’intéresse bien !!

  8. ah que je suis contente de voir le nom d’Harry Mulish sur les blogs, on ne le lit pas assez j’ai en tête ses livres lus il y a au moins …..même plus que ça :-)
    j’ai particulièrement aimé La découverte du ciel un énorme pavé que l’on englouti, et puis le plus particulier qui m’avait impressionné : Siegfried une idylle noire

  9. Je l’avais vu et noté lors de mon passage sur le site de Goran…

  10. Cinq coquillages et un thème qui m’intéresse, je le note

  11. Vegevi on 10 juin 2019 at 11:52 said:

    Merci Luocine de m’avoir fait découvrir cet auteur et ce livre que je ne connaissais pas.
    J’ai vraiment beaucoup aimé, plus la surprise de la fin…

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