Éditions 10/18 . traduit de l’anglais par Marcelle Sibon

lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Un roman qui prend toute sa place dans le thème « Espionnage à l’anglaise » du club de lecture et qui m’a fait découvrir un aspect de Graham Greene que je ne connaissais pas. Délicieusement « british » c’est à dire avec un humour sans pareil, l’auteur se moque des services secrets britanniques. Mais un peu comme dans l' »Opération Sweet Tooth », il fait comprendre combien il est aisé pour un homme ayant un peu d’imagination de créer des espions, plus vrais que nature, mais totalement fictifs qui peuvent tromper les services secrets. On pense au roman le plus connu de Graham Green « le troisième homme », et celui-ci apparait comme une parodie des romans sérieux sur l’espionnage et le contre espionnage, quel humour tourné vers lui-même en tant qu’auteur et l’Angleterre qui est bien ridiculisée ici ! Notre pauvre Mr Wormold vendeur d’aspirateur à La Havane n’aurait jamais dû accepter d’être être recruté comme agent secret. Seulement voilà, il a une fille, Milly qui a des goûts de luxe, notre pauvre Wormod va devoir inventer de faux espions et de faux documents que les services de Londres vont avaliser sans broncher et pour lesquels ils vont lui verser de l’argent.

C’est drôle et cela donne bien l’ambiance à La Havane avant la révolution.

L’écriture est gentiment désuète mais très agréable, un bon moment de lecture pour un soir d’hiver avec une tasse de thé ou un verre de Whisky .

 

Extraits

Début.

 

-Ce noir qui descend la rue, dit le docteur Hasselbacher debouts dans le « Wonder Bar », il me fait pense à vous Mr Wormod.

Réponse d’un Anglais au « Buenos dias » !

 – Je ne parle pas leur baragouin, répondit l’inconnu.
 Le mot trivial faisait tache sur son costume comme une bavure de jaune d’œuf après le déjeuner.
– Vous êtes anglais …
– Oui

Recrutement d’un espion (humour) .

 Il se demandait comment l’on recrute un agent. n’arrivait pas à se rappeler exactement comment Hawthorne l’avait recruté, lui, sauf que toute l’histoire avait commencé dans les water-closets, mais cela ne devait pas être une condition essentielle. 

Petite leçon sur les torturables .

-Qui fait partie de la classe torturable ?
– Les pauvres de mon propre pays … et de toute l’Amérique latine. Les pauvres d’Europe centrale et d’Orient. Bien entendu, dans vos « États providence » vous n’avez pas de pauvres… aussi êtes-vous intorturbables. À Cuba la police peut traiter avec autant de brutalité qu’elles le désirent les émigrés venus d’Amérique latine ou des pays baltes, mais pas les visiteurs de votre pays ou de Scandinavie. C’est une question d’instinct, de part et d’autre. Les catholiques sont plus torturables que les protestants, de même qu’ils sont de plus grands criminels. 


Édition Les Presses de la Cité

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Toujours ce club qui me pousse à lire des romans que je laisserais sagement sur les étagères sans mon grand plaisir à confronter mon avis avec celui de mes amies. Evidemment là les dès sont un peu pipés, bien sûr que mon avis est mitigé mais bien sûr aussi que des amatrices du genre (ou amateurs ?) peuvent être plus enthousiastes que moi. Il s’agit en effet d’un roman policier et ce n’est vraiment pas mon genre préféré.

Ce roman surfe sur la période troublée du début de la prise de pouvoir par Bonaparte qui est encore en campagne en 1800 en Italie : Est-il mort, comme le bruit en court à Paris ?

Auquel cas, il s’agit de prendre le pouvoir au plus vite et nous retrouvons nos deux compères, Fouché et Talleyrand qui se jouent de tous ceux qui croient se jouer d’eux.

Sur fond historique sûrement assez proche de la réalité, l’auteur a imaginé un jeune aventurier Armand de Calvimont et une jolie Julie héroïne qui fait tourner bien des têtes. L’auteur n’hésite pas à accumuler les cadavres ni les coups fourrés au point parfois de me faire sourire. Quand nous étions étudiants, nous lisions pour le plaisir de nous envoyer les phrases les plus cocasses de Pardaillan , vous savez du genre « ils sont 100 nous sommes 3, encerclons les ! ».
Bref on ne peut pas croire aux exploits du jeune Armand mais en revanche la duplicité de celui à propos duquel Bonaparte aurait dit

« vous êtes de la merde dans un bas de soie »

est bien rendue.

 

bref à vous de juger et sachez que cela se termine sur un baiser fougueux et une promesse d’une suite avec les mêmes héros.

 

Citations

Genre de phrases qui sonnent bien.

Avec les puissants, surtout quand ils le sont depuis peu, on a toujours tort.

Talleyrand.

Charles-Maurice (Talleyrand) restait un homme de l’ancien monde. Et quiconque avait le tort de s’empresser à le satisfaire se rendait vite compte qu’il n’existait plus que pour le servir.

Dialogue savoureux .

 « George oublie de dire qu’il était médecin à l’époque, coupa la Gaîté, mais que la passion de la bouteille lui a fait couper la mauvaise jambe d’un colonel. Une faute qui a … amputé sa carrière… »


Édition JC Lattès

lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Il fallait vraiment le club de lecture pour m’amener à lire jusqu’au bout ce roman policier. Mes deux petits coquillages disent assez que cette lecture n’est pas pour moi. Suivre les recherches d’un ex-policier alcoolique complètement dévasté par la disparition de la femme qui a été son seul amour, à travers toutes les violences qui secouent régulièrement la Corse, ne m’a pas passionnée .

L’aspect le plus intéressant, c’est ce qu’on apprend sur les dessous des mouvements qui ont secoué la Corse depuis si longtemps. La république française ne sort pas grandie, tant de compromissions avec des truands, ce n’est pas agréable à lire, mais c’est très intéressant..

Pour l’intrigue policière, je vous la laisse découvrir moi, ça me fatigue vraiment, surtout après avoir lu 379 pages avec un homme à moitié ivre la plupart du temps , et avec des hommes et des femmes qui n’hésitent pas à tirer ou à torturer pour obtenir ce qu’ils veulent. Le tout sous l’amoncellement d’ordures car le roman se situe à un moment où les éboueurs étaient en grève.

Surtout si vous aimez les romans policiers ne vous arrêtez pas à mon avis je ne suis vraiment pas la bonne personne pour en parler.

 

Citations

Les nationalistes corses.

Fabien ne put s’empêcher de dire tout le mal qu’il pensait de l’an IV du pouvoir nationaliste à l’assemblée de Corse, à quoi Marie-Thé sans se montrer pour autant convaincue du changement, rétorqua que les natios présentaient cet avantage sur leurs prédécesseurs de ne pas s’en mettre plein les poches. Le ton monta lorsque Fabien se mit à ricaner, prétextant que la seule vraie différence entre les élus nationalistes et ceux des partis politiques traditionnels qu’ils persistait à appeler les clanistes » comme au temps de son militantisme, tenait au fait que ces derniers ne prétendaient pas agir au nom du peuple corse lorsqu’ils mentaient et trafiquaient les marchés publics. 

 

Humour.

– Madame Cinquini, veuve Acquatella, si ça ne vous dérange pas, dit la vieille dame après un moment 
– toutes mes condoléances.
– S’il s’agit d’un trait d’humour, il tombe à plat. Et si vos condoléances sont sincères, elles arrivent un peu tard : Ambroise Aquatella, receveur principal des postes, est mort d’une mauvais chute le 12 du mois de novembre 1887. Avant cet imprévu, il m’a mené une vie impossible pendant trente-trois ans. Je ne l’ai pas regretté.

 Humour un peu lourd non ?

Il avait fallu moins d’une heure pour voir la petite routes déserte s’animer. Le premiers à arriver sur place avait été le maire du village, poussé par l’instinct propre à cette espèce particulière de mammifère à l’écharpe tricolore qui leur permet de détecter le moindre intrus sur le territoire de leur commune et à des kilomètres à la ronde. Petit et gros, hein regard de bedeau derrière des culs de bouteille, il avait garé son utilitaire Peugeot de manière à barrer la route à la saxo.

Édition Quai Voltaire , Traduit de l’anglais par Jeannette Short-Payen

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Une petite plongée dans le monde abbayes du début du XVII° siècle, après la mort du roi Henry IV, dans un couvent de nonnes où l’accusation de sorcellerie n’est jamais bien loin et permet tous les abus. C’est un récit assez compliqué, une histoire de vengeance imaginée par un cerveau supérieur et féroce, un certain Guy Le Merle qui a été humilié dans sa jeunesse par un évêque tout puissant. Pour mener à bien sa vengeance, il doit utiliser les capacités de celle qu’il appelle mon Ailée parce que (du temps où elle était saltimbanque) elle se promenait sur des fils tendus dans les airs. Celle-ci a trouvé refuge dans un couvent pour élever sa fille Fleur et pendant quatre ans, elles mèneront toutes les deux une vie paisible sous l’autorité d’une mère supérieure dont l’esprit de charité faisait régner un certain bonheur dans cette abbaye de l’île de Noirmoutier, c’est amusant de voir une région que l’on connaît bien vivre sous la plume d’une auteure étrangère et situer ces descriptions au XVII° siècle , le passage du « Goa » aura évidemment son importance ! Il faut dire que l’auteure à une mère française elle a peut-être passé des vacances dans cette région.

Pour parvenir à ses fins, Le Merle dissimulé sous les traits d’un prêtre va utiliser une toute jeune nonne qu’il va mettre à la tête de cette abbaye, celle-ci voit le diable partout et les pauvres sœurs iront de châtiment en châtiment. Cette nonne est en réalité la soeur de l’évêque dont il veut se venger. Je m’arrête là pour ne pas trop en dire sur le suspens qui sous-tend ce récit. Tout le charme de ce roman vient de ce qu’on ne sait pas jusqu’à la dernière page si le personnage du « Merle » est uniquement cruel et s’il est capable d’amour pour son « Ailée ». J’ai trouvé cette histoire de vengeance bien compliquée et si j’ai retenu ce roman c’est plutôt pour la description de la vie des nonnes dans les abbayes, mais je reproche aussi à l’auteure de voir tout cela avec des yeux de femmes du XXI° siècle pour qui faire la différence entre la foi et la crédulité est si facile à faire. C’est un roman historique qui éclaire d’un œil sans complaisance la religion du XVII° siècle et la condition des femmes dans les couvents, et rien que pour cela il peut vous plaire.

 

Citations

La fondation des abbayes.

 Fondée il y a quelques deux cent ans par une communauté de frères prêcheurs, l’abbaye est très vieille. Elle a été payée grace à l’unique devise qui a court pour l’église : la crainte d’être damné. En ces temps d’indulgence et de corruption, une famille noble ne pouvaient assurer sa position dans le royaume qu’en attachant son nom à une abbaye.

Des propos qui sentent le XXI° siècle plus que le XVII° mais c’est très bien dit.

 Je n’ai jamais cru en Dieu.En tout cas, pas à celui auquel nous avons l’habitude de nous adresser, ce grands joueur d’échecs qui, de temps en temps, baisse le regard vers son échiquier, déplace les pièces selon les règles connues de lui seul et daigne regarder son adversaire bien en face et avec le sourire du grand maître qui sait d’avance qu’il va gagner la partie. Il doit y avoir, me semble-t-il une horrible paille dans l’esprit de ce créateur qui s’obstine à mettre ses créatures à l’épreuve jusqu’à ce qu’il les détruise, qui ne leur accorde un monde regorgeant de plaisir que pour l’heure annoncer que tout plaisir est péché, qui se complaît à créer une humanité imparfaite mais s’attend à ce qu’elle aspire à l’infini perfection ! Le Démon, au moins, joue franc-jeu, lui. Nous savons exactement ce qu’il veut de nous. Et pourtant, lui-même, le Malin, le Génie du mal travaille secrètement pour l’Autre, le Tout Puissant. À tel maître, tel valet.

Toujours l’effet des connaissance d’aujourd’hui sur une description du passé .

 Je leur ai recommandé d’éviter les jeûnes excessifs, de ne boire que l’eau du puits et de se laver au savon matin et soir. 
 » À quoi cela pourra-t-il bien servir ? » a demandé soeur Thomasine en entendant ce conseil. 
Je lui ai expliqué que parfois des ablutions régulières empêchaient les maladie de se propager. 
Elle a eu l’air un peu convaincue de cela. « Je ne vois pas comment ! a-t-elle dit. Pour éloigner le démon, ce n’est pas d’eau propre et de savon dont on a besoin, c’est de l’eau bénite ! »

 

Édition Belfond Noir. Traduit de l’anlais (royaume Uni) par Alexandre Prouvèze.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

Lorsqu’un roman policier est proposé au club de lecture, je sais qu’il a une dimension autre que l’énigme. C’est le cas ici, la toile de fond de ce roman est l’enlèvement d’enfants aborigènes de 1910 à 1975, pour les élever dans un milieu plus » favorable » à leur éducation. C’est une horreur dont l’Australie a honte aujourd’hui mais qui a bouleversé à jamais la vie des enfants qui en ont été victimes. L’auteure britannique veut aussi en faire une charge contre le colonialisme anglais.

L’intérêt du roman vient aussi de l’emprise de l’alcool sur le principal suspect. C’est une originalité de ce roman, aucun personnage n’est vraiment sympathiques. J’explique rapidement l’intrigue, le roman se situe sur deux époques en 1967 et en 1997. Ces deux époques voient deux drames se passer.

En 1967, on suit un policier Steve qui est chargé d’enlever les enfants aborigènes pour les conduire dans un orphelinat. Il est torturé par sa mauvaise conscience, et de plus son couple bat de l’aile. Son épouse Mandy ne veut pas d’enfant et ne se sent plus amoureuse de Steve. Ils ont comme voisin Joe Green, sa femme Louisa et leur fille Isla, Joe est alcoolique et sa femme enceinte ne le supporte plus et décide de repartir dans son pays d’origine : l’Angleterre.

En 1997, Isla s’est installée en Angleterre mais elle revient en Australie car son père est accusé du meurtre de Mandy qui a disparu depuis vingt ans.

Les deux histoires vont évoluer en parallèle car la clé de l’énigme policière se passe en 1967. En attendant le roman se déroule avec des personnages auxquels on ne peut pas s’attacher : Joe l’alcoolique qui bat sa femme Louisa, qui reste finalement avec lui sans que l’on comprenne pourquoi, Mandy la voisine qui prend en cachette la pilule tout en ne le disant pas à Steve son mari qu’elle n’aime plus. Steve auteur des rapts d’enfants et qui sera directement responsable de la mort d’un bébé aborigène sans qu’aucune enquête ne soit diligentée. Et enfin Isla, alcoolique elle aussi, qui cherchera à innocenter son père, contrairement à sa mère qui essaiera de faire inculper son mari.

J’ai vraiment été gênée par le peu d’empathie avec laquelle l’auteure a décrit ses personnages, on a l’impression d’un exercice littéraire autour d’une histoire mais que les différents protagonistes n’ont pas de chair. Et les grands absents ce sont les Aborigènes, alors que c’est pour eux que cette écrivaine a voulu écrire cette histoire. Bizarre !

 

Citations

Une image qui ne marche pas en français.

Isla constate en effet que la clôture autour de la véranda vient d’être peinte. La haie à l’avant de la maison a été taillée en pointe et des corbeilles, accrochées de part et d’autre de la porte, débordent d’une forme rose et violette. Le bardage a l’air vétuste, à côté de la peinture fraîche et de ces suspensions ridicules . Du mouton servi comme de l’agneau.

 

Souvenir d’un homme qui boit trop.

 Il y avait trop bu le vendredi précédent Louisa avait vu Mandy. Le lendemain, il avait retrouvé la bouteille de whisky vide, dans la poubelle, mais il ne se souvenait pas de l’y avoir mise. Il s’était penché sur Louisa dans son lit puis ils s’étaient battus. Ça, oui il s’en souvenait. La proximité de son visage dans l’obscurité. Puis plus rien ensuite. Elle n’en avait pas parlé le lendemain. Il s’était réveillé sur le canapé -ce qui, en soi, n’avait rien d’exceptionnel- en se demandant s’il avait rêvé. Mais un terrible sentiment de culpabilité le rongeait, comme s’il avait disjoncté. En même temps. Les comas éthyliques lui donnaient toujours l’impression d’être un monstre.

En 1997.

 La radio diffuse une interview d’un membre du gouvernement. C’est la même rengaine qui passe en boucle depuis son arrivée : le Premier ministre John Howard, refuse de s’excuser auprès des Aborigènes pour les enlèvements de leurs enfants. À l’époque, les gens pensaient agir comme il le fallait, assure le ministre. C’étaient d’autres mœurs.

Une jeune femme alcoolique.

 Elle n’avait pas bu devant lui, les premiers mois. elle commandait un jus d’orange au pub, après le travail, tout en remplissant son frigo de cannettes de bière blonde et forte. C’est devenu plus difficile quand il a emménagé chez elle. Il lui avait passé un savon, la fois où il l’avait surprise à boire de la vodka pure à la bouteille, alors qu’elle le croyait au lit. Elle avait minimisé la portée de son geste, lui avais promis de changer. Il l’avait crue. Il s’était mis à lui parler mariage, tandis qu’elle songeait à la bouteille qu’elle avait gardé planquée dans la sacoche de son vélo. Et puis plus tard, des années plus tard, il était devenu l’adversaire, celui dont elle se cachait, celui qui la forçait 0à se regarder en face. Et sur lequel elle se défoulait quand elle détestait ce qu’elle voyait.

Scène clé du roman le rapt d’enfant aborigène.

 -On va s’occuper du petit », dit-il. Ses propres mots lui donnaient la nausée. « Ça lui fera un bon. de départ dans la vie.
– Mensonge ! Elle pointa son index vers le visage de Steve. « Ma tante a été enlevée quand elle était petite. Elle m’a racontée comment c’était. »
Les pleurs du bébé s’amplifièrent tandis qu’il fermait la porte derrière lui. elle prit l’enfant dans ses bras, le serra contre elle, sanglotant en silence, son visage appuyé contre celui du bébé.

Éditions Points . Traduit de l’anglais par Jean Esch

Après « la trilogie berlinoise » voici l’offrande grecque. Je retrouve avec plaisir cet auteur écossais qui cherche avec obstination pourquoi la réparation des horreurs commises par les nazis a épargné tant d’assassins allemands. Bernie Ghunter, le personnage principal, vit maintenant sous une autre identité à Munich pour faire oublier son passé de policier berlinois sous le régime nazi, il va se retrouver en Grèce où l’attend une enquête très compliquée et pleine de rebondissements sanglants et effrayants impliquant Aloïs Brunner, responsable de tant de crimes et entre autre de l’extermination des juifs de Salonique. (Aloïs Brunner a terminé sa vie en Syrie, il devient conseiller d’Haez el Assad qu’il aide à former les services de renseignement, et à organiser la répression et la torture dans les prisons. lisez l’article de Wikipédia qui lui est consacré).

Ce qui m’a intéressée dans ce roman, c’est l’analyse de cet auteur face aux réactions -si peu nombreuses- suscitées par les crimes nazis en Grèce. Qui sait que 43 000 mille juifs furent déportés sous les ordres d’Aloïs Brunner ?. Pour l’auteur la façon dont l’Allemagne domine à l’heure actuelle l’Europe est une belle revanche pour les nostalgiques de la grandeur de l’Allemagne. L’enquête passionnera plus que moi les amateurs du genre .

Citations

Réflexions sur les atrocités nazies

Juste avant la guerre, j’étais un jeune avocat au ministère de la justice, ambitieux, obsédé par ma carrière. à cette époque, la SS et le parti nazi étaient le moyen le plus rapide de réussir. Au lieu de cela, je suis resté au ministère, Dieu merci. si vous ne m’aviez pas fait changer d’avis, Bernie, j’aurais certainement fini au SD, à la tête d’un groupe d’action de la SS dans les pays baltes, chargé d’éliminer des femmes et des enfants juifs, comme un tas d’autres avocats que j’ai connus, et aujourd’hui, je serais un homme recherché, comme vous, ou pire. J’aurais pu connaître le même sort que ces hommes qui ont fini en prison, ou pendus à Landsberg. Il secoua la tête, sourcils froncés. Très souvent, je me demande comment j’aurais géré ce dilemme… les massacres…. Qu’aurais-je fait ? Aurais-je été capable de faire. ça ? Je préfère croire que j’aurais refusé d’exécuter ces ordres, mais si je suis vraiment honnête avec moi-même, je n’en sais rien. Je pense que mon désir de rester en vie m’aurait persuadé d’obéir, comme tous mes collègues. Car il y a dans ma profession quelque chose qui m’horrifie parfois. J’ai l’impression qu’aux yeux des avocats tout peut se justifier, ou presque, du moment que c’est légal. Mais vous pouvez légaliser tout ce que vous voulez quand vous collez une arme sur la tempe du Parlement. Même les massacres.

Les fraudes( ?) à l’assurance : humour noir.

Sur la note du restaurant apparaissait deux bouteilles de champagne et une bouteille d’excellent bourgogne. Peut-être était-il ivre, en effet, je n’en savais rien, mais si l’assurance payait, Ursula Dorpmüller toucherait vingt mille marks, de quoi faire d’elle une authentique veuve joyeuse. Avec une telle somme, vous pouviez vous offrir des tonnes de mouchoirs et un océan de condoléances les plus sincères .

Descriptions qui me réjouissent .

 Je fus accueilli dans le hall par un gros type qui brandissait une pancarte MUNICH RE . Il arborait une moustache tombante et un nœud papillon qui aurait pu paraître élégant s’il n’avait été vert et, pire encore, assortie à son costume en tweed (et vaguement à ses dents aussi). L’impression générale -outre que le costume avait été confectionné- par un apprenti taxidermiste, était celle d’un Irlandais jovial dans un film sentimental de John Ford.

Je peux lire des romans polars quand l’écrivain possède cet humour :

 Située à une vingtaine de minutes en voiture d’Athènes, la ville ne possédait plus aucun monument ancien important, grâce aux Spartiates qui avaient détruit les fortifications d’origine et les Romains qui avaient détruit quasiment tout le reste. Voilà ce qui est réconfortant dans l’histoire : vous découvrez que les coupables ne sont pas toujours les Allemands.

 

 

Éditions Gallmeister. Traduit de l’américain par Françoise Happe

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Le club de lectures me conduit à lire des livres que je ne choisirai jamais, et souvent ce sont de bonnes surprises. Ici il s’agit d’un roman policier, on ne peut plus classique, et, ce fut un vrai pensum pour moi. Le seul intérêt réside dans le suspens ce qui entrave toujours ma lecture. J’ai essayé de jouer le jeu et de ne pas commencer le roman par la fin mais pas de chance les ficelles sont si grosses que j’ai immédiatement compris de quoi il s’agissait. Comme l’enquêteur est un personnage récurent on sait qu’il ne va pas mourir puisqu’il doit être disponible pour les autres enquêtes.

Calhoun est un homme amnésique qui a été un agent très performant d’une agence secrété américaine. Même s’il ne se souvient de rien ses réflexes d’enquêteurs sont parfaits et donc la même agence l’utilise pour résoudre une affaire étrange dans laquelle un de leurs hommes a trouvé la mort. Ce qui est bizarre c’est qu’on l’a retrouvé avec une balle en plein coeur alors qu’il était déjà mort de botulisme à côté d’une jeune femme morte dans les mêmes conditions.

J’espérais qu’en dehors de cette enquête sans le moindre intérêt, j’allais me plaire dans des paysages somptueux du nord américain. Mais à part une partie de pêche rien n’est venu égayer cette lecture. Je vais sans aucun doute choquer touts les amateurs du genre et de cette prestigieuse maison d’édition, mais je le redis les polars dont l’intérêt ne réside que dans le suspens, ce n’est vraiment pas pour moi.

 

 

Citations

Humour, choix des mouches et psychologie des poissons

 Il y a des jours, dit Calhoun en hochant la tête, ils restent là sans bouger et ils se disent, je mordrais à rien, sauf si c’est une Matuka jaune avec trois bandes de Flashabou de chaque côté, fixée à un hameçon Limerick 4XL avec du fil blanc. D’autrefois, ils vont attendre une Black Ghost Carrie Steven toute la journée, et s’ils s’aperçoivent que ce n’est pas une authentique, ils disent : Bn, je laisse tomber, ils préfèrent rester sur leur faim. 
Fallows fronça les sourcils comme s’il se disait qu’on était peut-être en train de se payer sa tête, mais il n’en était pas sûr.
– Stoner a raison, dit Kate. On emporte jamais trop de mouches parce que, comme vous l’avez dit, on ne sait jamais ce que les poissons pourraient penser.

Édition Gallimard. Traductrice Fanchetta Gonzalles-Battles

Je lis très peu de romans policiers , mais j’avais déjà noté le nom de cet auteur chez Keisha et j’ai vu dans ma médiathèque préférée qu’il avait reçu un coup de cœur de « mon » cher club de lecture. Je me suis donc plongée avec grand intérêt dans ce récit qui se passe à Calcutta au Bengal dominé par l’orgueilleuse puissance britannique. C’est le principal intérêt de ce roman, car la trame policière est assez faible, selon moi, mais j’accepte volontiers ne pas être un bon juge en la matière. La description de la vie en Indes en 1919 est riche en considérations socio-politiques. Le principe de base est : ce qui est bon pour les Anglais ne l’est pas pour les Indiens, en corollaire toutes les façons de faire comprendre aux Bengalis si peu développés que leur seul intérêt est d’accepter la domination des êtres supérieurs que sont les Anglais sont utilisées, de l’humiliation individuelle à la répression de manifestants pacifiques. Et bien sûr toutes les richesses du pays sont entre bonnes mains c’est à dire des mains anglaises ou écossaises. Tout cela, sous un climat très difficile à supporter qui ronge les esprits et les corps de ceux qui sont habitués à la saine fraîcheur de Londres et de sa campagne environnante. Comme dans tout polar, l’enquête est menée par un couple de policiers que l’on retrouvera sans doute dans les autres romans de cet auteur (car il y en a d’autres) : le capitaine Whyndham qui a laissé toutes ses illusions sur l’humanité et sur la couronne britannique dans les champs de bataille de la guerre 14/18 et le sergent Barnejee un Indien partagé par son amour de l’ordre et son amour pour son peuple que l’armée anglais ne pense qu’à mettre au pas. C’est un couple intéressant et je pense que les prochaines enquêtes vont voir les failles de ces enquêteurs créer de nouvelles tensions. Le roman est écrit par un auteur anglais, de parents indiens immigrés en Écosse. Et cela fait tout l’intérêt du livre car, héritier de deux cultures, Abir Mukherjee est loin d’avoir une vue simpliste de ce qui s’est passé dans le pays dont ses parents sont originaires.

Un roman policier comme je les aime, c’est à dire qui permet de comprendre une société avec un regard original.

 

 

Citations

 

Toujours cette façon de se débarrasser des enfants en Angleterre

Hardeley n’était pas différent de la myriade d’autres établissements mineurs qui parsèment les comtés du centre du pays. Provincial par son emplacement et paroissial par son comportement, il apportait une éducation passable, un vernis de respectabilité et, plus important un lieu commode où parquer les enfants de la classe moyenne qu’il fallait caser dans un endroit discret pour une raison ou une autre .

Le style colonial

 C’est une caractéristique de Calcutta. Tout ce que nous avons construit ici est dans le style classique. et tout est plus grand qu’il n’est nécessaire. Nos bureaux, nos résidences et nos monuments crient tous : »Regardez notre œuvre ! nous sommes vraiment les héritiers de Rome. »
C’est l’architecture de la domination et tout cela paraît un tantinet absurde. Les bâtiments palladiens avec leurs colonnes et leurs frontons, les statues, vêtues de toges, d’Anglais depuis longtemps décédés et les inscriptions latines partout des palais aux toilettes publiques. En regardant tout cela, un étranger serait en droit de penser que Calcutta a plutôt été colonisée par les italiens.

Et c’est hélas vrai !

 L’opium n’est vraiment illégal que pour les travailleurs birmans. même les Indiens peuvent s’en procurer. Quant aux Chinois, eh bien nous pourrions difficilement le leur interdire, attendu que nous avons mené deux guerres contre leurs empereurs pour avoir le droit de répandre ce maudit truc dans leur pays. et nous l’avons bel et bien fait. Au point que nous avons réussi à faire des drogués d’un quarts de la population mâle. Si on réfléchit, cela fait probablement de la reine Victoria le plus grand trafiquant de drogue de l’histoire.

Ambiance du matin

 Mieux vaut parfois ne pas se réveiller. 
Mais à Callcutta c’est impossible. Le soleil se lève à cinq heures en déclenchant une cacophonie de chiens, de corbeaux et de coqs, et au moment où les animaux se fatiguent, les muezzins démarrent de chaque minaret de la ville. Avec tout ce bruit, les seuls Européens à ne pas être déjà réveillés sont ce qu’ils sont ensevelis cimetière de Park Street.

Le passage que j’avais noté chez Keisha et qui m’a fait retenir le nom de cet auteur de ce roman policier

 Sur une plaque de cuivre vissée sur une des colonnes on peut lire  » Bengal club, fondé en 1827″. À côté d’elle un panneau de bois annonce en lettres blanches :
ENTRÉE INTERDITE AUX CHIENS ET AUX INDIENS
Barnerjee remarque ma désapprobation.
« Ne vous inquiétez pas, monsieur, dit il. Nous savons où est notre place. En outres, les Britanniques ont réalisé en un siècle et demi des choses que notre civilisation n’a pas atteinte en plus de quatre mille ans.
– Absolument, » renchérit Didby.
Je demande des exemples.
 Banerjee a un mince sourire. « Eh bien, nous n’avons jamais réussi à apprendre à lire aux chiens. »

Les oiseaux

Je suis réveillé par ce que l’on appelle par euphémisme le chant des oiseaux. En réalité c’est plutôt un affreux raffut, neuf dixième de cris stridents pour un dixième de chant. En Angleterre le chœur de l’aube est aimable et mélodieux et ils rend les poètes lyriques pour parler des moineaux et des alouettes qui montent dans le ciel. Il est aussi divinement court. Les pauvres créatures, démoralisées par l’humidité et le froid, chantent quelques mesures pour prouver qu’elles sont encore vivantes puis elles plient boutique et vaquent à leurs occupations. À Calcutta c’est différents. Il n’y a pas d’alouette ici, rien que de gros corbeau graisseux qui commencent à brailler aux premières lueurs de l’aube et continuent pendant des heures sans une pause. Personne n’écrira jamais de poème sur eux.

 

 

 

Édition Hervé Chopin (H.C) . Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Je dis souvent (par exemple dans mes commentaires sur vos blogs) que je lis peu de romans policiers, et bien en voilà un que je vous recommande. L’enquête policière est moins passionnante que la toile de fond de ce roman, qui analyse en détails ce qu’on connaît bien maintenant « le choc post-traumatique ». Est-ce que le nom de Vukovar vous dit quelque chose ?

Ce roman décrit avec un réalisme à peine soutenable le terrible siège de cette ville par les Serbes, il est décrit par le petit Duso un enfant de huit ans qui a vu l’innommable. On comprend que Duso est, vingt plus tard, Nikola Stankovik accusé du meurtre de la jeune et jolie Ivanka, croate elle aussi réfugiée en Belgique à Bruxelles. Le lecteur en sait donc plus que les enquêteurs, l’avocat, et la psychiatre chargée de faire un diagnostique sur l’état mental de Nikola. Celui-ci est un dessinateur de talent et graffeur de génie. À travers ses dessins, il en dit plus que par les mots qui sont définitivement bloqués dans son inconscient. Le long processus pour remonter au traumatisme d’une violence absolue est bien décrit et sans doute très proche des efforts que doivent faire les thérapeutes pour libérer la parole de leurs patients. Ensuite ceux-ci doivent se reconstruire mais est-ce toujours possible ? Au moment où je rédige ce billet, l’actualité raconte le procès des assassins du Bataclan, et certains rescapés racontent des traumatismes qui les ont marqués à tout jamais, mais on mesure aussi l’importance de dire en public ce qu’ils ont vécu, ce que ne peuvent pas faire des enfants trop jeunes qui enfouissent leurs souvenirs traumatisants au plus profond de leur mémoire.

Je n’ai mis que quatre coquillages à ce roman car j’ai trouvé que le genre « policier » exigeait des simplifications dans les personnages qui m’ont un peu gênée. La psychiatre qui lutte contre un collègue arriviste qui ne soigne qu’à coups de calmants, est un grand classique du genre et c’est trop manichéen pour moi. Mais ce n’est qu’un détail et je retiendrai surtout la description du siège de Vukovar que j’avais déjà bien oublié, et les dégâts dans une personnalité d’un enfant qui a vu sans pouvoir en reparler des horreurs de la guerre civile : oui, quand la violence des hommes se déchaîne, les enfants sont des proies trop faciles, trop fragiles et même s’ils survivent on ne sait pas grand chose des répercussions sur leur personnalité.

Citation

L’image des Français en Belgique

 L’homme était d’origine française.
 Les français savent tout sur tout et tiennent à ce que ça se sache. Il avait d’emblée revendiquer sa nationalité, en précisant la région et la ville de naissance, comme ils le font généralement entre eux pour évaluer les forces en présence.
 Les chiens se reniflent le derrière, au moins, c’est silencieux.

 

Édition Christian Bourgeois. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Aurélie Tronchet

 

Un livre passionnant dont pourtant je n’ai pas eu envie de noter beaucoup de passages, mais cela n’est pas du tout un signe d’une moindre qualité. L’intérêt du roman vient de la confrontation des différents personnages à propos d’ un fait divers. À travers chaque chapitre de longueur variée la romancière cerne la réaction d’un des personnages autour d’un tragique accident. Il n’y a pas de grandes pensées au delà des faits, et pourtant la réalité se construit peu à peu, avec une précision étonnante et qui m’a captivée. L’effet roman choral provoque chez moi un besoin de pause entre les personnages, mais ce n’est pas du tout gênant. Je vous présente rapidement les personnages :
– Driss Guerraoui, propriétaire d’un restaurant a été renversé et tué par un chauffard qui a pris la fuite alors qu’il traversait devant son établissement pour reprendre sa voiture .
– Sa fille Nora, une musicienne de talent, pense que l’acte était volontaire et avec elle on ressent que les musulmans Marocains ne sont pas si bien vus que ça aux USA.
– Efrain est originaire du Mexique et a été témoin de l’accident mais il n’ose pas témoigner car il est en situation irrégulière et a très peur d’être reconduit à la frontière. – Maryam la femme de Driss a laissé plus de la moitié de sa vie au Maroc qu’elle a dû fuir à cause de la répression qui s’est abattue sur les opposants marocains dans les années 80. – Son autre fille Selma qui semble avoir si bien réussi cache mal des fêlures qui l’empêche d’être heureuse. – Coleman est la femme policière chargée de l’enquête. Ce sont tous « les autres » Américains, je mets aussi la policière parce qu’elle est noire et subit le racisme ordinaire des blancs.

Il y a aussi le voisin du restaurant qui tient un bowling, et de son fils, d’eux je ne peux rien dire sans divulgâcher l’enquête policière qui sous-tend ce roman.

Et puis, on entend aussi la voix de Jérémy qui est revenu d’Irak tellement meurtri qu’il a failli sombrer dans l’alcoolisme comme son copain de guerre qu’il cherchera à aider au détriment de sa relation avec Nora.

Chaque personnage est une partie du puzzle qui constitue ce roman et qui donne une image des USA qui est certainement plus divisé que l’on ne peut l’imaginer. Bien sûr, depuis Trump on connaît la fameuse fracture qui divise ce pays mais ce roman témoigne qu’il y en a bien d’autres et que ce n’est pas du tout certain que le modèle américain permette une meilleure adaptation des populations d’origine étrangère que le système français. Ce roman permet de sentir que ce n’est pas si simple de passer d’une culture à une autre et de faire un seul pays avec des arrivants du monde entier, mais grâce à la démocratie il y a quand même un espoir et une place pour la vérité et la justice. Un livre prenant facile à lire et qu’on n’oublie pas.

Citations

Dans les année 80 : guerre Sahara Maroc en 1975

On y est, je me rappelle avoir pensé, c’est la fin du régime. Comment pouvait-il survivre au fait de tuer ses propres enfants en plein jour ? Mais alors que cette pensée se cristallisait dans mon esprit, un des policiers m’a repéré sur le toit, il a levé son arme et m’aviser. Même quatre étages plus haut, j’ai vu le canon noir sur moi. Je me suis laissé tomber à genoux, ne comprenant qu’au sifflement proche que la balle m’avais manqué. Adossé contre le mur, j’ai guetté le bruit sourd des bottes des policiers dans l’escalier. J’ai attendu pendant tout l’après-midi. Même une fois la nuit tombée, j’attendais encore. J’entendais encore les sirènes des voitures de police. Des crissements de pneus. Les bris de verre. Les cris des gens. Le vent dans les palmiers.

L’exil

Pour ma mère, les choses se déroulaient toujours comme elles n’étaient pas censées se passer. Elle avait quitté son pays avec sa famille, mais tout ce qu’elle n’avait pu emporter avec elle lui manquait encore. Son ancienne maison lui manquait, ses amis d’enfance, l’appel à la prière à l’aube. Quel que soit le plat somptueux qu’elle cuisinait, il lui manquait toujours quelque chose -un ingrédient, ou bien le goût n’allait pas. Le mariage de ma sœur l’a propulsée dans les paroxysmes de nostalgie qui ont transformé notre maison en un bazar empli de motifs au henné, de ceintures brodées, de plateaux en cuivre et même d’un palanquin pour les mariés. Ma mère a dû laisser beaucoup de traditions derrière elle et, plus le temps a passé, plus elles sont devenues importantes à ses yeux.

Analyse d’un mariage

Mais comme Maryam n’aimait aucun des tissus que j’ai choisis, j’ai fini par céder. On a acheté les rideaux qu’elle aimait et on est rentré à la maison. J’ai sorti l’échelle et mes outils mais, chaque fois que je faisais un trou, la tringle, selon elle, devait être un peu plus haute ou plus basse. Dans les rideaux ont enfin été installés, il y avait cinq trous dans le mur et la tringle penchait à gauche. Je ne sais pas pourquoi je me rappelle ça, autant d’années plus tard, ce n’est vraiment qu’un détail. C’est peut-être parce que j’essaie de comprendre ce qui m’est arrivé. Tout ce que je sais, c’est que la vie est courte. Sans en avoir conscience, j’avais cheminé sur la route qui va de la naissance à la mort avec la mauvaise compagne.

Remarque sur les américains vus par une marocaine d’origine .

J’avais déjà remarqué ça chez les Américains, ils veulent toujours passer à l’action, ils ont du mal à rester en place ou à se laisser ressentir des émotions désagréables.