Édition Taillandier

 

Je connaissais cet auteur à travers des articles à propos de l’Algérie, j’ai été passionnée par son effort de mémoire et le récit qu’il nous livre sur son passé. Il a douze ans quand, avec ses parents en 1962, il doit quitter Constantine car l’Algérie indépendante ne semble pas vouloir faire de la place aux différentes minorités religieuses, alors que la famille de Benjamin Stora vient d’une famille juive qui est présente en Algérie dans ce pays depuis deux millénaires.

Il raconte très bien le déchirement de ses parents qui se ne se retrouvent pas sous l’appellation « pieds noirs », et doivent supporter le mépris des Français plus ou moins de gauche contre ces gens-là qui devaient être tous des riches : colons exploiteurs de pauvres algériens. L’enfant fera tout ce qu’il peut pour cacher son origine, surtout que la première année, comme il vit dans un garage dans le XVI° arrondissement, il fréquente le lycée Janson de Sailly et l’antisémitisme est encore très présent chez les bourgeois de ce quartier . La famille obtiendra un logement HLM à Sartrouville et le petit Benjamin découvrira le monde ouvrier et la chaleur des copains tous encadrés par des animateurs communistes avec qui il se plaît bien mais à qui il cache encore une fois ses origines pour ne pas être considéré comme « colonisateur » .
Ses parents sont malheureux car ils se sentent trahis et la chaleur de la famille leur manque beaucoup. Ce sont des gens courageux son père a repris une carrière de courtier d’assurance à 50 ans, et sa mère travaille comme ouvrière chez Peugeot.

Benjamin grandit, peu à peu se politise et il trouve dans le mouvement trotskyste l’idéologie qui lui convient le mieux. Enfin, ses études lui permettront de retrouver son identité grâce à sa recherche universitaire sur la guerre d’Algérie. Sa thèse sur le MNA de Messali Hadj lui permettront de revivre et de mieux comprendre la guerre d’Algérie, du côté d’une minorité que le FLN a exterminée. Le jeune étudiant sera passionné par les études historiques et il est très reconnaissant à ses professeure qu’il a trouvés remarquables. Mais ce ne sont pas ses études qui lui permettront de renoncer à son idéologie mais plutôt le fait que, peu à peu, il retrouve son identité et qu’il perd le sentiment de honte qui l’avait obligé à refouler sa judéité.

C’est une période que j’ai bien connue et je me suis beaucoup retrouvée dans ce qu’il raconte sur la politisation de la jeunesse de cette époque . C’est un des aspect passionnant de cette biographie, mais l’essentiel n’est pas là mais sur l’appartenance à une identité qu’on veuille en sortir ou non. Mais ce qui m’a le plus interrogée c’est le rôle et l’importance de l’historien. Est ce qu’un témoin est le mieux placé pour écrire sur cette période historique ? Toutes ces questions Benjamin Stora se les pose et nous avec lui.

 

 

Extraits

Début.

J’avais presque douze ans. L’âge où l’on vous autorise parfois, exceptionnellement, à assister aux conversations entre adultes. L’âge où l’on imagine tout comprendre du monde des grands. L’âge où, en réalité, on en saisit à peine quelques bribes… et encore.

Son adolescence.

 Mon adolescence a d’abord été marquée par la volonté d’une dissimulation entretenue, affirmée. Après le départ de juin 1962, j’ai caché mon histoire algérienne, parce qu’il m’est très vite apparu que nous étions du mauvais côté de l’histoire française. Tout n’était pas encore très clair dans mon esprit d’enfant, mais je sentais confusément que nous étions étiquetés dans le camp des « colons » et des exploiteurs (malgré le fait que nous habitions un petit appartement d’à peine cinquante mètre carrés et que mon père travaillait tous les jours dans sa petite boutique pour vendre de la semoule). Longtemps j’ai été contraint de vivre dans la dissimulation, voire dans l’absence d’histoires algériennes. Quelques années plus tard, j’ai découvert les grands appartements et des maisons particulières de mes camarades militants révolutionnaires français qui regardaient tous les pieds noirs comme des « colons  » et qui se lançaient dans d’interminables tirades « contre le colonialisme en Algérie et l’impérialisme américain ».

Intéressant.

 De plus, la plupart des révolutionnaires russes de 1917 étaient d’origine juive. Les trois-quarts du comité central, les Zinoviev, Kamenev, Rakovski l’étaient. D’un coup sans que je l’aie particulièrement recherché, j’entrais dans un processus d’identification. Je m’ouvrais au monde sans pour autant renier mes origines. C’était comme une forme de généalogie retrouvée. Un réenracinement. La révolution russe m’offrait de surcroît une passerelle extraordinaire vers le monde de l’Est. J’étais fier d’entrer dans une culture portées par des Juifs révolutionnaires, les austro-marxistes inspirés par les grands théoriciens comme Rosa Luxemburg ou Otto Bauer. Ce dernier expliquait qu’à l’intérieur de l’Empire, toutes les minorités doivent être respectées et traitées à égalité y compris les minorités religieuses.

Questions tellement importantes.

 Dans quelle mesure peut-on légiférer sur la mémoire, le pardon, la réconciliation ? Faut-il défendre un droit à l’oubli, et qu’en est-il dès lors d’un droit à la mémoire ? Quels rôles peuvent jouer les lois incitant à reconnaître des crimes passés, dans la protection et la promotion des droits de l’homme ? Autant de questions qui envahissent le champ culturel, politique, médiatique et dépassent, de loin la seule compétence des historiens.

 


Édition Babel Acte Sud . Traduit du Norvégien par Françoise Heide

C’est ma soeur qui m’a prêté ce roman et ce livre m’a procuré un grand plaisir de lecture. Cela fait longtemps que je ne suis pas partie grâce à un livre, dans une région lointaine, si hostile et dans le passé. Connaissez vous les églises que les français appelle « église au bois debout » ou « starkike » en danois ou « Starkyrkje » en norvégien ?

 

Lars Mytting décrit avec une grande minutie, la construction de ces églises aux environs du XI° siècle et leur sort à la fin du XIX° siècle. Elles ont failli complètement disparaître car elles étaient sombres et pas assez grandes pour accueillir les nombreux fidèles. Mais surtout ce qui ne se disait qu’à demi-mot, c’est qu’elles avaient été construites au début de la christianisation de la Norvège. Les habitants avaient fait un mélange des forces qu’ils imploraient traditionnellement, les dieux qui les avaient toujours protégés et ce nouveau venu le Christ. C’est pourquoi ses églises sont décorés de serpents monstrueux et de dragons crachant du feu.

Son roman est consacré à une de ces église, un jeune pasteur énergique a le projet de la vendre aux Allemands qui veulent la reconstruire à Dresde. L’architecte allemand qui vient dessiner cette église tombera sous le charme de cette incroyable exploit des bâtisseurs du Moyen-âge et ne sera pas insensible à celui de la jeune Astrid… L’église de la paroisse de Butagen, endroit très isolé de la Norvège, a de plus un charme particulier, liée à une histoire tragique : lors de sa construction, des sœurs siamoises reliées par le bassin ont vécu dans ce village, tout le monde les aimait et à leur mort, leur père désespéré fera fondre deux cloches (d’où le titre du roman) en y ajoutant tout l’argent de la maison, ce qui leur conférera un son très particulier.

Les descendants de cette histoire habitent toujours le village et dans la ferme des Hekne, en 1880, les gens ne sont pas riches mais sont considérés dans le village. La jeune Astrid, la jeune fille de la ferme, mettra toutes ses forces et son intelligence dans la bataille pour garder son église ou au moins les deux cloches. C’est une période très pauvre pour la Norvège et l’hiver tout le monde, est à la limite de la survie, on assistera à la mort de froid d’une vieille femme lors de la messe du nouvel an. Une messe trop longue du jeune pasteur, ce qui le confortera dans son idée qu’il faut démolir cette bâtisse et construire une église plus confortable. Le froid et la faim sont le quotidien des villageois et les idées nouvelles du pasteur ne sont pas les bienvenues, même si c’est pour leur « bien ». Il souhaite que chaque paroissien puisse être enterré, en ayant le droit à une messe, mais que faire des cadavres quand on ne peut pas creuser la terre. Il lutte aussi contre les superstitions mais contre le malheur qui s’abat si souvent sur eux les Norvégiens préfèrent se protéger avec les deux croyances celle de la religion chrétienne et celle des dieux de leurs ancêtres. Tout le roman nous permet de découvrir les mœurs des Norvégiens de cette contrée à la fin du XIX° siècle. C’est passionnant et même si leur vie est dure le roman ne tombe pas dans la tristesse, c’est une lecture qui curieusement reste gaie alors que la réalité est sombre et souvent tragique

Astrid sera aimée par les deux hommes apportant (peut-être) le progrès : le pasteur et l’architecte allemand. Évidemment, ce ne sera pas sans conséquence sur son destin.

Le personnage principal de ce roman reste cette église qui doit être déplacée à Dresde en Allemagne. Je ne sais pas si c’est historique, mais ce que j’ai pensé tout au long de cette lecture, c’est que je regrettais qu’aucun écrivain français, ayant le talent de conteur et d’historien de Lars Mytting , ne se soit penché sur ce qui s’est passé à la même époque en Bretagne : combien de petites églises romanes ont été complètement démolies pour laisser place à de grandes églises triomphantes qui sont complètement vides aujourd’hui. Les rares chapelles anciennes qui ont résisté au renouveau de la foi, après la révolution française, sont si jolies et attirent les touristes contrairement à ces énormes bâtissent sans aucun charme .

Un excellent roman dont j’ai recopié tant de passages pour essayer de ne pas oublier cette lecture qui m’a enchantée, et j’espère que vous apprécierez l’humour particulier de cet auteur.

 

Citations

Les églises traditionnelles.

 Pour les piédroits et la charpente, on avait utilisé les immenses pins qui poussaient alors dans le Gudbrandsdal, et comme le voulait la coutume dans tout le pays, on avait abondamment décoré l’édifice de motifs légués par les vieilles croyances païennes, ce qui donnait une sorte de christianisme repeint, façon demeure de chefs vikings. Il avait fallu aux menuisiers un été entier pour sculpter les serpents de mer, et autres enjolivures qui avaient fait leurs preuves depuis l’époque norroise. L’extérieur du porche était agrémenté sur toute sa hauteur de figures léonines aux longs cous et un énorme reptile se contorsionnait autour de la porte d’entrée. De chaque côté du retable se dressaient des colonnes de bois dont les chapiteaux avaient pris la forme de masque barbus, effigies de vieilles divinités qui roulaient des yeux sans pupilles. Tout ceci avait pour but de défendre la paroisse contre les forces du mal, telles que les Norvégiens les avaient combattus depuis des centaines d’années. Les artisans avaient pris soin d’intégrer tous les dieux à leur œuvre et de leur rendre justice à égalité, pour le cas où Thor et Odin auraient pu conserver quelques pouvoirs

L’idéal féminin norvégien .

 Astrid, elle, était longiligne, osseuse de corps et de visages, avec des cheveux bruns et frisés. Dans une autre contrée, elle eût pu passer pour jolie. « Belle », dirait peut-être celui qu’il lui fallait, qui saurait apprécier l’inclinaison singulière de ses sourcils, sa façon de relever le menton, la couleur dorée dont se teintaient ses bras au soleil. Mais après ses deux refus, l’aîné des Hekne n’était plus dans la rumeur publique qu’une jeunesse têtue et ingouvernable. La sagesse matrimoniale favorisait les filles aux mains grossières qui se taisaient en ployant sous la besogne, mettaient des enfants au monde sans manières, et retournaient droit à l’étable en laissant derrière elle le délivre encore fumant.

Une région en retard.

 Les temps nouveaux faisaient lentement leur chemin. Butangen était en retard de vingt ans sur les bourgs avoisinants, eux-mêmes en retard de trente sur les villes de Norvège, laquelle marchait cinquante ans en arrière sur les traces du reste de l’Europe.

Différence entre les ports et la campagne.

 Les choses ne se passaient pas comme sur la côte, ou la placidité des mœurs souffrait de dilution. La faute en revenait aux marins des bords de la Méditerranée, débarqués pour cause d’avaries, et qui quittaient le port où ils s’étaient réfugiés en laissant, dans le ventre des jeunes filles, de menus cadeaux d’où sortiraient des gamins coléreux à la chevelure de jais. La vie d’ici se passait dans le périmètre des enclos, au fil de la paisible et régulière valse des saisons.

La sonorité des cloches.

La sonorité des cloches jumelles éveillait ni mélancolie ni angoisse. Dans chaque battement palpitait un cœur vivant, la promesse d’un printemps meilleur, une résonance teintée de longues et noble vibrations. Leurs notes pénétraient les âmes, emplissaient les têtes de chimères, attendrissaient les plus endurcis des hommes. Pour peu que le sonneur fut habile, il pouvait transformer les sceptiques en fidèle paroissiens, et si le timbre de ses cloches avait tant de pouvoir, c’est qu’elles étaient « de bon aloi ». Cette expression désignait alors une coutume dispendieuse, qui consistait à ajouter de l’argent à l’alliage au moment de le couler. Plus on mettait du précieux métal plus le son serait beau.

Bavardages norvégiens !

Malgré son terrain accidenté et ses petites proportions, la vallée était abritée et lumineuse, et ceux qui y séjournaient, s’ils poussaient un peu plus loin vers le nord, pouvaient à l’occasion avoir quelques commerces avec les gens de Brekkom et d’Imsdal, sous la forme d’un signe de tête ou d’un salut de la main, à bonne distance.

La mère du Pasteur .

 Sa mère, cette maîtresse femme, la plus vêtue de noir de toutes les veuves qu’on eût jamais vu dans les réceptions de Noël, lui avait inculqué depuis sa plus tendre enfance l’importance d’une « vie réussie ».

Tout se sait au village.

Kai Schweigaard ne mesurait pas jusqu’où pouvait fouiner l’indiscrétion des gens du village. La rumeur s’emparait avec la rapidité de l’éclair de tout ce qui sortait du rang, observait, soupesait avec autant d’ardeur que s’il se fût agi de trouver l’issue la plus sûre pour fuir un incendie. 

Question intéressante !

Il s’était parfois posé une question inavouablement déplaisante : comment il se faisait qu’il pût trouver intéressantes les odeurs sécrétées par son propre corps – sueur, pets matière fécale-, ou du moins ne pas en être dégoûté sur le coup, quand les miasmes d’autrui le faisait reculer.

Bien vu… !

Astrid, il le savait n’était pas faite pour devenir épouse de pasteur. Trop spontanée, trop féminine, trop exigeante. Il lui manquait la qualité principale qu’on attendait d’une femme de tête : savoir obtenir ce qu’elle voulait en faisant croire aux homme que l’initiative venait d’eux .

Les enfants sans père .

 « Eh bien tu nous as mis dans de beaux draps », s’exclama la mère et elle eut tout dit. Les enfants sans père était mal venus, mais les gens du commun parmi tous les maux du monde, y voyait un accident moins grave que si le cheval fût mort de coliques. 

Amusant.

 On avait réuni les attelages près de la grange. Des hommes en paletot de fourrure se mettaient au travail. La plupart affichait la marque universelle de la compétence chez les transporteurs au long cours : une barbe fournie.

La tristesse.

 « Tout ira bien, lui dit-il. S’il arrive quelque chose, la sage-femme ou moi, nous prendrons des décisions pour vous. Nous vous délivrerons et de la mort et des souffrances.
– Mais pas du chagrin.
 – Non. Contre le chagrin, nous ne gagnons jamais, nous ne pouvons même rien contre lui.

Les paroles de son grand père .

 Demande toi quelle remembrance tu aimerais laisser de toi Astrid. Quand on conte la vie de quelqu’un et que les ans ont passé, la place manque pour en dire long. De moi, je ne crois pas qu’on se ressouvienne. Sauf pour m’être efforcé d’avoir bon cœur, peut-être, mais ça ne donnera guère une histoire. Ce que les gens gardent en mémoire est coulé dans le métal ou fabriqué en bois, ou bien tissé ou peinturé, ou bien écrit. La mauvaiseté et la sottise aussi peuvent rester, quand on les étale en grand.


Édition Anne Carrière.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

Il y a quelques traditions qui ont survécu au Covid : le mois de juin de notre club de lecture est consacré au roman historique et voici un roman qui avait donc toute sa place . J’avais déjà lu un livre de cet auteur « La déesse des petites Victoires » . Dominique qui m’avait déjà conduite vers cet auteur a beaucoup aimé ce roman. et je vous conseille de lire son billet si bien illustré.

Je souligne l’incroyable talent de cette auteure (oui, Yanick est aussi un prénom féminin), elle m’avait bien intéréssée à la période viennoise d’avant la guerre et au psychisme troublé d’un génial mathématicien. Et me voilà partie avec elle pendant plusieurs jours dans un couvent de Provence, dans lequel des femmes à force d’observation et de dévouement arrivent à améliorer le sort des malades, elles herborisent , elles classent leurs observations et soulagent le mieux qu’elles le peuvent.
Seulement voilà : des femmes se mêlent de médecine ! on voit tout de suite le danger. Ne sont elles pas aidées par le diable ? Ne sont elles pas elles-mêmes des sorcières ?

L’intrigue totalement imaginaire repose sur une recherche très pointue sur la réalité de l’époque. En 1584 à l’aube du 16° siècle une chappe de suspicion s’abat sur la chrétienté : entre les protestants hérétiques et l’université qui ne doit transmettre la science qu’aux hommes, la condition de la femme est pire que jamais . Elles sont comme la jeune Gabrielle prise dans un terrible piège , elles ne pourront jamais s’instruire elles pourront à peine être dégrossies dans des couvents qui leur apprennent l’obéissance et la foi en Dieu.

Dans ce couvent situé non loin de Vence, l’évêque aimerait faire main basse sur les revenus que procure la vente des baumes provenant des plantes (les simples) récoltées par les nonnes. Ce projet purement mercantile provoque une catastrophe qu’il est bien incapable de contrôler d’autant plus qu’il est lui-même gravement malade.
Plusieurs intrigues se mêlent : le destin d’un cadet de grande famille à qui on impose la prêtrise puisqu’il n’héritera rien de la fortune de la famille ; La vie dans le couvent et les intrigues entre les sœurs qui n’ont rien à envier aux pires séries télévisées. Vous connaissez « Orange is the new black » et bien Le couvent de l’abbaye de Notre Dame du Loup c’est ça en pire !

Enfin il reste Gabrielle qui n’a qu’un but dans la vie s’instruire et lire autant qu’un homme qui veut devenir médecin peut le faire, Elle aura un rôle décisif dans la catastrophe finale.

J’ai aimé ce roman et je ne doute pas du coup de coeur qu’il va recevoir à notre club, mais j’ai quelques réserves sur la longueur et le foisonnement des personnages. C’est une difficulté que je rencontre souvent : quand je sais que le livre va mal se finir j’ai parfois envie que ça aille plus vite, car on sent bien que rien n’arrêtera le malheur qui se met en place .

Je salue le talent de cette écrivaine et comme elle, je suis si triste de me rendre compte de tous les malheurs et souffrances par lesquelles sont passées les femmes avant de pouvoir simplement exister .

 

Citations

Les couvents au 16°siècle.

 Fleurs est oblate, une enfant consacrée à Dieu et donnée par son père aux louventines. Sans dot, elle ne deviendra jamais sœur de chœur comme sœur Clémence, elle prendra le voile brun des converses. « Ora et Labora », prière et travail, elle suivra la règle de Saint-Benoît parmi les Marthe, les servantes de Dieu payant par le labeur son ses jours dans Sa citadelle.

L’odeur des nonnes.

 Les moniale ne peuvent faire grande toilette que deux fois l’an et elles n’ont pas le droit aux senteurs. Une rotation de printemps s’imposerait, car leurs robes puent le rance et la blancheur de leur guimpe n’est plus qu’un souvenir. Elles respirent peut-être la sainteté, mais, d’évidence, pas la rose.

La mortalité enfantine.

 Sur les enfants nés, l’un sera déformé de tares, l’autre bleui par le passage forcé, un troisième emporté par la mort du septième jour, le corps si raide qu’il ne respira plus, et les autres, s’ils ne sont pas étouffés dans le lit commun, seront moissonnés par les grandes diarrhée des mois chauds.
 Peu de rescapés atteindront leur quatrième années comme Titino, car viendront pour eux roséole, rougeotte et fièvre écarlate, coqueluche et orillon. Pour dépasser la dizaine, ils devront échapper aux roues des charrettes, aux sabots des chevaux, aux crocs des chiens et aux dents des porcs, à la rivière au calme trompeur, aux braises où tomber, aux faux où se couper, au coups du père, au méchanceté de la mère tout ça parce qu’eux même n’ont pas connu de meilleurs soins.

 

Édition Buchet Chastel

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Je ne connaissais pas cette écrivaine et ce roman me le fait regretter car elle a un talent certain pour raconter des histoires et rendre vivante et proche de nous la civilisation guadeloupéenne de son enfance. Dans ce roman elle raconte le voyage initiatique pour un jeune Pascal qui est le fils de … Corazon Tejera, autrement dit, Dieu lui-même, pour ses adeptes. Alors Pascal serait le fils de Dieu ? c’est dur à porter ! déjà que sa naissance a été un miracle pour ses parents adoptifs qui l’ont recueilli dans un appentis qui ressemble fort à une crèche sous d’autres cieux. Voilà le roman est lancé, en s’inspirant des évangiles, Maryse Condé va nous raconter son pays et aussi le monde contemporain dans ce qui ne va pas trop mal et surtout ce qui va très mal.

Le message du Christ est toujours aussi dérangeant « aimons-nous les uns les autres » et toute vie sur terre a la même valeur. Pascal, un peu à l’image de Candide ira de société en société sans jamais trouver le bonheur. On le croit quand il est chez les Mondongues qui ont supprimé la propriété privée, l’alcool … Hélas ! cette société ira vers la tyrannie et Pascal devra prendre la fuite. Finalement, la solution ne sera pas « cultivons notre jardin » mais « trouvons l’amour ».

J’ai parfois beaucoup aimé ce roman surtout quand je sens vivre la société guadeloupéenne, surtout à travers le talent de conteuse de cette auteure. Cela m’a amusée de reconnaître mes souvenirs du catéchisme de mon enfance. Mais je m’y suis aussi souvent ennuyée . J’ai vraiment décidé de lire d’autres livres de cette auteure car son talent aux multiples facettes ne se résume certainement pas à ce roman très original.

 

 

 

Citations

Pourquoi prendre la beauté en photo est elle mortifère ?

 Comme elle jouit d’un « été éternel », les touristes s’y pressent, braquant leurs appareils mortifères sur tout ce qui est beau. Certains l’appellent avec tendresse « Mon pays », mais ce n’est pas un pays, c’est une terre ultramarine, un département d’outre mer quoi !

Autre temps autre mœurs

 Ce n’était un mystère pour personne que ses filles étaient les enfants du révérend père Robin qui avait dirigé la paroisse pendant de longues années avant de transporter ses vieux jours dans une maison de retraite du clergé situé près de Saint-Malo . En ces temps là, les gens de médisaient pas du comportement des prêtres.

Voilà la construction du roman :

 Brusquement Esperitu se tourna vers lui :  » J’ai quelque chose de peu agréable à vous apprendre. Vous ne verrez pas votre père, malheureusement, hier il a dû partir précipitamment pour l’Inde. -Pour l’Inde » répéta Pascal abasourdi, se demandant : mon père, pourquoi me fuis-tu ? mon père, pourquoi m’as tu abandonné ?

Mélange des évangiles et du monde moderne

 Certains jours, il se consacrait à la rédaction d’un ouvrage qu’il avait intitulé « Deux mots, quatre paroles ». Ce serait son œuvre maîtresse, il entendait prouver que cette mondialisation dont on nous rebat les oreilles était, en fin de compte, qu’une forme moderne de l’esclavage. Les nations riches de l’Occident obligeaient des pays pauvres du sud, dont la main d’œuvre était abondante et sous-payée, à confectionner à moindre frais les produits dont elles avaient besoin.

Humour :

 Cependant, on doit à la vérité de dire que les détracteurs des Mondongues avec des motifs de reproches plus sérieux. Au cours de leur histoire, ceux-ci n’avaient pas su produire un Robert Badinter et ils pratiquaient impunément la peine de mort. Ceux qu’ils appelaient les grands criminels étaient traduits devant un peloton d’exécution qui leur perforait la poitrine. Autrefois, ces exécutions étaient l’occasion de grandes fêtes et de réjouissances de nature à divertir la population. Mais les choses avait évolué aujourd’hui les Mondongues avaient adopté la pratique américaine de la chaise électrique, plus discrète, on en conviendra.

 

 

 

Édition Acte Sud

et participation au mois du Québec de Yueyin et Karine

J’aime cet auteur autant pour son style que pour les histoires qu’il nous raconte. J’ai déjà chroniqué « La traversée du continent » mais j’en ai lu beaucoup d’autres (je dois les relire pour leur faire une place sur Luocine). Michel Tremblay raconte sa famille, mais au-delà de sa famille nous fait comprendre la vie au Québec au siècle dernier. C’est une vie de misère et de rudesse dominée par une église catholique toute puissante qui se mêle du moindre recoin de la vie de ceux et celles qu’elle veut intimement contrôler. Cela va de la vie sexuelle à la liberté de s’instruire.

Les deux personnages Victoire et Josaphat sont frère et sœur. Ils sont unis par un drame atroce, le jour de Noël leurs parents ainsi qu’une grande partie de la population du village meurt dans l’incendie de l’église lors de la messe de minuit. Le curé et le bedeau se sont enfuis par la sacristie sans chercher à sauver leurs paroissiens. Josaphat qui déjà avait perdu la foi, est fou de douleur. Sa sœur Victoire revient vers lui après avoir passé sept années dans un couvent pour y être éduquée par des sœurs qui feront tout pour qu’elle le devienne, elle aussi, mais sans succès. La voilà de retour près de son frère, dans son village natal. C’est l’occasion pour l’auteur de nous faire ressentir la force et la beauté de la nature, les ragots du village, l’absurdité de l’éducation catholique. Michel Tremblay s’amuse aussi à souligner les différences entre le français des sœurs cultivées et le français « d’icitte » : de Duhamel autrefois Preston, le village de Victoire et de Josaphat. Et puis peu à peu nous comprenons le lien qui se tisse entre ses deux orphelins mais si vous avez déjà lu les autres livres de Michel Tremblay seule la façon dont il le raconte sera une nouveauté .

Tout est dans le style de cet auteur, on le lit avec intérêt sans sauter une seule ligne pour en savourer le moindre mot.

 

Citations

Tout le charme de la langue du Québec discours de son père quand sa fille part au couvent.

 Prends tout ça, cette belle chance-là, pour toé. Pour toué tu-seule, Victoire. Fais-le pas pour nous autres, pour nous sauver, écoute-les pas, laisse-les pas te pousser à choisir des choses que tu veux pas. Y vont te donner ce qu’on aurait pas pu te donner, nous autres, une éducation complète. fait leur des accroires si y faut, conte-leur des mensonges, ça sera pas grave d’abord que tu vas apprendre des affaires qu’on connaîtra jamais nous autres… Deviens la fille la plus savante de Preston, pas une bonne sœur. Pis après, va-t-on d’icitte ! Explorer le vaste monde. Si des prêtres venaient m’offrir la même chose pour Josaphat, je dirais oui tu-suite. J’s’rais prêt à me briser le cœur une deuxième fois…

Les réalités du corps et le couvent

 Au couvent, ça s’appelait les cabinets d’aisances, ou les latrines, c’était situé à l’autre bout de l’immense bâtisse et c’était un sujet tabou. Quand nous avions besoin de nous y rendre, nous devions sortir le petit mouchoir glissé dans la manche gauche de notre uniforme et le montrer à une religieuse qui, chaque fois fronçait les sourcils comme si nous commettions une grave faute de bienséance avant de nous faire signe de nous retirer. Il ne fallait « jamais » en faire mention à haute voix. « Les basses fonctions », comme les appelaient les religieuses en plissant le nez, étaient honteuses et devaient être tues. Quant aux religieuses elles-mêmes, je n’ai jamais su où elles faisaient ça.

La cuisine de l’enfance

 Je n’ai pas touché au dessert, mais Josaphat a enfourné une énorme portion de poutine au pain -quel plaisir de retrouver le mot poutine après le mot « pudding » imposé par les religieuses, arrosée de sirop d’érable. Ce que j’avais devant moi n’était pas un pudding au pain, mais bien une poutine au pain, improvisée sans recettes, l’invention de plusieurs générations de femmes qui ne savaient pas lire et qui avait cependant une grande capacité d’improvisation. Rien de ce que j’avais mangé durant mon enfance ne venait d’un livre.

Sourire

Manger de la graisse de rôti en compagnie de quelqu’un qui sent le pipi ce n’est pas la chose la plus agréable du monde

 

 

Édition JCLattès . Traduit de l’anglais par Johan Frederik Guedj.

J’ai reçu en cadeau cet essai de Tara Westover et je l’ai lu avec beaucoup d’émotion et d’intérêt. Cette jeune femme diplômée de l’université de Cambridge et de Harvard a commencé sa vie dans des conditions très particulières. Venant d’un milieu mormon, elle a grandi dans l’Idaho près du mont Buck’s Peak.

 

Cette montagne aura une grande importance dans la construction de sa personnalité, son père lui a raconté toutes les légendes qui peuplent ces lieux et elle représentera tout son univers pendant seize ans de sa vie. L’enfance qu’elle raconte dans ce livre est terrible car non seulement les mormons ont tendance à vivre entre eux en respectant des règles strictes mais en plus son père était « le plus mormon des mormons » et surtout c’est un malade mental qui est la proie de crises paranoïaques. Il faudra à Tara, seize longues années pour se défaire des liens qui l’attachaient à cette famille mortifère. Son frère aîné est d’une violence et d’une perversité incontrôlable, elle sera battue, humiliée et en grand danger de mort sans que ses parents n’interviennent. Il faudra une dernière crise de ce frère pour qu’enfin elle abandonne ses réactions de petite dernière de la fratrie des Westover pour aller vers des études qui lui permettront de trouver la femme remarquable qu’elle est vraiment.

Sa description de son enfance est émouvante, si elle n’est pas allée à l’école, elle a croisé des adultes qui savaient lui dire que ce n’était pas normal et cela a dû avoir une certaine importance dans la rupture avec ses parents qu’elle devra assumer. Elle tient beaucoup à ce titre « Éducation » , car oui elle a été éduquée et en particulier à trouver des forces en elle-même, savoir admirer la beauté de la nature mais à part cela c’est vraiment difficile de voir les valeurs que son père lui a données. On sent très bien que la religion n’est qu’un prétexte pour ce père afin de soumettre toute sa famille à des lois et des règles très dures. Les seuls qui se sont sortis de cette domination sont ceux qui n’ont pas accepté de faire partie du clan et qui tous grâce aux études ont pu assumer leur vie. Les autres vivent encore sous cette domination et le succès du livre de Tara n’a pas dû arranger la paranoïa de son père. Elle est définitivement passée du côté du gouvernement, celui qui impose le lavage de cerveau par l’école, qui ruine la santé par les vaccins et les soins à l’hôpital, qui ne croit pas à la fin du monde et donc n’encourage pas les constructions de souterrains pour survivre : bref, le monde de terreur dominé par le patriarche et assiégé par les forces du mal dont sa fille fait maintenant partie.

Le soucis de vérité de Tara Westover et son honnêteté sont très émouvants elle cherche à éviter la culpabilité que sa mère sa sœur et ses frères veulent lui inculquer. On sent tout le travail thérapeutique qu’elle a dû faire pour oser écrire ses souvenirs sans blesser personne et pouvoir retrouver sa famille sur des valeurs d’amour qui ne soient pas fondées sur la manipulation des uns par les autres.

Citations

Le début

Je n’ai que sept ans, mais je comprends que c’est surtout ça qui rend ma famille différentes : nous n’allons pas à l’école.
Papa redoute que le gouvernement ne nous force à y aller, et cela est impossible, parce que les autorités ignorent que nous existons. Quatre des sept enfants de mes parents n’ont pas d’acte de naissance. Nous n’avons pas de dossiers médicaux, parce que nous sommes nés à la maison et n’avons jamais vu un médecin ou une infirmière. Nous n’avons pas de dossier scolaire parce que nous n’avons jamais mis les pieds dans une salle de classe.

La propreté

« N’apprends-tu pas à tes enfants à se laver les mains après être allés aux toilettes ? »
Papa a pas mis le moteur en route. Le pick-up avançait lentement, il a fait un signe de la main. 
« Je leur apprends à ne pas se pisser sur les mains. »

La religion de ses parents

J’avais toujours su que mon père croyait en un Dieu différent. Enfant, j’avais conscience que si ma famille fréquentait la même église que tout le monde dans notre ville, notre religion n’était pas pareil. Les autres croyaient en la décence ; nous, nous la pratiquions . Ils croyaient au pouvoir de guérison de Dieu ; nous remettions nos blessures entre Ses mains. Ils croyaient en la préparation de la Résurrection, nous nous y préparions véritablement. Aussi loin que je me souvienne, j’étais convaincu que les membres de ma famille étaient les seuls vrais mormons que j’ai jamais connus.

Le final

Maintenant que j’y pensais, je me rendais compte que tous mes frères et soeurs exceptés Richard et Tyler, étaient économiquement dépendants de mes parents. Ma famille se scindait en deux -les trois qui avaient quitté la montagne, et les quatre qui étaient restés. Les trois titulaires de doctorat, et les quatre sans diplômes. Un fossé était apparu, et se creusait.

Édition folio Traduit de l’anglais (États-Unis) par Cécile Arnaud

 

L’appel à la sainteté et au sacrifice de soi, les illusions et la superstition nécessaire disparaissaient du monde à cette époque déjà 

 

Le 18 décembre 2018, Dominique faisait paraître un billet sur ce roman et immédiatement cela m’a tentée. Comme on peut le constater, je ne suis pas très rapide dans la concrétisation de mes tentations !

Je dois d’abord dire que j’ai failli lâcher cette lecture au bout de cent pages. Gros avantage des blogs et d’internet, on peut relire les billets même quelques années plus tard, je suis donc retournée sur son blog et cela m’a donné un second souffle pour finir ma lecture. Heureusement ! car c’est un excellent roman de plus très original.
Pourquoi ai-je failli l’abandonner ? Parce qu’il présentait une vision trop idyllique, à mes yeux, de l’univers des sœurs, ici, les petites sœurs des pauvres. Et que, comme moi je suppose, vous connaissez des récits personnels, ou des romans, décrivant toute la perversité avec laquelle l’église catholique a contraint des consciences, parfois avec violence au nom du « bien ».

Pourquoi aurais-je eu tort d’arrêter ma lecture ? Parce que je n’aurais pas dû oublier que petites sœurs des pauvres ont été les pionnières et souvent les seules à lutter contre la précarité au début du 20° siècle. Dans ce roman, on parle de Jeanne Jugan qui est originaire de ma région et dont la vie, à l’image des sœurs de Brooklyn, est faite d’abnégation et de courage mais aussi de jalousie et de perfidies dont elle a été victime.

Le roman commence par le suicide de Jim, mari d’Annie et père de Sally . Les sœurs font tout ce qu’elles peuvent pour éviter à la famille le déshonneur d’un suicide hélas la presse a dévoilé cette mort par le gaz qui aurait pu faire sauter tout l’immeuble. Si sœur Saint-Sauveur n’arrive pas à faire dire une messe ni à faire enterrer en terre catholique le malheureux Jim, au moins sauve-t-elle Annie de la misère la plus absolue en l’employant à la blanchisserie du couvent. Ainsi Sally va-t-elle naître et grandir au milieu des sœurs. On voit peu à peu différents caractères se dessiner, celle qui règne sur la blanchisserie : Illuminata a un caractère bourru mais elle se prend d’affection pour Annie et Sally et elle est jalouse de Jeanne une sœur plus jeune qui va comprendre qu’Annie a besoin parfois de souffler un peu et lui permet de sortir du couvent.
A Brooklyn dans la communauté irlandaise , l’alcool, la misère, les naissances trop rapprochées sont le lot d’une population qui essaie tant bien que mal de s’en sortir. J’ai retrouvé dans ces descriptions l’ambiance d’une série que j’ai beaucoup aimé et qui se passe dans les années 50 en Grande-Bretagne : « Call The Midwife » .

Plusieurs personnages secondaires apparaissent qu’il ne faut surtout pas négliger, car ils vont se réunir pour former la trame romanesque de cette plongée dans le début du 20° siècle dans le New York de la grande pauvreté. Monsieur Costello, le livreur de lait, marié à une femme amputée d’une jambe et tout le temps malade – la description des soins qu’il faut lui administrer sont d’un réalisme difficilement soutenable. La famille Tierney qui malgré les difficultés et les nombreuses naissances est marquée par la joie de vivre . J’ai appris grâce à cette famille que pour éviter de faire la guerre de Sécession on pouvait payer un remplaçant mais si celui-ci revenait blessé la famille se devait, au moins moralement, mais souvent financièrement l’aider à s’en sortir.

Le décor est planté, la jeune Sally ira-t-elle vers les modèles qui ont bercé son enfance et deviendra-elle nonne à son tour ? Elle a bien failli le faire, mais un terrible voyage en train lui a montré qu’elle n’avait pas l’âme assez forte pour supporter l’humanité souffrante (et déviante). Ira-telle vers une vie familiale avec Patrick Tierney ? Mais pour cela il faudrait qu’elle abandonne sa mère qui a tant fait pour elle.
Oui, il va y avoir une solution mais il ne faut pas top s’étonner qu’à l’âge adulte Sally ait eu des tendances à la dépression !

Un excellent roman, qui vaut autant pour les descriptions précises et très (trop parfois pour moi) réalistes de la communauté pauvre irlandaise de Brooklyn, que pour les rapports entre les religieuses, que par sa construction romanesque très bien imaginée. Si j’ai une petite réserve c’est que j’ai trouvé un inutilement compliqué de comprendre qui était en réalité le narrateur, mais cela permet de ne pas divulgâcher la fin. Comme je fais partie des gens qui aiment mieux connaître le dénouement avant de lire un roman, évidemment j’ai été plus agacée que séduite par ce procédé.
Mais ce n’est qu’un tout petit bémol par rapport à l’intérêt de ce roman qui a reçu le prix Fémina pour le roman étranger, en 2018, c’est vraiment plus que mérité, car c’est un très bel hommage aux femmes à toutes les femmes !

 

Citations

 

La pauvreté

Sœur Lucy dit à Sally qu’un bon mari était une bénédiction – un bon mari qui allait au travail tous les jours, ne dilapidait pas son salaire au bar ou sur les champs de courses, ne battait pas ses enfants et ne traitait pas sa femme en esclave – mais une bénédiction rare à tout le moins.
Elle dit : Même un bon mari est capable d’épuiser sa femme. Elle dit : Même une bonne épouse est susceptible de se transformer en sorcière ou en poivrote ou, pire, en bébé ou en invalide, afin de tenir son très bon mari à l’écart de son lit.

Éducation sexuelle de la jeune novice dans un voyage en train

« Et même si je suis sûr, poursuivit-elle, qu’un petit bébé bonne sœur ne connaît rien à ces choses-là, je peux vous affirmer qu’on a jamais vu un homme avec un pénis aussi minuscule. » Elle brandit son petit doigt pâle. L’ongle, la chair même se terminaient en une pointe ourlée de crasse. Puis la femme fourra le doigt dans sa bouche et referma les lèvres dessus. Elle écarquilla les yeux comme sous le coup de la surprise. Lorsque elle ressortit son doigt, il était humide et taché de rouge à lèvres à sa base. Ensuite elle posa sa main, aux doigts repliés dans sa paume sur ses larges cuisses et remua son petit doigt humide contre le tissu noir de sa jupe.  » Vous imaginez, dit-elle avec désinvolture, une fille de ma taille passant sa vie à chevaucher un truc de cette taille là ? » Sally détourna les yeux, le visage brûlant.

J’aime bien cette description d’une dispute familiale

Ainsi s’acheva la dispute. Ils étaient tous les deux tout rouge. Ils se passèrent tous les deux la langue sur les lèvres, satisfaits, pour lécher les postillons des mots qu’ils venaient de crier. Les disputes de leurs parents, nous raconta notre père, éclataient soudainement, comme une bagarre de rue, puis se terminaient tout aussi vite. La paix redescendait. Ça ressemblait au bonheur.
Leurs six enfants en vinrent à comprendre qu’on pouvait trouver une certaine satisfaction à faire enrager un être aimé

 

J’ai découvert ce roman sur un blog que je lis régulièrement « La souris jaune« . J’aime bien ce blog car j’y trouve des livres qui ne sont pas dans l’actualité littéraire. La Souris Jaune, fouine dans tous les lieux où l’on trouve des livres pas chers ou dans les médiathèques pour assouvir ses envies de lecture. Ce roman avait tout pour me plaire, car il parle d’un sujet très peu traité : que sont devenus les traces de la présence juive en Egypte ? Le début m’a enchantée et je me suis installée pour faire un voyage original dans un pays où je n’irai sans doute jamais. Mais lorsque l’héroïne, Camélia arrive en Egypte, très vite, j’ai déchanté. Elle arrive dans ce pays avec l’argent de sa mère et des ses tantes pour faire construire une sépulture digne des attentes des sœurs de la morte, Carlotta . Carlotta est restée en Egypte et n’a pas suivi ses sœurs en France. Cela aussi m’intéressait, celle qu’on surnommait « la juive au nombril arabe » a mené une vie hors du commun. Mais il en est si peu question ou d’une façon si embrouillée que je me suis vite lassée. Vers la page 200 d’un roman qui en compte 350, j’ai parcouru en diagonal un récit qui ‘arrivait pas à retenir mon attention. Je n’ai rien compris aux aventures amoureuses de Camélia qui a des relation sexuelles avec l’homme qui la reçoit et qui l’oblige à l’appeler « papa ». Ses rencontres avec les pensionnaires de l’ancienne demeure qui étaient la maison de retraite de sa tante sont totalement étranges. On sent que l’auteur veut nous faire vivre à la fois la décrépitude de ce monde ancien et celui de la vieillesse , j’ai parfois pensé à la famille « Mangeclous » d’Albert Cohen, mais le récit n’arrivait pas à se construire. Comme « la souris jaune » j’ai bien aimé les incessants coups de fil de Lounna la mère juive plus vraie que nature de Camélia. Et puis je dois souligner la scène de départ dans l’aéroport qui est vraiment très drôle. Au moment où j’écris ce billet, alors que je ne peux pas dire que j’ai lu jusqu’au bout ce roman, j’espère que plusieurs d’entre vous l’avez lu et que vous saurez m’expliquer ce que vous avez aimé dans la partie égyptienne

 

 

Citations

Quand j’ai cru à la première page que je lirai ce roman jusqu’au bout

Morte Carlotta ? Morte la sœur aînée née de la même mère ? Maman s’échauffait . Le mystère de la mort la laissait sans voix hurlait-elle, et je sus qu’elle criait en montrant toutes ses dents au téléphone. Les morts vont vite ! Le monde s’en va. ! Quoi ! apprendre la funeste nouvelles aujourd’hui samedi ? Le seul jour consacré à la partie de bridge hebdomadaire ? Voilà bien la chance de maman ! Tant pis, Dieu était grand, ce qu’il donnait d’une main il le reprenait de l’autre, bientôt il prendrait tout des deux mains…. Maman sentait approcher sa dernière heure.

Toujours sa mère

Sa liaison avec le producteur Rachid « Un musulman qui n’est même pas chrétien » fulminait Maman.

 La scène de l’aéroport sa fille de 26 ans doit écouter les conseils de ses tantes, comme tous les voyageurs car elles parlent très fort.

Je vous la confie, dit maman à l’hôtesse de l’air en charge des bagages. C’est ma fille unique et je l’aime. Surveillez la bien, elle a l’air grande du dehors mais dans sa tête elle est très petite. Il marche bien votre avion ?
Les voyageurs, écartés de force du guichet, parurent fort intéressés par les conseils des dames en noir.
– Il n’y a pas, criait tante Marcelle, tu te débrouilles et tu pousses, mais tu prends place dans la queue, pour la vie sauve si l’avion s’écrabouille en mer, Dieu préserve !
– Tu mettras immédiatement le gilet gonflant, renchérissait tante Fortunée.
-Tu n’iras pas à la toilette suspendue, disait tante Melba à cause de l’aspiration, sait-on jamais. Il n’y a pas de cannibales, au moins ? Elle jeta alentours des regard courroucé. Ah chères, j’ai lu l’article abominable, les uns mangeant les autres et tous commençant par les plus jeunes !
– Aucune boisson alcoolisée, vociférait Maman on te connaît, un verre, deux verres, trois et tu t’endors, quatre tu manques l’arrêt du Caire.
– Camélia chérie, n’oublie pas de sucer le bonbon de l’envol, conseillait tante Fortunée sinon tu retourneras tes vomissements sur les voisins.
-Tu mangeras tout, approuvait maman. Ça fait passer le temps c’est compris dans le prix, mon Dieu comme tout augmente.
– Si tu n’aimes pas la confiture disait tante Melba, garde-moi le petit pot. Ça fait dînette, on voyage par le palais, et le goût est très français.
-Boucle-la Melba, se fâchait tante Marcelle, sommes-nous des mendiants ? Tu ne vois pas que les oreilles françaises nous écoutent

Vraie question

Ils ont vendu le patrimoine des ancêtres. Un rouleau sacré par-ci, une relique du Temple de Jérusalem par là, une synagogue, quelques belles maisons du quartier juif. Les Américains raffolent des marques du passé. Ils ont acheté. Qu’est-ce qu’ils n’ont pas acheté. Lequel est le plus coupable ? Celui qui achète ou celui qui vend ?

Le cimetière juif du Caire

Plus loin, deux jeunes femmes étendaient du linge entre les piliers de la nef consacrée en 1912 à un certain Isaac Pinto, le délivré, selon l’épitaphe, d’une longue vie de douleur et de solitude. À deux pas de là, un vieillard arrosait d’urine la dalle de Léda Gattegno (1903 1933) trop tôt arrachée à son juge d’époux, lequel avait mis une vingtaine d’années à la rejoindre sous le caveau où fleurissait la menthe sauvage et le persil. Des fèves cuisaient à gros bouillons dans la vasque funéraire de Simon Francis Bey, fumet exquis qui partait chatouiller les narines d’un autre pair d’Égypte, le baron Mustapha Lévy, un grand philanthrope , dit Sultana, il a beaucoup construit pour les pauvres, décédé en l’an 1948 et dont le mausolée, un petit palais baroque, s’envahissait de volailles.

Édition Gallmeister traduit de l’américain par Sophie Asnalides

A obtenu un coup de cœur au club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Comment classer ce roman qui a tant plu aux lectrices et au lecteur de notre club de lecture : roman social , parce qu’il décrit si bien la société d’une petite ville de l’Arkansas groupée autour d’un pasteur charismatique, roman policier parce qu’il y a des meurtres, thriller parce que le suspens bien que prévisible est très bien mené. C’est tout cela et beaucoup plus. Parlons d’abord du contexte, le jour de Pâques la famille du pasteur Richard Weatherford est réunie pour célébrer le Seigneur en ce jour qui célèbre sa résurrection. Celui-ci est tourmenté car il a eu une relation homosexuelle avec un jeune de son village, Gary Doane . Celui-ci a décidé de fuir le village et la domination du pasteur avec de l’argent soutiré au pasteur pour ne pas dévoiler ces relations. Tout se passe en cette journée de Pâques et l’on sent que l’on va vers une catastrophe si prévisible. Mais le plus important n’est pas là, même si l’intrigue est très bien menée, à aucun moment on est dans l’interprétation des faits mais dans les faits eux-mêmes. Chaque chapitre tourne autour d’un personnage du village et peu à peu le village apparaît devant nos yeux et c’est vraiment très intéressant. Le titre dit tout de l’ambiance de Stock, cette petite ville où tout le monde connaît tout le monde et se surveille avec peu de charité chrétienne même si le pasteur est bien le personnage tutélaire de ce roman. On est dans l’Amérique profonde qui ne croit ni à le théorie de l’évolution ni à la liberté de penser. Un pas de travers et vous voilà rejeter de ce petit village qui donne envie de fuir. Mais pour cela, il faut un peu d’argent et c’est bien là le nerf de la guerre. Même si on sent bien que rien ne peut s’arranger, je ne peux pas dire que j’avais prévu la fin. Ce roman conviendra à toutes celles et tous ceux qui sont persuadés que les bons sentiments ne mènent pas le monde, même quand ils sont prêchés tous les dimanche d’une voix tonitruante. Un excellent moment de lecture que j’aimerais partager avec vous.

PS . Ce billet est écrit depuis longtemps, mais tout à fait par hasard il résonne avec l’actualité. On y voit, en effet, les ravages que provoquent le risque de mettre à jour une relation homosexuelle qui révèlerait la part d’ombre d’un homme puissant.

 

Citations

La famille du pasteur

Papa, comment c’est possible qu’il y ait des gens qui pensent qu’on descend des singes ? – Je ne sais pas, mon fils. Hitler a dit que si on veut que les gens croient un mensonge, il suffit de le répéter sans arrêt. Les anticléricaux ne cessent de répéter leur discours sur l’évolution et les gens l’accepte sans le remettre en question. Ils entendent des hommes instruits avec des diplômes impressionnants qui pérorent sur les singes, des fossiles, que sais-je d’autre, ils se disent : « Bon je n’y comprends rien, mais je suppose que ça doit être vrai si ces gens intelligents le croient. »

Dialogue entre la femme du pasteur et une amie

Non, je vous ce que tu veux dire, dit Sandy. Femme de pasteur c’est un job qui occupe nuit et jour.
– Tout à fait. Et j’aime ça. Je ne me plains pas. Mais cette position est très exigeante, un peu comme celle de la femme d’un homme politique. Beaucoup de gens la qualifieraient à peine de boulot, mais en réalité, c’est assez proche de la manière dont Ginger Rogers qualifiait ses danses avec Fred Astair.
– « Je faisais tout ce qu’il faisait, mais à reculons et en talons. »

Le cœur du roman : monologue du pasteur

Ce que je ne suis pas, c’est un homosexuel. Cela n’existe pas, les homosexuels. Le concept de l’identité gay est un mensonge du diable, fondée sur les idées fausses que l’homosexualité est un état de l’être. Si les homosexuels existent, alors Dieu a dû créer les homosexuels, donc, non, il ne peut pas y avoir d’homosexuels. Il n’y a que des actes homosexuels, et on peut choisir ou non de commettre ces actes. Je peux me détourner de mon péché.

Le dépressif

Vachement déprimant, comme idée. Soit c’était un raté et sa grange est là, à pourrir au bord de la route, soit il avait réussi et sa grange est là, à pourrir au bord de la route.

Édition Notabila . Traduit de l’italien par Lise Chapuis. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Deux enfants d’un quartier de Palerme se soutiennent pour vivre et rester joyeux malgré la pauvreté dans laquelle ils vivent. Mimmo et Cristofaro passent leur temps à éviter tous les pièges que tend la vie aux miséreux. Mais Cristofaro est en grand danger car son père lui cogne dessus tous les soir comme le dit l’auteur « Il pleure la bière de son père ». Dans ce quartier de Palerme personne ne peut garder une quelconque intimité car tout se sait, puisque tout s’entend même le nombre de coups que reçoit le malheureux Cristofaro. Le héros du quartier c’est Toto le voleur insaisissable qui court si vite qu’il laisse sur place tous ceux qui veulent le rattraper, en se faufilant dans les ruelles qu’il connaît mieux que tout le monde.

Il est amoureux de Carmela la prostituée et un moment de bonheur semble arriver quand il organise son mariage avec elle et ainsi donne un père à Céleste l’enfant qui n’a pas de père. Lorsque sa mère reçoit ses clients, Céleste passe ses journées à lire ses livres de classe sur le balcon du domicile de sa mère. Elle s’instruit aussi en regardant par le trou qu’elle a réussi à creuser dans le volet de la chambre, et connaitre la longueur de le « bite » de chaque père du quartier lui permet de tenir à distance tous ceux qui auraient aimé la mépriser.

 

Mais évidement quand la misère vous colle à la peau le drame n’est pas loin, et ce livre ne pouvait pas finir par un « Happy-End » de mauvais goût .

En vous racontant l’histoire, je passe à côté de l’essentiel : le style extraordinaire. Giosué Calaciura réussit à nous entraîner dans les rues Palerme . Nous sentons physiquement les odeurs, le rythme de chacun, les peurs des uns et des autres. Toutes les scènes sont à la fois précises et oniriques. Le passage où l’auteur décrit l’odeur du pain qui envahit les rues est un moment délicieux. Les courses éperdues de Toto pour échapper aux policiers sont époustouflantes : on court avec lui. Toute la vie est scandée par la sirène du ferry qui annonce son arrivée – avec les marins clients de Carmela- et la sonnerie de son départ -qui invite ceux qui veulent fuir Palerme à monter à bord. Ce n’est pas facile de décrire la misère sans la rendre si glauque et si violente qu’elle nous fait peur où si lointaine qu’elle ne nous touche pas. L’auteur la connaît bien, cette misère, et sait nous la faire vivre presque physiquement, l’horreur est là, la violence aussi mais les moments de bonheur aussi. Bref c’est l’humanité dans sa totalité. Bravo monsieur Giosué Calaciura.

Vous pouvez aussi lire le billet de « lire au lit » qui en dit beaucoup de bien

 

Citations

La prostituée

À l’entrée, elle rencontra le client paralysé qui, ne voulant pas être reconnu, était resté là à attendre que la foule s’éparpille ; pour le tranquilliser, elle promit de lui faciliter une sortie discrète en attirant sur elle tous les regards et les méchancetés. Lorsqu’elle ouvrit la porte d’entrée de l’immeuble chaussée de ses claquettes bleues, couverte seulement de son peignoir bleu enfilé après le travail, et qu’elle se présenta dans la lumière du dimanche après-midi, elle apparut à tous très belle et exempte de toute faute. Les femmes même qui, par habitude, se signaient chaque fois qu’elle la voyait, se figèrent, le bras levé à la hauteur de « au nom du Père », pressentant dans leur geste le blasphème de ne pas avoir reconnu, au milieu de ses cheveux déliés des étreintes de la luxure, le visage de la Vierge au Manteau. Alors elle reprirent leur signe de croix non pour demander le châtiment et pour participer au pardon

Le père violent

Au Borgo Vecchio tout le monde savait que Cristofaro pleurait chaque soir la bière de son père. Après le dîner, assis devant la télévision, les voisins entendaient ses hurlements qui couvraient tous les bruits du quartier. Ils baissaient le volume et écoutaient. Selon les cris, ils pouvaient deviner où il le frappait, à coups de poing secs, précis. À coups de pied aussi, jamais au visage. Le père de Cristofaro tenait à l’honneur de son fils : personne ne devait voir l’outrage des bleus.

L’initiation de Toto, et la corruption de la police

« Tu la vois , cette voiture, là ? Les pneus , les quatre , et puis tu files. »

 C’était l’utilitaire d’un employé de l’hôtel de police en charge des passeports : il n’avait pas encore compris et s’occupait avec un zèle excessif des papiers entachés d’antécédents judiciaires , il entravait le cours naturel des autorisations et délivrances de documents , et faisait de l’obstruction à travers l’intransigeance de la loi et les temps longs de la bureaucratie . Certaines personnes , par contre , avait un besoin urgent de casiers judiciaires immaculés et d’autorisations permettant de mettre en route des dossiers de chantiers et de travaux . S’il n’avait pas compris la manière douce , étant donné qu’il avait renvoyé à l’expéditeur une invitation pour une semaine de vacances tous frais payés avec femme et enfants à l’hôtel de la mer , il allait à présent comprendre la manière forte.

Le vendeur du marché aux puces le plus malheureux

Mais parmi tous ces vendeurs de fortune, le plus synthétique était celui qui vendait la solitude d’une chaussure. L’autre avait été volée par pure méchanceté, parce que c’était la plus belle,brillante, en cuir noir, la paire de chaussures de son mariage, celle qui l’avait accompagné à chaque pas dans toutes les occasions de fêtes et aussi au repas de Noël, même si c’étaient des chaussures d’été.