Édition Gallimard NRF ; Traduit de l’hébreu par Laurence Sendrowicz

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Oui, c’est bien pratique que la terre entière soit désormais réduite à un minuscule appareil cellulaire dans lequel est logé la majeure partie de l’humanité.

Un livre qu’il faut absolument lire en ce moment, c’est une plongée dans la vie actuelle d’Israël et dans les réflexions de ses habitants.

Le roman se construit autour d’une histoire d’amour qui s’est brutalement arrêtée à la création de l’état d’Israël, en 1948 entre Rachel et Mano Rubin de très jeunes adolescents. Rachel est aujourd’hui très âgée et Mano vient de mourir.Tous les deux ont refait leur vie sans jamais se revoir. Mano devenu professeur Rubin a été un père tyrannique pour sa première fille Atara, mais plus doux avec sa deuxième fille. Rachel a deux fils, son aîné s’est éloigné d’elle et son plus jeune est devenu juif orthodoxe.

Au décès de son père, Atara a la surprise de l’entendre évoquer d’une voix pleine d’amour d’une certaine Rachel dont elle n’avait jamais entendu parler. Elle part donc à la recherche de cette femme. Rachel sait pourquoi elle porte ce prénom peu donné. Atara a été mariée une première fois, elle a eu une fille mais elle est tombée amoureuse d’Alex qui est lui même père d’un garçon ensemble ils auront un fils Eden. Rien ne va bien dans la vie d’Atara peut-être parce que le comportement brutal de son père l’a empêchée d’accéder à la sérénité. Elle a l’impression que Rachel peut lui apporter des réponses et veut absolument lui parler alors que son mari qui est obligé d’aller aux urgences de l’hôpital mais finalement il est revenu chez lui, ce qui rassure son épouse et son fils Éden. Malgré l’inquiétude d’Atara, Alex refusera de retourner aux urgences et il va en mourir. Atara se sent coupable et ne sait pas où trouver du réconfort. Elle sent que ses enfants s’éloignent et qu’elle n’a pas su rendre son mari heureux. La transmission des parents aux enfants est un problème qui obsède Atara. Mais aussi Rachel. Il semblerait que les hommes soient plus détachés, mais ils sont aussi des passeurs peut-être plus inconscients.

L’intérêt de ce roman vient de ce tout ce qu’on découvre de la construction de la société israélienne. Rachel et Mano faisaient parti d’un groupe Lehi (parfois appelé Stern) qui a utilisé le terrorisme pour se débarrasser des anglais en 1948. Leur volonté était d’unir les Arabes et les Juifs contre les anglais, ils ont été pourchassés autant par les anglais que par les arabes, comme si, dès la naissance de ce pays rien ne pouvait se passer sans la violence. Leurs enfants représentent une partie du panel des choix des habitants d’Israël : les croyants qui trouvent dans la foi une réponse à la violence et dans les histoires rabbiniques des messages métaphoriques (que j’ai eu parfois du mal à comprendre), deux des enfants ont choisi de vivre loin de ce pays trop compliqué pour eux l’une aux USA, l’autre en Colombie, Atara cherche dans le respect des traditions architecturales un sens à son pays, un des fils de Rachel rejette sa mère qui est allée vivre dans une colonie dans les territoires occupés. Tous vivent avec un sentiment d’insécurité qui les taraude et plusieurs fois dans ce roman les personnages se posent la question de leur légitimité.

C’est un roman très anxiogène et pourtant il a été écrit avant le 7 octobre 2023, c’est aussi un roman sur la culpabilité et une introspection parfois trop poussée à mon goût sur le rôle des parents vis à vis de leurs enfants

Extraits

Début.

 Debout derrière la porte close, elle se tient immobile. À quoi bon appuyer sur la sonnette ou frapper, puisque de toute façon, la maîtresse de maison a remarqué sa présence.

Leur fils.

 Eden, enfant paradis, qui dès sa naissance, leur a procuré tant de joie, tant de fierté, que lui est-il soudain arrivé, lui qui a montré une résistance inattendue et exceptionnelle, qui a surmonté les entraînements les plus épuisants, exigeant de lui-même chaque jour davantage, qui a pris part à des raids et des opérations militaires dont, bien sûr, il ne pouvait rien dire, il ne leur disait donc rien, ni avant ni après, et seul son regard vide permettait de temps en temps, d’imaginer d’où il revenait – un lieu où il n’y avait ni jour ni nuit ni hésitations ni questions, où seule la mission comptait, plus sacrée encore que la vie humaine.

Les reproches d’un fils.

Il lui en veut comme si elle était toujours une jeune mère suffisamment forte pour donner, réparer, se défendre, et non une vieille dame dont il faut prendre soin. Le jour où il comprendra qu’il y a plus personne à qui demander des comptes, je mourrai, songe-t-elle souvent, ou alors, il ne comprendra qu’à ma mort 

Et c’était écrit avant le 7 octobre 2023.

 « Bon, écoutez, ma petite Atara, lui dit-il avec une expression mielleuse, écoutez-moi bien, je n’arriverai jamais à vendre mes appartements sans la construction d’une pièce sécurisée. À la prochaine guerre, ce sera une question de vie ou de mort. Vous m’accorderez que c’est plus important que l’esthétique. Vous vous souvenez de ces familles, dans le sud du pays, qui n’ont été sauvées que grâce à leur chambre forte ? Et si jamais ça arrivait ici ? Vous voulez avoir la mort d’enfants sur la conscience ? »

Les groupes avant l’état d’Israël .

 Les membres du Lehi étaient tellement isolés que même pour leurs funérailles on les laissait dans une solitude extrême et inexcusable, alors que la dépouille de ceux qui appartenaient à la Hagana recevaient tous les honneurs posthumes et était suivie par les foules manipulées et soumises
 Dans leur réseau on trouvait aussi bien des socialistes et des communistes que des révisionniste ou des mystiques et des révolutionnaires. Ce qui les unissait n’était pas une vision du monde identique, mais une ferveur identique. Chacun avait sa foi, croyait à sa manière en des doctrines différentes, mais quel que fût leur bord, ils étaient tous des jusqu’au-boutistes. C’est ce qui leur attirait les foudres autant de la droite que de la gauche Très peu de gens avaient su à l’époque – et c’était encore le cas, voire pire aujourd’hui-, qui avaient réellement fait partie du Lehi. Personne n’avait eu conscience de l’envergure de leur vision. Ils rêvaient d’une révolution qui mettrait en ébullition à tous les peuples de la région, d’un Moyen-Orient libéré de toute impérialisme et imaginaient des déplacements volontaires et logiques de populations.

Les sentiments d’une ex- pionnière .

 Elle se sent désemparée devant l’extrême changement du paysage donc elle ne reconnaît plus rien. Israël est devenu un endroit surpeuplé, gris, barricadé, qui se cachent derrière des murs et des barbelés -signe qu’il n’a plus foi en sa légitimité. 
Nous avons bien changé, toi et moi, songe-t-elle en regardant son visage fané dans le rétroviseur extérieur. Tout comme on ne peut plus reconnaître en toi le pays que tu étais, on ne peut plus reconnaître en moi l’adolescente que j’étais. Et moi non plus, je n’ai peut-être plus foi en ma légitimité car je me sois présent si vulnérable que même le regard bienveillant de mon fils me brûle la peau 

 


Édition Acte Sud . Traduit du Turc par Julien Lapeyre de Cabanes

 

 

Personne ne peut rien contre quelqu’un qui meurt sans mourir.

Depuis ce témoignage inoubliable écrit au fond d’une prison turque dont il ne pensait jamais sortir  » Je ne reverrai jamais le monde » , je suis cet écrivain dont j’ai adoré son roman à la gloire des femmes et de l’amour « Madame Hayat » . C’est beaucoup moins le cas pour ce roman-ci. Pourtant parfaitement écrit, mais à force de torturer les sentiments et la cervelle d’un fanatique : le jeune Ziya, l’auteur m’a perdue en route. Contrairement à un des personnages féminins, je n’ai aucune attirance pour les criminels, et le fait que Ziya aie accompli son premier meurtre à 16 ans me dégoûte et ne me fascine pas du tout. Je pense même, que, plus on est jeune plus c’est simple de tuer. Les Khmers rouges étaient souvent des enfants à peine adolescents. L’auteur qui est, dans son pays, entouré de gens prêts à tuer pour l’honneur, ou par fanatisme religieux a voulu créer un personnage prêt à le faire lui aussi. Le ressort principal de ce genre de fanatique, c’est qu’ils n’ont eux-mêmes aucune peur de la mort. On le voit si bien avec tous ses candidats au Jihad prêts à se faire sauter pour tuer un maximum de gens « impies ou impures » . Ironie suprême Ziya se rendra compte qu’il est le jouet de bien puissants que lui. Ce jeune est totalement enfermé dans un processus qui le définit complètements. La vie ne fait que l’effleurer, il ne peut parler avec personne, et la seule femme qu’il aurait pu aimer, il ne lui a rien dit, il n’a jamais réussi à casser sa carapace de certitudes. L’argent l’attire mais comme un rêve mais sans le motiver assez pour faire attention à sa vie.
Et le titre ? ce n’est que dans le jeu que Ziya oublie sa pulsion de mort. Sans être « la vie » le hasard sur lequel il mise autant d’argent lui montre le côté dérisoire de la mort.

Un roman parfaitement écrit mais dont le personnage sur lequel est construit tout le roman est trop prévisible. Je n’ai rien découvert que je ne savais déjà sur un sujet terrible et si démoralisant.

 

Extraits

 

Le début .

 La formation d’une âme comme celle de Ziya, né au monde avec sa part de ténèbres, nécessitait une personnalité qui sorte de l’ordinaire, une admiration dont la violence et le son traçaient les contours, et des coups durs.

L’idéal d’un homme d’honneur .

 Un homme devait-il choisir entre son honneur et sa vie, devait choisir l’honneur. Mourir valait toujours mieux que de vivre dans le déshonneur. Personne ne se moquait d’un homme d’honneur ; le châtiment de ces moqueries était la mort. Arif Bey et ses amis croyaient à ses lois, et vivaient selon elles.

 

Le Fanatisme

 Le désir, l’enthousiasme immenses suscités par l’idée de sa propre mort, sensation si étrange et si rare, le transportaient dans un lieu situé au-delà de la vie et de la mort, un espace infini et sanglant tissé de réalités nouvelles, où il était le seul maître. Il se croyait désormais invulnérable. Personne ne peut rien contre quelqu’un qui meurt sans mourir.

Ahmet Altan sait de quoi il parle !

 Personne ne peut connaître la valeur de solitude, personne ne peut en concevoir le manque aussi bien qu’un homme qui est resté longtemps en prison 

L’amour .

 En réalité, ce qui les rapprochait n’était pas tant leur étrangetés que leur solitude. De tous les sentiments, c’est celui qui porte le plus vite à l’amour. Et tous les d’eux étaient seuls

Je ne crois pas beaucoup à ce genre d’analyse de caractère .

Dès qu’elle eut appris que ce jeune homme qui ne ressemblait à aucun autre était un assassin, quelque chose se mit en mouvement dans l’espèce de puits sans fond invisible où ses sentiments s’empilaient depuis des années dans un ordre immuable.

la gloire de tuer.

La gloire qu’il allait gagner en tuant un homme qu’on croyait intouchable, la gloire qu’il gagnerait par cette prouesse de courage excitait bien plus son âme, cette nuit-là, que tous les espoirs et toutes les craintes. Rien n’avait plus de prix pour lui que le courage et la gloire, or il n’y avait qu’en tuant et en acceptant soi-même de mourir pour cela qu’un homme pouvait obtenir la gloire synonyme du respect unanime.

La peur inspirée par un tueur.

 « Il suffit que les gens s’imaginent que tu peux les tuer, et tu n’auras plus besoin de tuer personne, et tout le monde te respectera. » C’était exactement ce qu’on imaginait désormais : que Zya pouvait tuer n’importe qui.

 

Édition Grasset

Metin Arditi est un auteur dont j’aime lire les romans sans être totalement enthousiaste, après « loin des bras » « Prince d’orchestre » et « L’enfant qui mesurait le monde » voici donc « Tu seras mon père ».

Arditi connaît très bien les pensions suisses, celles où sont élevées les enfants de milieu, très, très, riches et qui sont souvent des jeunes malheureux qui se sentent abandonnés. Ce n’est pas le thème principal du roman, le thème principal c’est le pardon. Peut-on tout pardonner et comment y arriver.

Le sujet est bien traité, mais de façon trop romanesque pour moi, cette question reste très intéressante. Et après avoir refermé ce roman, elel m’a trotté dans la tête pendant longtemps.

Il s’agit de savoir si un enfant dont le père a été victime des Brigades Rouges, en 1978, peut pardonner au principal instigateur de ce crime. Pour que le roman soit « vraisemblable » le père de l’enfant, le principal fabriquant de glace d’Italie, n’a pas été assassiné par ses geôliers mais s’est suicidé quelques temps après. L’homme à qui il doit pardonner n’a pas été celui qui l’a enlevé mais celui qui l’avait désigné à ses ravisseurs.

Onze ans plus tard, Renato, l’enfant devenu jeune adolescent retrouve cet homme, Paolo, comme professeur de théâtre dans une institution privée, un lien très fort se noue entre eux. On imagine le drame lorsqu’il découvrira la vérité .

Enfin, une dernier ressort romanesque, autour d’une professeure de danse qui aiment à la fois Renato et Paolo.
Je crains d’en dire plus pour les ceux et celles qui ne veulent pas connaître la fin d’un roman avant de le commencer.

La question essentielle reste entière peut-on pardonner ? Cette question s’est trouvé être posée en France où des anciens « Brigades rouges » avaient refait leur vie.

Metin Arditi a beau insister sur le côté sordide de l’exploitation ouvrière en Italie, cela n’empêche que rien ne justifie le meurtre d’un centaine de personnes. Il faudra l’assassinat du président du parti démocrate chrétien Aldo Moro pour que l’ensemble de la classe politique se retourne complètement contre ces assassins.
J’ai eu, comme d’habitude, plaisir à lire ce roman de Metin Arditi qui m’a remis en mémoire les heures sombres de l’Italie, j’ai apprécié la question posée : peut-on tout pardonner, mais le côte trop romanesque ne m’a pas séduite.

Citation

Pirandello au service du roman.

 Le garçon qui jouait le commissaire sortit de sa poche une feuille de papier et la tendit à Paolo. celui-ci la parcourut, les mains tremblantes. 
Laudisi :
–  » Le doute est toujours flagrant. Puis-je vous suggérer une façon de rendre service à la population ?
Maintenant, il criait presque :
– Détruisez ce demi-feuille avec ne prouve rien ! Et sur l’autre moitié écrivez autre chose !
 Paolo crachait son texte. Sur scène les élèves le regardaient éberlués. 
– Pour rendre sa tranquillité à tout un pays Vous comprenez ? À tout un pays !
Les derniers mots n’étaient pas dans le texte. Il s’arrêta et resta sur scène les yeux fermés immobile autour de lui personne ne bougea.
Il essaya de sourire, ce fut une grimace.

Édition Métallier, Traduit de l’espagnol par Myriam Chirousse

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Sur Luocine, de cette écrivaine, vous trouverez » le territoire des barbares » « Le roi transparent » « L’idée ridicule de ne jamais te revoir » et mon grand coup de coeur : « La folle du logis« . « La bonne chance » m’a fait passer un très bon moment et pour une fois je recopie une phrase de la quatrième de couverture avec laquelle je suis d’accord :

La plume de Rosa Montero est un heureux antidote contre les temps qui courent.

J’aime que l’on me raconte des histoires et Rosa Montero fait partie des auteurs qui les racontent parfaitement. Je ne cherche pas à être objective, donc, je la remercie de m’embarquer dans son imaginaire.

Le récit démarre de façon magistrale et très accrocheuse : un homme dont on ne sait rien achète comptant un appartement qui longe la voie ferré, sur laquelle roule les trains à grande vitesse. Cet appartement est dans un immeuble crasseux dans une petite ville Pozonegro, autrefois riche d’une exploitation minière et complètement à l’abandon. Que fait cet homme dans cet endroit sinistre ? Quel lourd secret cache-t-il ? Que fuit-il ? Toutes ces questions trouveront leur réponse et peu à peu se mettra en place une intrigue romanesque qui oppose la gentillesse de Raluca la jeune fille d’origine roumaine, la bêtise des voyous du villages, en particulier l’homme qui a vendu l’appartement à Pablo car il soupçonne celui-ci d’avoir largement les moyens de leur donner encore beaucoup plus d’argent, mais surtout à la cruauté absolue de militants nazis qui planent comme une grave menace au-dessus de la tête de Pablo.

C’est le sens de tout le roman : que peut la gentillesse face à la bêtise et à la méchanceté ? La fin trop heureuse du roman m’a gênée et m’a empêchée de mettre 5 coquillages à ce roman. Je ne crois pas hélas que la gentillesse puisse lutter contre la cruauté, mais comme l’auteure j’aimerais le croire. La culpabilité de Pablo face aux choix de son fils, l’entraîne à inventer des histoires où il se donne à chaque fois le mauvais rôle , sans doute car il ne peut que s’en vouloir de la dérive ultra-violente dans laquelle s’est enfoncé celui-ci . J’ai bien aimé aussi l’évocation de la vie dans une petit ville autrefois ouvrière et où, aujourd’hui, le seul point vivant et le moins triste est un supermarché !

Sans doute pas le roman du siècle, mais un bon moment de détente et un écriture qui permet de comprendre un peu mieux la vie des espagnols d’origine modeste.

 

Citations

le cadre.

Pozonegro, une petite localité au passé minier et au présent calamiteux, à en juger par la laideur suprême des lieux. des maisons miteuses aux toitures en fibrociment, guère plus que des bidonvilles verticaux, alternant avec des rues du développement urbain franquiste le plus misérable, aux inévitables bloc d’appartements de quatre ou cinq étages au crépi écaillé ou aux briques souillées de salpêtre.

L’autocar arrive enfin à Pozonegro, qui confirme ses prétentions de patelin le plus laid du pays. Un supermarché de la chaine Goliat à l’entrée du village et la station-service qui se trouve à côté, repeinte et aux panneaux publicitaires fluorescents, sont les deux points les plus éclairés, propres et joyeux de la localité ; seuls ces deux endroits dégagent une fière et raisonnable d’être ce qu’ils sont, une certaine confiance en l’avenir. Le reste de Pozonegro est déprimant, sombre, indéfini, sale, en demande urgente d’une couche de peinture et d’espoir.

Une façon étonnante d’interpeller le lecteur.

L’AVE (train à grande vitesse espagnole) tremble un peu, il se balance d’avant en arrière, comme s’il éternuer, il s’arrête enfin. Surprise : cet hommes a levé la tête pour la première fois depuis le début du voyage et il regarde maintenant par la fenêtre. Regardons avec lui : un aride bouquet de voies vides et parallèles à la notre s’étend jusqu’à un immeuble collé à la ligne de chemin de fer.

La beauté.

Ou peut-être simplement parce qu’il est grand et mince et assez séduisant, ou que jeune il l’était. Pablo trouve ridicule cette valeur suprême que notre société accorde à l’aspect physique. C’est étudié par les neuropsychologues : les individus grands, minces et au visage symétrique sont considérés comme plus intelligents, plus sensibles, plus aptes, et comme de meilleures personnes. Quel arbitraire.

Vision du monde.

 Tu sais, à mon âge j’en suis venu à la conviction que les gens ne se divisent pas entre riches et pauvres, noirs et blancs, droite et gauche, hommes et femmes, vieux et jeunes, maures et chrétiens, dit-il finalement. Non. Ce en quoi se divisent vraiment l’humanité, c’est entre gentils et méchants. Entre les personnes qui sont capables de se mettre à la place des autres et de souffrir avec eux et de se réjouir avec eux, et les fils de pute qui cherchent seulement leur propre bénéfice, qui savent seulement regarder leur nombril.

Une personnalité heureuse et l’explication du titre.

 Par contre, j’ai été inconsciente tout le temps, à ce qu’on m’a raconté. C’est merveilleux, non ? tu imagines si j’avais été consciente de tout, tu imagines si je m’étais rendu compte que ce bout de ferraille s’était planté dans mon œil, quelle horreur super horrible, j’en ai la chair de poule rien que d’y penser ! Mais au lieu de ça je me suis évanouie et, quand je me suis réveillé, il m’avait déjà vidé l’orbite et ils avaient fait tout ce qu’ils avaient à faire. Quelle chance ! C’est que moi, tu sais, j’ai toujours eu une très bonne chance. Et heureusement que je suis aussi gâtée par la chance, parce que, sinon, avec la vie que j’ai eue, je ne sais pas ce que je serais devenue.

Remarque sur le pouvoir d’une belle voiture.

 Et puisque on en parle, à quel instant démentiel a-t-elle eu l’idée de s’acheter une lexus etc ? Elle a toujours aimé les voitures, mais s’infliger une telle dépense, commettre un tel excès… Elle a fait comme ces pathétiques vieux croûton bourrés d’argent qui s’achètent une décapotable pour draguer. Même si, à vrai dire, elle ne l’a pas tant acheter pour draguer que pour se sentir un peu moins minable que ce qu’elle se sent réellement. Les voitures donnent du pouvoir, et les vieux croûtons le savent bien.

Felipe a décidé de se suicider à 82 ans.

 Les mois de sa dernière année s’écoulaient et Felipe ne trouvait pas le jour pour se tuer, tantôt parce qu’il était fatigué, tantôt parce qu’il était enrhumé et d’autres fois encore parce qu’il se sentait plus ou moins à son aise. Et ainsi, bêtement, le temps avait passé, et il avait eu quatre-vingt-trois ans, puis quatre-vingt-quatre, et il a maintenant quatre-vingt-cinq ans et il est toujours là sur ses pieds, sans avoir la force de prendre la décision finale, bien qu’ils dépendent désormais complètement des bonbonnes d’oxygène et qu’il ait été pris en otage par un vieillard qu’il ne reconnait pas. Car vieillir, c’est être occupé par un étranger : à qui sont ces jambes des décharnées couverte d’une peau fragile et fripée, se demande l’ancien mineurs, hébété. Eh bien, même comme ça Felipe n’est pas capable de se tuer. Trop de lâcheté et trop de curiosité. Et la fascination de cette vie si âpre et si belle.

 

 

 

 

Éditions Rivages

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Au club de lecture, il y a deux listes, celle des nouveautés et celle du thème. Le thème du mois de février, c’est le Japon. Ce roman va nous dévoiler un aspect terrible de ce pays dans les années 70 : l’auteur décrit avec une précision et une absence de pathos les horreurs commises par « l’armée rouge » japonaise, la lecture est parfois à peu près insoutenable, et quand je levais les yeux de ce roman pour vérifier les faits, je découvrais avec horreur que l’auteur n’avait rien inventé. Il s’agit d’un roman car pour construire ce récit Michaël Prazan, a créé le personnage principal, un Japonais qui aurait participé à toute les exactions des terroristes et aurait réussi à survivre sous un nom d’emprunt. Il crée aussi un personnage allemand pour permettre aux deux de se faires des confidences et ainsi nous faire découvrir de l’intérieur l’engagement et la vie des terroristes. Ce qui s’applique aux fanatiques japonais peut être vrai pour tous les terroristes capables de tuer des innocents pour leur cause.

Ce roman permet de comprendre le cheminement particulier de la jeunesse japonaise . Le personnage principal découvre que son père a participé aux massacres de Nankin que le Japon a toujours préféré oublier. Lui, il participera aux révoltes étudiantes des années 70 pour lutter contre la présence américaine et l’aide que le Japon apporte dans la guerre du Vietnam. À travers les romans, on voit (encore une fois) que ce pays n’a jamais fait le travail de mémoire sur son passé impérialiste et fasciste. Les Japonais se sont considérés comme victimes de la force nucléaire américaine. La jeunesse dans les années 68, trouvait insupportable que le gouvernement Nippon apparaisse comme le vassal des américains. Il y a eu un aspect ultra violent dans les rangs de la jeunesse comme dans la répression policière.
Un des épisodes les plus insoutenables se passe dans les montagnes japonaises où la folie meurtrière s’empare des dirigeants de l’armée rouge qui épurent en les torturant jusqu’à la mort ses propres membres. Ces meurtres marqueront la mémoire du Japon. Les rares survivants chercheront une autre cause pour s’enrôler, et ils rejoindront les rangs des terroristes palestiniens.

Le roman se termine par les « exploits » de Carlos en France.

Malgré le poids de l’horreur et du cafard que pourront vous donner la lecture de ce livre, je salue par mes cinq coquillages, le sérieux du travail de cet auteur. Il écrit comme un journaliste de façon simple et directe. J’ai eu des difficultés au début avec les noms japonais, mais on s’habitue parce qu’ils sont régulièrement répétés au cours de cette histoire. Ces noms tournent en boucle dans la mémoire du personnage principal et je suppose dans celle de l’écrivain. Lorsqu’on a passé cette difficulté des noms, on est pris par ce récit sans pouvoir le lâcher. Ce fut le cas pour moi.

 

Citations

Quand le fanatisme tue toute humanité

 Yoshino est un grand type dégingandé et taiseux qui porte une barbe courte et peu fournie, ainsi que de grosses lunettes. Pauvre Yoshino. Il est venu ici avec Kaneko Michiyo sa femme enceinte de huit mois. Personne ne l’a ménagée pendant les entraînements militaires. On s’est demandé si elle n’allait pas perdre le bébé. Yoshino ne lui jette jamais un regard. Yoshino est un vrai soldat. Un soldat docile. Un soldat exemplaire. De ceux qui exécutent les ordres. Tous les ordres. Sans discuter. Sans rien penser. Yoshino ne pense plus depuis longtemps. Yoshino est un robot. Le plus robot de tous. C’était un jeune homme gai et sympathique, autre fois. Il aimait la musique. Il jouait de la guitare. Il aimait sa femme. Yoshino de plus rien. 
Yoshino est un meurtrier.

Les nuits et les cauchemars des assassins.

 Il tournait en rond. Il ne voulait pas se coucher. Il savait qu’il ne parviendrait pas à dormir. La perspective de se voir trahi par un rêve qui me replongeait dans les eaux boueuses de son passé le remplissait de terreur. Certains souvenirs sont comme des bombes à fragmentation. On en vient jamais à bout.

Discours, anticolonialistes

 Les thèses de Fanon s’appliquent autant aux Palestiniens qu’aux Caribéens, qu’aux Africains, qu’aux Algériens. C’est pourquoi le colonisateur ne doit jamais être considéré comme une victime. On nous reproche la mort de civils innocents… C’est le principal argument utilisé par les impérialistes pour nous discréditer… En réalité, il n’y a ni civil, ni victimes chez les sionistes ! Tous sont coupables ou complices de l’oppression subie par les Palestiniens. Pour illustrer cela, prenons le cas le plus problématique, celui des enfants. Comme dans toutes les guerres, il arrive que des enfants meurent au cours de nos opérations. Les impérialistes nous accusent de barbarie, de commettre des meurtres… Or, personne n’est innocent dans le système colonial, pas même les enfants. La progéniture des juifs grandira, elle fera le service militaire qui est une obligation chez eux. Ça veut dire que ces mêmes enfants porteront un jour des armes qu’ils pointeront sur nous !

Et voilà !

 Le « fedayin » fait deux têtes de plus que lui. Sa virilité sauvage le tétanise. 
le « fedayin » le regarde et il sourit. 
Il ajoute qu’il aime bien les Japonais. il dit qu’ils ont fait le bon choix pendant la guerre. Il admire Hitler depuis toujours. Un homme extraordinaire. Un meneur d’hommes. Le fedayin regrette qu’Hitler n’ait pas pu finir d’exterminer tous les Juifs. 
Il le regarde et il sourit.

C’est tellement vrai !

On peut considérer cela comme des erreurs de jeunesse, il y a prescription.
– Pour nos victimes, il n’y a pas de prescription. Je suis persuadé que leur famille pense encore chaque jour au mal qu’on leur a fait.

Lu dans le cadre du Club de Lecture de la médiathèque de Dinard

Sur Michel Hoellebeck , on lit tellement d’avis et en particulier sur ce roman qui semble avoir prévu les attentats de Bali de 2002, que je n’ai pas hésité à le choisir quand la bibliothécaire l’a mis au programme de notre club dans le thème « tourisme » . Il a tellement sa place, dans ce thème ! (Pour justifier ma photo, oui, il parle de Dinard et même de ma plage – une ou deux phrases, mais elle y est !) Depuis « les Particules Élémentaires », je continue à le lire régulièrement, sans être déçue, même si parfois il me rend très triste. J’avais bien aimé « La carte et le territoire » et depuis longtemps, je voulais lire « Plateforme ». C’est, comme toujours chez lui , une analyse assez froide des comportements de nos contemporains, il s’agit ici du tourisme, mais pas seulement. Aussi de la façon dont notre société adule l’argent pour l’argent. il s’amuse à nous décrire certains excès des installations d’art contemporain. Il montre à quel point la violence peut devenir incontrôlable dans les banlieues. Il se fait une piètre idée de l’Islam et n’hésite pas à l’écrire. Et surtout, il fait une description très détaillée du plaisir sexuel sous toute ses formes. Le héros tombe amoureux d’une Valérie plus jeune que lui lors d’un voyage en Thaïlande, il travaille au ministère de la culture, où il organise des expositions toutes plus bizarres les unes que les autres, son père meurt, il a donc quelques dispositions financières. Valérie travaille pour le tour-opérateur qu’ils avaient choisi et il va l’aider à monter des concepts de voyages plus rentables. Le héros et les deux autres personnages importants Valérie et son chef Jean-Yves se rendent compte que lors des voyages organisés la seule chose que désirent les touristes c’est avoir des relations sexuelles , autant les prévoir par le Tour-Opérateur qui se nommera « Aphrodite ».

Tout le talent de cet écrivain , c’est d’aller juste un peu plus loin, et parfois pas tant que ça de nos comportements et donc ces occidentaux qui viennent « baiser » loin de chez eux trouveront tout ce qu’ils veulent sauf que …. un terrible attentat en 2002 en tuera plus de deux cents d’entre eux. Ne cherchez pas de condamnations morales ou des jugements de valeur, on a l’impression que rien ne le choque ; Michel Houellebeck décrit ce que tout le monde peut voir ou connaître. Dans un style particulier qui peut sembler assez plat, il accroche son lecteur, (en tout cas moi) sans aucun autre effet qu’une histoire très bien racontée et un point de vue d’une honnêteté absolue, mais comme toujours assez triste car très désabusé sur la nature humaine.

Citations

Le bonheur et les voyages

J’ai passé ma dernière journée de congé dans différentes agences de voyages. J’aimais les catalogues de vacances, leur abstraction, leur manière de réduire les lieux du monde à une séquence limitée de bonheurs possibles et de tarifs, j’appréciais particulièrement le système d’étoiles pour indiquer l’intensité du bonheur qu’on était en droit d’espérer. Je n’étais pas heureux, mais j’estimais le bonheur, et je continuais à y aspirer.

Du Houellebeck tout pur

« Je n’ai rien à attendre de ma famille, poursuivit-elle avec une colère rentrée. Non seulement ils sont pauvres, mais en plus ils sont cons. Il y a deux ans, mon père a fait le pèlerinage de la Mecque ; depuis, il n’y a plus rien à en tirer. Mes frères, c’est encore pire : ils s’entretiennent mutuellement dans leur connerie, ils se bourrent la gueule au pastis tout en se prétendant les dépositaires de la vraie foi, ils se permettent de me traiter de salope parce que j’ai envie de travailler plutôt que d’épouser un connard dans leur genre. »

Je partage cet avis sauf pour l’alcool et les cigarettes

Prendre l’avion aujourd’hui, quelle que soit la compagnie, quelle que soit la destination, équivaut à être traité comme une merde pendant toute la durée du vol. Recroquevillé dans un espace insuffisant et même ridicule, dont il sera impossible de se lever sans déranger l’ensemble de ses voisins de rangée , on est d’emblée accueilli par une série d’interdictions énoncées par des hôtesses arborant un sourire faux. Une fois à bord, leur premier geste et de s’emparer de vos affaires personnelles afin de les enfermer dans les coffres à bagages -auxquels vous n’aurez plus jamais accès, sous aucun prétexte, jusqu’à l’atterrissage. Pendant toute la durée du voyage, elles s’ingénient ensuite à multiplier les brimades, tout en vous rendant impossible tout déplacement, et plus généralement toute action, hormis celles appartenant à un catalogue restreint, dégustation de soda, vidéos américaines, achat de produits duty free. La sensation constante de danger, alimentée par des images mentales de crash aérien, l’immobilité forcée dans un espace limité provoquent un stress si violent qu’on a parfois observé des décès de passagers par crise cardiaque sur certains vols long-courriers. Ce stress, l’équipage s’ingénie à le porter à son plus haut niveau en vous interdisant de le combattre par les moyens usuels. Privé de cigarettes et de lecture, on est également de plus en plus souvent, privé d’alcool.

Et vlan pour les profs de français

J’avais appris qu’elle était prof de lettres « dans le civil », comme disait plaisamment René ; ça ne m’avait pas du tout étonné. C’était exactement le genre de salopes qui m’avaient fait renoncer à mes études littéraires, bien des années auparavant.

 

Qui d’autre que Houellebecq à le droit d’écrire cela

Il y avait également deux Arabes isolés, à la nationalité indéfinissable -leur crâne était entouré de cette espèce de torchon de cuisine auquel on reconnaît Yasser Arafat dans ses apparitions télévisée.

Intéressant

Les seules femmes dont je parvenais à me souvenir, c’était quand même celles avec qui j’avais baisé.Ce n’est pas rien, ça non plus ; on constitue des souvenirs pour être moins seul au moment de la mort.

L’évolution de la société

Nous vivions en résumé dans une économie mixte , qui évoluait lentement vers un libéralisme plus prononcé, qui surmontait peu les préventions contre le prêt à usure – et , plus généralement , contre l’argent- encore présentes dans les pays d’anciennes traditions catholiques. Certains jeunes diplômés d’HEC, beaucoup plus jeunes que Jean-Yves, voire encore étudiant, se lançaient dans la spéculation boursière, sans même envisager la recherche d’un emploi salarié. Ils disposaient d’ un ordinateur relié à Internet, de logiciels sophistiqués de suivi des de suivi des marchés. Assez souvent, ils se réunissaient en club pour pouvoir décider de nous de mises de fonds plus importants. Ils vivaient sur leur ordinateur, se relayaient vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ne prenaient jamais de vacances. Leur objectif à tous était extrêmement simple : devenir milliardaire avant trente ans.

L’art contemporain

Je travaillais alors sur le dossier d’une exposition itinérante dans laquelle il s’agissait de lâcher des grenouilles sur des jeux de cartes étalés dans un enclos pavé de mosaïques -sur certains des carreaux étaient gravés des noms de grands hommes de l’histoire tels que Dürer, Einstein,Michel-Ange. Le budget principal était constitué par l’achat des jeux de cartes, il fallait les changer assez souvent, il fallait également de temps en temps, changer les grenouilles. L’artiste souhaitait, au moins pour l’exposition l’exposition inaugurale à Paris, disposer de jeu de tarots, il était prêt, pour la province, à se contenter de jeux de cartes ordinaires

 

 


J’aime cette auteure et je sais que je lirai toute sa série. Marie-Aude Murial possède ce talent de nous faire partager la vie d’une grande partie des êtres humains de notre société à partir d’un point de vue précis. Un petit bémol, pour moi, on sent trop, dans ce récit, que l’on aura une saison 3, trop de choses sont en suspens, mais tant pis, je ne boude pas mon plaisir. J’aime bien passer mes soirées avec Sauveur Saint-Yves et son fils, Lazare que l’on voit un peu moins dans ce tome . Ce médecin, psychologue ordinaire donc extraordinaire, quand il arrive à rendre moins malheureux les gens autour de lui, inaugure un nouveau traitement « l’hamsterothérapie ».

Citations

L’ado à problèmes

Gabin zonait parfois sur « Word offre Warcraft » pendant six ou sept heures d’affiliés, de préférence la nuit. D’où ses absences scolaires, surtout en début de matinée. À partir de 11 heure, il se contentait de dormir en cours, la tête entre les bras. Les profs le laissaient en paix, désarmés par sa bonne gueule un peu cabossée, à la Depardieu jeune, et son regard inexpressif, qui le faisait passer pour plus crétin qu’il n’était.

L’horreur de Daesh

Racontée à la journaliste

Haddad avait 26 ans, elle était mariée à Youssef, professeur de violon. Peu après l’entrée des djihadistes, dans Mossoul le 10 juin, monsieur Haddad avait perdu son emploi, la musique étant interdite. Les hommes de Daesh avait marqué la maison des Haddad d’une lettre qui les désignaient comme chrétiens. Puis les nouveaux maîtres de la ville, circulant en pick-up dans les nouveaux quartiers chrétiens, avaient diffusés ce message par haut-parleur :  » Convertissez-vous, devenez sujets du Califat. Sinon, partez sans rien emporter.  » Refusant de se soumettre aux islamistes ;, les Haddad avaient bourré leur break. A la sortie de la ville quatre hommes les avaient fait ranger sur le bas-côté

Ils nous ont demandé de sortir du break. Ils ont pris tout ce qu’on avait dans la voiture . Puis on a pu partir…..

Racontée en toute confiance au psychologue

Elle lui raconta la terreur dans la ville, son frère Hilal, un adolescent d e 15 ans égorgé en pleine rue, la fuite dans le break, les hommes qui les avaient arrêtés et sortis de force de la voiture, le violon de son mari qu’ils avaient fracassé contre une pierre, car la musique est impie, les bijoux qu’ils avaient arrachés à ses mains, à son cou, la peur qu’elle avait eu d’être violée….

La mère abusive pauvre Samuel !

Madame Cahen, qui,était aux aguets, avait flairé quelque chose. son fils se lavait, il cirait ses chaussures

– Tu te fais beau ce matin, ricanait-elle ? « Elle » est de ta classe .

Samuel buvait son chocolat le matin, il mettait son linge sale dans le panier ?. Sa docilité même était suspecte. Sa mère entrait encore plus souvent dans sa chambre sans crier gare. Elle soulevait ses copies, ses cahiers, elle faisait du tri dans ses vêtements, elle cherchait elle ne savait quoi. Une lettre. Une adresse. Une photo. La trace d’une fille.


Ce livre a obtenu un coup de cœur de notre club et je comprends pourquoi. C’est un livre d’une lecture éprouvante car il met en scène, dans un essai romancé, certaines horreurs de notre humanité et le plus insupportable, c’est qu’on sait que cela continue encore et encore, la Corée du Nord est, en effet, capable du pire. C’est une partie du pire dont il s’agit ici : pour des raisons assez obscures, des assassins de Corée du Nord, en 1970, ont enlevé des Japonais pour les emmener et les retenir dans l’enfer de leurs pays. Certains seront employés pour apprendre le japonais à des terroristes qui séviront sous une fausse identité japonaise dans le monde entier. Une terroriste qui avouera la responsabilité du krach vol 858 en 1987  expliquera qu’une jeune japonaise lui avait appris la langue et la culture du Japon. Il y a aussi le cas du GI américain, Charles R. Jenkins, qui de son plein gré partira en Corée du Nord, il en reviendra 36 ans plus tard. Son témoignage a beaucoup aidé Eric Faye pour la rédaction de ce livre.

Avec un talent et une délicatesse incroyables l’auteur décrit la douleur de ceux qui ont vu disparaître leur proche au Japon et l’horreur du destin de ces pauvres Japonais qui ne comprenaient rien à ce qui leur arrivait en arrivant aux pays des fous criminels. Et à travers tous ces drames, la vie en Corée du Nord nous apparaît dans son absurdité la plus cruelle que l’homme puisse imaginer. J’ai vraiment du mal à comprendre pourquoi le monde entier ne se mobilise pas pour délivrer ce peuple de la main mise du plus féroce et implacable des dictateurs.

Citations

Le malheur de la mère dont on a enlevé la fillette de 12 ans

À chaque pas, il semblait à cette mère orpheline retrouver un nouveau mot de la dernière conversation avec sa fille. Et à chaque fois qu’elle pensait à un mot précis, elle le plaçait sous le microscope de la culpabilité.

C’était une coupable qui allait errant dans les rues de Niigata. Régulièrement, à l’heure de sortie des collèges, Elle voyait sa fille devant elle et pressait le pas pour la rattraper, puis dépassait une inconnue en concédant son erreur. Elle ne voulait laisser aucune place au doute, si bien qu’elle préférait mille de ces menues défaites à une seule incertitude.

L’horreur de la répression en Corée du Nord

Le camp couvre toute une région de montagnes, et dans les clôtures qui le délimitent circule un courant continu. Le camp recèle un centre de détention souterrain. Une prison dans la prison, ou plutôt sous la prison, dont les détenus ne voient jamais le jour et dont les gardiens ont ordre de ne jamais parler…. Le couloir que je devais surveiller comptait une quinzaine de cellules d’isolement, éclairées tout le temps par une ampoule au plafond et tout juste assez longues pour qu’un homme s’y tienne allongé, à une température constante, dans une humidité qui détériore tout, la peau, la santé.

20151109_162509Traduit de l’anglais israélien par Jean-Pierre Carasso et Jacqueline Huet.

Présentation de son éditeur

Si une roquette peut nous tomber dessus à tout moment, à quoi bon faire la vaisselle ?

Mais je citerais volontiers également Jérôme qui m’a fait découvrir cet auteur

C’est simple, si je devais un jour devenir écrivain (ce qui n’arrivera jamais, je vous rassure), j’aimerais pouvoir écrire comme Etgar Keret !

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Comme je le comprends, depuis son article, datant du 4 septembre 2015, ce petit recueil m’accompagne partout, il est sur ma liseuse ce qui est très pratique, je peux même lire au golf en attendant que mes amis terminent leur partie. Il m’accompagne également dans ma réflexion après le 13 novembre 2015. Les Israéliens savent mieux que quiconque ce que cela veut dire de vivre avec des bombes qui explosent, et d’être entourés de pays qui sont prêts à vous rayer de la carte à la moindre faiblesse. Ils ont, donc, parmi eux des écrivains comme Etgar Keret qui avec un humour à la Woddy Allen sait se moquer des travers juifs et surtout de lui-même sans pour autant renier qui il est et d’où il vient.

Je sais que nous sommes nombreuses à préférer les romans aux nouvelles, mais ici on n’a pas l’effet habituel de ce genre littéraire, en général ce que l’on redoute c’est un passage d’une histoire différente à une autre qui empêche de se sentir bien dans ce que l’on vient de lire car cela change trop vite. Ici, on accompagne la vie d’Etgar Keret , celle de son fils Lev et de son épouse, à la fois dans leurs souvenirs et leurs difficultés quotidiennes . Le lecteur va du sourire, à l’éclat de rire , le tout teinté d’une très grande émotion. Pour savoir écrire de cette façon, à la fois détachée mais très sensible, sur tous les petits aspects de la vie avec un enfant, les tragédies de la vie et du monde , il faut un talent qui force mon admiration. se dessine, alors, une personnalité d’écrivain qui n’a rien d’un super héros, mais qu’on a envie d’aimer très fort car il donne un sens à la vie.

Citations

Vue sur mer en Sicile

Parce que, enfin, je la connais très bien cette mer : c’est la même Méditerranée qui est à deux pas de chez moi à Tel-Aviv, mais la paix et la tranquillité que respirent les gens du coin sont des choses que je n’avais jamais rencontrées. La même mer mais débarrassée du lourd nuage existentiel, noir de peur que j’ai l’habitude de voir peser sur elle.

Son père

« En réalité, la situation est idéale, me dit-il très sérieusement tout en me caressant la main. J’adore prendre les décisions quand les choses sont au plus bas. la situation est une telle drek(merde) pour l’instant que ça ne peut que s’arranger : avec la chimio, je meurs très vite ; avec les rayons je me tape une gangrène de la mâchoire ; quant à l’opération, tout le monde est sûr que je ne survivrai pas parce que j’ai quatre-vingt-quatre ans. Tu sais combien de terrains j’ai acheté comme ça ? Quand le propriétaire ne veut pas vendre et que je n’ai pas un sou en poche ? »

Moment d’émotion

– Mais pourquoi ? insista Lev. Pourquoi un père doit protéger son fils ?

Je réfléchis un instant avant de répondre « Écoute, dis-je en lui caressant la joue, le monde dans lequel nous vivons est parfois très dur. Alors la moindre des choses c’est que tous ceux qui naissent dans ce monde aient au moins une personne pour les protéger.

– Alors et toi ? demanda Lev. Qui te protégera, maintenant que ton père est mort ? »

Je n’ai pas fondu en larmes devant lui mais plus tard ce soir-là, dans l’avion de Los Angeles, j’ai pleuré.

Difficulté d’être chauffeur de taxi

Le taxi est un mode de transport dans lequel toit est fait pour la seule satisfaction du client. Les malheureux chauffeurs conduisent toute la journée et n’ont pas de toilettes à bord, où aurait-elle voulu qu’il se soulage dans le coffre ?

Sa femme qui a « un mauvais fond »

« je vais sûrement pas aller au mariage d’un type qui sent le bouc que tu as connu dans une salle de gym où tu as mis les pieds même pas deux semaines, a déclaré ma femme avec beaucoup de détermination.