Les Éditions minuit 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Voilà un auteur qui écrit à la perfection, dans un style remarquable, une histoire triste à donner le bourdon à quelqu’un qui aurait un moral à toute épreuve ( ce qui n’est pas mon cas en ce moment !). Mais lisez aussi le point de vue de Krol qui a beaucoup aimé cet auteur et qui met bien en valeur les qualités de son écriture.

Je suis certaine que c’est un pur hasard mais ce roman m’a fait penser au scandale qui atteint Nicolas Hulot. J’explique : une jeune fille essaie de se reconstruire dans la ville bretonne du bord de mer où son père un ancien boxeur est devenu chauffeur du maire. Tout se tient dans cette histoire. La trop belle Laura a, quand elle avait à 16 ans, posé nue pour un magazine. Elle veut oublier tout cela. Son père a été un grand champion de boxe mais l’argent trop facile l’a entraîné dans une quasi déchéance. Il a retrouvé l’emploi de chauffeur personnel du maire à qui, hélas, il demandera une faveur pour sa fille : que celui-ci lui trouve un logement.
Laura sera logée au casino dirigé par Franck toujours habillé de blanc, personnage qui a ses petits arrangements avec le maire et dont la sœur, Hélène a participé à la descente aux enfers de son père.
Détail absolument horrible : le chauffeur du maire, donc le père de Laura conduira le maire à ses rendez-vous au casino pour satisfaire ses besoins sexuels sans qu’il sache que c’est sa fille qui est dans le studio au-dessus du casino.
Le roman est parfaitement construit, on entend la plainte de Laura auprès des gendarmes et ceux-ci se montrent assez compréhensifs mais quand les photos seront découvertes et que le maire sera nommé ministre, le procureur préfère classer cette histoire sans suite. Cela n’empêchera pas un drame d’avoir lieu mais comme je vous en ai déjà sans doute trop dit je m’arrête là.
Ce roman fait beaucoup réfléchir sur la façon dont l’emprise se construit pour une jeune fille face à un homme politique. Et aussi comment lui même peut se persuader facilement qu’elle est consentante.
Le nœud dramatique de ce roman est très bien imaginé, trop sans doute pour moi car je l’ai trouvé profondément triste. Mais que cela ne vous empêche pas de le lire, ce n’est absolument pas glauque c’est seulement humainement triste et comme je l’ai dit au début parfaitement écrit.

Citations

Portrait d’un élu

 Et d’avoir été réélu quelques mois plutôt, d’avoir pour ainsi dire écrasé ses adversaires à l’entame de son second mandat, sûrement ça n’avait pas contribué au développement d’une humilité qu’il avait jamais eu à l’excès – à tout le moins n’en n’avait jamais fait une valeur cardinale, plus propre à voir dans sa réussite l’incarnation même de sa ténacité, celle-là sous laquelle sourdaient des mots comme « courage » ou « mérite » ou « travail » qu’il introduisait à l’envi dans mille discours prononcés partout ces six dernières années, sur les chantiers inaugurés ou les plateaux de télévision, sans qu’on puisse mesurer ce qui dedans relevait de la foi militante ou bien de l’autoportrait, mais à travers lesquels, en revanche, on le sentait lorgner depuis longtemps bien plus loin que ses seuls auditeurs, espérant que l’écho s’en fasse entendre jusqu’à Paris, ou déjà les rumeurs bruissaient qu’il pourrait être ministre.

Le style de Tanguy Viel

 À Max donc il arriva donc d’en être, de ce monde inversé ou certaines femmes butinantes se glissent volontiers dans la corolle des hommes et les délestent alors de toutes leurs étamine, à ceci près que les étamines ici on a forme de billets de cent euros que par dizaines ils sortent de leur poche et distribuent sans compter – elles, guêpes plutôt qu’abeilles, qui ne pollinisent rien du tout, plutôt disséminent les graines au gré des verres, Hélène plus acharnée que toutes, ayant fait admettre cette loi tacite et inaliénable que c’était son prix et sa liberté à elle, la plus onéreuse et la plus libre des hôtesses. 

16 Thoughts on “La fille qu’on appelle – Tanguy VIEL

  1. Ma première expérience avec Tanguy Viel (« La disparition de Jim Sullivan ») ne m’avait pas donné envie de renouer avec cet auteur, mais à force de lire des avis sur son dernier titre, j’ai cédé en tombant sur un exemplaire d’occasion en bouquinerie…
    Ton avis me fait donc bien plaisir !

  2. Je le lirai sans doute à l’occasion, mais j’avoue que le sujet ne me tente pas trop pour le moment…

  3. keisha on 14 février 2022 at 08:47 said:

    Je l’ai lu (pas de billet) oui cela ne m’étonne pas qu’on en sorte déprimé…

  4. Merci pour le lien ! Triste constat en effet de l’emprise qu’ont les gens de pouvoir sur les autres… Mais comme tu le soulignes, quelle écriture !

  5. Hélas, nombre de romans sont tristes humainement !
    Mais je pourrais lire celui-ci, par confiance envers l’auteur que j’ai déjà apprécié !

  6. Je n’ai jamais lu cet auteur et j’ai envie de le faire. Peut-être pas avec ce titre là, les histoires plombantes, j’en ai un peu assez.

  7. J’ai aimé ce que j’ai lu de lui , alors si je tombe dessus je le lirai certainement.

  8. Humainement triste et qui fait réfléchir, tout à fait d’accord avec toi

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