Éditions Gallimard

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Après « Chevrotine » et « Korsakov » voici un livre d’amour filial qui se brise sur un suicide. C’est peu dire qu’Eric Fottorino à aimé son père, celui qui lui a donné son nom en l’adoptant à 9 ans alors qu’il était le fils d’une mère célibataire. Le mariage de Michel Fottorino avec la mère d’Éric a été le plus beau cadeau que l’on pouvait faire à cet enfant qui à son tour a adopté cet homme en trichant parfois sur ses propres origines : il lui arrivait de faire croire qu’il était né à Tunis plutôt qu’à Nice, et que sa graphie était influencée par l’écriture arabe qu’il n’a jamais apprise (évidemment !). Dans cette autobiographie, l’auteur nous fait revivre ce père et tout ce qu’il a su donner à son fils. C’est un livre très touchant et écrit de façon très simple. Nous partageons toutes les interrogations et la tristesse de l’écrivain : pourquoi son père s’est-il suicidé ? Et est-ce que Éric, aurait pu empêcher ce geste terrible ?

Michel, celui qu’Éric a appelé « papa » même quand il a réussi à reprendre contact avec son père biologique n’a peut-être pas réussi à faire de son fils un champion cycliste mais il lui a donné assez de force et d’amour pour écrire un très beau livre qui respecte l’homme qu’il a été.

Citations

 

Comme je comprends !

 Cette phrase qui m’a ravagé, qui a ouvert la vanne des sanglots, disait : « Chapeau Éric, il a fait du chemin le gamin du Grand-Parc », allusion à la cité où j’habitais avec ma mère à la fin des années 1960 à Bordeaux, avant qu’ils se rencontrent et se marient, avant qu’il m’adopte, qu’il nous donne son nom à elle et à moi, ce nom que je porte comme un talisman, qui sentait la Tunisie du sud, les pâtisseries orientales, l’accent de là-bas, la chaleur et le bleu du ciel, Les dunes de Tozeur et le miel, quelque chose d’infiniment généreux qui passait dans sa voix ou dans ses seuls gestes quand il estimait que les mots étaient de trop et qu’il préférait se taire, promenant seulement sur moi un regard d’une tendresse sans fond ou recherchant la complicité d’un clin d’œil.

Quel amour !

Envie de l’appeler, d’entendre sa voix une dernière fois, pour la route, la longue route sans lui. Je ferme les yeux et il apparaît. Ce n’est pas un fantôme mais tout le contraire. Il a passé son chandail couleur corail, nous montons le Tourmalet, j’ai treize ans. Il est d’autant mieux devenu mon père que, de toutes mes forces et de toutes mes peurs, j’ai voulu devenir son fils. 

Et cette question que nous nous posons tous face à un suicide :

 Nous sommes rentrés à Paris, je n’avais pas parlé à mon père. il avait parfaitement donné le change, bravo l’artiste. Nous nous sommes embrassés. C’était la dernière fois. Je ne le savais pas. Lui si.
 Aurais-je pu l’empêcher ? Tous mes proches, la famille, mes amis, me disent « non ». Au fond de moi, je crois que « oui », et c’est horrible de vivre avec cette pensée. Je me dis que si je m’étais montré plus spontanément généreux, plus insistant pour l’aider, malgré sa répugnance à l’être, il aurait peut-être différé son geste, et là dessus le versement d’une retraite venu le dissuader d’en finir ainsi. À quoi bon se le dire ? Je me le dis pourtant. Ce que j’éprouve n’a pas de nom, de nom connu. Quelque chose de moi s’est détaché et flotte dans l’air, invisible et pourtant consistant. Je me sens triste sans tristesse, seul sans solitude, heureux sans joie.

14 Thoughts on “L’homme qui m’aimait tout bas -Éric Fottorino

  1. J’ai noté l’auteur, mais pas avec ce titre, j’en ai assez de tous ces auteurs et autrices qui écrivent sur leurs parents… Tout le monde a ou a eu des parents qui ont une histoire intéressante, mais bon, cette histoire devrait dans la plupart des cas rester intime et personnelle. Mais ce n’est que mon avis ! ;-)

    • je comprends très bien ta remarque mais si tu lis ce livre je pense que tu seras embarquée car comme tu le sais cet auteur écrit parfaitement. On se régale avec une langue précise et sans effets inutiles.

  2. Comme Keisha, je suis peu tentée par le sujet, bien qu’ayant lu d’autres titres sur la relation au père qui m’ont plu (mais dans les 2 cas, il s’agissait d’une relation plutôt conflictuelle : c’était Yann Queffelec avec « Lhomme de ma vie » et Pacsal Bruckner avec « Un bon fils »).
    J’ai beaucoup aimé Chevrotine, de cet auteur même si c’est un roman très dur, c’est vrai (je suis allée lire ton avis)..

    • je comprends, je ne veux pas répéter ce que je lui ai répondu, la seule chose il arrive que la vie de l’écrivain soit si intimement mêlée à son oeuvre qu’il raconte toujours un peu la même chose. Avec ce talent ça va pour moi. Je me souviens de « chevrotine » je l’avais trouvé si triste !
      je suis contente de te voir passer sur Luocine car cela me permet de penser à aller voir ton blog ! tu le sais je n’arrive pas à m’abonner .

  3. Je n’ai rien lu de Fottorino, alors que je le lis en tant que journaliste, que j’achète régulièrement le 1 et quelquefois Zadig. C’est vrai qu’il rejoint la cohorte d’auteurs qui écrivent essentiellement sur leur vie et j’en ai marre aussi, mais pour certains il faut reconnaître que ce n’est pas impudique ou racoleur et que l’on peut être touchée.

    • Je dois dire que moi aussi je préfère les auteurs qui racontent des histoires ou qui nouent une intrigue à partir des faits de société. Je trouve aussi que notre société est incroyablement impudique mais … Fottorino écrit bien et je n’ai eu aucun déplaisir à lire ce livre.

  4. Je lirai plutôt Chevrotine, alors, pour découvrir cet auteur, que je classe dans ma tête dans les « auteurs commerciaux ». Visiblement, soit je me trompe, soit un auteur à succès peut être aussi un bon auteur. Je vais faire fi de mes propres clichés.
    Mais je ne lirai pas celui-ci, comme d’autres commentaires le soulignent, les relations familiales autobiographiques ne sont pas des sujets qui m’intéressent.

    • Tout ce que je peux dire c’est que « Chevrotine » m’ a rendue triste et pas celui-ci. J’ai aimé sa relation à ce père adoptif il lui rend un bel hommage.

  5. j’ai très peu lu l’auteur mais j’ai aimé ce que j’ai lu, je ne suis malgré tout pas certaine de lire un énième livre sur la famille, le père, l’enfance je crois en avoir un peu trop lu

    • Je comprends je le redis c’est raconté de façon très délicate. Mais sans mon club je ne serai sans doute paa aller vers ce livre. Mais je ne regrette absolument pas cette lecture.

  6. Encore un auteur que je n’ai jamais lu… Pourquoi pas avec ce titre, vu que tu en fais en coup de coeur, il doit être incontournable dans le genre !

  7. Il est sur mes étagères, ce sera la première fois que je le lis, mais je n’ai pas encore passé le pas.

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