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L’horreur d’être élevée par une mère suicidaire :

Souvent, elle raconte à Charlotte qu’au ciel tout est plus beau.
Et ajoute:quand j’y serai, je t’enverrai une lettre pour te raconter.
L’au – delà devient une obsession.
Tu ne veux pas que maman devienne un ange ?

Ce serait prodigieux, n’est ce pas ?
Charlotte se tait.

La grand-mère neurasthénique

Évidemment, sa grand mère l’aime profondément.
Mais il y a comme une force noire dans son amour.
Comment cette femme peut-elle s’occuper d’une enfant ?
Elle, dont les deux filles se sont suicidées.

Le grand amour de Charlotte le professeur de chant et ses intéressantes théories

Il a développé des théories nouvelles sur les méthodes de chant.
Il faut aller chercher la voix au plus profond de soi.
Comment est-il possible que les bébés puissent crier si longtemps ?
Et sans même abîmer leurs codes vocales.

On en parle

Allez sur Babelio vous verrez que ce roman a touché tant de lecteurs et de lectrices.

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J’ai absolument adoré la première partie de ce roman. Un peu moins la seconde , lorsqu’on voit, en 1943 et 1944, le « Tout Paris » essayer de revivre de façon futile autour du monde du spectacle. Le roman commence par l’enterrement à Saint Pierre de Chaillot de : « Princesse Natalie,Marguerite, Marie, Pauline de Lusignan, duchesse de Sorrente. 7mai 1908-10 février 1945 » . Le roman raconte la lente et inexorable destruction de cette jeune femme morphinomane . La première partie se passe à Cannes où la famille se trouve « coincée » jusqu’en 1943. Coincée cela veut dire que la famille a du mal à recevoir exactement comme elle l’a toujours fait.

À la mort de sa mère la riche Américaine princesse Elisabeth de Lusignan, Natalie apprend qu’elle est la fille naturelle de Paul Mahl un riche juif ami de son père le prince de Lusignan. En plus d’être une bâtarde elle est donc confrontée au monde juif et sous la botte des nazis cela prend un tout autre sens que dans les salons du microcosme de l’aristocratie parisienne. Natalie n’était pas capable de se défendre d’un milieu oppressant, elle était faite pour une vie de salon à la Marcel Proust, auteur qu’elle découvre et qu’elle comprend. Sa rencontre avec la morphine lui sera fatale et lui enlèvera toutes ses forces. Quand la famille retourne à Paris , cette femme droguée est envahie de pulsions et de révoltes qu’elle n’arrive pas à assumer. Elle aurait voulu être plus courageuse et pouvoir répondre à sa petite fille en pleurs : « mais qu’est ce qu’on leur fait aux juifs , quand on les arrête ? » . Sa révolte se limitera à une sortie chez la princesse Murat :

« Les juifs sont devenus des morts-vivants, tout leur est interdit. Ils sont plus ostracisés que des lépreux au Moyen Age ! « .

Ambiance glaciale garantie, dans ce Paris mondain qui, comme Natalie me dégoûte quelque peu. Comme elle, et cela grâce au talent de Pauline Dreyfus , le grand écart se creuse entre les soucis des réceptions (quelle robe ? quel plat ? quelles conversations ?) et les familles juives qui disparaissent peu à peu. Comme Natalie, j’ai envie de les secouer tous ces Cocteau, Guitry invités chez les Murat, Noaille Trémoïles et autres… et leur demander s’ils savent répondre à cette petite fille en pleurs : « mais qu’est ce qu’on leur fait aux juifs , quand on les arrête ?« . Comme elle, je n’aurais peut-être pas eu le courage d’aller plus loin dans ma révolte que de ne plus traverser les Champs-Élysées interdits aux juifs ( tiens, je ne le savais pas !) et monter dans le dernier wagon du métro le seul autorisé aux juifs. Il me reste à parler du style de cette auteure, son sens de la formule est absolument admirable et drôle. C’est un livre qui se lit vite et qui fait du bien alors qu’il raconte une histoire bien triste et une époque abominable.

Citations

Les conventions

Pas un bal où elle ne s’affichât auprès du jeune André Mahl, au point de scandaliser les maîtresses de maison, ulcérées que la jeune fille préférât ce jeune homme « israélite » à tant d’autres jeunes gens dont le sang, était lui irréprochable. Natalie était certes la moins jolie des sœurs Lusignan, mais de là à « s enjuiver ». Tapie derrière les éventails, augmentée de points d’exclamation, la réprobation se propageait.

L’argent et la « noblesse »

Un jour que la cousine de son mari d’autant plus à cheval sur sa généalogie qu’aucun parti ne lui semblait à la hauteur de la sienne, lui avait lancé : « Mais au fond votre nom ne vaut rien ! » . Élisabeth avait eu assez d’esprit pour lui répondre « Pas au bas d’un chèque. .. »

La noblesse d’empire

Partout où l’empereur est passé, il se sent un peu chez lui . Jérôme n’a rien fait d’exceptionnel dans sa vie, celle de ses ancêtres lui tient lieu de carte de visite.

L’art de la formule de Pauline Dreyfus

De toute façon, la duchesse douairière de Sorrente n’a jamais aimé les enfants, non plus que les contacts physiques qui présidaient à leur arrivée. Sitôt après la naissance d’un fils , elle s’était estimée quitte avec son mari et avait définitivement condamné la porte de sa chambre. Elle s’était réfugiée dans la lecture et la médisance, deux activités qui accomplie avec sérieux, auraient suffi à emplir la journée de n’importe qui.

Ce qui ne se fait pas

Les frasques d’Élisabeth sont indubitablement à ranger dans la case « ce qui ne se fait pas ». Dans la même nomenclature, il y a le divorce, le mariage avec une demoiselle ayant du sang juif(du sang protestant à la rigueur, si la jeune personne porte le nom d’une grande banque), et la bâtardise assumée. Tous ces comportements qui engendrent la pire des calamités pouvant s’abattre sur une famille : « le scandale ». En puriste des mondanités, il aurait volontiers ajouté à cette liste le fait de manger son dessert avec une cuillère…

On en parle

Chez Clara, et Mimipinson.

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Voici le livre responsable du long silence de Luocine. Deux semaines sans rajouter un livre sur mon blog ! Sans aucune hésitation, je mets Alias Caracalla dans mes préférences. Ce n’est pourtant pas un roman. C’est parfaitement écrit, cet essai nous permet de suivre, jour après jour, les efforts de Jean Moulin pour unifier la résistance. C’est peu de dire que tous les coups sont permis. J’ai lu ce livre en me documentant sur l’internet pour mieux comprendre ce qui s’était passé dans ces années là. Et comme dans le site que j’indique, j’ai perdu un ami lorsque disparaît Jean Moulin.En filigrane du récit on voit l’évolution de Jean Cordier, son engagement derrière Maurras son évolution face aux trahisons de sa famille politique, et sa prise de conscience des ravages de l’antisémitisme. Ce passage est souvent cité,tant il est sobre et en même temps très beau.J’ai passé trois semaines intenses loin du monde présent, mais j’ai mieux compris les conséquences sur la politique de notre pays. La page est aujourd’hui tournée mais pour comprendre l’opposition de Mitterrand au Général de Gaulle, je pense qu’il faut lire ce livre. Il n’en parle pas : Mitterrand n’est pas encore dans la résistance quand le livre s’achève mais l’opposition de de Gaulle aux partis traditionnels est très bien décrite. Les hommes des partis de la IIIe république ont dû ressentir tout son mépris face à leur inaction et à leurs divisions.J’ai été également très sensible à l’effort de mémoire que fait cet homme de 90 ans aujourd’hui pour se souvenir exactement de ce qui s’est passé. Pendant ces trois années sans aucun doute les plus importantes de sa vie. On le sent taraudé par un souci de vérité à l’heure près. À travers son regard, la résistance semble bien fragile et le fait d’hommes autant isolés que déterminés à combattre.

Citations

Le secret de notre zèle tient dans la promesse de notre engagement au combat dès que nous serions prêts. Cet objectif nous fouette. Partout et toujours, nous sommes volontaires pour les mêmes taches rebutantes ? Notre seul objectif, depuis notre arrivée en Grande-Bretagne, est la vengeance.

 

Je suis le témoin de cette négociation difficile. Cela me permet de franchir une étape décisive dans mon évolution politique. Elle me révèle combien mes camarades et moi sommes privilégiés d’être pris depuis deux ans par la France libre et à quel point la situation des résistants métropolitains est misérable en comparaison….. Une évidence me saute aux yeux : la gauche que j’ai tant combattu, incarne seule l’espoir de changer leur condition.

 

J’ai envie de l’embrasser pour le remercier de tout : son présent, son retour, l’homme qu’il est Mais *Rex n’est pas quelqu’un que l’on embrasse. En dépit de son sourire et de sa gentillesse, son regard creuse un abîme entre nous.

 

En approchant du café, je vois venir à moi, serrés l’un contre l’autre, un vieillard accompagné d’un jeune enfant. Leur pardessus est orné de l’étoile jaune. … Je finis par comprendre que si cette vision matinale m’est tellement insupportable c’est parce qu’elle fait de moi un bourreau : elle trahit l’humanisme, la fraternité entre les hommes que je me vante de pratiquer dans le christianisme. Comment ai-je pu devenir antisémite ? … Dans cette brasserie inconnue, j’ai l’impression de m’être à jamais débarrassé du fardeau de mon éducation.

On en parle

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« Le dernier des justes » est certainement un des livres qui m’a le plus marqué. Je ne l’ai pas relu depuis longtemps, mais je ne l’ai pas non plus oublié. On retrouve dans ce livre posthume toute les douleurs des juifs polonais. Mais on y lit aussi celle du survivant qui « porte le deuil de tout un peuple ». J’apprécie beaucoup le style d’André Schwarz-Bart. Et même si ce livre n’est pas complètement abouti on y retrouve la saveur des villes juives-polonaises d’avant, le poids de la religion et des contes et l’horreur absolue quand l’Allemagne nazie s’abat sur la Pologne. On sent que les mots ne lui suffisent plus.

En lisant ce livre on sent l’émotion de l’écrivain, il sait nous la faire partager :

« Est-ce que ça sert à quelque chose de raconter l’horreur absolue ? ».

Citations

Elle savait aussi que la vie est un éternellement recommencement, ce pourquoi tous les nouveau-nés portaient un pli à la lèvre inférieure : ce pli léger était la trace du doigt que l’Ange posait sur la bouche de tous les enfants du monde, afin d’effacer le souvenir de leur vie antérieure.

 

 

Il pensa aux montagnes de chair partie en fumée et il crut que sa respiration s’arrêtait. Il se planta devant le miroir et dit ; « Que fais-tu là, ta place n’est pas ici, tu sais bien où est ta place. Elle est avec les tiens ; tu es un juif mort. »

 

 

La seule simplicité de l’Holocauste était celle-ci ; les juifs étaient morts pour rien, strictement pour rien, une bouffée délirante dans le cerveau d’un homme quelconque, Adolf Hitler… C’était l’impression fondamentale qu’il conservait de cette époque ; les gens mouraient sans comprendre terrassés par l’absurde.

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Dominique Fernandez nous entraîne dans une quête : la compréhension d’un père qui a été un mauvais mari, un mauvais père, s’est fourvoyé dans le parti de Doriot, et dans la collaboration, mais a toujours été un critique littéraire de qualité. C’est un livre remarquable et passionnant. On sent toute la douleur de l’écrivain Dominique Fernandez (que personnellement j’apprécie beaucoup). Il a été l’enfant d’un couple qui s’est fait la guerre, et a dû supporter l’infamie d’un père. Il est très honnête dans sa recherche ne charge ni n’excuse son père, cela donne toute la valeur au livre.

Les débats des intellectuels d’avant-guerre sont passionnants, et je n’ai jamais lu une analyse aussi fine du PPF de Jacques Doriot. Le rôle de sa mère, dans l’échec du couple m’a, à la fois, intéressée et troublée. Intéressée : car D. Fernandez est d’une rigueur et d’une intelligence humaine rare. Troublée : car je suis gênée qu’un fils en sache et en dévoile tant sur l’intimité du couple de ses parents. Je préfèrerais alors une œuvre romanesque à un témoignage.

Citations

Tout le problème est là : un enfant a le droit de regarder « sans honte » le visage de son père mort si celui-ci s’est fourvoyé seulement en pensée. Mon père s’est-il borné à écrire dans une presse collaborationniste, ce qui serait blâmable, mais non coupable d’infamie ? Ou peut-on mettre à sa charge des actes indignes de pardon ?

 

L’homme moderne croit offrir ses idées à la société : il n’a que les idées que la société lui offre

 

Mais attendez un peu, je n’arrive pas à le dire, c’est trop dur, trop pénible pour un fils de révéler une action franchement abjecte de son père.