Petit livre (180 pages) découvert grâce à un ami historien, à mon tour je le recommande chaudement ! Pauline de Pange, « la princesse Pauline de Broglie, naît en 1888 dans une des plus prestigieuses familles aristocratiques de France », comme nous l’apprend l’introduction.
Dans une langue assez plate, elle nous décrit la vie de sa famille en 1900. Et c’est tout simplement passionnant , vous pourrez écouter le document d’archive de l’INA que j’ai mis en fin de mon billet. Je dois dire qu’elle m’a plus agacée quand elle raconte que lorsqu’elle écrit.
Parlons d’abord de son style, on sent la grande aristocrate qui a appris à garder pour elle toutes ses émotions et ne jamais s’étonner de rien à propos des conduites humaines. C’est sans doute pourquoi elle raconte sa vie sans pathos ni effets, qu’elle aurait sans doute jugés, déplacés.
Cela donne aussi un grand intérêt à ses souvenirs, car en général, quand on est plongé dans ce genre de récit , ils sont, soit teintés de nostalgie : »quel monde merveilleux , hélas : ! disparu ! » , soit écrit sous le ton de la révolte. L’auteur prenant,alors,le point de vue des humbles exploités par cette aristocratie qui n’abaisse pas son regard jusqu’au petit peuple si misérable.
Pauline de Pange évite ces deux écueils , elle raconte et nous dit : voilà c’était comme ça. On apprend une foule de détails et un monde complètement disparu vit devant nos yeux. La domesticité, la nourriture et le cérémoniel pour servir les repas, l’habillement les codes sociaux l’éducation ,les bains de mer, l’instruction, la religion, la politique, l’affaire Dreyfus…
Les femmes de ce monde s’ennuyaient beaucoup, elles ne pouvaient rien faire elles-mêmes puisqu’il y avait un domestique pour tout. Des ouvrages de dames, des tricots de laine grise pour les pauvres et des broderies, seulement commencées puisqu’une domestique atitrée avait pour charge de les finir. Il y avait même un employé pour remonter les horloges !
Je pense que c’est une pierre à l’édifice de la grande histoire et surtout c’est un complément indispensable à la lecture de Proust. Voilà le contre point non littéraire du monde qu’il a su si bien animer , j’ai eu l’impression de lire le canevas (100 pages) de « La recherche ».
Je me suis beaucoup amusée à l’évocation des créations techniques, le cinéma, la bicyclette, la voiture et le téléphone.. ah les demoiselles du téléphone qui ne respectent pas le titres des aristocrates ! Ce qui m’a le plus étonnée c’est le peu de cas que l’on faisait de l’instruction de cette princesse dans une famille qui pourtant avait des idées libérales et dont la devise est « pour l’avenir ».
Voici la demeure des de Broglie en Normandie :
Citations
Le cérémoniel des repas
Je précise que l’enfant a sept ans et je n’en reviens pas qu’elle puisse boire du vin à cet âge ! Et après cette description que j’ai abrégée on ne s’étonnera pas qu’elle dise plus loin que tout le monde avait « la goutte » passée 50 ans !
On servait sur des plats d’argent d’énormes pièces de viande toutes saignantes et baignées de sauces fortes ….. ; des jambons entiers garnis de collerettes de papier, des pâtés de gibier, des daubes , des chauds-froids, des galantines,. Les potages étaient un tour de force car il fallait les varier chaque jour sans jamais , sauf les vendredis , servir des soupes maigres……Le maître d’hôtel découpait devant nous sur un plateau de bois les volailles toutes ruisselantes de graisse. Armé d’une fourche à deux dents et d’un immense couteau , il saisissait la pièce : canard, dinde, poularde,perdreau , faisan ou bécasse, et en un tournemain il débitait les morceaux qu’il disposait avec art sur le plat d’argent …..
Le menu, matin ou soir , se composait toujours de sept à huit plats . Une entrée (généralement des œufs), un plat de viande avec pomme de terre , une volaille rôtie, un plat de légumes , un entremets….
Pourvu que je me tienne bien droite on ne me faisait aucune observation . Je buvais de grands verres de vin rouge et je reprenais de tous les plats. La conversation , à laquelle j’étais censée ne prendre aucune part ni même écouter , était très animée.
Et ce passage qui m’a tellement étonnée,la visite dans une école que ses parents ont financée
Souvent ma mère m’emmenait le samedi pour distribuer des récompenses aux élèves. Ces séances hebdomadaires étaient pour moi un supplice. Je me rendais parfaitement compte que toutes ces petites filles étaient plus instruites que moi. Je rougissais d’entendre poser des questions à des enfants de six ans , auxquelles je n’aurais pas pu, à huit ou dix ans répondre. Un jour l areligieuse me demanda persuadée que j’allais briller par ma science, la solution d’un problème très simple qui était au tableau. C’était une règle de trois dont je ne savais pas le premier mot. Je fus lamentable ! Ma mère riait , n’y attachait aucune importance , disant : »Elle en saura toujours assez, moi je ne sais pas faire une addition ! »
Je n’ai pas trouvé de blogs qui en parlent, lisez le vite, et je mettrai un lien vers votre blog. Si vous voulez l’entendre : http://boutique.ina.fr/video/CPF86621209/la-vie-comparee-de-madame-la-comtesse-de-pange-et-de-monsieur-robert-galley.fr.html