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3
J’ai cherché à la médiathèque un livre noté chez Jérôme L’incendie par Choplin et Mingarelli.Il n’y était pas, en revanche, j’y ai trouvé plusieurs romans de Mingarelli, dont celui-là. Il s’agit plus d’une longue nouvelle que d’un roman. Trois soldats allemands en Pologne préfèrent partir à la chasse aux juifs que passer leur journée à les fusiller. On les sent fatigués et mal à l’aise de devoir fusiller tant de gens. Ils auraient même eu quelques sentiments pour deux juifs qui avaient, pendant un mois laver et plier leur linge. Il partent donc dans un froid terrible et très bien rendu dans ce texte. Ils réussiront à trouver un juif caché dans un trou en forêt, et dans une scène assez dramatique passeront un certain temps dans une pauvre masure à chauffer une soupe qu’ils partageront avec un Polonais qui déteste encore plus les juifs qu’eux. Ils donneront donc une partie de la soupe chaude au juif pour, semble-t-il, uniquement ennuyer le Polonais.

J’avoue ne pas trop apprécier ce genre de fiction : que les Allemands aient été fatigués de tuer des juifs, qu’ils aient eu mauvaise conscience, et qu’ils se demandent ce que leurs enfants penseront d’eux, ne me semble pas très important au vu du résultat final. Cela me gêne aussi, qu’ils se sentent mieux que ce Polonais et qu’ils supportent mal sa haine des juifs. Mais, je le souligne, ce romancier sait créer une ambiance dramatique à cause du froid et de la faim, ils doivent brûler tout ce qui est en bois dans cette masure pour arriver à faire bouillir une marmite de soupe.

Citation

Formule très évocatrice

Tout à l’heure nous avions traversé un village polonais, triste comme une assiette en fer qu’on n’a jamais lavée.

Le froid

On s’arrêta pour fumer. Autour de nous il n’y avait que des champs immenses. Le vent avait fait onduler la neige, il avait construit des vagues longues et régulières que le froid avait figées depuis longtemps. nous regardions comme si nous étions au milieu d’une mère toute blanche. Au-dessus , c’était pareil, à part là-bas vers l’est, le voile à peine coloré devant le soleil.

On en parle

Tiens tiens, Aifelle avait vraiment beaucoup aimé en 2012.

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Reçu et lu dans le cadre de Masse critique de Babelio

3
Loin des divers autofictions ou récits puisant dans une enfance tourmentée, voici une auteure qui s’appuie sur ses connaissances historiques pour inventer le sujet d’une fiction agréable à lire. C’est un livre de bonne compagnie, léger, comme le fut sans doute l’époque : nous sommes en 1928/1929, juste avant la crise boursière qui va secouer les États-Unis, puis l’Europe. Le personnage principal est un chef cuisinier, d’un grand restaurant parisien. Lui, et son ami maître d’hôtel sont des rescapés de la grande guerre, ils ont retrouvé une forme d’apaisement sinon de bonheur en créant un lieu luxueux consacré à la gourmandise ; une façon d’exorciser les souvenirs trop lourds des morts des tranchées. Michelle Tourneur fait vivre dans son roman, des personnages réels de la vie parisienne, comme le couturier et parfumeur Paul Poiret, (le titre du livre vient d’un des flacons de ses parfums), Serge de Diaghilev et les ballets russes, et des personnages de fiction très vivants les commerçants des halles parisiennes, la fleuriste des rues.

L’auteure a choisi ce court instant, où en France, on commence à oublier la guerre, et où les menaces de la prochaine ne sont pas encore là. Elle a donc le temps de laisser vivre une relation entre une riche héritière américaine et le chef du restaurant. Pearl était venue faire des photos elle rencontre l’amour, pour quelqu’un dont elle épousera assez vite la sensibilité. Ensemble, ils se retrouveront dans la recherche du beau. Malgré un certain plaisir et une lecture fluide, je suis restée un peu sur la réserve, autant le cadre, l’atmosphère et les circonstances me plaisaient, autant les personnages principaux me semblaient trop esquissés, on a du mal à les imaginer, ils manquent de consistance. Un des personnages secondaire, un bel Hongrois qui joue merveilleusement du piano, passe comme une ombre, on se demande d’où il vient et pourquoi il a cette destinée. On peut, soit trouver que cette légèreté donne tout le charme au roman, soit, comme moi, trouver qu’il manque de profondeur. Mais dans les deux cas, on appréciera le style parfait de l’auteure et le charme avec lequel elle nous entraîne dans son atmosphère.

Citation

la personnalité de Charles-Henry Chelan

Comme celle (cette histoire) poignante qui voulait que Charles-Henry eût fait graver, à l’envers de tous les marbres utilisés en cuisine, la liste de ceux qu’ils avaient vus disparaître au front. Un mémorial personnel en somme. C’était possible. Rien n’est impossible, rien n’est prouvé. Les mouvements de l’âme primaient en lui dans la hiérarchie des faits. Le patron n’était pas bâti sur le moule commun.

La rencontre amoureuse

Il lui effleura le bras. Le contact de sa peau, son parfum, une senteur tonique lui rappelant celle du buis au soleil, lui donnèrent la sensation qu’un vent chaud avant l’orage s’engouffrait dans le taxi.

 « C’est peut-être ça, l’imprévisible, dit-il remué. Quand le familier devient étranger.

On en parle

beaucoup d’excellentes critiques dans Babelio

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 Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

4
Il a fallu la force de persuasion de ma bibliothécaire préférée pour que je lise ce roman. J’avais gardé un souvenir en mi teinte du « Secret » mais je ne sais plus pourquoi, et surtout je crois que je confonds le livre et le film. Ce roman raconte une amitié de petits garçons qui se poursuit jusque dans l’âge jeune adulte. L’auteur nous fait revivre les années 50 , celles de son enfance et mai 68 époque de sa jeunesse, comme cela se passe à Paris dans un milieu bourgeois où les femmes passent leur temps à jouer au bridge en mangeant des petits fours, ce n’est pas tout fait la vie de tout le monde. Ce roman nous concerne cependant, car Philippe Grimbert raconte très bien l’universalité des comportements humains, des nôtres donc. On aurait pu appeler ce roman, récits des trahisons ordinaires : comme beaucoup d’enfants, Loup, le narrateur, niera de connaître son meilleur ami Mango quand une bande de garnements lui demandera s’il ne connaît pas l’Italien de Fénelon, à l’adolescence Loup espacera les visites à sa tante Nine, qu’il a tant aimé dans sa petite enfance, et plus grave il la trahira au moment de sa à la mort comme il trahira également Gaby, l’amie excentrique qui lui a tant apporté.

Mais ce roman n’est pas un énième roman sur la mauvaise conscience, même si la culpabilité y joue un grand rôle, c’est beaucoup plus un roman sur « la » mauvaise rencontre.Et là, il m’a beaucoup touchée, je sais que chaque mot est exact, ce n’est pas si difficile pour Philippe Grimbert étant donné sa formation et sa profession, mais c’est très bien raconté .

Je sais que beaucoup d’entre vous n’aimez pas qu’on donne les clés de l’intrigue romanesque, alors je ne peux vous en dire plus et ne lisez pas ma dernière citation, qui est trop explicite si vous voulez lire ce roman avec un effet de suspens. Pour moi, c’est l’inverse, je l’ai lu une première fois assez légèrement sans trop m’y intéresser. Avec la clé qui n’est donnée qu’à la fin ou presque, je l’ai relu avec beaucoup plus d’intérêt, j’ai alors décidé de lui mettre 4 coquillages.

Citations

Il y a presque tout dans ce début de roman

Rien n’aurait dû les séparer, croix de bois croix de fer, à la vie à la mort. Il n’y a pas eu de rivalités imbéciles, c’est autre chose qui les a déchirés, quelque chose qui était là depuis le début, mais que personne ne pouvait encore imaginer.

Amitié de petits garçons

Très vite nous avions su que nous allions devenir inséparables, mais, au contraire des filles, les petits garçons ne se disent jamais qu’ils s’aiment : ils se donnent des tapes dans le dos, se poursuivent, se bagarrent.

Jeux de garçons

Nous y mourions aussi, car les petits garçons adorent ce jeu : deux doigts pointés vers l’autre et bang ! Le corps qui s’effondrait en vrille, avec la grimace du cow-boy rencontrant enfin la balle qui lui était destinée… Les petites filles qui partageaient nos jeux se précipitaient et sanglotaient, couchées sur notre poitrine. Nous aimions mourir, elles aimaient pleurer.

La mort

Mais il ne peut plus m’entendre, un raz de marée l’a emporté, avec tout ce qui faisait notre complicité. Du sans-retour, aussi fort que la mort. Alors un nouveau choc, encore plus violent, me fait vaciller. Je viens de comprendre que Mando, l’intègre, l’exigeant Mando, a une fois de plus tenu parole. Ce soir, après toutes ces années et en dépit du silence de ces derniers mois, il est resté fidèle au pacte de notre adolescence, au serment échangé solennellement : le premier qui passe de l’autre côté fait un signe à celui qui reste.

La mauvaise rencontre

On ne devient pas psychotique on l’est . L’apparition des symptômes était souvent le fruit de ce qu’il a appelé la mauvaise rencontre…

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Traduit du norvégien par Jean Baptiste Coursaud.

4
J’ai trouvé le premier tome de la trilogie des « Elling » dans ma médiathèque préférée. Alors, peu importe si j’avais déjà lu « Potes pour la vie« , je me suis précipitée sur le début de la vie d' »Elling ». Il n’y a aucune nécessité à commencer la trilogie par le début. De plus, ce premier tome peut même vous décourager de lire la suite ce qui serait bien dommage. La plus grande partie de ce roman raconte un voyage en Espagne avec sa mère. C’est triste et drôle à la fois, parfois c’est carrément tragique, mais le rythme du roman est beaucoup plus lent que « potes pour la vie ». C’est normal, il raconte sa vie avec sa mère qui malgré son immense amour n’a pas pu le lancer dans une vie indépendante d’elle. On le voit prendre toutes les mauvaises solutions, malgré son implacable logique. Mais son regard d’homme inadapté à la vie en groupe, nous fait aussi voir autrement les voyages organisés dans les lieux touristiques accueillant des milliers de touristes et Benidorm sur la « Costa Blanca » n’est pas exactement mon endroit de rêve même si au creux de l’hiver j’ai des envies de soleil.

Évidement, même cette image est trompeuse, la réalité pour Eling sera encore pire, lui et sa mère auront une chambre donnant sur une arrière cour, avec vue sur les poubelles. Et, catastrophe leur chambre n’aura qu’un seul lit, ce qui entraînera pour Elling un délire des plus fou sur ce qui peut se passer dans l’esprit de quelqu’un qui veut qu’un fils de 30 ans, couche dans le même lit que sa mère.

Il sera d’ailleurs beaucoup question de sexualité dans ce roman, la scène dans le bain au milieu des jeunes femmes espagnoles est un peu lourde mais très drôle. Et puis il y a le tragique, son enfance où des jeunes l’ont pris comme souffre douleur, en lui faisant subir des violences sexuelles et autres. Dans ce récit tourmenté où tous ses souvenirs prennent corps on comprend combien sa vie et celle de sa mère ont été compliquées et ce qui est très triste, combien l’amour n’a pas suffi à faire de lui un être à part entière. Non, Elling n’est ni débile ni fou mais sa différence ne lui permet pas d’affronter le monde extérieur. Par contre l’analyse qu’il en fait nous met face à nos travers de façon très drôle.

Finalement, il se retrouve avec Kjell Bjarne dans un centre psychiatrique et lui invente des histoires amoureuses, ensemble ils réussiront à mieux affronter le monde extérieur. Je lirai certainement le troisième tome, et si j’espère que nos sociétés peuvent faire une place à des gens aussi différents, je n’en suis pas sûre.

Citations :

La vision des bains de mer selon Elling

Ne mettrais-je pas plutôt ces vacances à profit pour me baigner, ou éventuellement faire des promenades sous les palmiers ? Eh bien non, justement, ce n’était pas dans mon intention. ! Une promenade pédestre vite expédiée sous les palmiers – je voulais bien . Mais la baignade comme le nom l’indiquait c’était une activité que je pratiquais dans la baignoire. Et en compagnie de nul autre que moi-même. Non pas que j’ai honte de mon propre corps, loin de là, il n’était guère différent de la plupart des autres corps . Mais ce n’était pas une raison pour l’accumuler à une centaine d’autres qui déjà se serraient comme des sardines sur une plage. De plus, je nourrissais une profonde aversion pour la fréquentation collective d’une eau souillée par un bataillon entier d’hommes n’ayant pas fait leur toilette et de femmes en plein cycle menstruel.

Voyage en avion remarque pertinente d’Elling

Une fois sur le tarmac, il s’est produit cette anecdote singulière. Quelques-uns des passagers se sont mis à frapper dans leurs mains. Voilà des gens qui sans vergogne, applaudissaient ! Mais pour quoi ? Si je peux me permettre de demander, et je le fais d’ailleurs. Ah ici ça aurait bonne mine si les passagers de la ligne 3 du métro d’Oslo se mettaient à frapper dans leurs mains chaque fois que la rame s’arrêtait à une nouvelle station. Ce serait ridicule.ce serait ni plus ni moins qu’une ridiculisation du chauffeur.

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Traduit de l’anglais par Odile Demange.
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

3
C’est un roman qui a connu un grand succès, si j’en juge par les critiques très positives de Babelio. Je l’ai lu rapidement et avec beaucoup d’intérêt. L’auteur raconte une histoire du point de vue d’un jeune autiste, et mieux qu’un grand discours théorique sur l’autisme, il nous fait parfaitement comprendre combien leur façon d’appréhender le monde est différent du nôtre. A aucun moment, l’auteur ne quitte la façon qu’à Christopher d’appréhender les nombreuses difficultés liées à l’enquête dans laquelle il se lance.

Un chien a été sauvagement trucidé par un coup de fourche en face de chez lui. Il veut savoir qui a fait cela et pour cela, pose des questions à son voisinage. Il découvrira la vérité mais hélas , également que son père lui a menti. Un autiste ne sait pas mentir et le mensonge d’une personne à qui il avait accordé sa confiance provoque un séisme dans sa conscience.

On sent à travers ce roman toute la difficulté d’élever un enfant autiste. Ses parents ne sont ni meilleurs ni pires que les autres, mais pour élever un tel enfant il faut être à la fois un génie et un saint. Incapables de compromis, ils peuvent se mettre en danger et mettre en danger les autres sans se rendre compte de ce qu’ils font. Et puis, si jamais vous voulez les contrarier, comme Christopher, ils peuvent se rouler en boule et commencer à hurler. Et puis, heureusement, il y a les mathématiques, domaine où enfin les choses sont bien rangées dans un ordre qu’aucun affect ne saurait déranger. Alors loin de tout ce qui lui fait peur, le jeune Christopher s’adonne à sa passion et est certain qu’il a une place dans le monde.

Je ne peux pas dire que je partage l’enthousiasme de la centaine de critiques de Babelio, mais cela m’a fait du bien d’accompagner les efforts d’un écrivain qui veut aider à comprendre le monde si étrange des autistes.

Citations

 Les sentiments de Christopher

J’aime bien les chiens. On sait toujours ce qu’ils pensent. Ils ont quatre humeurs. Content, triste, fâché, et concentré. En plus, les chiens sont fidèles et ils ne disent pas de mensonges parce qu’ils ne savent pas parler.

Sa difficulté à comprendre les autres

Je trouve les gens déconcertants.

Pour deux raisons essentielles.

La première raison essentielle est qu’ils parlent beaucoup sans se servir de mots. Sioban dit que si l’on lève un sourcil, ça peut signifier plusieurs choses différentes. Ça peut signifier « J’ai envie d’avoir des relations sexuelle avec toi » mais aussi « Je trouve que ce que tu viens de dire est complètement idiot. »

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Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

2
Roman très étrange, que ce récit d’un jeune attaché d’ambassade à qui l’on confie une mission sans grand intérêt : trouver les anciennes frontières des pays Baltes. On y découvre la vie des ambassades et de son personnel et avec mon esprit mal tourné, je me dis qu’en période d’économie, il y aurait là de très bonnes idées à piocher pour réduire les dépenses de l’état. Mais vu le savoir faire avec lequel nous est décrit ces personnes de la haute fonction publique française (tailler son cigare, faire la tournée des bars, rédiger des télégrammes que personne ne lit…) cela ne ferait que des chômeurs de plus !

J’ai commencé la lecture avec un grand intérêt et, au début, ce roman sur ces contrées lointaines m’a bien intéressée, puis, peu à peu, le personnage principal se perd dans une non-vie qui rend son roman non-vivant. On s’attend sans cesse à ce qu’il se passe autre chose, mais rien ne vient sinon qu’il fait froid et que les populations y vivent difficilement. Les chapitres courts aident à tourner rapidement les pages mais sans que rien n’accroche vraiment. On peut simplement se faire une idée, par ailleurs fort peu sympathique, des pays baltes en particulier sur les difficultés d’être ou ne pas être de la nationalité du pays.

Plein de détails m’ont fortement agacée, d’abord le pays n’est pas nommé, cela empêche le pays et le roman de s’ancrer dans le réel, la langue est souvent recherchée à la limite du snobisme, les expressions étrangères ne sont jamais traduites (La voix de baryton répercutée par Lothar à tue – tête, Nun ist die Welt so trübe, der Weg gehüllt in Schnee). Le flou, peu à peu, s’installe entre le réel et l’imaginaire, et la dénonciation de ce qui s’est passé pendant la deuxième guerre mondiale est noyée dans les limbes de son cerveau embrumé. Ceci dit il y a parfois de très beaux passages et le début m’a beaucoup intéressée .

Citation

Un portrait

C’est une femme plantureuse, la peau couleur d’argile, le ventre feuilleté de plis, les cuisses maculées de taches verdâtres , le visage large et lippu, le crâne aplati ; les yeux bridés trahissent une origine asiatique ; son sexe glabre est enfoui sous la chair surnuméraire, ses fesses sont d’une déesse aurignacienne , ses énormes seins suintent de tristesse – leurs aréoles me décrochent un regard noir.

le langage diplomatique

Je devine qu’il s’agit tout bonnement de ceux que le langage commun appelle des espions – les services secrets qui affectionnent les périphrases disent « les officiers traitants ».

L’ambiance des pays baltes en automne

Les visites de Neva se font de plus en plus rares. Elle semble gagnée à son tour par la mélancolie que j’ai observé chez Lotha. Elle devient bizarre. Me parle du mauvais temps, de ses études qui l’ennuient, des maladies de sa mère, de l’indifférence de son beau-père, de la froideur de son oncle. Serait-elle sur le point de sombrer dans une de ces hystéries nordiques, fréquente à cette latitude, sous ce ciel avare de lumière. 

Belle description avec un mot que je ne connaissais pas

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 Traduit de l’américain par Marie-Odile Fortier-Masek.

3
J’ai lu plusieurs romans de cette auteure sans jamais m’enthousiasmer. Dans ce roman, Tracy Chevalier nous faire revivre l’époque des suffragettes en Grande Bretagne. Avec ,comme fil conducteur, l’amitié de deux fillettes, Maude et Lavinia qui viennent de la classe aisée de Londres. On y côtoie également la misère, grâce à Simon le fils du fossoyeur et Jenny l’employée de maison qui finira dans la plus grande des pauvretés après avoir eu un enfant illégitime. Pour régner sur les bonnes conventions une Grand-mère acariâtre et malfaisante.

Tracy Chevalier donne la parole à tous les protagonistes de cette histoire cela permet d’affiner les portraits mais donne une allure un peu décousue au roman. Chaque chapitre le lecteur doit changer de personnage principal. La réalité devient complexe et comme dans la vie le mal et le bien ne sont pas si simples à distinguer. La militante féministe n’est pas une mère très agréable, et la voisine qui est une bonne mère est cruche à souhaits. La grand mère est horrible, coincée dans ses valeurs de bourgeoise anglaise elle se fiche du bonheur des siens pourvu que les conventions soient respectées. Et les hommes ont l’air bien dépassés par une lutte qui les concerne de très loin.

Je me demande pourquoi cette romancière m’ennuie toujours un peu ? Ses romans m’apparaissent comme une machine bien huilée qui tourne très bien toute seule, en tout cas sans moi, c’est certain.

Citations

La condition de la femme en Grande Bretagne en 1900

Assise à la fenêtre, je l’ai regardé s’éloigner , et j’ai éprouvé cette même jalousie dont je souffrais jadis en voyant mon frère partir au collège. Il n’avait pas sitôt disparu à l’angle de la rue que je me suis retournée et à la vue de cette pièce tranquille et silencieuse, à la lisière de cette ville qui est le centre du monde, je me suis mise à pleurer. J’avais vingt ans et ma vie s’était figée, dans une interminable ornière sur laquelle je n’avais aucun contrôle.

Les jugements de sa belle mère, jugeant le « bovarysme » de sa bru

Dieu sait que j’ai toujours dit à mon fils que vous ne seriez pas heureuse . Combien de fois lui ai-je répété :  » Épouse-la si tu y tiens, mais elle ne sera jamais satisfaite !  » J’avais raison. Vous voulez toujours davantage , mais vos idées ne vous disent pas quoi. »

J’ai souvent éprouvé cela quand j’étais enfant

Il n’y a rien de plus exaspérant que quelqu’un qui ne s’aperçoit pas que vous le punissez. À vrai dire, j’avais plutôt la sensation d’être celle que l’on punissait.

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L’horreur d’être élevée par une mère suicidaire :

Souvent, elle raconte à Charlotte qu’au ciel tout est plus beau.
Et ajoute:quand j’y serai, je t’enverrai une lettre pour te raconter.
L’au – delà devient une obsession.
Tu ne veux pas que maman devienne un ange ?

Ce serait prodigieux, n’est ce pas ?
Charlotte se tait.

La grand-mère neurasthénique

Évidemment, sa grand mère l’aime profondément.
Mais il y a comme une force noire dans son amour.
Comment cette femme peut-elle s’occuper d’une enfant ?
Elle, dont les deux filles se sont suicidées.

Le grand amour de Charlotte le professeur de chant et ses intéressantes théories

Il a développé des théories nouvelles sur les méthodes de chant.
Il faut aller chercher la voix au plus profond de soi.
Comment est-il possible que les bébés puissent crier si longtemps ?
Et sans même abîmer leurs codes vocales.

On en parle

Allez sur Babelio vous verrez que ce roman a touché tant de lecteurs et de lectrices.

SONY DSCTraduit du Norvégien par Jean-Baptiste Coursaud.
Un énorme merci Keisha  pour ce petit joyau.

5
J’espère vous donner envie de lire ce roman qui est sur ma liste de juillet 2014. Avec un talent rare, Ingvar Ambjørnsen raconte le quotidien de deux hommes que l’hôpital psychiatrique a réuni. Ils sont différents des gens dits « normaux », Elling le personnage principal est très cultivé, s’exprime dans une langue très recherchée mais il est absolument incapable d’affronter les réalités du quotidien. Tout devient très compliqué quand, comme lui, on essaie de tout comprendre, ce qui se voit et ce qui ne se voit pas avant la moindre action. Heureusement, dans sa vie, il y a Kjell Bjarne son « pote pour la vie » et à deux, ils finissent par s’en sortir. J’oubliais un personnage clé, Frank, l’infirmier psychiatrique qui les aide à se reconstruire en dehors de l’institution. Il mérite une médaille cet homme, car il sait malgré tous les obstacles que l’ont peut ramener vers la vie en société ces deux olibrius, qui passent leur temps à le critiquer alors même qu’ils lui font une confiance absolue.

Les situations font vraiment rire, car à travers tout le sérieux avec lequel Elling nous explique le pour et le contre de telle ou telle décision, on imagine les réactions des gens autour de lui qui pensent qu’il serait si simple d’agir au lieu de tant réfléchir. Imaginez par exemple à quel point il peut-être difficile de prendre un billet pour aller en train dans une ville de la banlieue d’Oslo. Ceci pour aller voir Frank qui n’a pas jugé utile de venir les chercher en voiture. Finalement tout se passera correctement, même si Elling a été un peu long au guichet, il a tenu à expliquer à l’employé qui était Frank, quelle partie de sa famille avait un rapport avec la ville de banlieue en question… et évidemment derrière lui les gens s’impatientaient un peu… Mais les deux compères sont arrivés, un peu en avance (quatre heure d’avance) dans un pays ou attendre dans le froid n’est pas sans conséquence !

Je ne peux évidemment tout raconter, je vous laisse découvrir le rapport entre la poésie et la choucroute, l’utilité de changer de slips, la difficulté d’utiliser les toilettes publiques, l’importance des statues dans les jardins… Mais surtout laissez-vous embarquer pour une grande, très grande leçon d’humanité et des bonnes tranches de rire.

Citation

L’aménagement de l’appartement , l’imaginaire bridé par Frank (celui qui doit les aider depuis leur sortie de l’hôpital psychiatrique)

Je me plaisais à me présenter notre appartement comme étant le mien .Comme étant le nôtre, à Kjell Bjarne et moi. Lequel , toujours à Broynes , m écrivait pour me demander comment se passait les rénovations . Je répondais qu’elles se passaient mal . Qu’un dénommé Frank s’interposait en permanence. Notre idée d’installer un jardin suspendu dans le salon tombait salement à l’eau. Frank n’avait même pas voulu en discuter.

La rencontre amoureuse de Kjell Bjarne et la psychologie torturée d’Elling

Je ne parvenais pour ainsi dire pas à m’emparer de l’image représentant Kjell Bjarne et Reidun Nordsletten dans la cuisine . De quoi parlaient-ils ? Kjell Bjarne était-il aussi peu loquace qu’il en avait pris l’habitude avec moi ? Ou brillait-il grâce à des mots d’esprit et des tournures amusantes maintenant qu’une femme lui prêtait une oreille avide ? Lui prêtait-elle d’ailleurs autre chose d’avide que sa seule oreille ? Y avait-il déjà quelque chose entre eux ? Non. Sans quoi je m’en serais rendu compte . Il ne fallait pas pousser !

Lorsqu’il est redescendu, sifflotant, sa boîte à outils sous le bras, j’ai été soudain très accaparé par la lecture du journal du jour. S’il croyait que mille et une question me brûlaient la langue, il pouvait toujours se brosser. A peine si j’ai daigné lui accorder un regard avant de retourner à mon article.Tiens donc : le parti social-démocrate réclamait une baisse des taxes d’importation sur les véhicules ! Il valait mieux lire ça que d’être aveugle. Et, ailleur , ils annonçaient qu’il allait faire plus froid. On se couche décidément moins bête le soir à chaque seconde qui passe, ai-je songé.

Coup de téléphone non prévu

Il voulait savoir s’il me dérangeait, si j’étais très occupé. Ce que j’étais à l’évidence étant donné que je rangeais mon tiroir. Mais quelque chose me retenait de lui fournir cette explication. J’ai menti, répondant que je m’ennuyais à cent sous de l’heure.

Portrait de Frank vu par le Elling le rouspéteur

Frank ? Mais que croyait-elle à la fin ? que nous sortions de notre plein gré manger une pizza avec ce misérable espion des services communaux qui fourrait son nez dans tout ce que nous disions et faisions ? Nous n’avions pas le choix, si tant est que nous voulions conserver notre appartement ainsi que les maigres privilèges qui y étaient liés. Frank ? Un gauchiste minable qui ramenait sa fraise de façon intempestive et se mêlait même du choix de la pizza que les gens allaient consommer et qui, par dessus le marché, était payé par la ville d’Oslo pour le faire !

Et pour le fun si vous voulez un petit air de Norvège.. Et imaginez Terry, un Togolais qui fait la vaisselle à l’hôpital royal qui devient en quatre mois un expert en Halling

Ce que j’ai trouvé sur Youtube sur les films réalisés à partir de l’œuvre de Ingvar Ambjørnsen (que j’aimerais pouvoir les voir !).

https://www.youtube.com/watch?v=pjMTVGdH2v8

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4
J’ai absolument adoré la première partie de ce roman. Un peu moins la seconde , lorsqu’on voit, en 1943 et 1944, le « Tout Paris » essayer de revivre de façon futile autour du monde du spectacle. Le roman commence par l’enterrement à Saint Pierre de Chaillot de : « Princesse Natalie,Marguerite, Marie, Pauline de Lusignan, duchesse de Sorrente. 7mai 1908-10 février 1945 » . Le roman raconte la lente et inexorable destruction de cette jeune femme morphinomane . La première partie se passe à Cannes où la famille se trouve « coincée » jusqu’en 1943. Coincée cela veut dire que la famille a du mal à recevoir exactement comme elle l’a toujours fait.

À la mort de sa mère la riche Américaine princesse Elisabeth de Lusignan, Natalie apprend qu’elle est la fille naturelle de Paul Mahl un riche juif ami de son père le prince de Lusignan. En plus d’être une bâtarde elle est donc confrontée au monde juif et sous la botte des nazis cela prend un tout autre sens que dans les salons du microcosme de l’aristocratie parisienne. Natalie n’était pas capable de se défendre d’un milieu oppressant, elle était faite pour une vie de salon à la Marcel Proust, auteur qu’elle découvre et qu’elle comprend. Sa rencontre avec la morphine lui sera fatale et lui enlèvera toutes ses forces. Quand la famille retourne à Paris , cette femme droguée est envahie de pulsions et de révoltes qu’elle n’arrive pas à assumer. Elle aurait voulu être plus courageuse et pouvoir répondre à sa petite fille en pleurs : « mais qu’est ce qu’on leur fait aux juifs , quand on les arrête ? » . Sa révolte se limitera à une sortie chez la princesse Murat :

« Les juifs sont devenus des morts-vivants, tout leur est interdit. Ils sont plus ostracisés que des lépreux au Moyen Age ! « .

Ambiance glaciale garantie, dans ce Paris mondain qui, comme Natalie me dégoûte quelque peu. Comme elle, et cela grâce au talent de Pauline Dreyfus , le grand écart se creuse entre les soucis des réceptions (quelle robe ? quel plat ? quelles conversations ?) et les familles juives qui disparaissent peu à peu. Comme Natalie, j’ai envie de les secouer tous ces Cocteau, Guitry invités chez les Murat, Noaille Trémoïles et autres… et leur demander s’ils savent répondre à cette petite fille en pleurs : « mais qu’est ce qu’on leur fait aux juifs , quand on les arrête ?« . Comme elle, je n’aurais peut-être pas eu le courage d’aller plus loin dans ma révolte que de ne plus traverser les Champs-Élysées interdits aux juifs ( tiens, je ne le savais pas !) et monter dans le dernier wagon du métro le seul autorisé aux juifs. Il me reste à parler du style de cette auteure, son sens de la formule est absolument admirable et drôle. C’est un livre qui se lit vite et qui fait du bien alors qu’il raconte une histoire bien triste et une époque abominable.

Citations

Les conventions

Pas un bal où elle ne s’affichât auprès du jeune André Mahl, au point de scandaliser les maîtresses de maison, ulcérées que la jeune fille préférât ce jeune homme « israélite » à tant d’autres jeunes gens dont le sang, était lui irréprochable. Natalie était certes la moins jolie des sœurs Lusignan, mais de là à « s enjuiver ». Tapie derrière les éventails, augmentée de points d’exclamation, la réprobation se propageait.

L’argent et la « noblesse »

Un jour que la cousine de son mari d’autant plus à cheval sur sa généalogie qu’aucun parti ne lui semblait à la hauteur de la sienne, lui avait lancé : « Mais au fond votre nom ne vaut rien ! » . Élisabeth avait eu assez d’esprit pour lui répondre « Pas au bas d’un chèque. .. »

La noblesse d’empire

Partout où l’empereur est passé, il se sent un peu chez lui . Jérôme n’a rien fait d’exceptionnel dans sa vie, celle de ses ancêtres lui tient lieu de carte de visite.

L’art de la formule de Pauline Dreyfus

De toute façon, la duchesse douairière de Sorrente n’a jamais aimé les enfants, non plus que les contacts physiques qui présidaient à leur arrivée. Sitôt après la naissance d’un fils , elle s’était estimée quitte avec son mari et avait définitivement condamné la porte de sa chambre. Elle s’était réfugiée dans la lecture et la médisance, deux activités qui accomplie avec sérieux, auraient suffi à emplir la journée de n’importe qui.

Ce qui ne se fait pas

Les frasques d’Élisabeth sont indubitablement à ranger dans la case « ce qui ne se fait pas ». Dans la même nomenclature, il y a le divorce, le mariage avec une demoiselle ayant du sang juif(du sang protestant à la rigueur, si la jeune personne porte le nom d’une grande banque), et la bâtardise assumée. Tous ces comportements qui engendrent la pire des calamités pouvant s’abattre sur une famille : « le scandale ». En puriste des mondanités, il aurait volontiers ajouté à cette liste le fait de manger son dessert avec une cuillère…

On en parle

Chez Clara, et Mimipinson.