20161107_111041Traduit de l’anglais par Élodie LEPLAT. Lu grâce au club de lecture de la média­thèque de Dinard.

Notre Club s’est donné une tradition pour clore ses lectures. Au mois de juin, nous élisons « notre coup de cœur des coups de cœur », pour cela, la vingtaine des participants – remarquez le masculin, cette année deux hommes nous ont rejointes !) doivent lire les dix livres en lice pour pouvoir participer au vote autour d’agapes faites maison. « Le chagrin des vivants » avait connu un tel succès que je n’avais pas pu le lire l’an dernier , et depuis il est toujours sorti de la médiathèque. Comme je comprends son succès ! je pense que ce roman va être un concurrent sérieux pour notre prix en juin 2017.

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Le roman se déroule essentiellement à Londres, sur cinq jours, du 7 novembre 1920 au 11 novembre où toute cette grande ville et tout le pays lui-même se souviendra de ceux qui sont morts pendant la guerre 14-18 sur le sol de France. Nous suivons également la dépouille du « combattant inconnu » qui sera inhumé à Westminster. Le début du roman est un peu compliqué, car c’est un roman choral, nous suivons le destin d’Hettie une jeune fille d’origine très modeste, de 19 ans qui veut danser et vivre à tout prix alors que son frère mort vivant n’arrive pas à retrouver le goût de la vie après son retour du front. Puis à Evelyn d’origine aristocrate qui a travaillé dans une usine d’armement pendant la guerre pour oublier la mort de son fiancé, et se sent devenir une vieille fille acariâtre et enfin à Ada dont le fils est mort à Albert avant d’envoyer cette carte postale de l’église tristement célèbre à sa mère.

066_001À partir de ces quatre femmes dont les destins se croisent, l’après guerre à Londres se dessine devant nos yeux de lecteur encore surpris de tant d’horreurs. Est-ce qu’il faut attendre 100 ans pour que tout soit dit sur une guerre ? J’ai beaucoup lu sur celle-ci, mais évidemment du côté français, il me semble qu’en France on a mieux traité les anciens combattants qu’en Grande Bretagne. Les hommes mutilés sont réduits à la mendicité. J’aimerais en savoir plus sur ce sujet mais déjà, dans la célèbre série Downton Abbey, on voit que les anciens soldats ont besoin de la charité publique pour se nourrir. La force du roman vient de ce que peu à peu comme beaucoup de Londoniens nous sommes attirés par la cérémonie du 11 novembre 1920 où beaucoup de Britanniques, dont nos quatre personnages, trouveront dans cette cérémonie en l’honneur du « combattant inconnu » un peu de consolation pour des maux si multiples et si profonds que rien ne semblait pouvoir les apaiser. L’auteure a très bien rendu compte de la variété des destins brassés dans un même creuset, celui de la guerre qui a tué, mutilé, ravagé une génération d’hommes jeunes et donc par voies de conséquences de leurs proches.

Citations

Les souffrances d’une mère

L’automne vint, les journées commençaient à raccourcir, la conscription à s’imposer. Alors elle commença à prier, ce qu’elle n’avait pas fait depuis des années. Elle priait égoïstement, désespérément, pour elle, pour Michael, pour que la guerre s’arrête à sa porte. Elle ignorait à qui elle adressait ces prières, elle ignorait qui était le plus puissant : un Dieu distant, qui écoutait ou pas ; la guerre affamée elle-même, qui grondait sur leur seuil.

Ceux qui sont revenus

Pourquoi ne peut-il pas passer à autre chose ?

Pas seulement lui. Tous autant qu’ils sont. Tous les anciens soldats qui font la manche dans la rue, une planche accrochée autour du cou. Tous vous rappellent un événement que vous voudriez oublier. Ça a suffisamment duré. Elle a grandi sous cette ombre pareille à une grande chose tapie qui lessive la vie de toute couleur et toute joie.
La guerre est terminée, pourquoi ne peuvent-ils donc pas tous passer à autre chose, bon sang ?

Payer pour une inscription sur les tombes des soldats morts en France

Ils m’ont demandé quelle inscription mettre sur la tombe. C’était six pence la lettre, rien que ça. On aurait pu croire qu’ils payeraient pour ça non ?

Qui a gagné la guerre

L’Angleterre n’a pas gagné cette guerre. Et l’Allemagne ne l’aurait pas gagnée non plus

– Qu’est ce que tu veux dire ?
– C’est la guerre qui gagne. Et elle continue à gagner, encore et toujours.

20161030_165320Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thè­que de Dinard

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Une déception mais quel dommage ! car c’était une bonne idée : peut-on guérir le mal-être grâce à la lecture ? Le personnage central de cette histoire, Alex, en est persuadé au point de devenir « bibliothérapeute ». (J’ai découvert, grâce à Google, que cette profession existait !). Je sais, également, grâce à mon expérience personnelle que lire et faire partager ses lectures fait un bien fou. Je me suis donc plongée avec délice dans ce roman pour suivre la vie d’Alex et de ses patients. Hélas ! malgré quelques remarques pertinentes sur notre société, un ressenti acerbe contre des mères dévouées mais envahissantes, aucun personnage ne prend un relief quelconque.

C’est un roman fade, les extraits choisis par le thérapeute pour guérir ses patients sont insipides et on se demande bien pourquoi la lecture de ces œuvres peut aboutir à une amélioration de l’état mental d’une personne souffrante. Mon jugement est sévère sans doute, mais il est à la mesure de ma déception. Je ne sais pas si mes lectures m’ont soignée, mais ce dont je suis sûre c’est que je ne pourrai jamais regarder sans sourire le comportement d’un snob après avoir lu Proust nous racontant Legrandin, que quand je suis triste ces vers de Verlaine me hantent :

Je ne sais pourquoi

Mon esprit amer

D’une aile inquiète et folle vole sur la mer

Tout ce qui m’est cher

D’une aile d’effroi

Mon amour le couve au ras des flots. Pourquoi, Pourquoi ?

Lire permet de se comprendre, d’accepter la vie et celles des autres. Je m’attendais à trouver dans ce récit la magie de textes pouvant faire plus et même soigner quelqu’un, mais je ne l’ai pas trouvé. Une déception donc. Je n’ai pas réussi à m’intéresser au personnage du commercial qui confond les qualités de sa femme et celles de sa machine à laver, ni au footballeur qui ne sait pas s’il doit rester jouer en France, ni à Yann atrocement mutilé après un accident de voiture. Et hélas ! je n’ai pas cru aux amours d’Alex et de Mélanie.

Citations

Difficultés de plaire pour un littéraire

Elles cherchaient un amoureux fougueux, courageux, dont elles pouvaient être fières pas un garçon capable de déclamer Racine au bord de la piscine où les autres exécutaient des saltos avant.

La phrase qui tue pour un adolescent qui veut sortir avec une jolie fille

Je veux bien sortir avec toi mais je ne veux pas qu’on nous voie ensemble

C’est drôle mais peu crédible

Si Alex avait grandi dans une famille d’aliénés il lui aurait demandé si elle avait également filmé la conception de sa fille chérie. Les films de naissance ennuient tout le monde, enfin les personnes sensées. Les films de conception trouveraient un public plus large.

20161024_141947Je signale que la photo est prise sur ma veste en goretex, solidarité oblige ! Traduit de l’anglais (Australie) par Odile DEMANGE. Lu grâce au club de lecture de la média­thè­que de Dinard.

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Je mets toujours 5 coquillages quand un livre me fait rire, c’est très rare et ça fait tellement de bien. Le thème du club ce mois-ci, était : « des livres légers qui font sourire ». Ce livre correspond exactement à cette définition, et comme beaucoup de livres qui nous font sourire et parfois (pour moi en tout cas) pouffer de rire, il est plus profond qu’il n’y paraît. La quatrième de couverture cite le questionnaire que Don Tillmann met au point pour réaliser « son Projet épouse », en bon scientifique, il a très bien balisé le terrain pour trouver la femme idéale.

Celle ci ne doit pas :

  1. fumer et boire
  2. être végétarienne et aimer la glace à l’abricot
  3. se lever après 6 heures.

Mais elle doit :

  1. faire du sport
  2. être ponctuelle
  3. accepter le système de Repas Normalisé qui prévoit du homard au dîner le mardi.

Mais voilà qu’une certaine Rosie qui fume qui est végétarienne qui n’a qu’un sens relatif des conventions et des règles vient troubler le quotidien de cet homme brillant mais totalement inapte à vivre en société. Tous les personnages sont intéressants et les situations extrêmement drôles. Graeme Simsion, n’écrit que du point de vue de Don, et donc à nous d’imaginer les réactions de ceux qu’une trop grande franchise peuvent perturber. Don est un scientifique à la mémoire prodigieuse mais incapable instinctivement de relations sociales avec les autres humains et surtout d’improvisation. Sa vie est donc entièrement prévisible et tout le temps qu’il gagne à faire très vite ce qui l’ennuie, il le garde pour parfaire ses connaissances scientifiques. Bien sûr cela ressemble à un comportement autiste et ses amis le poussent d’ailleurs à faire une conférence sur le syndrome Asperger, persuadés sans doute qu’il se reconnaîtra. Mais là n’est pas son problème, il est occupé à trouver une épouse et à aider Rosie à trouver son père biologique. Il fait une conférence aussi sérieuse que peu conventionnelle évidemment, devant un parterre de parents d’enfants autistes et cela a peut-être été pour eux un formidable moment d’espoir. En tout cas « les aspis » ont adoré !

J’ai beaucoup apprécié que les personnages secondaires ne soient pas des caricatures plusieurs histoires s’entremêlent et elles ont toutes de l’intérêt. J’ai vu souvent passer ce roman sur les blogs et je rejoins le chœur des avis positifs. Si vous avez un petit coup de blues lisez ce théorème et vous retrouverez le sourire.

Citations

Un métier passionnant

Mon travail personnel porte sur la prédisposition génétique à la cirrhose du foie. Je consacre une grande partie du temps que je passe à la fac à saouler des souris.

Une honnêteté dure à supporter pour son entourage

Une femme au fond de la salle a levé la main. Concentré sur mon argumentation, j’ai commis une erreur sociale mineure que j’ai promptement corrigée :

– Oui la grosse…. La dame en « surpoids » du fond ?
– Elle est restée silencieuse un moment et a regardé autour d’elle avant de poser sa question

L’avantage d’une veste en Goretex par rapport à une veste de laine imposée dans un restaurant chic

Ma veste en goretex « ce vêtement de haute technologie » qui m’avait protégé de la pluie et de tempêtes de neige, se voyait désormais, de façon totalement irrationnelle, injuste et contre-productive, désavantageusement comparée à l’équivalent en laine essentiellement décoratif de l’employé. J’avais payé la mienne mille quinze dollars, dont cent vingt dollars de supplément pour la couleur jaune fluo disponible sur option.

Don Tillman fait souvent des remarques très justes

Le cerveau humain est programmé pour se concentrer sur les différences au sein de son environnement. Il faut qu’il puisse rapidement repérer la présence d’un prédateur. Si j’avais des reproductions ou autres objets décoratifs, je les remarquerai pendant quelques jours et ensuite mon cerveau les ignorerait.

Réflexions sur les vierges qui attendent les fous qui tuent au nom d’Allah

Je trouve ça irrationnel, ai-je remarqué, de vouloir des vierges. Une femme ayant une certaine expérience sexuelle est certainement préférable à une novice

Un de mes éclats de rire : Don s’entraîne à la danse de salon dans son bureau à l’université

Je travaillais mes pas de danse quand Gene est entré dans mon bureau
– Il me semble que les statistiques de longévité reposent sur des mariages avec des femmes vivantes, Don.
Il faisait allusion au squelette que j’utilisais pour m’entraîner.

20160918_124104Traduit de l’espagnol par Eduardo Jime.

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S’il s’agit bien ici d’un roman d’espionnage, il s’agit surtout de découvrir un aspect peu connu de la guerre d’Espagne. Et loin de suivre les exploits d’une « James Bond girl », on est, sans doute, plus près de la réalité en matière d’espionnage, presque tout se passe dans un salon de couture. Et si la jeune Sira sait habiller les femmes qui ont les moyens de dépenser des fortunes pour se vêtir alors que l’Espagne est ravagée par la misère, elle sait aussi écouter les conversations, qu’elle rapporte fidèlement aux autorités britanniques.

Le cœur du roman, et une grande partie de son intérêt c’est de nous raconter ce moment particulier où Franco après sa victoire contre les républicains a hésité à s’engager auprès des allemands qui l’avaient si bien aidé dans ses combats. Cette jeune Sira est dabord une femme assez sotte qui a failli finir en prison pour les beaux yeux d’un malfrat . Mais elle luttera de toutes ses forces pour s’en sortir et créera à Tanger un salon de couture pour clientèle huppée, elle fréquente une population cosmopolite du plus bas de l’échelle sociale à la maîtresse du gouverneur. Elle est recrutée par les services britanniques et repart à Madrid. La situation de l’Espagne n’occupe pas une grande place dans ce roman mais les quelques pages qui lui sont consacrée sont absolument terribles.

J’ai des réserves sur ce récit , car il contient trop d’ingrédients dont les auteurs ont tellement abusés : la jeune fille sans père qui est finalement reconnue par son géniteur qui se trouve être une des grandes fortunes d’Espagne ; un bel amoureux qui n’en veut qu’à son argent ; une jeune couturière qui démarre de rien et qui à force de travail devient riche et recherchée par toute la haute société ; et pour couronner le tout un futur mari bien comme il faut …. Ça fait beaucoup, mais malgré cela, j’ai lu avec intérêt ce moment de l’histoire espagnole.

Citations

Personnalité britannique peu sympathique

Sa résistance à l’alcool se révélait stupéfiante, presque comparable aux mauvais traitements infligés à la domesticité. Il s’adressait à eux en anglais, de mauvaise humeur, sans prendre la peine de considérer qu’ils ignoraient totalement sa langue, et quand il se rendait compte qu’ils n’avaient rien compris, il se mettait à hurler en hindi, la langue de ses anciens domestiques à Calcutta, comme si, pour les employeurs de maison, il existait une langue universelle.

La misère en Espagne après la guerre civile

Madame Engracia est à moitié aveugle et elle déambule dans les rues ; elle a l’air folle elle remue avec un bâton tout ce qu’elle trouve. Dans ton quartier, il n’y a plus ni chats ni pigeons, ils les ont tous mangés …. Andeita a été éventrée par un obus un après midi en traversant la rue Fuencarral pour rejoindre son lieu de travail….Sole a eu des jumeaux ; cadeau d’un milicien qui a disparu sans meme leur laisser un nom ; comme elle n’a pas pu garder les enfants, parce qu’elle n’avait pas de quoi les entretenir, ils ont été emmenés à l’hospice, et elle n’a plus eu de nouvelles On raconte qu’elle se vend maintenant aux débardeurs du marché de la Cebada, elle demande une peseta par passe, sur place, contre le mur ; elle traîne dans le coin, elle ne porte pas de culotte, elle soulève sa jupe dès que les camionnettes arrivent, aux premières lueurs de l’aube.

20160914_104257-1Traduction de l’anglais par Pierre CLINQUART entièrement revue et corrigée

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Je suppose que cette remarque « entièrement revue et corrigée » veut dire qu’il existe une première traduction un peu moins fidèle au texte ? Je suis restée quelques jours en compagnie d’un groupe de lapins dirigés par Hazel, un chef par qui beaucoup de groupes humains aimeraient être eux-mêmes guidés : il est intelligent, éprouve de la compassion et est ouvert à tous les conseils qui peuvent aider sa petite meute de lapin à survivre dans un milieu qui ne veut que leur destruction. Merci Keisha, ton enthousiasme est communicatif et je comprends d’autant mieux ton plaisir qu’enfant, tu avais déjà lu ce roman. Parce qu’il fait partie des rares livres qui peuvent être lus à tout âge. Les enfants adoreront ces histoires de lapins confrontés à des aventures absolument extraordinaires racontées de façon palpitantes. Ils auront peur pour Hazel et son jeune frère qui sait prédire l’avenir, Fyveer. Ils seront séduits par le courage de leurs amis Bigwig et le talent de conteur de Dandelion. Les adultes aimeront cet hymne à la nature , même si comme moi il leur faudra souvent rechercher des jolis noms aussi étranges que : les « mercuriales vénéneuses »

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ou » la jacobée »

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mais le nom que je préfère est : « eupatoire pourpre »

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en plus de son amour de la nature que le lecteur est prêt à partager avec le militant Richard Adams, on est absolument saisi par la prouesse d’écriture qui fait qu’à travers les différentes garennes et organisations des lapins, on retrouve toutes les conduites humaines. Il n’y a pas de message à proprement parler, mais quelque que soit la façon dont ils s’organisent, il s’agit toujours de résoudre le terrible sort des lapins de garenne :

La terre tout entière sera ton ennemie. Chaque fois qu’ils t’attraperont, ils te tueront. Mais d’abord ils devront t’attraper…

Les solutions varient pour échapper à la mort :

  • accepter que des hommes vous protègent en acceptant qu’ils prélèvent au hasard de leurs envie leur pourcentage de lapins afin de les manger.
  • organiser un système très bien caché de tous les prédateurs sous la houlette d’un tyran impitoyable.
  • Devenir lapin domestique dans un clapier
  • et enfin comme dans la garenne d’Hazel trouver un lieu suffisamment reculé et à l’abri du regard des hommes pour mener une vie de lapin sauvage qui doit se protéger de tous les « vilous ».

J’oubliais de dire que peu à peu nous apprenons le langage des lapins, nous « farfalons » nous suivons les exploits des Hourdas, nous craignons que les « shaar-tchoun » les plus faibles des lapins soient abandonnés par les autres. Comme toute société , les lapins ont leur mythe fondateurs et Dandelion raconte ces histoires soit pour donner du courage soit pour distraire la compagnie. On y retrouve Shraavilsa intelligent et rusé et son fidèle lieutenant Primsault, tous les deux se sortent toujours d’affaire mais ils mettent aussi leur vie en grand danger. Ce n’est pas très juste de ne mettre que 4 coquillages à un tel livre, car c’est une oeuvre originale, je n’ai rien lu de tel depuis longtemps, c’est évident que si j’avais gardé totalement mon âme d’enfants je lui mettais 5 coquillages sans hésiter.

Citations

un moment de bonheur

Voir s’achever le temps de l’angoisse et de la crainte ! Voir se lever puis se dissoudre les nuées lugubres suspendues au-dessus de nous – ces sombres nuages qui attristent le cœur et réduisent le bonheur en vague souvenir ! rares sont les êtres qui n’ont jamais éprouvé cette joie-là.
L’enfant qui attend sa punition et que voilà, à sa grande surprise, pardonné, et le monde retrouve aussitôt ses couleurs, ses exquises promesses.

Changer ses habitudes pour mieux s’adapter

Tu dis que les mâles ne creusent pas. C’est vrai. Mais ils le pourraient s’ils le voulaient. ça ne te plairait pas de dormir au fond de terriers bien douillets ? D’être sous terre par mauvais temps ou lorsque la nuit tombe ? Nous serions en sécurité. Et rien ne nous en empêche, à part le fait que les mâles ne sont pas censés creuser. Pas parce qu’ils n’en sont pas capables, mais parce qu’il en a toujours été ainsi.

Les lapins et la peur

Les lapins étaient mal à l’aise, désorientés. Ils s’aplatirent, respirant les parfums émanant de l’eau dans l’air frais du crépuscule. Puis ils se regroupèrent, chacun espérant ne pas déceler chez son voisin l’angoisse qu’il éprouvait lui même.

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J’avais tellement apprécié « les forêts de Ravel » que je me suis précipitée sur ce roman. C’est encore une fois Sandrine qui m’a fait noter son arrivée dans une rentrée littéraire trop encombrée pour moi. Michel Bernard a deux talents, il sait décrire la guerre dans toute son horreur et les sentiments patriotiques qui conduisent des hommes jeunes à risquer leur vie. Et cet auteur sait aussi raconter la création artistique. Le premier remord de Monet, c’est l’histoire de ce jeune talentueux, courageux et très beau Frédéric Bazille  qui est mort pendant la guerre de 1870, alors que Monet est réfugié à Londres loin des tumultes des armes. Frédéric Bazille c’est ce grand jeune homme allongé sur ce tableau.dejeuner-pouchkine

Le début du roman commence par la quête du père de Frédéric, il veut retrouver son fils, Michel Bernard nous décrit, alors, ce qu’a représenté cette défaite de la France. Une armée mal préparée, une république toute neuve qui n’a pas pu se défendre des soldats prussiens qui venaient de vaincre Napoléon III. La quête de ce père, fou de chagrin, à travers le pays dévasté, puis son retour sur ses terres avec le corps de son fils pour qu’il soit enterré dignement est bouleversant. On retrouve le talent de cet écrivain pour nous parler de la guerre comme il l’avait fait pour raconter celle que Maurice Ravel a faite en 14-18.

L’autre qualité du roman de Michel Bernard , c’est de nous faire partager l’élan créateur de ce peintre. Et ce sera le second remord de Monet que son amour pour Camille dont il a laissé de nombreux portraits . L’écrivain cerne au plus près les sensations du peintre et nous comprenons peu à peu les forces qui l’ont poussé à créer toute sa vie. Le roman suit l’artiste à Londres, à Argenteuil, sous le soleil, sous la neige, il épouse les différents moments de la vie de Monet et nous retrouvons des tableaux si célèbres et tant de fois admirés. Comme celui-ci dont j’ai toujours trouvé la lumière si belle :monet-la-piePuis viendra, pour Monet, le moment des séries et toujours la remise en question de son travail que ce soit à travers les peupliers, la cathédrale de Rouen. Je crois qu’après avoir lu ce roman, on comprend mieux la quête de la lumière pour les peintres en particulier les impressionnistes. Et quel superbe final que cette réalisation de son jardin de Giverny et sa séries des nymphéas. Monet a réussi sa vie, je ne sais toujours pas s’il a eu des remords mais ce qui est sûr, c’est qu’il a offert à la France une oeuvre magistrale à laquelle Michel Bernard rend un très bel hommage.

Citations

Les phrases que j’aime lire

Les cyprès, lanternes des morts au soleil de la Méditerranée, fusaient au-dessus des murs du cimetière.

L’élan patriotique

Les armées prussiennes étaient entrées en France et marchaient sur Paris. Cela avait décidé Frédéric, le doux rêveur Frédéric, à s’engager. Il avait lui aussi trouvé stupide ce conflit, stupide ce régime à bout de souffle, stupides ces généraux carriéristes ressassant les nostagies impériales. La défaite et l’invasion changeaient tout. Le pays était malheureux, la France était blessée, il fallait faire son devoir.

La création des nymphéas

Les teintes glauques, où les effets de lumières assourdis mêlaient l’air et l’eau, baignaient voluptueusement le regard blessé du peintre. Une autre dimension des choses vivantes lui apparaissaient qu’il n’aurait pas su voir quand il était jeune. Elle était supérieure, il le sentait, parce qu’elle lui apportait une certaine sérénité dans la contemplation. Il avait fallu la longue préparation d’une vie pour l’atteindre et le comprendre. Il y a vingt ans, il avait deviné que quelque chose était là, qui l’attendait, mais c’était encore trop tôt. Impatient, tumultueux et désordonné, il s’était prématurément jeté à la conquête de ce qu’il fallait encore attendre. Maintenant, devant ses yeux usés, un monde intermédiaire s’ouvrait, neuf pour lui et vieux comme la Création.

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20160730_151921Traduit de l’italien par Elsa DAMIEN

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J’ai commencé la lecture soutenue par vos commentaires à propos de « L’Amie Prodigieuse » . Quand on a beaucoup aimé un roman, on aborde le second tome avec plus de réticences, mais très vite, j’ai été happée par le style d’Elena Ferrante. Voici une auteure qui rend l’Italie du sud tellement vivante ; elle nous fait comprendre de l’intérieur ce que cela veut dire d’être femme dans une société machiste donc violente et de plus dominée par un clan qui ressemble fort à la mafia. Nous retrouvons les mêmes personnages que dans le premier tome, ils ont vieilli et ne sont plus confrontés aux mêmes difficultés. Lila se bat dans son quartier contre un mari qu’elle n’aime pas et contre tous ceux qui veulent la dominer. Elle essaie de vivre comme une femme libre dans un pays où cela n’a aucun sens. Elle est rouée de coups mais ne plie jamais. Elena sort tant bien que mal de sa misère initiale en réussissant brillamment ses études.

Ses amours ne la rendent pas toujours heureuse mais lui permettent de se rendre compte qu’elle a beau se donner beaucoup de mal pour se cultiver, le fossé entre elle et ceux qui sont bien nés est infranchissable. Les liens très forts qui unissent les deux jeunes femmes n’ont pas résisté aux passions amoureuses qui se sont entrecroisées le temps d’un été. Même si Lila lui vole sous son nez son amoureux et malgré sa peine, Elena restera lucide et ne lui enlèvera pas totalement son amitié. Grâce à un jeu d’écriture, (les cahiers de Lila lui ont été confiés) , l’écrivaine peut décrire la vie de cette femme farouche si peu faite pour vivre sous la domination des hommes napolitains.

Raconter les intrigues risque de faire perdre tout le sel de ce roman qui vaut surtout par le talent de cette auteure. Elena Ferrante décrit dans le moindre recoin de l’âme les ressorts de l’amitié, de l’amour et des conduites humaines et donc, comme les grands écrivains, elle nous entraîne d’abord dans une compréhension de l’Italie du sud et puis au delà des frontières terrestres dans ce qui constitue l’humanité dans toutes ses forces et ses faiblesses.

Citations

Portraits des femmes de Naples

Ce jour-là, en revanche, je vis très clairement les mères de famille du vieux quartier. Elles étaient nerveuses et résignées. Elles se taisaient, lèvres serrées et dos courbé, ou bien hurlaient de terribles insultes à leurs enfants qui les tourmentaient. Très maigres, joues creuses et yeux cernés, ou au contraire dotées de larges fessiers de chevilles enflées et de lourdes poitrines, elles traînaient sacs de commissions et enfants en bas âge, qui s’accrochaient à leurs jupes et voulaient être portés.

Le mur infranchissable de l’origine sociale

Je n’avais pas véritablement réussi à m’intégrer. Je faisais partie de ceux qui bûchaient jour et nuit, obtenaient d’excellents résultats, étaient même traités avec sympathie et estime, mais qui ne porteraient jamais inscrits sur eux toute la valeur, tout le prestige de nos études. J’aurais toujours peur : peur de dire ce qu’il ne fallait pas, d’employer un ton exagéré, d’être habillé de manière inadéquate, de révéler des sentiments mesquins et de ne pas avoir d’idées intéressantes.

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Traduit de l’italien par Renaud Temperini

Livre critiqué dans le cadre du programme Masse Critique de Babelio.com

 

4Je ne réponds plus souvent aux sollicitations de Babelio mais j’ai visiblement tort car ce roman m’a absolument ravie. J’avais accepté car je croyais me replonger dans l’atmosphère de Naples si bien décrite par Elena Ferrante, et cette fois, du point de vue des hommes. J’aurais pu être déçue car ce n’est pas du tout cela que j’ai trouvé. J’ai accompagné un homme un peu bourru dans sa vieillesse et dans sa difficulté de communiquer avec ses voisins, ses amis et sa famille. Comme beaucoup de personnes âgées, il repense à son passé et en particulier à ses amours de jeunesse avec nostalgie et souvent une grande précision. C’est un livre drôle et triste à la fois. Tragique même, puisque Cesare ne pourra pas empêcher le déroulement d’un drame si prévisible pourtant. Le trio des vieux amis, la dame au chat, Marino qui ne s’est pas remis de la mort accidentel de son fils, et lui-même, ronchonnent et râlent un peu sur le monde moderne auquel ils ont du mal à s’adapter, c’est ce qui les rend drôles et très attachants. Ils ne sont que des hommes sans super pouvoir. Lorenzo Marone a dépeint un Cesare au plus près de la réalité de ce que peut être un homme vieillissant. Il sait très bien jouer des rôles de personnages autoritaires pour sortir des situations les plus rocambolesques (il est aussi bon comme l’ami du ministre de la justice, que l’inspecteur du fisc à la retraite, ou comme l’ancien commissaire de police de Naples), il ne pourra, cependant pas faire grand chose pour aider Emma à se sortir des griffes d’un mari violent. En revanche, il trouvera le chemin de la compréhension et de l’affection de son fils. Ce livre commence par un tout petit texte qui m’a fait penser que j’allais aimer cette lecture, alors, je vous le recopie en espérant qu’il aura le même effet sur vous :

Citations

Une précision

MON FILS EST HOMOSEXUEL.

Il le sait. Je le sais. pourtant, il ne me l’a jamais avoué. Je n’y vois rien de mal, beaucoup de gens attendent la mort de leurs parents pour laisser leur sexualité s’épanouir en toute liberté. Mais avec moi, cela ne marchera pas, j’ai l’intention de vivre encore longtemps, au moins une dizaine d’années. Par conséquent, si Dante veut s’émanciper, il va falloir qu’il se fiche de l’opinion du soussigné. Je n’ai pas la moindre envie de mourir à cause de ses préférences sexuelles.

Un moment d’humour tellement vrai !

Je fixe des yeux un livre posé sur ma table de chevet. J’ai souvent observé sa couverture, mais j’y remarque des détails qui m’avaient échappé. Une sensation de stupeur m’envahit, puis je comprends de quoi il s’agit : j’arrive à lire de près. A mon âge, personne au monde n’en est capable. Malgré les pas de géants de la technologie au cours du dernier siècle, la presbytie est restée un des mystères inaccessibles à la science. Je porte les mains à mon visage et saisis la raison de cette soudaine guérison miraculeuse : j’ai mis mes lunettes, d’un geste désormais instinctif, sans réfléchir.

 

Le caractère de Cesare

On dit souvent que le temps adoucit le caractère, surtout celui des hommes. Beaucoup de pères autoritaires se métamorphosent en grands-pères affectueux. moi, il m’est arrivé l’exact contraire, je suis né doux et je mourrai bourru.

La vieillesse

On ne s’habitue à rien, on renonce à changer les choses ce n’est pas pareil.

 

 

 

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Comme vous le voyez, je n’ai pas résisté longtemps au billet de Noukette pas plus qu’à celui de Jérôme. Ces deux là quand ils vous promettent un bon roman qui fait du bien, vous pouvez y aller, ils sont rarement à côté de la plaque ! J’ai tout simplement adoré ce roman , je l’ai avalé en quelques heures et déjà, je rêve de lire la suite. Un psychologue originaire des Antilles soigne des gens mal dans leur peau et dans leur vie. C’est un bel homme noir dont le charme ne laisse pas indifférent les femmes. Il a une clientèle d’enfants et d’ados. Au retour de l’école, son fils, Lazare écoute les récits des patients. Cela permet à l’auteur de multiplier les points de vue sur le monde des gens qui vont mal aujourd’hui en particulier les adolescents. Nous avons le regard de Sauveur (beau prénom pour un psychologue) celui de Lazare son fils et aussi les propos des gens qui viennent le voir. C’est drôle, pétillant, triste souvent et tragique parfois.

La classe de CE2 de madame Dumayet fréquentée par Lazare vaut celle du célèbre petit Nicolas. Les cas suivis par Sauveur (et son fils) permettent à Marie-Aude Murail de mettre en scène des petits instantanés de notre monde contemporain. J’ai bien aimé aussi les maladresses de Sauveur avec son fils, lui qui sait si bien comprendre les souffrances des autres, a un peu plus de mal à voir celles de son enfant dans lesquelles il est impliqué, évidemment. Cela donne un sens à l’intrigue et au retour vers le drame de leur vie d’avant quand ils vivaient à la Martinique ce n’est pas la meilleure partie du roman . Autant les enfants et les ado sont passionnants autant certains adultes sont à la limite de la caricature.

C’est la raison pour laquelle je n’ai pas mis 5 coquillages. La raciste de service me semble sorti d’un roman de 4 sous, et le prof d’histoire dragueur et bedonnant (le père d’Océane) peu crédible. Le sel de ce roman ce sont les enfants et les ados qui nous le donnent et eux, pour peu que les adultes ne les écrabouillent pas complètement, sont prêts à vivre de toutes leurs forces. Je ne sais pas si cette auteure s’adresse à des ado ou à des adultes, ce que je sais, moi qui suis loin de cet âge là, c’est que j’ai eu l’impression de partager un moment la vie de gens plus jeunes et que Marie-Aude Murail me donnait, à travers les yeux compatissants de Sauveur et de son fils, des clés pour mieux les comprendre.

Citations

Les ambiances de classe comme si on y était

L ‘histoire intitulée « le loup était si bête » leur avait plu. Malheureusement, il s’agissait de faire maintenant l’exercice de compréhension numéro 3 page 42.

1/ Que nous apprend le titre du texte ?

2/ Ce conte fait-il peur ?

3/ Connais-tu des contes de Loup qui font peur ?

Paul dont l’esprit de concision faisait la charme répondit :

1/ Le loup il est bête 2/non 3/oui

Problème d’orthographe

Le mardi c’était le jour d’Ella, la phobique scolaire. Lazare avait eu quelques difficultés à obtenir des informations sur ce mal étrange car il avait d’abord tapé « fobic solaire » sur Google.

le sommeil des ados (je ne savais pas ça !)

Dans tous les cerveaux il y a de la mélatonine qui fait dormir, mais le cerveau des adolescents fabrique la mélatonine pas à la même heure que le cerveau des adultes. Alors le soir, ils n’ont pas envie de dormir. Mais le matin, si.

J’ai un petit faible pour Océane

Pour le proverbe du jour Madame Dumayet avait choisi. :« Après la pluie , le beau temps » . Qui sait ce que veut dire ? Oui, Océane.

Il faut pas oublier son parapluie.

Les enfants et leurs secrets

Les poule noire étranglée et le cercueil en boîte de chaussures étaient allés rejoindre le monde interdit aux enfants, dont les secrets s’échappent par une porte entrebâillée

20160726_102602Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean-Luc Piningre

1Cet été, j’ai ressenti un fort besoin de retrouver un monde sans violence à travers mes lectures. J’ai pensé que cette Miss Alabama et ses petits secrets allaient me détourner de mon pessimisme concernant l’humanité et en particulier la cruauté des fous qui tuent au nom d’Allah. Quand j’ai commencé, j’ai cru avoir trouvé un dérivatif à ma peine : le début est amusant, cette femme parfaite, trop sans doute, et qui a tout contrôlé dans sa vie, décide de se suicider car elle ne supporte plus de vivre à Birmingham dans l’état de l’Alabama au milieu de gens qui la déçoivent. Seulement voilà, alors que tout est très bien planifié sa collègue Brenda une femme noire sympathique et légèrement obèse, lui impose d’aller voir un spectacle de Derviches-Tourneurs. Maggie qui ne sait pas dire non recule son funeste projet d’une semaine. Durant ces quelques jours, nous allons peu à peu connaître son entourage et à travers sa vie, les difficultés d’une ville comme Birmin­gham. Comme nous sommes avec des agents immobiliers, on suit au plus près les transformations des centres villes américains et leur désertification au profit de banlieues très anonymes.

Les personnages sont sympathiques sauf la très méchante Babs Binginton. Se mêlent à l’histoire contemporaine, celles des siècles passés où a été construite une belle demeure que Maggie fera tout pour sauver des griffes des promoteurs. Et bien, malgré toute ma bonne volonté et l’envie de lire un roman amusant je me suis très fortement ennuyée au point de tourner les pages de plus en plus rapidement. J’avais l’impression d’être dans une mauvaise série où tous les personnages sont des caricatures d’eux-mêmes.

Est-ce que tout simplement ce livre est tombé à un mauvais moment ? je ne sais pas. Mais je n’ai cru à aucune histoire et surtout pas au happy end, tant pis pour les anti-divulgâcheuses, non, Maggie ne se suicidera pas, non, la belle maison ne sera pas détruite par les méchants promoteurs et oui, Maggie sera finalement heureuse, et non, je ne vous dirai pas comment (j’ai trop peur de perdre mes lecteurs et lectrices) !

Portrait de Maggie (Miss Alabama)

De toute a vie, elle ne s’était jamais mise en colère, or c’était la deuxième fois, ce mois-ci. Était-ce une ménopause tardive ? Le retour du refoulé de l’agent immobilier ? Quoi qu’il en soit Maggie se dit qu’elle ferait mieux de se calmer.

Une diatribe contre les vedettes d’aujourd’hui

Aujourd’hui, les vedettes défendent toutes une cause. Et que je te cours le monde, que je te fais ami-ami avec les dictateurs, que je te crache sur l’Amérique. Ce qui ne les empêchent pas d’empocher l’argent qu’elles y gagnent . Je trouve qu’elles feraient mieux de fermer leurs grandes bouches et de simplement jouer la comédie.

– Les deux à la fois, c’est un peu compliqué, remarqua Brenda en riant.