20160612_111710Traduit de l’italien par Bernard Comment.

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J’ai ce livre depuis un certain temps, il est de tous mes déplacements avec toujours cette envie de le lire que je dois à un blog dont j’ai oublié de noter le nom. Pour une fois la quatrième de couverture dit assez bien ce que raconte ce roman : « une prise de conscience d’un homme confronté à la dictature ». Le Docteur Pereira, journaliste, vit à Lisbonne en 1938, il est chargé de la page culturelle du « Lisboa », hebdomadaire qui préfère, et de loin, raconter l’arrivée des yachts de luxe et des réunion mondaines, qu’informer ses lecteurs sur les assassinats en pleine rue de pauvres gens comme ce vendeur de pastèques. Docteur Pereira est un peu trop gras, un peu diabétique et surtout très malheureux depuis la mort de sa femme. Il se confie au portrait de celle qui a, sans doute, été le seul vrai rayon de soleil dans une vie plutôt triste. Cet homme sans espoir, et sans illusion voudrait pouvoir manger ses omelettes au fromage et boire ses citronnades tranquillement.

Mais voilà, autour de lui rien n’est exactement à sa place. Lisbonne n’est plus la même ville : le boucher juif voit sa devanture brisée sans qu’il puisse se plaindre à une police très certainement complice, sa concierge l’espionne pour le compte de la milice, et une nouvelle d’Anatole France qu’il traduit pour la page culturelle de son journal lui voudra de très vives remontrances de son directeur. La lente montée chez cet homme du malaise qui peu à peu s’empare de lui alors qu’il met toutes ses force à fuir la réalité est très bien racontée. Un presque rien, la rencontre avec un jeune couple de résistants à l’oppression, va être le petit grain de sable qui va enrayer sa belle construction intérieure, ses protections vont peu à peu se fissurer et un jour il ne pourra plus fuir. Je ne peux évidemment pas vous dévoiler cette fin mais c’est superbe.

Ce roman que j’ai commencé plusieurs fois est finalement un texte qui me restera en mémoire, je crois à ce personnage et il m’a émue à cause ou plutôt grâce à ses faiblesses si humaines. Le style est un peu agaçant puisque le livre est présenté comme un témoignage, toutes les phrases où Pereira prend la parole commence par ces mots repris dans le titre « Pereira prétend… ». C’est voulu bien sûr, et cela donne encore plus l’idée d’un personnage peu sûr de lui, il a fallu pourtant que je me force pour accepter cet effet.

PS grâce aux commentaires je sais que je dois ce livre à Éva 

Citations

La résurrection (portrait du personnage principal)

Et Pereira était catholique, ou du moins se sentait-il catholique à ce moment-là, un bon catholique, quoiqu’il eût une chose à laquelle il ne pouvait pas croire : à la résurrection de la chair. À l’âme oui, certainement, car il était sûr d’avoir une âme ; mais la chair, toute cette viande qui entourait son âme, ah non, ça n’allait pas ressusciter, et pourquoi aurait-il fallu que cela ressuscite ? se demandait Pereira . Toute cette graisse qui l’accompagnait quotidiennement, et la sueur, et l’essoufflement à monter l’escalier , pourquoi tout cela devrait-il ressusciter ?

L’envie de fuir

Il fallait se renseigner dans les cafés pour être informé, écouter les bavardages , c’était l’unique moyen d’être au courant … mais Perreira n’avait pas envie de demander quoi que ce soit à personne, il voulait simplement s’en aller aux thermes, jouir de quelques jours de tranquillité, parler à son ami le professeur Silva et ne pas penser au mal dans le monde.

20160520_160055Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thèque de Dinard. Il a obtenu un coup de cœur. Traduit de l’italien par Elsa Damien.

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Le cœur de ce roman bat au rythme d’une ville italienne emblématique : Naples. Elena Ferrante nous plonge dans un quartier populaire et nous vivons l’amitié de deux petites filles : Elena et Lila. Évidemment (nous sommes en Italie du Sud), tout le monde est plus ou moins sous la domination des malfrats. Ils sont une des composantes du récit et de la vie des Napolitains, ils font partie des personnalités du quartier au même titre que tous les artisans nécessaires à la vie quotidienne. Une famille de cordonniers : celle de Lila, un menuisier, un épicier, un employé de la mairie : la famille de la narratrice : Elena.

Loin du regard folklorique ou tragique de la misère de l’Italie d’après guerre, nous sommes avec ceux qui s’arrangent pour vivre et se débrouillent pour s’en sortir. Le roman se situe dans les années 50 et on sent que l’économie redémarre, on voit l’arrivée des voitures de la télévision, des loisirs à travers des moments passés à la plage. L’aisance ne supprime en rien l’organisation traditionnelle de la société de l’Italie du Sud et le poids des traditions, en particulier pour les mœurs entre filles et garçons. L’auteure explique très bien la façon très compliquée dont les jeunes, dans ses années là, ont essayé de sortir des codes parentaux tout en s’y conformant, car cela peut être si grave de ne pas le faire.

Les deux petites filles sont soudées par une amitié faite d’admiration et de domination. Lila est la révoltée « la méchante » dit Elena qui sait, elle, se faire aimer de son entourage. Mais Lila est d’une intelligence redoutable. C’est le second aspect passionnant : l’analyse d’une amitié : Elena sent tout ce qu’elle doit à son amie. C’est Elena qui fait des études et se dirigera plus tard vers l’écriture, mais son développement intellectuel doit tout ou presque à l’intelligence et la pertinence de Lila, alors que celle-ci refuse d’aller au lycée, pour se marier à 16 ans. Elle va délaisser l’instruction et la culture et cela met le doute dans la tête d’Elena qui sait que son amie est capable de réussir, bien mieux qu’elle même. Cet aspect de leur relation est très troublant, on se demande, alors, si Lila n’est pas davantage dans le vrai que son amie. Puisque réussir par la voie scolaire signifie se couper définitivement de tous les liens sociaux dans lesquels les jeunes filles ont vécu jusqu’à présent.

Mais finalement on arrive au dernier aspect de ce roman, celui qui est si bien traité par Annie Ernaux : les études amènent Elena à sortir de cette société et de son propre monde, c’est évidemment très douloureux. En plus, pour elle, il s’agit d’un abandon de sa langue maternelle car le dialecte italien de Naples n’a rien à voir avec l’italien du lycée. C’est un voyage sans retour et cela ressemble à un exil qu’elle hésitera à faire. Lila qui a décidé de faire changer les rapports dans son quartier est-elle dans le vrai ? Une histoire de chaussures nous prouvera que sa tâche est loin d’être gagnée d’avance.

La construction du roman ne dit presque rien de la vie d’adulte de ses deux petites filles devenues femmes et j’avoue que cela m’a manqué. Je comprends bien le choix de l’écrivaine, qui laisse une porte ouverte mais j’aime bien qu’on m’en dise un peu plus.

Citations

Dureté de la vie des enfants à Naples dans les années 50

Je ne suis pas nostalgique de notre enfance : elle était pleine de violence. Il nous arrivait toutes sortes d’histoires, chez nous et à l’extérieur, jour après jour : mais je ne crois pas avoir jamais pensé que la vie qui nous était échue fût particulièrement mauvaise. C’était la vie, un point c’est tout : et nous grandissions avec l’obligation de la rendre difficile aux autres avant que les autres ne nous la rendent difficile.

Trait de caractère de sa mère

Ma mère voyait toujours le mal, où, à mon grand agacement, on découvrait tôt ou tard que le mal, en effet, se trouvait, et son regard tordu semblait fait tout exprès pour deviner les mouvements secrets du quartier.

La relation entre Elena et Lila et les succès scolaires

– C’est quoi, pour toi, « une ville sans amour » ?
– Une population qui ne connaît pas le bonheur.
– Donne-moi un exemple.

Je songeai aux discussions que j’avais eues avec Lila et Pasquale pendant tout le mois de septembre et senti tout à coup que cela avait été une véritable école, plus vraie que celle où j’allais tous les jours.

– L’Italie pendant le fascisme, l’Allemagne pendant le nazisme, nous tous, les êtres humains, dans le monde d’aujourd’hui.

Se croire au-dessus des conventions

Ainsi Stefano avait continué à travailler sans défendre l’honneur de sa future épouse, Lila avait continué sa vie de fiancée sans avoir recours ni au tranchet ni à rien d’autre, et les Solara avaient continué à faire courir les rumeurs obscènes… Ils déployaient gentillesse et politesse avec tout le monde, comme s’ils étaient John et Jacqueline Kennedy dans un quartier de pouilleux… Lila voulait quitter le quartier tout en restant dans le quartier ? Elle voulait nous faire sortir de nous-mêmes, arracher notre vieille peau et nous en imposer une nouvelle, adaptée à celle qu’elle était en train d’inventer elle-même ?

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Traduit de l’anglais (États-Unis) par Eric Chédaille.

4Je dois à Keisha un certain nombre de nuits et de petits déjeuner très éloignés des côte de la Manche, avec ce roman de 987 pages qui fait rouler l’imagination dans les grands espaces de l’ouest américain. J’aimerais comprendre pourquoi les français aiment à ce point changer les titres. En anglais l’auteur a appelé son roman « The Big Rock Candy Mountain », en 2002 le livre est publié aux éditions Phébus, sous le titre traduit exactement de l’anglais « La bonne Grosse Montagne en sucre ». Et maintenant, il revient avec ce titre raccourci, pourquoi ? Dans l’ancien titre, on croit entendre la voix de Bo, le personnage principal, qui fait déménager sa famille tous les 6 mois pour les convaincre d’aller rechercher la fortune sur une « bonne grosse montagne en sucre » . Bref, je m’interroge !

Je suis restée trois semaines avec Bo, Elsa, Chet et Bruce. J’ai trouvé quelques longueurs à cet énorme roman, mais n’est-ce pas de ma part un phénomène de mode ? Je préfère, et de loin, quand les écrivains savent concentrer ce qu’ils ont à nous dire. Je reconnais, cependant, que, pour comprendre toutes les facettes de cet « anti-héros » Bo Wilson, mari d’une extraordinaire et fidèle Elsa et père de Chet et de Bruce, il fallait que l’auteur prenne son temps pour que le lecteur puisse croire que Bo soit à la fois « un individu montré en exemple par la nation toute entière » et un malfrat violent recherché par toute les polices sans pour autant « être un individu différent »  : ce sont là les dernières phrases de son fils, Bruce qui ressemble fortement au narrateur (et peut-être à l’auteur), il a craint, admiré, détesté son père sans jamais totalement rompre le lien qui l’unit à lui.

Cet homme d’une énergie incroyable, est toujours prêt pour l’aventure, il espère à chaque nouvelle idée rencontrer la fortune et offrir une vie de rêve à sa femme. Il y arrive parfois mais le plus souvent son entreprise fait naufrage et se prépare alors un déménagement pour fuir la police ou des malfrats. Elsa, n’a aucune envie d’une vie dorée, elle aurait espéré, simplement, pouvoir s’enserrer dans un village, un quartier un immeuble, entourée d’amis qu’elle aurait eu plaisir à fréquenter. C’est un personnage étonnant, car elle comprend son mari et sait que d’une certaine façon, elle l’empêche d’être heureux en étant trop raisonnable. Son amour pour ses enfants est très fort et ils le lui rendent bien. Cette plongée dans l’Amérique du début du XXe siècle est passionnante et l’analyse des personnages est fine et complexe. C’est toute une époque que Wallace Steigner évoque, celle qui a pour modèle des héros qui ont fait l’Amérique mais qui s’est donné des règles et des lois qui ne permettent plus à des aventuriers de l’espèce de Bo de vraiment vivre leurs rêves. Jamais dans un roman, je n’avais, à ce point, pris conscience que la frontière entre la vie de l’aventurier et du bandit de grand chemin était aussi mince.

Citations

Justification du titre

Il y avait quelque part, pour peu qu’on sût les trouver, un endroit où l’argent se gagnait comme on puise de l’eau au puits, une bonne grosse montagne en sucre où la la vie était facile, libre, pleine d’aventure et d’action, où l’on pouvait tout avoir pour rien.

Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas

Henry était pondéré, inoffensif, réticent même à annoncer sans ambages qu’il venait pour la voir elle et non son père, au point qu’il s’était montré capable de passer une demi-douzaine de soirées au salon à converser avec Nels Norgaard sans adresser plus de dix mots à Elsa. Il était posé, incapable d’un mot dur envers quiconque, gentil, si digne de confiance mais si dépourvu de charme. Comme il était dommage, songea-t-elle une fois en soupirant, que Bo, avec son aisance insolente, son intelligence, son physique puissant et délié, ne possédât pas un peu du calme rassurant d’Henry. Mais à peine commençait-elle à se laisser aller à cette idée qu’elle se reprenait : non, se disait-elle avec une pointe de fierté, jamais Bo ne pourrait ressembler à Henry. Il n’avait rien d’un animal de compagnie, il n’était pas apprivoisé, il ne supportait pas les entraves, en dépit de ses efforts aussi intenses que fréquents.

la famille déménageait tous les ans parfois quatre fois par an

Longtemps après, Bruce considérait cette absence de racines avec un étonnement vaguement amusé. les gens qui vivaient toute leur vie au même endroit, qui taillaient leur haie de lilas et repiquaient des berbéris, qui changeaient de carrée en ronde la forme de leur bassin de nénuphars, qui déterraient les vieux bulbes pour en mettre de nouveaux, qui voyaient pousser et un jour ombrager leur façade les arbres qu’ils avaient plantés, ces gens-là lui semblaient par contraste suivre un cheminement incertain entre ennui et contentement.

L’amour

L’amour est quelque chose qui fonctionne dans les deux sens, dit Elsa d’une voix douce. Pour être aimé, il faut aimer. 

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B.D que je dois à Jérôme et Noukette et aussi à une irrisistible envie de me faire du bien. Voilà une histoire où des gens s’aiment, savent se le dire et que je ne trouve pas « gnangnan » pour autant. Sans doute à cause de la part de rêve que ce dessinateur sait mettre dans son récit. Et puis, j’aime bien ce dessin où il y a plein de petits détails à découvrir, on peut rester sur une planche rien que pour le plaisir des yeux. Je l’avais achetée pour mes petits enfants, mais je vais la garder pour moi, ils la liront à leur prochaine visite. Ma collections de BD à propos de personnes âgées augmente après Mamette, les Vieux Fourneaux , voici ce merveilleux grand-père chinois J’espère que comme moi, mes petits enfants seront sensibles à ce genre de phrases, même quand la vie devient difficile :

Pépé avait raison chacun doit croire en sa chance

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Livre lu grâce aux billets de Mior et de Galéa, je les remercie pour cette lecture. Bien sûr , nous avons tous et toutes, lu beaucoup de livres sur la persécution des juifs pendant la guerre. Mais chaque cas est unique, et la grande originalité de ce témoignage c’est qu’il a été écrit à chaud , pendant et juste après les événements. Cela fait penser à « Suite française » de Irène Némirovsky, tout en étant moins littéraire c’est quand même très bien écrit. Françoise Frenkel a une passion : les livres et en particulier ceux des écrivains français. Grâce à des études littéraires de très bon niveau, à la Sorbonne, elle ouvre une librairie française à Berlin en 1921. Ce lieu devient vite, grâce à sa culture, un haut lieu de la civilisation française en Allemagne. Hélas les nazis détruiront ce beau rêve et malheureusement pour elle, son origine juive et polonaise la met en grand danger. En 1939, elle arrive à Paris, puis se réfugie à Nice, en danger partout elle veut fuir en Suisse où l’attendent des amis. Son récit s’arrête lorsqu’elle pose les deux pieds dans ce pays où elle a pu survivre. Elle raconte avec précision, d’abord sa joie de créer à Berlin un lieu de culture française, puis son exil dans une France trop vite occupée et enfin sa fuite vers la Suisse, cela permet au lecteur de partager le quotidien d’une femme qui cherche à s’échapper de la nasse qui se referme inexorablement sur elle et ses relations.

Elle nous montre toute la diversité des réactions des Français, ceux qui sont dans l’évidence de la main tendue, comme ce couple de coiffeurs, qu’on a envie d’embrasser tellement ils sont intelligents et gentils, et puis ceux qui sont indifférents ou hostiles, une gamme de réactions qui sonnent tellement vraies. Françoise Frenkel tient à souligner l’attitude des Savoyards, c’est dans cette région qu’elle a senti le plus de compassion et le maximum d’aides pour ceux qui étaient traqués par la milice ou la Gestapo. Un livre prenant donc et indispensable au moment où des hommes et des femmes sont à nouveau traqués par une idéologie mortifère.

L’introduction de Patrick Modiano est superbe, on comprend très bien pourquoi il s’est retrouvé dans ce témoignage lui qui a vécu la guerre sans la défense d’un milieu familial protecteur et qui a ressenti comme Françoise Frenkel, les valeurs humaines se déliter et le danger planer sur la moindre rencontre de personnalités plus ou moins bizarres. Il nous dit aussi que ce livre qui a paru en 1945 et qui a été totalement oublié ne livre pas l’intimité de l’écrivain mais que ce n’est pas si important. Mais, je dois être une femme de notre époque, car j’aimerais bien savoir, pourquoi elle ne nous parle pas de son mari, mort à Auschwitz, comment elle avait quand même un peu d’argent pendant la guerre, et surtout si de 1945 à 1975 elle a été heureuse à Nice. Oui j’aimerais en savoir plus sur cette femme si pudique et si courageuse.

Citations

Ambiance à Nice parmi les réfugiés

Un grand nombre de réfugiés se préparaient à l’émigration. Ils comptaient sur un parent plus ou moins proche, sur un ami, ou sur l’ami d’un ami, sur des connaissances établies dans de lointaines parties du monde et qui les aideraient, pensaient-ils, à réaliser ce projet.

Ils entretenaient une correspondance laborieuse, à mots couverts, lançaient des télégrammes coûteux, demandaient des affidavits, des visas, recevaient des réponses, des contre-demandes, des questionnaires, des circulaires qui engendraient une nouvelle vague de correspondance.

Ensuite, ils stationnaient des matinées entières devant les consulats pour apprendre que tel ou tel document manquait, n’était pas conforme aux prescriptions ou se trouvait inexact. Lorsque quelques-uns sortaient avec un visa, ils étaient regardés comme des phénomènes, comme des bienheureux !

Les départs étaient peu nombreux

L’exilé et la guerre

Le fond de cette existence était l’attente, canevas où un espoir toujours plus mince et une pensée de plus en plus morose brodaient ensemble des arabesques nostalgiques

L’âme humaine

Un fond de sadisme doit être caché en tout homme pour se dévoiler lorsqu’une occasion s’en présente. Il suffisait qu’on ait donné à ces garçons, somme toute paisibles, le pouvoir abominable de chasser et de traquer des êtres humains sans défense pour qu’ils remplissent cette tâche avec une âpreté singulière et farouche qui ressemblait à de la joie.

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Vous avez été nombreux à dire du bien de ce roman, Keisha, Jérôme, Noukette, je savais donc que je le lirai. Un roman vite lu sur un sujet tragique : la maladie mentale . C’est une jeune femme extraordinaire qui est malade, elle a su se faire aimer d’un homme inventif et très drôle . L’amour est ici un feu d’artifice , brûlant et pétillant. L’enfant, au milieu d’adultes aimant la vie et s’aimant si fort que rien n’aurait dû pouvoir les séparer , se construit son monde et ses jugements sur les adultes qui l’entourent. Un monde de fête et d’absence totale de convention. Bien sûr on se laisse prendre, qui peut résister à la voie de Nina Simone et à tant d’amour. En plus c’est vraiment plein d’humour et de moments très drôles.

Malheureusement pour bien connaître la maladie mentale je me sens un peu mal à l’aise : je n’ai pas connu de moments de vraies fêtes avec des bipolaires, mais j’ai vu, même quand ils semblaient gais et inventifs à quel point ils souffraient. C’est ma réserve pour ce roman, mais je ne veux priver personne d’imaginer que l’on peut se sentir heureux dans la folie, ça fait une très belle histoire, c’est certain.

J’ai, depuis peu, lu plusieurs billets qui expriment également des réserves sur l’aspect joyeux de ce livre et de la folie. Dasola par exemple.

Citations

Début du roman (comment ne pas lire la suite ?)

Mon père m’avait dit qu’avant ma naissance, son métier c’était de chasser les mouches avec un harpon. Il m’avait montré le harpon et une mouche écrasée.
– J’ai arrêté car c’est très difficile et très mal payé, m’avait-il affirmé en rangeant son ancien matériel de travail dans un coffret laqué.

Dialogue entre ses parents

À cette époque, je l’ai toujours vu heureux, d’ailleurs il répétait souvent :
Je suis imbécile heureux !
Ce à quoi ma mère répondait :
– Nous vous croyons sur parole Georges, nous vous croyons sur parole !

La réalité de la maladie mentale

Après des années de fêtes, de voyages, d’excentricités et d’extravagante gaîté, je me voyais mal expliquer à mon fils que tout était terminé, que nous irions tous les jours contempler sa mère délirer dans une chambre d’hôpital, que sa Maman était une malade mentale et qu’il fallait attendre sagement de la voir sombrer.

Et pour écouter cette superbe chanson de la grande Nina Simone sur laquelle les parents ont tant dansé…

« I knew a man Bojangles

And he danced for you
In worn out shoes
With silver hair, a ragged shirt
And baggy pants, the old soft shoe
He jumped so high, he jumped so high
Then he lightly touched down
Mr. Bojangles, Mr. Bojangles
Mr. Bojangles, dance ! »

https://www.youtube.com/watch?v=eAW3y5l6Dm4

20160307_145754Traduit de l’américain par Françoise Cartano.

Quand j’ai appris la nouvelle de la mort de Pat Conroy, je me suis sentie triste, et ne pouvant pas participer ni de près ni de loin au deuil qui doit toucher profondément ses proches, j’ai décidé de relire « le prince des Marées » ; roman qui m’avait profondément marquée en 2002.

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Ma relecture attentive de ce gros roman (600 pages) m’a remis en mémoire tout ce que j’aime chez cet auteur. Tout d’abord, son formidable humour et j’ai encore bien ri à la lecture de la scène où sa grand mère entraîne ses petits enfants dans le choix de son cercueil, au milieu de tant de souffrances d’une enfance ravagée par la violence d’un père et de l’insatisfaction de sa mère, ce petit passage où Tholita (la grand-mère) finira par faire pipi de rire sur les azalées du centre ville est un excellent dérivatif aux tensions créées par les drames dans lesquels la famille Wigo est plongée.

J’ai de nouveau apprécié la construction romanesque : nous connaîtrons peu à peu les drames successifs de la famille à travers l’effort que doit faire le personnage principal, Tom, pour aider la psychiatre de sa sœur jumelle, Savannah, à s’y retrouver dans le délire psychotique de celle qui est aussi une poétesse admirée du tout New-York des lettres. Ce procédé permet de rompre la chronologie et de croiser plusieurs histoires. « Le prince des marées » est un roman foisonnant et généreux le drame est toujours mélangé à une énergie vitale qui permet de supporter les pires vilenies des humains. C’est peut être le reproche qu’on peut faire à ce livre , cette famille est vraiment touchée par une série de drames trop horribles. Parfois on se dit : c’est trop ! mais peu importe, c’est si extraordinaire de découvrir le Sud des États Unis sous plusieurs facettes : le racisme ordinaire, la religion, le côté bonne éducation, la force des éléments.

Enfin ce livre est un hymne à la nature et les descriptions vous emportent bien loin de votre quotidien. C’est le genre de roman que l’on quitte avec regret chaque soir et que l’on voit se terminer avec tristesse. Bravo Monsieur Part Conroy d’avoir su écrire sur l’enfance martyrisée en gardant la tête haute et votre merveilleux sens de l’humour ; et merci, vos livres ont fait voyager tant de gens vers un pays dont vous parlez si bien.

Citations

Sa rage contre les parent destructeurs

Les parents ont été mis sur terre dans le seul but de rendre leurs enfants malheureux.

Un des portrait de sa mère

Ma mère se baladait toujours comme si elle était attendue dans les appartements privés d’une reine. Elle avait la distinction d’un yacht – pureté de ligne, efficacité, gros budget. Elle avait toujours été beaucoup trop jolie pour être ma mère et il fut un temps où l’on me prenait pour son mari. Je ne saurais vous dire à quel point ma mère adora cette période… Maman donne des dîners prévus plusieurs mois à l’avance et n’a pas le loisir de se laisser distraire par les tentatives de suicide de ses enfants.

Folie de sa sœur

Depuis sa plus tendre enfance, Savannah avait été désignée pour porter le poids de la psychose accumulée dans la famille. Sa lumineuse sensibilité la livrait à la violence et au ressentiment de toute la maison et nous faisions d’elle le réservoir où s’accumulait l’amertume d’une chronique acide . Je le voyais, à présent : par un processus de sélection artificiel mais fatal, un membrure de la famille est élu pour être le cinglé et toute la névrose, toute la fureur, toute la souffrance déplacées s’incrustent comme de la poussière sur les parties saillante de ce psychisme trop tendre et trop vulnérable.

Portrait d’une méchante femme de sa ville natale

Ruby Blankenship pénétra dans la pièce, royale et inquisitoriale, ses cheveux gris brossés sévèrement en arrière, et les les yeux fichés comme des raisins secs dans la pâte molle de sa chaire. C’était une femme immense, gigantesque, qui faisait naître une terreur immédiate dans le cœur des enfants. À Colleton, elle était perçue comme « une présence », et elle se tenait sur le pas de sa porte d’où elle nous observait avec cette intensité singulièrement ravageuse que les personnes âgées qui détestent les enfants ont su élever au rang des beaux-arts. Une partie de sa notoriété locale était due à l’insatiable curiosité que lui inspirait la sante de ses concitoyens. Elle était l’hôte omniprésente de l’hôpital autant que du funérarium.

Dialogue avec sa mère

Je n’aurais pas dû avoir d’enfants, dit ma mère. On fait tout pour eux, on sacrifie sa vie entière à leur bonheur, et ensuite ils se retournent contre vous. J’aurais dû me faire ligaturer les trompes à l’âge de douze ans. C’est le conseil que je donnerais à n’importe quelle fille que je rencontrerais.
– Chaque fois que tu me vois, Maman, tu me regardes comme si tu voulais qu’un docteur pratique sur toi un avortement rétroactif.

Humour

Les enseignants américains ont tous des réflexes de pauvres, nous avons un faible pour les congrès et foire du livre tous frais payés, avec hébergement gratuit et festin de poulet caoutchouteux, vinaigrette douceâtre et petits pois innommables.

SONY DSCLu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard thème roman épistolaire.

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Le projet de Romain Slocombe : nous faire revivre les horreurs de la guerre à travers les lettres d’un jeune allemand membre du personnel de l’ambassade du Troisième Reich à Tokyo de 1942 à 1945. Il crée donc un Allemand « ordinaire » Friedrich Kessler ni trop Nazi ni résistant au nazisme, Friedrich est sûr qu’Hitler est celui qui a redonné la fierté au peuple allemand et il ne voit pas que son pays court à sa perte. Il est, également, séduit par le Japon, son art, sa philosophie. Il raconte ses étonnements, ses plaisirs mais aussi ses doutes à sa sœur à travers des lettres très détaillées.

L’intérêt du roman, c’est de vivre le quotidien des Japonais pendant la guerre, et de voir à quel point ce peuple suivait sans aucun recul, l’idéologie induite par leur confiance dans leur empereur. On se rend compte en lisant ce roman, qu’il y avait plus de doutes sur le nazisme chez les Allemands que chez les Japonais sur leur supériorité et leur invincibilité. C’est vraiment horrible de se rendre compte de cela. Car si les bombardements sont une catastrophe pour l’humanité, on se demande si sans cela les Japonais auraient pu revenir à des comportements plus normaux. Les descriptions des bombardements sont d’une précision absolument terrifiante, ce sont des passages difficiles à lire.

J’ai préféré les petites histoires de la vie de tous les jours de ce peuple courageux qui relève la tête quelque soient les horreurs qu’ils subit. On sent bien que l’écrivain aime cette civilisation, et a beaucoup d’estime pour les Japonais (comme je le comprends), mais je pense que je n’aurais pas eu la même estime pour les Japonais d’avant la guerre, ils se sont fourvoyés dans un régime qui par bien des égards est pire que le nazisme car la population y adhérait plus efficacement encore. Les massacres de Nankin sont une marque de honte sur cette civilisation.

Le seul reproche que je fasse à ce roman, c’est qu’à aucun moment on ne sent la réalité de la correspondance entre le frère et la sœur. L’écrivain a choisi un artifice qui dessert son projet. Friedrich Kessler est amené à nous raconter ce que lui dit sa sœur dans ses propres lettres. On a l’impression qu’il fait les lettres et leurs réponses, cela pour nous raconter aussi les horreurs de Berlin sous les bombes. Bizarre !

Citations

De la difficulté de réécrire l’histoire : est-ce que les Nazis éprouvaient ce racisme anti-japonais ?

C’est une éclatante insulte des Jaunes aux représentants de la race aryenne, même si en l’occurrence il s’agissait du Reich.

Hélas ! les abris des habitants de Tokyo seront peu efficaces faces aux bombes incendiaires

Les associations de voisinage, enseignent un excellent abri dans les placards (les maisons en possèdent toutes de très grands et profonds, destinés à ranger la literie) , capitonnés à l’intérieur par des matelas. Tout cela dans des maisons de bois aux fenêtres et portes coulissantes en papier. On peut, en effet, y attendre en toute tranquillité les bombes incendiaires.

Anachronisme ?

Dans les grands magasins, le rayon d’équipements de salles de bains ne propose plus que des bassines en matière plastique ou des baquets de bois.

20160203_171252Du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

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Dans la famille Fournier vous avez le père, alcoolique et médecin, le petit fils aîné handicapé mental, le second handicapé aussi, la petite fille vivante et religieuse, la belle fille aimée du fils mais décédée beaucoup trop tôt, vous allez découvrir la mère celle qui a engendré Jean-Louis un écrivain qui fait du bien car il sait raconter des choses tristes sans faire pleurer. Il fait revivre sa mère, par petites touches et donne corps à la photo de la couverture que le temps a blanchi. Sa mère avait tout pour être heureuse, une curiosité du monde, un intérêt pour les êtres humains, mais voilà, son mari était alcoolique , il a failli faire couler toute la famille. Alors la jeune fille bien élevée, qui aimait Chopin, le théâtre et la littérature a dû ramer sec pour que ses enfants surnagent et finalement traversent l’océan de la vie sans sombrer quelque soit la force des vents contraires et la hauteur de la houle. Elle a réussi et son fils écrivain sait lui rendre hommage.

C’est une femme du Nord de « bonne famille » donc digne et un peu froide, qui cache bien ses sentiments, elle a pris l’habitude de sauver les apparences, mais derrière ce courage se cachait un cœur sensible que son fils nous fait mieux connaitre à travers un livre placé tout entier sous le signe de la métaphore marine.

PS : il a reçu un coup de coeur sans aucune hésitation à notre club de lecture.

Citations

Je recopie un passage, j’aurais pu en prendre un autre ils ont tous cette saveur

Ma mère est montée dans la voiture, elle s’est assise, elle attend. Elle attend quelqu’un ?

ça dure. Elle n’a pas l’air impatient. Elle regarde les arbres, la rue, elle rêve.
Puis, soudain elle s’étonne de ne pas avancer.

Par distraction, elle s’était installée à la place du passager. Comme si elle attendait un chauffeur.

Notre mère n’a jamais eu de chauffeur. Elle a toujours été aux commandes. C’est elle toute seule qui a dû conduire sa vie, et la vie des autres. Elle n’a jamias pu compter sur son mari, il était irresponsable. C’est elle qui a tenu le volant pendant toute la route.

Elle a conduit prudemment. Elle devait faire attention, derrière il y avait quatre enfants et, dans le coffre un mari qui ronflait.

Elle nous a mené à bon port.

L’humour particulier face au malheur

Avec un capitaine Haddock comme notre père, le bateau Fournier aurait eu toutes les chances de sombrer. Heureusement, notre mère avait toujours été là, elle avait tenu la barre fermement.

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Cela fait un moment que je n’ai pas mis de film sur Luocine. Cela ne veut pas dire que je ne vais plus au cinéma, mais il faut réagir vite pour écrire sur un film sinon, il ne passe plus en salle près de chez vous. Comme j’ai vu celui-ci en avant première à Dinard, je peux, peut-être, vous donner envie d’y aller à votre tour.

Farid Bentoumia signe là un excellent premier film (il animait le débat après la projection et il est très sympathique). Il a trouvé pour jouer le rôle du père un acteur non professionnel absolument magique et Sami Bouajila tient très bien le rôle principal. Pour reprendre les propos de quelqu’un que je connais bien, voilà enfin une comédie française où il se passe quelque chose, et je rajouterai où l’on rit sans pour autant être dans les platitudes ni la vulgarité. On suit avec passion plusieurs histoires qui s’entremêlent : celle réelle du propre frère du réalisateur qui a voulu représenter l’Algérie aux jeux olympiques de 2006 en ski de fond, qui pour les besoins du film est aussi le jeune entrepreneur fabriquant de skis au bord de la faillite, et celle de son père amoureux des arbres et de son Algérie natale. Si vous avez envie d’aller voir ce film, un conseil évitez la bande annonce qui divulgâche bien inutilement ce bon moment de cinéma.

Le film est très agréable à regarder et les regards croisés sur l’Algérie et la France ne sont ni superficiels ni trop pleins de lieux communs sur les pauvres immigrés et l’idéalisation de ce beau pays : l’Algérie. Farid Bentoumi nous a expliqué combien il se sentait bien dans sa peau avec sa double nationalité et combien il se retrouvait peu dans l’image qu’on donne habituellement de la communauté algérienne en France au cinéma.