Édition Grasset

Metin Arditi est un auteur dont j’aime lire les romans sans être totalement enthousiaste, après « loin des bras » « Prince d’orchestre » et « L’enfant qui mesurait le monde » voici donc « Tu seras mon père ».

Arditi connaît très bien les pensions suisses, celles où sont élevées les enfants de milieu, très, très, riches et qui sont souvent des jeunes malheureux qui se sentent abandonnés. Ce n’est pas le thème principal du roman, le thème principal c’est le pardon. Peut-on tout pardonner et comment y arriver.

Le sujet est bien traité, mais de façon trop romanesque pour moi, cette question reste très intéressante. Et après avoir refermé ce roman, elel m’a trotté dans la tête pendant longtemps.

Il s’agit de savoir si un enfant dont le père a été victime des Brigades Rouges, en 1978, peut pardonner au principal instigateur de ce crime. Pour que le roman soit « vraisemblable » le père de l’enfant, le principal fabriquant de glace d’Italie, n’a pas été assassiné par ses geôliers mais s’est suicidé quelques temps après. L’homme à qui il doit pardonner n’a pas été celui qui l’a enlevé mais celui qui l’avait désigné à ses ravisseurs.

Onze ans plus tard, Renato, l’enfant devenu jeune adolescent retrouve cet homme, Paolo, comme professeur de théâtre dans une institution privée, un lien très fort se noue entre eux. On imagine le drame lorsqu’il découvrira la vérité .

Enfin, une dernier ressort romanesque, autour d’une professeure de danse qui aiment à la fois Renato et Paolo.
Je crains d’en dire plus pour les ceux et celles qui ne veulent pas connaître la fin d’un roman avant de le commencer.

La question essentielle reste entière peut-on pardonner ? Cette question s’est trouvé être posée en France où des anciens « Brigades rouges » avaient refait leur vie.

Metin Arditi a beau insister sur le côté sordide de l’exploitation ouvrière en Italie, cela n’empêche que rien ne justifie le meurtre d’un centaine de personnes. Il faudra l’assassinat du président du parti démocrate chrétien Aldo Moro pour que l’ensemble de la classe politique se retourne complètement contre ces assassins.
J’ai eu, comme d’habitude, plaisir à lire ce roman de Metin Arditi qui m’a remis en mémoire les heures sombres de l’Italie, j’ai apprécié la question posée : peut-on tout pardonner, mais le côte trop romanesque ne m’a pas séduite.

Citation

Pirandello au service du roman.

 Le garçon qui jouait le commissaire sortit de sa poche une feuille de papier et la tendit à Paolo. celui-ci la parcourut, les mains tremblantes. 
Laudisi :
–  » Le doute est toujours flagrant. Puis-je vous suggérer une façon de rendre service à la population ?
Maintenant, il criait presque :
– Détruisez ce demi-feuille avec ne prouve rien ! Et sur l’autre moitié écrivez autre chose !
 Paolo crachait son texte. Sur scène les élèves le regardaient éberlués. 
– Pour rendre sa tranquillité à tout un pays Vous comprenez ? À tout un pays !
Les derniers mots n’étaient pas dans le texte. Il s’arrêta et resta sur scène les yeux fermés immobile autour de lui personne ne bougea.
Il essaya de sourire, ce fut une grimace.


Édition Arléa 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Un roman à la gloire de Domenico Scarlatti compositeur qui a vécu de 1685 à 1757. Il a écrit de multiples sonates pour clavecin que l’on joue maintenant très souvent au piano.

Ce roman est l’histoire d’une machination autour d’une partition retrouvée dans l’étui d’un violoncelle et qui sera volée dans l’atelier du luthier. Plusieurs personnages sont présents dans le roman et seul le dernier chapitre dévoilera qui tire toutes les ficelles. (C’est évidemment par ce chapitre que j’ai commencé mais ne vous inquiétez pas je n’en dirai rien dans ce billet !)

Nous faisons la connaissance de l’ébéniste un homme brisé par le départ de la femme qu’il a aimée. Sa seule consolation c’est son travail de restauration des meubles anciens. C’est lui trouvera une partition qui semble très ancienne dans l’étui de bois du violoncelle. Ensuite nous voyons le luthier qui travaille dans un atelier mitoyen du sien et qui est un fou d’instruments anciens mais qui hélas pour lui joue au poker et y perd beaucoup, beaucoup d’argent.

Ensuite viennent ceux qui vont jouer une rôle important dans la machination : la claveciniste virtuose qui reconnaîtra une oeuvre de Scarlatti. Le spécialiste français professeur à la Sorbonne qui veut à tout prix pouvoir avant tout le monde analyser cette partition pour se faire mousser et dépasser son jeune collègue italien qui lui doutera que cette Sonate puisse être du grand maître.

Enfin un riche mécène (comme on en trouve plus dans les romans que dans la vie) qui veut lui aussi retrouver cette partition.
La seule trace tangible, que ce petit monde a de cette participation, c’est un enregistrement sur un téléphone portable que le menuisier a fait lorsqu’il est venu apporter la partition à la claveciniste virtuose.

J’ai lu avec intérêt ce roman mais si je ne suis pas plus enthousiaste, c’est que le principal intérêt c’est cette machination que j’ai trouvée très tirée par les cheveux. En revanche, je trouve que cette écrivaine raconte très bien le plaisir de la musique et l’exigence du travail des solistes. J’ai bien aimé aussi l’évocation du travail du luthier et de l’ébéniste. Mais j’ai eu quelques difficultés à croire aux personnalités qui construisent cette histoire. Un roman donc agréable à lire malgré mes réserves et qui enchantera toutes celles et tous ceux qui aiment les suspens bien menés. (vous remarquerez que je divulgâche le moins possible !)

Je me souviens que j’avais eu aussi quelques réserves pour « Eux sur la photo » de la même auteure

 

Citations

 

 

Vocabulaire pour initiés .

 C’était une pièce particulièrement complexe dans son écriture : elle commençait par un tétracorde descendant, si typique des rythmes de séquedilles, se poursuivait par une cascade de suites ascendantes, de plus en plus rapides, illuminées par les trilles. Les arpèges qui se multipliaient à la fin m’ont fait trébucher plus un fois.

Un amoureux de Scarlatti.

Comme exécutant, j’ai toujours était moyen. Ma force a consisté à le reconnaître. Mais j’ai toujours su que derrière cette musique existait une énigme, un chiffre, un mystère, un art de la composition si neuf qu’il dynamitait l’ensemble des règles d’écriture de son époque. Et moi, j’ai voulu être le premier, celui qui serait capable d’expliquer, vraiment, la genèse de ce prodige tombé du ciel.

Un homme très très riche que l’on trouve surtout dans les romans.

En ce qui concerne celui-ci, le biographe le fameux Luzin-Farez, l’enquête préliminaire de mon informateur m’avait donné une idée du personnage. J’étais maintenant curieux de me forger la mienne. J’avais choisi un lieu de rendez-vous donc je savais qu’il flatterait sa vanité, tout en lui laissant comprendre à quel point j’étais riche pas. Parfois, j’ai l’impression cruel d’être un entomologiste qui s’apprête à retourner du bout de sa pince un nouveau spécimen.

 

Attention !
Si vous aimez le suspens, j’en dis visiblement trop dans ce billet (je me demande comment font ces lectrices pour relire les livres qu’elles ont aimés !)

L’auteure cite Erri de Luca, je trouve cette phrase très juste

 Prendre connaissance d’une époque à travers les documents judiciaires, c’est comme étudier les étoiles en regardant leur reflet dans un étang.

 

Un cadeau ! quelle bonne idée de s’offrir des livres car cela permet d’aller vers des lectures que je n’aurais pas remarquées. Le titre résume le roman, pour moi c’est un régal que de lire un roman dont je connais l’issue mais je pense que cela a dû en déranger certains et certaines. Après il faut beaucoup de talent pour faire comprendre pourquoi cette malheureuse Lisa s’est enferrée dans son mensonge. Elle a accusé un homme de viol et tout le monde l’a crue. Tout l’intérêt du roman s’est de raconter que bien qu’elle ait menti cette ado était quand même une victime. Simplement les véritables coupables n’ont jamais été inquiétés. L’auteure à travers l’enquête de l’avocat nous fait revivre les années collège quand on est une fille mal dans sa peau mais dont les seins font beaucoup d’effet aux garçons. Mal dans sa peau , moins aimée que sa sœur à qui tout réussit, enfant d’un couple qui ne s’aime plus, Lisa a voulu trouver un statut et c’est celui de victime qui lui allait le mieux. Car victime elle l’était réellement d’un groupe de garçons en particulier d’un sale môme qui l’avait filmée dans une relation sexuelle avec celui qu’elle prenait pour son petit ami. Et c’est, pour que cette vidéo ne soit jamais publiée, que finalement elle s’est empêtrée dans un mensonge qu’un pauvre homme va payer très cher : 1195 jours de prison pour rien !

C’est un livre facile à lire et très prenant mais qui ressemble plus à un long article de presse qu’à un roman. Malgré ce bémol, je dois dire que j’apprécie beaucoup le courage de l’écrivaine pour nous dire qu’il faut parfois douter de la parole des enfants et des adolescents, recevoir leurs témoignages demande sûrement beaucoup d’intelligence et de délicatesse car il est certain que les jeunes sont le plus souvent victimes, même s’ils sont aussi, parfois, menteurs.

 

Citation

Description des cours de justice .

 Ces juges, plus ça va, plus je les hais. Bornés, biberonnés à la moraline. Et lâche avec ça. Y a plus que des bonnes femmes de toutes manières. Les derniers mec que tu croises dans les couloirs, ils ont un balai et un seau à la main. Et les jeunes, elles sont pires. Non, mais tu les as vus, avec leurs baskets ? elle juge en bas-kets ! Les jurés, c’est pareil. Gavés de séries télé. Ils t’écoutent. Ils te regardent avec l’air de tout savoir mieux que toi, parce qu’ils ont vu l’intégrale des « faites entrer l’accusé ». Plus moyen de les faire douter. Ils ont trop peur de se faire engueuler. Quand je pense à tout ceux que je faisais acquitter avant ! Et, crois moi, il y avait une palanquée de coupable là-dedans… dis, tu crois que je suis vraiment trop vieux ?


Édition Corti

lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Un tout petit roman d’une centaine de pages à la gloire de Jean Sebastian Bach et son immense admiration pour Buxtehude. L’auteur imagine une rencontre entre ces deux serviteurs de la musique sacrée qui sentent entre eux et Dieu un lien qui se concrétisent dans leurs œuvres. L’auteur imagine que Bach part à pied l’hiver de Arnstadt où Bach est organiste jusqu’à Lübeck ville du maître Buxtehude. Cette marche d’une centaine de kilomètres est l’occasion pour l’auteur de montrer à quel point le compositeur est imprégné de musique. Il s’agit d’une vision mystique de la musique qui le rapproche de Dieu. On peut se demander pourquoi Simon Berger écrit un tel livre sur un sujet dont on ne sait rien ou presque. Que Bach ait admiré Buxtehude, c’est certain tout le monde l’admirait à l’époque ; que ces deux génies de la musique se soient rencontrés on n’en sait rien mais c’est possible ; que des grands compositeurs reconnaissent le talent de leur prédécesseurs c’est souvent vrai. Il ne faut pas oublier que c’est grâce à Mozart que Bach n’a pas totalement été oublié après sa mort. Mais ce qui nous frappe et qui transparaît un peu dans ce texte très court c’est la modestie de la vie de Bach et de Buxtehude. Tous les deux attachés à leur orgue dont ils jouaient tous les jours, ils ont composé pour un public pieux et des notables qui avaient si peur que la trop belle musique entraîne les fidèles vers des pensées impies. Ils ont été l’un et l’autre d’une modestie totale au service de leur Dieu et de la musique.

Citations

Les notables de Arnstadt.

Rien qu’à les imaginer, Bach se lassait déjà. Et dire que sa vie dépendait de quelques bien-nés qui resteraient jusqu’à leurs morts infoutus de faire la différence entre le son d’une bombarde et celui d’un pet rentré !

La musique de Buxtehude.

 Alors un début de cantate s’éleva du chœur. Ce fut beau à mourir. Les yeux de Johann Sebastian Bach s’emplirent de larmes. Il ne voyait plus qu’à travers une pitoyable buée ! 

C’était beau. La musique se déroulait comme un phylactère du ciel. Bach la comprenait, aurait pu en tracer l’architecture dans les moindres détails, et cela n’enlevait rien à ce miracle, et cela participait même à ce miracle, miraculeux encore après son décodage. Herméneutique divine, qui n’ajoute rien, qui ne retranche rien et laisse les prodiges advenir. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Rien qu’à les imaginer, Bach se lassait déjà. Et dire que sa vie dépendait de quelques bien-nés qui resteraient jusqu’à leurs morts infoutus de faire la différence entre le son d’une bombarde et celui d’un pet rentré !

La musique de Buxtehude.

 Alors un début de cantate s’éleva du chœur. Ce fut beau à mourir. Les yeux de Johann Sebastian Bach s’emplirent de larmes. Il ne voyait plus qu’à travers une pitoyable buée ! 

C’était beau. La musique se déroulait comme un phylactère du ciel. Bach la comprenait, aurait pu en tracer l’architecture dans les moindres détails, et cela n’enlevait rien à ce miracle, et cela participait même à ce miracle, miraculeux encore après son décodage. Herméneutique divine, qui n’ajoute rien, qui ne retranche rien et laisse les prodiges advenir. 

 

Édition Albin Michel
Traduit de l’allemand par Dominique Autrant
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 
Feuilles allemandes

Un livre parfait pour le mois de la découverte de la littérature allemande surtout à la veille du 11 novembre. Cette auteure Monika Helfer est autrichienne, elle a puisé son inspiration dans sa propre famille. Le titre en allemand « die bagage » (les bagages) me parle davantage. Je trouve qu’il donne mieux l’idée de ce qu’on trimballe avec soi  : les richesses et les fragilités qui seront de tous nos voyages de la vie. Les héritages c’est plus abstrait. La vie familiale de l’auteure est marquée par la guerre 14/18 , c’est là que se creusera le drame qui marquera sa grand-mère, son grand- père et tous leurs enfants et petits enfants, rejetés par une partie du village (le curé en tête) parce que sa grand mère trop belle sera accusée d’adultère pendant que son mari est à la guerre. « Les fâcheux » comme on les nomme au village vivront donc en marge de cette société peu tolérante mais dont, cependant, plusieurs personnes viendront en aide à des gens qui n’ont rien fait pour mériter cet ostracisme.

L’auteure décrit avec une grande tendresse sa grand mère qui rendait jalouse toute les femmes du village, tant les hommes la trouvait belle . Monika Helfer fait des constants allers et retours dans sa mémoire personnelle en faisant revivre les gens tels qu’elle même les a connus et ce que l’on lui a raconté pour construire un récit qui permet au lecteur de savoir qui elle est aujourd’hui. Riche et blessée à la fois d’avoir dans ses bagages toutes ses histoires où pour le dire comme le traducteur d’être l’héritière de ses « fâcheux » à qui elle dédie son livre. Sa propre mère ne sera jamais acceptée, ni même nous dit l’écrivaine, regardée par son propre père car celui-ci soupçonnera sa femme de l’avoir conçue avec un bel allemand de passage ou avec le maire du village, personnage trouble qui fait de drôles d’affaires pas très légales avec ce grand-père.
Cette plongée dans le monde rural autrichien est très agréable à lire et on comprend que l’auteure aime le tempérament de sa grand-mère une si belle amoureuse.
Je trouve toujours étrange, quand je lis des romans autrichiens, combien le nazisme est passé sous le silence. Le mot n’est même pas prononcé alors qu’elle parle de cette période puisqu’elle évoque la vie d’un oncle qui a déserté pendant la campagne de Russie et a eu une femme et un enfant russes.
Autant la guerre 14/18 est ressentie comme un drame à travers l’absence du père de famille autant le nazisme autrichien semble n’avoir eu aucune conséquence sur cette famille. Ça me dérange parce que cela est représentatif de l’état d’esprit des Autrichiens : le nazisme ce sont les Allemands pas eux .
Que cela ne vous empêche pas de lire ce livre il nous fait découvrir une ruralité qui n’a rien d’idyllique malgré le cadre enchanteur des montagnes autrichiennes.
Et voici le billet d’Eva . (J’avais déjà lu ce roman quand Eva a fait paraître son billet mais je garde tous les livres venant de littérature allemande pour le mois de novembre.)

Citations

Les sentiments dans une région rurale.

 Josef aimait sa femme. Lui-même n’avait jamais employé ce mot. En patois ce mot n’existait pas. Il n’était pas possible de dire « Je t’aime » en patois. le mot ne lui était donc jamais venu à l’esprit. Maria était à lui. Et ils voulaient que Maria soit à lui et qu’elle lui appartienne, ça voulait dire d’abord le lit, et ensuite la famille.

Départ pour la guerre 14.

 Les quatre hommes avaient mis des fleurs sur leurs chapeaux et s’étaient envoyé un petit verre en vitesse. Le maire offrait le schnaps en tant que représentant de l’empereur et il tira un coup de feu en l’air. Une bande de gamins accompagna les pioupiou, comme on appelait les conscrits. Mais seulement jusqu’au village suivant, ensuite ils firent demi-tour. De là, les futurs soldats continuèrent seuls jusqu’à L., mais ils ne marchaient pas au pas, ils ne chantaient plus et ils étaient passablement dessoûlés. Ils parlaient des choses qu’il y avait à faire et qu’ils feraient bientôt, comme s’ils devaient être de retour chez eux dans quelques jours ou dans quelques semaines. Ils ôtèrent les fleurs de leurs chapeaux et les jetèrent au bord du chemin. maintenant qu’il n’y avait plus personne de chez eux pour les voir, à quoi
bon ?

Phrases terribles.

 Oncle Lorenz avait trois enfants au pays, il tenait ses deux fils pour des bons à rien, et cela avant même qu’ils aient pu devenir bon à quoi que ce soit, si bien qu’ils n’étaient rien de venu du tout, l’un des d’eux s’est pendu à un arbre. 

 


Édition JC Lattès

Encore une fois c’est La souris Jaune qui m’a tentée pour ce roman très prenant. La tension est palpable dès le début et va en augmentant jusqu’à un certain jour d’été. Nous suivons l’adolescence de Joy et Stella deux très jeunes filles qui se ressemblent physiquement et qui nouent un lien amical très fort. L’une comme l’autre ont des vies déséquilibrées : Joy est élevée par un père seul, sa femme est partie alors que sa fille avait huit ans. Stella est élevée par une mère qui fréquente le monde artistique dans une très belle maison où les fêtes alcoolisées résonnent trop souvent. Et puis un jour, après le séjour d’été chez la grand mère aux États-Unis, Stella se sépare de Joy et au retour en France, elle coupe définitivement avec son amie sans aucune explication.

La deuxième partie du roman se passe trente ans plus tard et on finit par comprendre ce qui a poussé Stella à couper définitivement avec son amie.

En dehors de cette révélation, ce que je trouve très intéressant c’est la façon dont les deux adolescentes se trompent toutes les deux sur leur famille respective. Et surtout, le style de l’auteur sert très bien cette histoire tragique, la voix des deux jeunes filles qui racontent bien le plaisir qu’elles ont à se retrouver et à passer du temps ensemble : faire le mur, aller danser, s’échanger leurs vêtements et surtout écouter David Bowie en boucle. Elles ne perçoivent pas ce que les adultes veulent leur cacher et inventent une vie imaginaire comme les adolescentes savent si bien le faire.

Celle qui a subi le drame c’est Stella mais elle arrivera à se reconstruire une vie heureuse. En revanche, Joy à qui on a tout caché et qui ne peut même pas imaginer le début d’une vérité n’a pas réussi à être heureuse dans sa vie amoureuse.

Un roman sur un sujet souvent traité mais d’une façon originale grâce au suspens très bien mené par cette écrivaine, mais je n’ai vraiment profité du roman qu’à le relecture lorsque j’ai été débarrassée du suspens (Je sais que je ne fais pas la l’unanimité quand je dis cela), et je l’ai trouvé un peu vide tout l’intérêt est dans le drame dévoilé au trois quart du récit.

 

Citations

L’amitié adolescente .

 L’adolescence est une fiction ; l’amitié, un pacte temporaire. On cherche et reconnaît en nos rencontres ce qui nous fait défaut, on leur jure fidélité en échange, chacun devient l’armure de l’autre pour se jeter à l’assaut du monde, puis s’en déleste, une fois l’obstacle surmonté ou la défaite admise.

La réalité derrière la fête.

 Joy a idéalisé ce qui se passait villa Adrienne. Ce n’était pas le monde généreux qu’elle décrivait. Ces types prenaient la maison pour une auberge, ils traitaient Domino et sa fille comme leur soubrette. Jamais Stella n’en a vu un apporter un bouquet de fleurs ni se mettre en cuisine. À part ça, ils étaient formidables.
 Domino était passée d’une vie modeste avec un réfugié laotien obsédé par l’intégration a une communauté foutraque et intellectuellement vivifiante, mais son rôle n’avait pas changé, elle faisait les courses, les repas, le ménage, et elle gueulait. Ou alors elle pleurait parce qu’une fois de plus elle était tombée amoureuse d’un tocards qui avait pris la poudre d’escampette.

Comment empêcher une adolescente de parler.

 Dottie, elle, n’a pas gobé son mensonge. Elle est venue la trouver dans le garage et lui a demandé très gentiment ce qu’il lui arrivait, parce qu’elle croyait que les deux amies s’étaient disputées. Stella s’est sentie en confiance : 
– il y a eu un problème avec votre fils… 
Dottie lui a jeté un coup d’œil furtif, méfiant aussitôt contré par son bon sourire.
– Il est incorrigible, hein ? Ce n’est pas bien grave tu sais. Tu t’en remettras, s’il t’a volé un baiser .
– Non ce n’est pas… 
 Dottie l’a interrompue sèchement cette fois.
– Quand on a le feu au cul, on allume.
 Oui ce sont les mots de la gentille vieille Dame qui aimait les expressions idiomatiques. Ses grands yeux bleus avait rétréci en tête d’épingle noires. Un regard d’une dureté abyssale. 

 

 

 


Édition « La belle étoile. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Aline Pavcoñ)

 

Quand j’ai compris que ce roman se situait au Liban , j’ai immédiatement répondu à Babelio que j’avais très envie de le lire. Il a bien pour toile de fond ce pays qui m’est cher, avant la terrible crise économique qui a réduit à la misère tous mes amis universitaires. On sent dans ce roman à quel point ce pays est incapable de renaître de ses cendres, les feux dont il s’agit dans le titre sont ceux qui sont provoqués par la population qui n’en peut plus de vivre dans les ordures jamais ramassées .
Les trois coquillages montrent ma déception, je pensais connaître un peu mieux ce pays, en réalité je connais tout sur l’histoire d’amour contrariée de Mazna une jeune fille syrienne qui a un talent certain pour le théâtre mais qui n’arrivera pas à devenir actrice aux États-Unis car elle a suivi un homme dont elle n’était pas amoureuse, Idris un jeune libanais qui vient d’une famille plus riche que la sienne. Mazna était follement éprise de Zakaria un réfugié palestinien et ami presque frère d’Idriss. Zakaria est tué car il a lui-même tué des chrétiens et Idriss et Mazna s’enfuient. Ensemble ils auront trois enfants dont nous allons suivre le parcours.
l’aînée, Ava chercheuse en biologie et mère de deux enfants, est mariée à un américain, son couple subit quelques turbulences. Marwan le fils préféré de sa mère, doit choisir entre une carrière de chanteur ou la cuisine et sa vie avec sa fiancée Harper, et enfin Najla homosexuelle et chanteuse à succès qui est revenu vivre et faire carrière au Liban.

Ils se retrouvent tous à Beyrouth car Idriss a décidé de vendre la maison de sa famille. Ce sera l’occasion de raviver les souvenirs que les parents préfèrent oublier. Il faut 420 pages à cette auteure pour faire émerger tous les secrets autour de Zakaria. Ma déception vient de ce que histoire si classique ne fait pas revivre le Liban, à cette nuance près que certaines décisions pouvaient entraîner la mort plus facilement qu’ailleurs. On sent aussi le poids des traditions dans l’éducation des filles et aussi la façon dont la proximité de la mort et de la guerre fait que la jeunesse fonce dans tout ce qui peut lui faire oublier les duretés de la vie et à quel point elle peut être brève : on boit beaucoup, on fume sans cesse et toutes les drogues sont possibles et la musique est toujours à fond.

Donc, une déception pour moi. Je lis sur la présentation de cette écrivaine qu’ « Hala Alyan américo-palestinienne est clinicienne spécialisée dans les traumatismes, les addictions et l’interculturalité ». Je crois que j’aurais préféré que son roman se passe aux USA et qu’elle me fasse découvrir les difficultés pour une jeune américano-palestinienne d’assumer deux cultures. Car, pour ce qui est du Liban, je n’ai vraiment rien appris et je ne l’ai pas senti vivre contrairement par exemple aux roman de Charif Majdalani que j’aime tant.

 

Citations

C’est tellement vrai.

Ava se résigne à endurer le tourbillon de circonvolutions maternelles. « Zwarib » est le mot qu’on emploie en arabe pour décrire ces tours et détours qui ne servent qu’à éviter d’aborder le cœur du sujet. Sa sœur Naj appelle ça du terrorisme linguistique.

J’aime bien ce genre de voix.

Najla adorait la musique. Elle avait une voix hors du commun, rugueuse et gutturale légèrement fausse, mais suffisamment hardi pour que personne ne sente soucie.

Explications des guerres libanaises par un metteur en scène de théâtre en 1972.

Les colonisateurs ont pesé, bien qu’indirectement, dans toutes les décisions politiques qui ont été prises depuis l’époque ottomane. Chaque pays a son oppresseur : les Britanniques pour la Palestine, les Français pour le Liban. Les Occidentaux ont redessiné les frontières. C’est la raison pour laquelle les rues de Beyrouth portent des noms français. Ce sont eux qui ont mis sur pied la structure parlementaire qui distribue le pouvoir de manière injuste. C’est leur faute si les Palestinien sont arrivés ici par milliers en 1948, puis en 1977. Je veux que vous gardiez à l’esprit durant les répétitions, les plus grands criminels de guerre sont toujours en coulisse, même s’ils sont à des continents d’ici. 

Un autre point de vue .

 Les gens n’ont pas besoin de prétexte pour se détester. Nous sommes programmés pour blâmer les autres de notre malheur. et quand ton prêtre, ton imam ou Big Brother te fait croire que tout un tas de gens te détestent, tu prends rarement le temps de vérifier s’il dit la vérité. 

Très possible.

Le feu passe au vert. Ava range son téléphone, bien qu’elle doute de risquer une amende ici. Un jour, elle avait vu un homme conduire avec son fils sur les genoux. L’enfant tenait un cendrier.

 


Édition livre de poche

Traduit du suédois par Laurence Mennerich

 

Merci la Souris Jaune , sans toi je n’aurais pas lu ce roman qui m’a fait passer un bon moment et qui, tout en décrivant une réalité sociale assez dure n’est pas triste parce que nous voyons la vie d’une petite ville dans laquelle il n’y a plus de travail à travers les yeux de Britt-Marie une femme qui passe son temps à faire des listes et le ménage. Pourquoi ne lui ai-je pas mis cinq coquillages à ce livre que j’ai lu avec plaisir ? Il m’arrive de faire ma difficile ! oui ce roman se lit bien , oui les personnages sont attachants mais cette Britt-Marie est une caricature de personnage : est-ce qu’il existe encore des femmes qui se dévouent corps et âmes à leur mari sans rien exiger d’eux ? Est-ce qu’ils existent des femmes dont le seul horizon se limite au ménage bien fait ? Complètement effacée, Britt-Marie va « fuguer » du domicile conjugal car elle découvre que, malgré tout son dévouement, Kent son abruti de mari la trompe. Elle se met à la recherche d’un travail, mais elle a 63 ans et ce n’est pas une mince affaire. Ses rapports avec la femme de pôle emploi sont compliqués et très drôles, celle-ci lui trouvera finalement un poste de directrice d’une MJC qui doit fermer dans trois mois, elle peut donc occuper cet emploi dans un petit village dont toutes les activités « normales » ont disparu à cause de la crise économique.

Notre super Madame-Propre dont les deux produits fétiches : le bicarbonate et le Faxin (produit pour les vitres) va donc entreprendre de nettoyer tout ce qui est à sa portée. Mais sa vie et ses valeurs vont être bousculées par le football. Car les rares enfants du village adorent ce sport et bien malgré elle Britt-Marie va devoir s’y intéresser. Peu à peu nous découvrirons les différents drames qui ont jalonné sa vie et nous la comprendrons un peu mieux ; je me suis attachée à Britt-Marie qui a été si mal aimée dans sa vie. Les habitants du village qui semblent aussi des caricatures vont prendre de la consistance. Pour devenir plus humains, il semblerait qu’en Suède il faut connaître le déclassement social, à l’image de Kent qui, de gros « macho » stupide devient un mari plus attentif et plus aimant parce qu’il a perdu son travail.

Certes, c’est une vision sociale un peu trop simpliste mais, comme je le dis au début, c’est aussi un roman qui fait du bien car on le lit en souriant. Alors, lisez-le si vous voulez vous dépaysez avec une femme d’un autre temps dans un pays plus connu pour ses auteurs de romans policiers que pour le genre « conte social humaniste ».

 

Citations

Le début .

Fourchettes. couteau. cuillère.
 Dans cet ordre.
 Britt-Marie n’est certainement pas femme à juger autrui, mais quelle personne civilisée aurait l’idée d’organiser un tiroir à couverts autrement ? Britt-Marie ne juge personne mais tout de même, nous ne sommes pas des animaux.

L’amour .

 Difficile à dire quand l’amour s’épanouit. Un jour, on se réveille et il a éclos d’un coup. C’est pareil dans l’autre sens : on s’aperçoit trop tard qu’il a déjà fané. L’amour ressemble beaucoup aux fleurs de balcons, en cela. Parfois, même le bicarbonate de marche pas.

Le couple.

C’est comme ça, quand on a vécu assez longtemps auprès d’un homme qui essaie constamment de faire de l’humour. Il n’y avait plus de place pour d’autres plaisanteries que les siennes dans leur relation. Kent faisait le bout en train et Britt-Marie faisait la vaisselle. Voilà comment les tâches étaient réparties.

Humour suédois.

 Elle place également des verres devant les enfants. L’un d’eux, celui que Britt-Marie ne décrirait jamais comme « obèse », mais qui donne l’impression d’avoir souvent chipé la limonade de ses camarades, lui dit avec entrain qu’il « préfère boire dans la canette ».
– Certainement pas, ici on boit dans un verre, articule impitoyablement Britt-Marie. 
-Pourquoi ? 
– Parce que nous ne sommes pas des animaux.
Le garçon observe sa canette de limonade dans un silence songeur, puis demande  :
– Il y a des animaux qui arrivent à boire à la canette, en dehors de l’homme ?

Philosophie de la vie.

 Parce que la vie est plus que les chaussures dans lesquelles on marche, plus que la personne qu’on est. Ce sont les liens. Les fragments de soi dans le cœur d’une autre personne. Les souvenirs, les murs, les placards et les tiroir à couverts dans lesquels on sait où sont rangés les affaires. Toute une vie d’ajustements visant à l’organisation parfaite, à l’aérodynamique unique de deux personnalités. Une vie commune, faite de tout ce qui est commun. Pierre et mortier, télécommandes et mots croisés, chemise et bicarbonate, placard de salle de bains et rasoir électrique dans le troisième tiroir. Il a besoin d’elle pour tout cela. Si elle n’est pas la, rien ne va. Elle est essentielle, inestimable, irremplaçable.

Joli dialogue.

 -J’avais cru comprendre qu’on devient policier parce qu’on croit aux lois et aux règles souffle-t-elle
-Je crois que Sven est devenu policier parce qu’il croit à la justice répond Samy.

Éditions Les Escales. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Caroline Bouet.

Titre original Friends and Stangers
550 pages … encore un gros pavé américain qu’un bon écrivain français écrirait en une centaine de page. J’ai hâte que les cours d’écriture des universités américaines aident les futurs auteurs à synthétiser ce qu’ils ont à nous dire..
Ceci dit, le sujet est intéressant deux femmes vont s’apprécier l’une (Sam) est étudiante et a un peu plus de vingt ans, l’autre (Élisabeth) est une femme de quarante ans écrivaine, elle a connu un grand succès avec un premier roman. Elle vient d’avoir un bébé et voudrait pouvoir avoir du temps pour se remettre à écrire. Pour cela, elle va embaucher Sam comme baby-sitter.
Les deux vont devenir « amies » alors que beaucoup de choses les opposent : l’âge d’abord et leur milieu d’origine : Elisabeth vient d’une famille désunie mais très très riche, Sam vient d’une famille unie mais de revenus modestes.
Le roman explore avec lenteur où se logent les différences dues à l’argent.
Au bas de l’échelle les employées mexicaines qui font la cuisine et le ménage à qui l’on retire peu à peu les rares avantages que leur métier leur avait offert (couverture médicale, emploi stable).
Un peu moins victime de la dureté de la vie aux USA les américains moyens qui ont fait des erreurs d’adaptation face au monde connecté.
George le père du mari d’Élisabeth qui avait une petite compagnie de taxi et qui sera ruiné par l’arrivée d’Uber.
Les parents de Sam ne peuvent empêcher que leur fille s’endette pour pouvoir faire des études.
Très au-dessus il y a les amies de Sam dont les parents payent les frais de l’université et trouvent des stages intéressants pour leur fille. Et le père d’Élisabeth dont la fortune semble ne pas avoir de limites.
Les deux femmes s’entendent bien et le petit bébé Gill (Gilbert) profite de l’amour de ses deux femmes. Mais l’une et l’autre vont intervenir de façon fort maladroite dans la vie d’autrui. L’intervention de Sam s’avérera catastrophique pour les employées qu’elle voulait défendre. Celle d’Élisabeth sera bénéfique pour Sam sur le plan professionnel. Moins sur le plan sentimental.
Grâce au personnage de George qui milite pour montrer que l’Amérique fonctionne comme « un arbre creux », le roman aborde tout ce qui va mal dans cette société. Par cette image il veut faire comprendre que comme un arbre qui semble splendide en fait ce pays a sacrifié sa classe moyenne et s’effondrera un jour. Il cherche à motiver les gens pour qu’ils prennent conscience qu’ils ne sont pas responsables individuellement de ce qui leur arrive mais qu’ils sont victimes d’un système injuste qu’ils contribuent eux mêmes à alimenter. Si lui a fait faillite avec sa compagnie de taxis c’est parce qu’Uber a sous payé des hommes pour utiliser des voitures de moindre qualité et ne leur a donné aucun avantage social. Pas de couverture maladie pas de retraite …
C’est évidemment pire quand il s’agit de mexicains sans papier.
Il faut hélas (pour moi) lire tout cela à travers les méandres de la pensée d’Élisabeth qui peut se permettre de déchirer le chèque de trois cent mille dollars de son père car celui-ci trompe sa mère allègrement. Les difficultés post naissance de cette femme sont tellement puériles : l’allaitement, les forums de ses anciennes amies de Brooklin, les embryons congelés pour l’éventuelle deuxième five, sa difficulté à trouver l’inspiration pour un deuxième roman, aucun de ses sujets ne m’a vraiment intéressée. Pas plus que les amours de Sam, et ses difficultés à jongler entre une amie cuisinière et les étudiantes friquées, deux mondes que tout sépare elle sera bien la seule à croire que l’on peut les réunir. Et que dire de ce bébé qui se résume à des joues rebondies et des bouclettes. Qui, oh surprise ! ne dort pas la nuit et fait ses dents. Il est au centre du roman mais ne prend jamais vie.
Quant au mari et son invention de barbecue solaire c’est juste une image positive sans intérêt.
Bref un roman classique que j’ai lu attentivement dont le seul intérêt réside dans la difficulté de la classe moyenne à s’adapter au monde connecté qui détruit les valeurs des solidarités humaines américaines qui les unissaient auparavant.

Citations

Chater avec ses amies

 Elles ne se parlaient jamais de vive voix il n’y avait ni bonjour ni au revoir, juste une conversation en cours qu’elle reprenait et arrêtait plusieurs fois dans une même journée. Si sa meilleure amie lui téléphonait, cela signifiait soit que quelqu’un était mort, soit, à l’époque où elles habitaient toutes les d’eux à Brooklyn qu’elle s’était enfermée dehors.

Les épouses dévouée

 Le cours de l’histoire était émaillé de récits de femmes épaulant des hommes qui se lançaient dans des « aventures ». Leur foi, la bonne volonté avec laquelle elles acceptaient de vivre sans jamais prendre de congés, sans remise à neuf de leur maison ni soirée en amoureux, tout cela au service de la Grande Idée, étaient récompensées à terme. La femme qui croyait finissait plus riche que dans ses rêves les plus fous, et se consacrait alors à des activités qu’elle pratiquait en dilettante, comme par exemple diriger une association caritative éponyme, ou bien s’acheter la petite librairie de son lieu de villégiature préféré. 
Le cri de guerre du grand homme : » Rien de tout cela n’aurait été possible sans elle. »

Cela est très bien vu.

Dimanche, avec mon groupe de discussion, il y a eu une intervention de Hal Donahue, le propriétaire du magasin de chaussures du centre ville. Après soixante années d’activités, ils mettent la clé sous la porte. Il nous a expliqué qu’il y a quelque temps, des clients se sont mis à venir dans son magasin pour essayer trois ou quatre paires de chaussures pour eux et leurs enfants et ensuite, sous ses yeux, ils allaient regarder sur leur téléphone, s’ils pouvaient les trouver pour moins cher en ligne. Vous savez ce que Hal a dit ? il a dit : « Je leur souhaite bonne chance. Est ce qu’Amazon va financer l’équipe junior de baseball ou un char pour le quatre juillet ? »

Humour.

 Vous n’imaginez pas le nombre de grands-mères qui meurent le jour de remise d’un devoir. À ma connaissance, avec les partiels, c’est la principale cause de décès chez les grands- parents.

Les différences sociales.

 Isabella avait décroché son stage que parce qu’un ami de son père s’en était mêlé. Quand Lexi leur avait parlé de ses propositions d’emploi et qu’elles l’avaient félicitée, elle avait dit :
– Ma tante est agente littéraire, et pas des moindres. Elle a rendu un service c’est tout.
 Tant de camarades de Sam avait fait des stages non rémunérés au cours de l’été pendant qu’elle travaillait pour pouvoir payer ses frais de scolarité. 
Pourtant, bizarrement, jusqu’à présent Sam n’avait pas compris que la richesse n’était pas uniquement une question d’argent mais aussi une histoire d’opportunités.

 

 


Édition Christian Bourgeois traduit du croate par Chloé Billon

 

Roman très étrange où j’aurais bien mis cinq coquillages pour certains passages et deux dans d’autres. L’autrice se raconte elle même dans la première partie et la troisième. Dans la première partie elle raconte ses rapports très compliqués avec sa mère. Et dans la troisième elle explique le mythe de baba-yaga qui doit éclairer tout ce roman. J’avoue que je n’ai pas été intéressée par cette troisième partie, j’ai préféré la deuxième partie, celle où on voit trois femmes âgées venir dans le grand hôtel de Prague profiter des bienfaits d’une station thermale.
Le récit est très loufoque alors que la quatrième de couverture promettait « un roman érudit, hilarant et plein d’autodérision » .

J’ai des réserves sur l’humour croate mais parfois oui, c’est assez drôle, en revanche je trouve que la description de la vieillesse est sans pitié et je trouve même cela assez cruel. J’ai été plus intéressée par ce que ressentent les intellectuels des « ex » pays communistes. Ils ont été souvent des contestataires et le virage vers le capitalisme et la liberté les a rendus très amers. D’abord, plus personne ne s’intéresse à leur lutte, ils ont donc appris à se taire et en plus ils voient des médiocres réussir financièrement alors qu’eux-mêmes ont beaucoup de mal à vivre avec leur retraite. L’auteure souffre de voir que le nationalisme croate s’appuie sur des sentiments xénophobes, les mêmes qui pendant la guerre ont permis l’extermination des juifs.

Tous ces moments sont vraiment très intéressants : je ne savais pas qu’en Yougoslavie il y avait eu aussi un goulag. Je n’avais jamais entendu parler de l’île-prison de Goli Otok, Pas plus que du camp de concentration de Jacenovak créé par les croates en 1941 qui est considéré comme un des pires camps de concentration. J’ignorais que les Croates d’aujourd’hui étaient aussi intolérants vis à vis des autres nationalités qui composaient leur pays sous le régime communiste. Mais pour vraiment aimer ce roman, il faut aussi accepter le côté fable du récit que l’écrivaine explique dans sa troisième partie. Baba-yaga serait donc le symbole de toutes femmes qui ont été niées au cours des siècles et Dubravca Ugrešic termine son livre par un hymne à la gloire de toutes les révoltes féminines. Le récit prend parfois des allures d’épopée et est complètement fouilli : on s’y perd complètement, je pense que c’est voulu, mais c’était un peu trop fou pour moi.

 

Citations

Remarque à la première page qui m’a fait choisir ce roman à la médiathèque .

 Il y en a aussi qui sont encore « en forme » en robe d’été décolletée, une coquette bordure de plumes autour du col, en vieux manteau de fourrure d’astrakan à moitié mangé aux mites, des coulées de maquillages sur le visage. (Qui , d’ailleurs, est capable de se maquiller convenablement avec des lunettes sur le nez ? !)

La pauvreté dans les ex pays communistes.

 Sa retraite couvrait à peine les charges et la nourriture, et ses maigres économies avaient disparu avec la banque de Ljubljana une quinzaine d’années auparavant, quand le pays était tombé en morceaux et que tous s’étaient hâtés de se piller les uns les autres. Si elle avait voulu, elle aurait pu tirer de tout ça une amère satisfaction : ses pertes, comparées à celles de beaucoup d’autres, étaient négligeables, car elle n’avait tout simplement rien.

Le style particulier du récit sous forme de conte.

 Voilà, c’est tout sur Mr Shake pour le moment. Quant à nous, nous poursuivons notre route. Tandis que le cuisinier fait chauffer son chaudron, l’histoire a hâte d’arriver à sa conclusion.

Comportement face à la vieillesse.

Alors que les hypocrites d’aujourd’hui, qui se scandalisent du caractère primitif des us et coutumes d’antan, terrorisent leurs vieux sans une once de remord. Ils ne sont capables ni de les tuer, ni de s’en occuper, ni de leur construire des institutions dignes de ce nom, ni de leur proposer un personnel spécialisé convenable. Ils les laissent dans des mouroirs, dans des maisons de retraite où, s’ils ont des relations, prolongent leur séjour dans les services de gériatrie, dans l’espoir que les vieux casseront leur pipe avant qu’on ne remarque que leur hospitalisation était superflue. Les Dalmate sont plus tendres avec leurs ânes qu’avec leurs vieux. Quand leurs ânes vieillissent, ils les emmènent en barque sur des îles inhabitées, où ils laissent mourir.

L’espérance de vie.

Oui, l’homme avait conçu un terrible appétit pour la vie. Depuis qu’il était devenu certain qu’aucune autre vie ne l’attendait dans les cieux, que les critères d’obtention d’un visa pour l’enfer ou le paradis était pour le moins fluctuant, et que se réincarné en sanglier ou en rat était pas précisément le gros lot, l’homme avait décidé de rester là où il était autant que faire se peut, ou, autrement dit, de mâcher le chewing-gum de sa vie le plus longtemps possible, en s’amusant à faire des bulles au passage. À en croire les statistiques, la différence était vraiment impressionnante au début du xxe siècle, la durée de vie moyenne tournait autour de quarante-cinq ans, à la moitié du siècle, elle avait grimpé à soixante-six ans, pour atteindre aujourd’hui, au tout début du vingt-et-unième siècle, le chiffre honorable de soixante-seize ans, en cent ans seulement, les êtres humains avaient prolongé leur durée de vie de presque cinquante pour cent.

La Croatie pendant la guerre 39/45

 En avril 1941, la Croatie avait adopté une loi raciale, la dispositions législative sur la protection du sang aryen et de l’honneur du peuple croate.
Le port de l’étoile jaune était devenu obligatoire et rapidement la persécution des juifs avait commencé. Les parents et le jeune frère de Pupa avaient été déportés dans le camp de Jasenovac, où ils avaient été assassinés aux alentours de 1943. Pupa et Aron avaient pris le maquis avec les partisans fin octobre 1941, après que la synagogue de Zagreb avait été détruite avec la bénédiction des nouvelles autorités oustachies.

De l’humour (enfin !)

Le D. Topalanek, en créant son nouveau soin relaxant, s’était souvenu de sa grand-mère, chez qui ils allaient déjeuner tous les dimanches. La grand-mère , de peur de manquer de temps, commençait à préparer le déjeuner dès le matin, et quand la famille Topalanek arrivait, tout avait déjà refroidi sur la table. Chaque dimanche, sa grand-mère était dans tous ses états, et chaque dimanche, son père la consolait… 
« Allons, Agneza, calme-toi, tu sais bien toi-même qu’il n’y a rien de meilleur que les boulettes froides et… la bière chaude ! »