Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Édition Nouvelle Édition Ouest & Compagnie

Encore un roman policier, et sans pouvoir dire que j’aime beaucoup ce genre de lecture, j’ai trouvé celui-ci assez intéressant. En le lisant, je pensais sans cesse que cela ferait un bon film. Et pour une fois, l’écrivain présente assez bien la ville où j’habite. La réalité sociale de notre époque est bien décrite, le roman débute dans un quartier populaire de Rennes, Cleunay, où s’entraînent deux jeunes espoirs du basket local. Fatou, une jeune noire et Rim une jeune arabe. Le sport de haut niveau les a aidées à se forger un mental d’acier et un corps superbe. Leur quartier connaît l’islamisation et elles espèrent grâce au sport pouvoir échapper aux carcans de leur classe sociale. En attendant, elles se retrouvent à Dinard pour un défilé de haute couture car Rim a été recrutée pour une première expérience de mannequin. Dinard où se croisent des gens très fortunés, ce jour là des gens de la mode et des employés très sympathiques des travaux publics et des jeunes qui veulent s’en sortir. C’est dans ce creuset qu’un meurtre va éclabousser tout le monde. J’ai bien aimé le croisement des classes sociales et aussi l’écriture de cet écrivain. Mais j’espère que notre club va ralentir le rythme des romans policiers parce que, pour moi, c’est un peu un pensum à chaque fois que je dois en lire un.
Je n’ai trouvé que peu d’erreurs dans celui-ci une quand même  : Rim et Fatou s’entraînent à Rennes rue Papu et non « Paput » ; je rappelle que François Papu est honoré à Rennes car originaire de cette ville, il est mort pendant les journées révolutionnaire de 1830 ainsi que Louis Vanneau , (ayant été scolarisée à l’école Papu et mes frères à l’école Vanneau, je sais de quoi je parle !)

 

Citations

Les quartiers qui changent

Dans la cité où, depuis deux ans, les barbus et les voiles fleurissent à vue d’œil. À croire que la beauté glabre d’un visage frise l’anathème ou qu’il fallait à tout prix se voiler la face. Masque obligatoire au quotidien, poils pour les hommes, voiles pour les filles, le peuple des tours subit la férule d’un imam réactionnaire.

Description sympa et exacte

Je me retourne pour lancer un dernier regard vers Saint-Malo. Plus nous nous éloignons, plus la ville m’apparaît dans sa compacité. Construite sur la mer, elle se blottit derrière ces fortifications, monolithique, inexpugnable, élégante. La beauté austère de Saint-Malo éclate davantage depuis le large, contrairement aux rivages de Dinard dont les mystères se révèlent à mesure qu’on les approche.Vallonnés, boisés, fleuris, découpés, truffés de luxueuses maisons au parfum d’Années folles, ils offrent mille surprise à l’ombre d’une végétation exotique. Tout en festons et coquetteries, la station balnéaire s’oppose à la rectitude minérale de la cité corsaire. De part et d’autre de l’estuaire , chacun revendique sa place. Les guerriers d’un côté, leur repos de l’autre.

Traduit de l’allemand par Rose Labourie ; édition Acte Sud

Encore une fois un livre que je dois à la blogosphère mais en ayant oublié de noter précisément l’auteur du blog heureusement Keisha s’est rappelée à mon bon souvenir !. Je dois dire que j’ai failli passer à côté de cet essai, parce que cet homme m’a énervée au début de son récit. Il a de tels moyens financiers et ceci grâce aux prébendes que l’ONU distribue de façon écœurante à tous les membres de cette administration, et de voir les participants recevoir en plus de leur très confortable salaire de grosses enveloppes de liquides pour aller aux quatre coins du monde parler du sous-développement ou de l’écologie est absolument révoltant. Que ce soit de cette façon là que Wolf Küper ait réussi à mettre assez d’argent de côté pour passer deux années à ne rien faire d’autre que s’occuper de sa petite fille atteinte d’une maladie mentale qui l’empêche de se développer normalement a failli me faire refermer le livre. Et puis, le charme incroyable de cette petite fille m’a conquise moi aussi et j’ai donc suivi le parcours en camping car de cette famille à travers les plus beaux endroits de la planète.

Aucune famille avec un enfant handicapé ne peut prendre exemple sur cette famille, mais eux ont réussi à donner deux années de bonheur à leur petite fille qui est peut être plus armée maintenant pour affronter la vie qui, sans doute, ne sera pas très facile.

Citations

Un père face au handicap de sa fille

Je m’en souviens comme si c’était hier, peu avant notre départ, Nina avait fait la course avec d’autres enfants sur une grande pelouse. Évidemment, ils ne pouvaient pas se contenter de jouer tranquillement. Les enfants, en particulier les garçons, ont la compétition dans le sang. Ils ont besoin de se mesurer pour savoir qui court le plus vite, grimpe le plus haut, plonge le plus profond, saute le plus loin, et ainsi de suite. Et au milieu : Nina qui voulait absolument participer. Mrs. Lonte en en personne, qui m’avait fait blackbouler de toutes les courses de ma vie. Je n’arrivais pas à comprendre. Pourquoi s’obstinait-elle ? Pourquoi se mettait-elle sans arrêt en position de perdre contre les autres ? J’ai dit : « Y en a marre de toujours faire la course, venez, on va jouer à un autre jeu », et ce genre de choses. Dans le feu de l’action, les enfants ne m’ont même pas entendu, mais ce sont tous plus ou moins alignés, non sans que les garçons échangent quelques insultes – forcément. Mon cœur battait la chamade, ils se sont élancés en poussant des cris perçants.
En moins de trois secondes, Nina était déjà la dernière, alors qu’il y avait aussi des enfants bien plus petits qu’elle. À la moitié du trajet, elle était loin derrière. On aurait dit qu’elle allait disputer cette course tout seul. Presque en solitaire. Elle chancelait sur la pelouse, penchée en avant, les bras tendus sur les côtés, et elle tanguait tellement que je n’arrêtais pas de me dire : Cette fois, elle va tomber. J’arrivais à peine à la regarder. Quand elle est arrivée au bout, les autres avaient déjà repris leur jeu. J’ai vu Nina zigzaguer entre eux, hors d’haleine. Si je me souviens aussi précisément de cette scène, une parmi les centaines d’autres, c’est parce que ce moment-là, j’ai eu terriblement mal pour elle, mal pour un autre que moi.

Un bel endroit le lac Tepako et un beau moment dans les étoiles

L’illumination était donc venu lors de notre première nuit ici, au lac Tekapo, trois décennies plus tard, en montant sur un rocher, je m’étais rendu compte que les étoiles ne se trouvaient pas « au-dessus » mais tout autour de moi. Il y en avait même qui scintillaient en dessous de moi à l’horizon, et alors que mon vertige semblait se dissiper j’avais aperçu l’éblouissante Voie Lactée, tellement gigantesque que j’en avais eu le souffle coupé, brillant de milliards de feu, des centaines de milliers d’années lumière d’un horizon à l’autre, toute la folie de l’univers en 3D. Et en couleur. Et oui, il y a des étoiles bleues et vertes et rouges, et violette aussi, certaines clignotent frénétiquement, d’autres pulsent lentement, partout, des étoiles filantes zébraient le ciel tandis que les satellites traçaient paresseusement leur route. En Nouvelle-Zélande, il est impossible de croire que la terre est au centre de quoique ce soit, parce que rien qu’à l’oeil nu, on voit bien que nous ne sommes qu’une poussière perdue dans un coin de l’univers.

Je me demande si c’est vrai

Et avec les gens importants, il faut toujours garder son sérieux, ne jamais être de meilleure humeur que le client, c’est la règle numéro 1 quand on fait du conseil, surtout auprès d’hommes politiques.

Là où, ce livre m’a tellement écœuré que j’ai failli le laisser tomber.

Depuis que j’avais commencé à travailler régulièrement comme expert pour les Nations Unies, j’ai gagné pour la première fois beaucoup d’argent. Vraiment beaucoup. Rien que les indemnités de défraiement qu’on vous verse chaque semaine correspondent au revenu mensuel net d’un post doc avec douze années de formation universitaire en Allemagne. Le tout non imposable. Au Nations Unies, on vous remet sans ciller d’épaisses enveloppe marron avec des liasses de billets de cinquante dollars, presque comme dans un film de mafieux. Ça ne rentre même pas dans le porte-monnaie. Les billets sont soigneusement attachés par vingt à l’aide d’un trombone. Officiellement, ces indemnités exorbitantes servent à voyager dans des conditions « appropriées et représentatives ». Soudain, j’avais, ce qu’on appelle un niveau de vie élevé, accès aux lounges VIP et vol en première classe. Programme grand voyageur et ainsi de suite…..

Jusqu’à l’écœurement des réunions à l’ONU des ONG sur l’environnement

Le genre de chose qui ne mérite pas qu’on s’y attarde une seconde, sans même parler d’enfer débattre plusieurs milliers de délégués sur payer venu du monde entier.
Une civilisation qui se prend pour le fleuron de la création célèbre ici sa propre déchéance. Je fais un rapide calcul : le paragraphe comporte environ 70 mots. Au cours des 95 minutes que dure ce cirque, il y a 22 objections et 19 correction. Ça doit être incroyablement difficile de formuler le rien.

 

Traduit du néerlandais (Belgique) par Isabelle Rosselin

Edition poche Folio

En lisant le billet de Dominique je m’étais fait une promesse, mettre ce livre dans ma liste, puis dans ma pile à côté de mon lit, et puis finalement de le lire. Promesse tenue. J’ai bien aimé cette lecture dont un bon tiers est occupé par le récit de la guerre 14/18 vu du côté des Belges. Stefan Hertmans a voulu redonner vie à un grand-père très digne et très pieux. Il a voulu aller plus loin que son apparence d’homme sévère habillé en costume et portant tous les jours une lavallière noire et un borsalino. Il a trouvé un homme meurtri par la guerre et qui ne s’est jamais remis des souffrances qu’il a ressenties dans son corps et celles qui ont blessé et tué de façon horrible ses compagnons. La force avec laquelle sont racontés ces combats m’ont permis de me rendre compte de l’héroïsme de cette armée dont je savais si peu de chose avant de lire ce roman. Un autre aspect que j’ai découvert, c’est la domination à l’époque du français sur le flamand (les temps ont bien changé !). Les pauvres soldats flamands non gradés devaient donc obéir à des ordres parfois absurdes et qui, surtout, pouvaient les emmener à la mort donnés par des officiers qui ne s’exprimaient qu’en français d’un ton le plus souvent méprisant. Plusieurs fois, dans ce récit on ressent la langue française comme une façon de dominer les flamands. Comme ce lieutenant qu’il entend dire derrière son dos

Ils ne comprennent rien, ces cons de Flamands

 

Au delà des récits de guerre, on découvre un homme Urbain Martien (prononcez Martine) qui a aimé et a été aimé par ses parents. Son père, grand asthmatique, lui a donné le gout du dessin mais malheureusement, il laissera trop tôt sa femme veuve avec ses quatre enfants. Urbain connaîtra la misère celle où on a faim et froid et pour aider sa mère il travaillera dans une fonderie sans aucune protection et dans des conditions effroyables. Finalement il s’engagera à l’armée et sera formé au combat ce qui le conduira à être un cadre sous officier pendant la guerre.
Il connaîtra l’amour et sera passionnément amoureux d’une jeune femme qui ne survivra pas à la grippe espagnole ; il épousera sa sœur et ensemble, ils formeront un couple raisonnable.

J’ai eu quelques réserves à la lecture de cette biographie, autant le récit de la guerre m’a passionnée car on sent à quel point il est authentique : nous sommes avec lui sous les balles et les des canons ennemis, on patauge dans la boue et on entend les rats courir dans les tranchées. Autant la vie amoureuse de son grand-père m’a laissée indifférente. En revanche, sa jeunesse permet de comprendre cet homme et explique pourquoi la religion tient tant de place dans sa vie. Pour la peinture puisque c’est l’autre partie du titre disons que le talent d’un copiste même merveilleux n’est pas non plus très passionnant, la seule question que je me suis posée c’est pourquoi il n’a que copié des tableaux et n’a pas cherché exprimer ses propres émotions.

Quand je suis étonnée d’apprendre que la ville où j’habite se situe dans le Nord de la France :

Blessé une deuxième fois sur le front de l’Yser, touché par une balle à la cuisse, juste en dessous de l’aine, il avait été évacué ; pour sa rééducation, il avait été envoyé dans la ville côtière de Dinard, dans le nord de la France. Depuis la ville voisine de Saint-Malo, il avait fait la traversée, avec quelques compagnon en rééducation, vers Southampton, pour rendre visite au fils de son beau-père, mais à peine était-il en haute mer une tempête s’était levée, qui avait duré un jours et demi.

Et voici la photo de la foule qui attend l’arrivée des blessés de la guerre 14/18 qui vont être soignés à Dinard dont a fait partie Urbain Martien .

 

Citations

 

Pourquoi cette référence à Proust

Le tailleur l’envoie d’un ton bourru chercher à l’école le fils de cette famille bourgeoise. Au bout d’un certain temps, il est chargé chaque jour de cette tâche et doit porter le cartable rempli de livres du jeune monsieur en prenant garde de rester deux pas derrière lui, pour éviter de recevoir un coup de canne que ce garçon de douze ans manie déjà avec une suffisance proustienne.

Le couple de ses grand-parents

Son mariage avec Gabrielle était sans nuages pour quiconque n’était pas plus avisé.Enchevêtrés comme deux vieux arbres qui, pendant des décennies, ont dû pousser à travers leurs cimes respectives, luttant contre la rareté de la lumière, ils vivaient leur journée simple, uniquement entrecoupées par la gaieté apparemment frivole de leur fille, leur unique enfant. Les journées disparaissaient dans les répliques du temps diffus. Il peignait.

Le 20 siècle

Il a consigné ses souvenirs ; il me les a donnés quelques,mois avant sa mort en 1981. Il était né en 1891, sa vie semblait se résumer à l’inversion de deux chiffres dans une date. Entre ces deux dates étaient survenus deux guerres, de lamentables massacres à grande échelle, le siècle plus impitoyable de toute l’histoire de l’humanité, la naissance et le déclin de l’art moderne, l’expansion mondiale de l’industrie automobile, la guerre froide, l’apparition et la chute des grandes idéologies, la découverte de la bakélite, du téléphone et du saxophone, l’industrialisation, l’industrie cinématographique, le plastique, le jazz, l’industrie aéronautique, l’atterrissage sur la lune, l’extinction d’innombrables espèces animales, les premières grandes catastrophes écologiques, le développement de la pénicilline et les antibiotiques, Mai 68, le premier rapport du club du club de Rome, la musique pop, la découverte de la pilule, l’émancipation des femmes, l’avènement de la télévision, des premiers ordinateurs – et s’était écoulé sa longue vie de héros oublié de la guerre.

Les goûts musicaux

En revanche, il éprouvait du dégoût et de la colère en entendant Wagner et faisait ainsi sans le savoir le même choix que le grand philosophe au marteau : Nietzsche écrivit en effet à la fin de sa vie qu’il préférait la légèreté méridionale, l’affirmation de la vie et de l’amour chez Bizet, au fumerie d’opium teutonnes des ténèbres mystique de Wagner. Offenbach rendait mon grand-père joyeux, et quand il entendait les marches militaires, il se ranimait . Il connaissait par cœur la pastorale de Beethoven surtout le mouvement où le coucou lance son appel dans la fraîche forêt viennoise.

L’accent français en Belgique

En face, dans la boutique d’allure viennoise du boulanger juif Bloch, les femmes de la bonne société prenaient un café servi dans une petite cafetière en argent accompagné d’un croissant beurré, tandis qu’elle lisait un livre acheté chez Herckenrath, le papier d’emballage soigneusement plié en quatre à côté de leur main baguée. Elles étaient tellement chics qu’elle affectaient une pointe d’accent français en parlant flamand.

Avancées techniques allemande 1914

Le fort de Loncin est mis hors de combat par un tir de plein fouet sur la poudrière. Le béton n’était pas encore armée, ce qui fut fatal au vieux mastodonte, dernier vestige d’une époque candide. (…..) En chemin nous apprenons que presque tous les forts sont tombés et que toute résistance est devenue vaine. Les Allemands utilisent des mortiers lourds d’un calibre de 420 millimètres dont nous ignorions totalement l’existence. Leurs tirs ont ouvert des brèches dans tous les forts liégeois ; ces citadelles désuètes peuvent tout au plus résister un calibre 210 millimètres.

Les troupes allemandes en Belgique

Un matin, une semaine plus tard, nous entendîmes pleurer un enfant. Un garçonnet d’une dizaine d’années était debout sur l’autre rive. Le commandant nous interdit d’aller le chercher. Carlier dit que c’était une honte, il retira son uniforme, sauta dans l’eau et nagea jusqu’à l’autre côté. Au moment où il voulut tendre la main à l’enfant, celui-ci détala . Les Allemands se mirent à tirer avec toutes leur bouches de feu, nous n’avions aucune idée d’où provenaient les tirs. Carlier tomba à la renverse, roula sur la berge jusque dans l’eau, plongea en profondeur, ne ressortit que lorsqu’il fut arrivé de notre côté. Tout le monde avait suivi la scène en retenant son souffle ; Carlier fut hissé à terre, le commandant dit qu’il méritait en réalité une lourde sanction, mais en voyant à quel point le procédé des Allemands nous avait indignés, il en resta là.
Nous prîmes conscience que nous avions en face de nous ennemi sans le moindre scrupule. Ce genre de tactique de guerre psychologique était nouveau pour nous, nous avions été éduqués avec un sens rigoureux de l’honneur militaire, de la morale et de l’art de la guerre, nous avions appris à faire élégamment de l’escrime et à réaliser des opérations de sauvetage, nous avions appris à réfléchir à l’honneur du soldat et de la patrie. Ce que nous voyons ici et était d’un autre ordre. Cela bouleversant nos pensées et nos sentiments, nous ressentions, le cœur rempli d’angoisse, que nous revenions d’autres hommes prêts à tout ce que nous avions évité auparavant.

Les atrocités de la première guerre ont-elles entraîné celles de la seconde ?

Toutes ses vertus d’une autre époque furent réduites en cendres dans l’enfer des tranchées de la Première Guerre mondiale. On enivrait sciemment les soldats avant de les amener jusqu’à la ligne de feu (un des plus grands tabous pour les historiens patriotiques, mais les récits de mon grand-père sont clairs à ce sujet) ; les bouis-bouis, comme les appelait mon grand-père, se multipliaient, on en voyait pour ainsi dire partout à la fin de la guerre, de ces lieux où l’on encourageait les soldats à apaiser leurs frustrations sexuelles pas toujours en douceur -une nouveauté en soi, sous cette forme organisée. Les cruautés les massacres transformèrent définitivement l’éthique , la conception de la vie, les mentalités et les mœurs de cette génération. Des champs de bataille à l’odeur de prés piétinés, des mourants comme au garde-à-vous jusqu’à l’heure de leur mort, des scènes picturales militaires avec en toile de fond la campagne du dix-huitième siècle remplie de collines et de boqueteaux , il ne resta que des décombres mentaux asphyxiés par le gaz moutarde, des champs remplis de membres arrachés , une espèce humaine d’un autre âge qui fut littéralement déchiquetée.

Toutes les après-guerres se ressemblent

Partout surgissent de véhéments patriotes, qui pendant la guerre se livraient à un commerce clandestin mais intensif avec les Allemands. Partout des traces et des témoignages sont fiévreusement effacés. Partout j’assiste à des querelles, de l’animosité, des ragots, des trahisons, des lâchetés et des pillages, tandis que les journaux exultent en évoquant une paix bienheureuse. Nous, les soldats qui revenons du front, nous sommes mieux informés. Nous nous taisons, luttons contre nos cauchemars, éclatant parfois en sanglots en sentant l’odeur du linge fraîchement repassé ou d’une tasse de lait chaud.

Explication du titre, et fin du livre

Ainsi, ce paradoxe fut une constante dans sa vie : ce ballottement entre le militaire qu’il avait été par la force des choses et l’artiste qu’il aurait voulu être. Guerre et térébenthine. La paix de ces dernières années lui permit de prendre peu à peu congé de ses traumatisme. En priant Notre-Dame des Sept Douleurs, il trouva la sérénité. Le soir avant sa mort, il est parti se coucher en prononçant ces mots : je me suis senti si heureux aujourd’hui, Maria.

Édition Slatkine&compagnie. Traduit de l’allemand par Isabelle Liber

 

Voici donc ma troisième et dernière participation au challenge d’Éva. Un livre de langue allemande que j’ai lu grâce à la traduction d’Isabelle Liber. Mes trois coquillages prouvent que je n’ai pas été complètement conquise. Pourtant je suis sûre de l’avoir acheté après une recommandation lue sur le blogosphère. Ce roman m’a permis de me remettre en mémoire l’horrible accident du ferry Estonia entre l’Estonie et la Suède, accident qui a causé la mort de 852 personnes en 1994. Mais si ce naufrage est bien le point central du roman, celui-ci raconte surtout la difficulté de rapports entre un fils et ses parents. Laurits Simonsen rêvait d’être pianiste, mais son père d’une sévérité et d’un égoïsme à toute épreuve l’a forcé à devenir médecin. Le jour où Laurits comprendra l’ampleur des manœuvres de son père, il fuira s’installer en Estonie.
De ruptures en ruptures, de drames en drames, il est, à la fin de sa vie, redevenu pianiste sous l’identité de Lawrence Alexander, loin d’être un virtuose, il anime les croisières et tient le piano-bar. C’est ainsi que nous le trouvons au deuxième chapitre du roman, le premier étant consacré à l’appel au secours de l’Estonia le 28 septembre 1994. Les difficultés dans lesquelles dès l’enfance le narrateur s’est trouvé englué à cause de l’égo surdimensionné d’un père tyrannique nous apparaît peu à peu avec de fréquents aller et retour entre le temps du récit et le passé du narrateur.

Le récit est implacable et très bien mené mais alors pourquoi ai-je quelques réserves, j’ai trouvé le récit un peu lourd, très lent et trop démonstratif pour moi. J’ai vraiment du mal à croire au personnage du père mais peut-être ai-je tort ! Il existe, sans doute des êtres incapables à ce point d’empathie ! Je pense, aussi, que je lis beaucoup de livres et que j’en demande peut être trop à chacun d’entre eux. Mais, à vous, donc de vous faire une idée de ces quelques « feuilles allemandes ».

 

 

Citations

l’alcool et le chagrin

J’ai vidé dans le lavabo ce qui restait de la bouteille de whisky. Ce truc n’a fait qu’empirer les choses. Ça n’avait que le goût du chagrin.

 

Le titre

J’étais heureux d’arriver dans le port de Venise après un long voyage -cette ville est la seule que j’arrive à supporter plus de trois jours, elle est un entre deux, ni terre, ni mer.

 

Le naufrage

1h48. Au plus noir de la nuit, dans les lotissements de la tempête, le bateau bleu et blanc dressa une dernière fois sa proue vers le ciel et, moins d’une heure après son appel de détresse, disparut dans les eaux avec un profond soupir. Avec lui sombraient les rêves et les espoirs, les désirs, les inquiétudes, les peurs et les lendemains de tout ceux qui était restés à bord.

Édition Albin Michel. Traduit de l’italien par Dominique Vittoz.
A obtenu un coup de cœur au club de lecture de la médiathèque de Dinard

Le point de départ de ce roman écrit par une jeune auteure italienne est un fait véridique Margot Wölk a bien été recrutée parmi dix autres femmes pour goûter les plats d’Hitler , quand celui-ci était dans ce qu’on appelait alors « la tanière du loup » et qui est aujourd’hui en Pologne. À partir de ce récit que vous pouvez entendre si vous cliquez sur ce lien, vous saurez ce qui a déclenché l’envie pour l’auteure de raconter cette histoire et d’en faire un roman. Les lectrices du club étaient très élogieuses, je le suis un peu moins. C’est compliqué pour une femme jeune et étrangère de rendre avec précision l’ambiance entre des femmes sous le régime nazi. Elle a imaginé des rapports plus proches de la camaraderie de lycéennes et puis comme elle est italienne elle y a mêlé une histoire d’amour. Pour faire plus véridique et plus tragique, il y a, aussi, une jeune fille juive parmi les goûteuses. Tout ce que l’auteure a imaginé est plausible mais cela en dit davantage sur la façon dont les Italiens se racontent le nazisme . Quand on écoute Margot Wölk on sent que ses souvenirs sont surtout marqués par les viols des soldats russes, plus que par son rôle de goûteuse des plats d’Hitler. Tout ce qui concerne ce criminel psychopathe intéresse les gens, et ce roman doit son succès à cela mais il n’est pas pour autant racoleur. Disons qu’il n’est pas indispensable à la connaissance de ce qui s’est passé en Allemagne et surtout, j’ai plus tendance à croire les auteurs germaniques qui, eux ou leurs ancêtres, ont vécu cette période.

Citation

Son mari lui écrit cette lettre du front russe

« Ils sont deux à ne pas avoir compris qu’il fait froid en Russie, m’avait-il écrit. L’un est Napoléon. » Il n’avait pas mentionné l’autre par prudence.

 

Édition Actes Sud

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Avec 68 pages Éric Vuillard, exprime toute sa rage et son désespoir face aux révoltes qui ont traversé le XVI° siècle. On est loin de la vision de l’histoire dont j’ai gardé quelques souvenirs de mes années lycée. Les conditions d’extrême pauvreté engendrent des révoltes très violentes. Et quand en plus, les populations sont soumises à une religion qui dans les textes d’origine demande à ses disciples de reconnaître son frère dans le plus pauvre des humains on comprend que certains se demandent : « Où est le vœu de pauvreté dans l’opulence de l’église de leur époque ? ». Et puis, Gutemberg invente l’imprimerie, alors tout le monde pourra lire la Bible dans le texte et constatera que l’église les trompe lourdement. Il n’est plus besoin alors de se soumettre mais bien plutôt de se révolter et de revenir aux sources du christianisme. Livre incandescent et soutenu par un style incantatoire. Il se lit très vite, mais ne s’oublie pas de sitôt. Si l’imprimerie a permis le schisme protestant, c’est bien l’arrivée de l’internet qui soutient les révoltes actuelles. La soumission et la pauvreté engendrent toujours des mouvements violents, ils sont souvent réprimées énergiquement également mais beaucoup moins qu’au XVI° siècle.

Citations

Un homme révolté

John Wyclif eu l’idée qu’il existe une relation directe entre les hommes et Dieu. De cette première idée découle, logiquement, que chacun peut se guider lui-même grâce aux Écritures. Et de cette deuxième idée en découle une troisième ;,les prélats ne sont plus nécessaires. Conséquence : il faut traduire la Bible en anglais. Wyclif – qui n’était pas, comme on le voit, à court d’idées – eut encore deux ou trois autres pensées terribles : ainsi, il proposa qu’on désigne les papes par tirage au sort. Dans son élan, il n’était plus à une folie prêt, il déclara que l’esclavage est un péché. Puis il affirma que le clergé devait vivre désormais selon la pauvreté évangélique. Enfin, pour vraiment emmerder le monde, il répudia la transsubstantiation, comme une aberration mentale. Et, pour finir, il eut sa plus terrible idée, et prôna l’égalité des hommes.

La haine de l’église

Bien sûr, Rome condamna John Wyclif, et, malgré sa parole profonde et sincère, il mourut isolé. Et plus de quarante ans après sa mort, condamné par le concile de Constance, on exhuma son cadavre, on brûla ses ossements. On avait contre lui la haine tenace.

Édition Stock

Lu dans le cadre du Club de Lecture de la médiathèque de Dinard

Autant je n’avais pas apprécié la précédente lecture de Laurence Tardieu, « Un temps fou » , autant celle là m’a intéressée. Pourtant ça commençait assez mal, car encore l’univers de cette femme et de sa famille que sa fille a fui me semblait bien loin de mes centres d’intérêt. Et puis peu à peu , le roman s’est densifié et le récit de cette journée pendant laquelle Hannah pense atteindre l’apogée de la souffrance et qui verra aussi Lydie sa meilleure amie souffrir à son tour, a été beaucoup plus riche que je ne m’y attendais. Cette belle amitié entre ces deux femmes donne un ton plus optimiste au roman et en fait un des charmes pour moi. Le drame d’Hannah , tient en peu de mots : sa fille Lorette a décidé de rompre sans aucune explication avec sa famille. Ce deuil qui n’en est pas un, est d’une violence qui depuis sept ans ronge Hannah, artiste peintre qui n’arrive même plus à peindre. En remontant dans le temps, on comprend à la fois l’histoire de sa famille dont les grands parents ont été exécutés en 1942 parce qu’ils étaient juifs et de l’actualité du monde de 1989 à aujourd’hui. Hannah a vécu dans la liesse (comme nous tous) l’effondrement du mur de Berlin, puis a été terrifiée par la guerre en Bosnie. Sa fille qu’elle aime d’un amour fusionnel, perd peu à peu confiance dans cette mère qui est une véritable écorchée vive et qui s’intéresse trop aux malheurs du monde. Le roman se déroule, donc, sur une journée , le matin Hannah croit voire ou voit réellement Lorette sur le trottoir d’en face, toute sa journée elle revit les moments de crise de sa famille et elle sait qu’elle doit téléphoner à Lydie qui l’a invitée à dîner avec des amis, elle se sent incapable de retrouver son amie. Finalement, elles se retrouveront mais pas exactement comme l’avait prévue Lydie. Hannah va sans doute recommencer à peindre ce qui est la fin la plus optimiste qu’on puisse imaginer. Je ne peux en dire plus sans divulgâcher l’intrigue. Les deux ressorts du roman sont le mélange de l’actualité et de la vie personnelle, et l’hérédité du malheur des gens qui ont été touchés par la Shoa, la souffrance de cette mère privée de sa fille sert de cadre à ces deux fils conducteurs. Un bon roman, bien meilleur en tout cas que mes premières impressions.

 

Citations

 

Description si banale des couples qui s’usent.

Tout s’était délité sans qu’il s’en aperçoive. Il se rappelait pourtant avoir été très amoureux lorsqu’il l’avait rencontrée, à trente ans. Elle, sociologue, jeune femme rousse à la peau pâle, au rire presque silencieux, au regard obsédant (enchantement dont il avait fini, après plusieurs mois, par identifier l’origine : un très léger strabisme, dont on pouvait difficilement se rendre compte à moins de fixer longtemps les deux yeux, et à l’instant même où il avait compris ce qui depuis des mois le rendait fou, le regard gris-vert avait perdu de sa magie) et que tous ses copains lui envoyaient. Lui, jeune cancérologue passionné par son métier, promis à un brillante à venir. Oui, la vie avait été belle, et joyeuse, et sexuelle,avec Claire. Que s’était-il passé pour qu’aujourd’hui les rares paroles qu’ils échangent concernent des pots de yaourt, le chauffagiste à faire venir, la litière du chat ? Que s’était-il passé, d’atrocement banal, qu’il n’avait pas vu se former, et contre quoi aujourd’hui il ne pouvait plus lutter, comme si Claire et lui avaient commencé, il y a bien longtemps, et alors même qu’ils ne le savaient pas encore, à glisser le long d’une pente, et qu’il n’y avait aujourd’hui plus de retour en arrière possible, plus de possibilité de bonheur ?

Le drame de la famille

Hannah, alors tout jeune adolescente, avait soudain vu, effarée, le visage de cette tante d’ordinaire silencieuse et discrète se tordre, comme si la peau devenait du chiffon, et les larmes rouler sur ses joues, et elle avait entendu, ils avaient tous entendu, la brève phrase demeurée depuis comme un coup de tonnerre dans la nuit, dont Hannah se demandait parfois, à force de l’avoir répétée mentalement pendant des années, si elle ne l’avait pas inventée : « De toute façon, s’ils avaient pu tous nous faire disparaître, ils l’auraient fait. On est restés là David et moi cachés dans notre trou, à les regarder partir pour la mort comme des chiens, on est restés là, impuissants, à les regarder partir. »

La mort

Tu vois, ce qu’il y a de très violent lorsque meurt quelqu’un qu’on a beaucoup aimé, c’est qu’au début, on a le sentiment de perdre cette personne, de la perdre réellement. On ne peut plus lui parler, on ne peut plus la toucher, on ne peut plus la regarder, se dire que cette couleur lui va bien, qu’elle a le visage reposé… On ne peut plus l’entendre rire… Mais ensuite, avec le temps, si on se souvient d’elle, si on se souvient d’elle vraiment, je veux dire si on se concentre pour se rappeler le grain exact de sa peau, la façon qu’elle avait de sourire, de parler, l’expression de son visage lorsqu’elle vous écoutait , la manière qu’elle avait de poser une main sur votre épaule, d’enfiler un manteau, de découvrir un cadeau, de piquer un fou rire, alors c’est comme si on parvenait à faire revenir cette personne du royaume des morts, à la faire revenir doucement parmi nous, mais cette fois : en nous. Elle ne fait plus partie des vivants, elle ne déambulera plus parmi nous, mais elle occupe désormais notre cœur, notre mémoire. Notre âme. C’est un petit miracle, une victoire acquise sur la disparition.

Son père lui parle

Ce qui est arrivé un jour de printemps 1942 et qui s’est produit sous mes yeux n’en finit pas de nous faire sombrer, de nous aspirer, on croit que c’est arrivé à mes parents un jour de l’année 1942 et ça continue à nous arriver, ça continue à nous arriver à nous tous, Hannah, à moi, à toi, à Lorette, comme si la déflagration ne s’était jamais arrêtée … Ce jour-là la nuit est entrée dans toutes les vies de notre famille, les vies présentes et celles à venir. Je crois, Hannah, je crois que nos corps se souviennent de ce qu’ils n’ont pas vécu, de ce qui a assiégé ceux qui nous ont mis au monde, nos corps se souviennent de la peur, ils se souviennent de l’effroi..

 

 

 

Je sais que je dois cette lecture à un blog, mais j’ai hélas oublié de noter son nom . Si je le retrouve, je mettrai immédiatement un lien.

Ce livre est un essai du fils du « sauvé », Georges Heisbourg pour cerner la personnalité de son « sauveur » le baron von Hoiningen. C’est une plongée très intéressante dans la deuxième guerre mondiale et en particulier dans le nazisme. L’auteur s’attelle à une tâche rendue complexe par la personnalité du baron qui n’a jamais raconté ce qu’il a fait pendant la guerre et qui ne s’est jamais glorifié de quoi que ce soit. « Un taiseux » et un « hyper » discret nous est donc présenté par quelqu’un qui ne veut surtout pas romancer cette histoire. Au passage, je me suis demandé si ce n’était pas là un trait de la haute société luxembourgeoise, car le père de l’auteur n’a pas raconté grand chose non plus. Et si l’auteur se plaint de n’avoir qu’une photo du baron, il ne met aucune photo de son père dans ce livre. Les sources d’archives proviennent surtout de l’Allemagne, car la Gestapo avait la manie de tout écrire pour faire des dossiers sur tout le monde et ce militaire haut gradé et noble avait tout pour finir pendu. Il n’a dû son salut qu’à sa fuite au dernier moment de la guerre, alors que l’armée allemande reculait sur tous les fronts. Mais cela n’empêchait pas la Gestapo de lancer ses sbires à la recherche du fugitif soupçonné à juste titre d’avoir des accointances avec les conjurés qui ont essayés en vain d’assassiner Hitler. Tout ce qu’a fait ce baron est bien analysé et s’appuie sur des témoignages de ceux qui ont profité de son engagement. Tous le décrivent comme un homme « bien ». Mais alors pourquoi sa propre famille ne veut pas témoigner ? Par pudeur ? De crainte de révéler un secret ? L’auteur comme le lecteur en est réduit aux hypothèses. Enfin, le livre se termine sur une réflexion à propos du bien . C’est intéressant de voir que même dans le pire système, il y a des individus qui ne feront pas exactement ce que des tortionnaires au pouvoir attendent d’eux. C’est ce que l’auteur définit comme ‘la banalité du bien » qui est en chacun de nous . Alors que » la banalité du mal » expression si mal comprise d’ Hannah Arendt est le fait d’êtres sadiques et dépravés qui se cachent derrière des êtres dont l’apparence et la vie sont banales.

Citations

Le recrutement nazi

L’une des forces du Nazisme sera hélas d’avoir su recruter aux deux extrêmes du spectre des compétences : d’un côté les brutes menacées de déclassement , profil largement répandu chez les Gauleiter, de l’autre les surdiplômés, notamment dans les disciplines juridiques, qui aurait réussi dans n’importe quel système et que l’on trouvera souvent chez les SS, spécialement dans les Einsatzkommandos exterminateurs sur le front de l’Est.

Je ne savais pas ça !

Un pasteur proche de la branche national-socialiste du protestantisme, les tenant du « Deutscher-Christ » (un Jésus non pas juif mais aryen)

Cet étrange Nazi

En ligne de résultats : Franz von Hoiningen a contribué à tirer au moins 574 Juifs, (964 avec « le dernier convoi ») des griffes des nazis au Luxembourg, dont de l’ordre de 470 vers un naufrage définitif hors d’Europe. Les recherches les plus récentes estime à 890 le nombre total des Juifs du Luxembourg qui ont pu quitter l’Europe occupée pendant la guerre : plus de la moitié de ces sauvetages définitifs doivent être attribués, au moins entre autres, au baron.

Un luxembourgeois conservateur : son père.

Un conservateur luxembourgeois, c’est d’abord quelqu’un qui soutient l’existence même du grand-duché et de la dynastie grand-ducale. Nonobstant l’influence culturelle allemande et la langue allemande dans le pays, et spécialement à travers une église alors puissante, ce nationalisme est davantage antiprussien et antiallemand qu’antifrançais ou qu’antibelge. L’épisode de 1914/1918 avait eu pour effet de conforter ce positionnement. Mon père avait par ailleurs pris goût pour la culture et la langue françaises, d’où son choix d’entamer ses études supérieures à Grenoble et à la Sorbonne, à à l’époque, il n’y avait pas d’université au grand-duché, et les bacheliers pouvaient choisir de poursuivre leurs études en Belgique, en France ou en Allemagne. Réactionnaire, il l’était, mais démocrate aussi et affichera donc ses sentiments pro-Alliés pendant la drôle de guerre.

La banalité du bien

Pourtant, ils sont mis par une combinaison assez similaire d’éthique de responsabilité et l’éthique de conviction. Ce ne sont pas des cyniques. La formule « noblesse oblige » ne s’applique pas au pied de la lettre, puisque seul Hoiningen fait partie de cette confrérie là : pourtant elle paraît résumer leur approche de la situation exceptionnelle dans ces années de feu. Aussi, on ne manquera pas de souligner l’importance capitale de la transmission éthique dans nos sociétés, transmission qui implique aussi une certaine compréhension de notre passé.

le cas de la Pologne et de la Hongrie

Des pays comme la Pologne où la Hongrie ne parviennent pas à apaiser leur relation au passé de la guerre froide en partie parce qu’ils n’ont fait que très imparfaitement leur travail de mémoire par rapport aux drames de la Seconde Guerre mondiale.

Appel au témoignage

Il y a une immense noblesse à faire le bien, surtout si cela implique de tourner le dos au système de croyances de son clan, de sa tribu. Cependant, l’action doit être prolongée par sa narration. Le taiseux baron, mais pas seulement lui, n’y était pas porté. Il est temps d’en parler. Et, en parlant, peut-être susciterons- nous d’autres vocations : des langues de proches se délieront, des archives familiales ou publiques s’ouvriront. En d’autres mots, et en retournant l’adage familier : pas seulement des actes mais aussi des paroles. Telle est la condition d’une transmission durable.

 Homère, pour autant qu’il est réellement existé, paraît avoir été de cet avis. Qui lui donnerait tort trois mille ans plus tard ?

Édition du seuil

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Un roman déjanté comme je les aime … presque. Cuné chez qui je l’avais noté a moins de réserves que moi. Il y a, en effet, un aspect que j’ai toujours du mal à accepter : la dérision des meurtres et ici d’un tueur en série. C’est ce qui lui a fait rater une étoile sur Luocine , mais que les amateurs de cet esprit de dérision se précipitent car dans le genre c’est très bien raconté. C’est drôle et c’est une très bonne satyre des comportements des humains d’aujourd’hui. La famille belge qui arrive dans un camping avec la radio à fond qui dérange tout le monde avec la plus grande désinvolture est à mourir de rire. Le personnage principal à qui nous devons cette histoire est un gigolo Dino Scala, il vit au crochet de Lucienne une femme de vingt ans son aînée immensément riche. Seulement, malheureusement pour lui, il y a aussi la belle mère Macha qui n’aime pas du tout Dino. Celui-ci doit fuir le Luxembourg paradis des millionnaires et de Dino et Lucienne après avoir été quelque peu violent avec un banquier. La description du Luxembourg fait partie des morceaux de bravoure de ce roman. Il arrive dans un camping de la côte d’Azur et rencontre un écrivain qui pour des raisons personnelles veut connaître le peuple d’en bas. Charles Desservy et Dino font un couple improbable lié par un secret qui les conduira très loin et au passage vous fera beaucoup sourire avec ce qui pour moi est une limite que l’on peut pour rendre la vie encore plus agréable se séparer en les assassinant des empêcheurs de tourner en rond.

 

Citations

Les vieux

Les vieux sont sympathique , en général . Même ceux qui , plus jeunes, étaient des crevures. On ne peut d’ailleurs jamais savoir comment ils étaient, avant , car ils finissent tous en mode « friendly » . Étant donné qu’il n’y a pas neuf humains dur dix de bienveillants, on peut en déduire que nos chers aînés s’assagissent avec l’âge. D’une certaine façon ce sont des faussaires, des fourbes, à l’image de tous ces dignitaires qui ont terminé leur vie en Argentine et qui s’appelaient Muller. Après avoir bien pourri leur monde, ils se détendent. La raison en est simple : ils se retrouvent en position de faiblesse. Fini l’autorité, fini les décisions et fini le permis de conduire, tiens, plus rien, tu demandes à ta fille pour aller pisser et t’es bien content qu’on te sorte à Noël. La peau comme du carton mouillé, le ventre gonflé, les pommettes tout en bas, les cheveux violets des femmes et le pue-de-la-bouche des hommes. Un naufrage.
La seule arme qui leur reste pour se défendre, c’est la gentillesse. Ils deviennent adorables pour qu’on les préserve et qu’on ne les pique pas.

Humour

J’étais présentement assis dans une berline de luxe, attendant que la porte du garage achève de se lever, dans le silence capitaliste de Kirchberg, ce quartier si paisible de Luxembourg. Ici, les Porsche et autres Maserati vieillissaient comme leurs propriétaires, jamais à plus de 70 km à l’heure.

Le Luxembourg

J’ai pris les courses dans le coffre et je les ai mises dans le monte-charge. Parce que ici, on ne monte pas ses courses. Ce sont les gens qui montent leurs courses et au Luxembourg, On n’est pas des gens, on est des Luxembourgeois.

Portraits

J’imaginais très bien quel genre de fille cela pouvait être. De bonnes intentions et de l’altruisme. Elles trouvent que l’Inde est un pays extra et le Pérou l’avenir de l’humanité. Plus tard, elle rouleront dans une voiture hybride à quarante mille euros et elles dormiront dans des draps de chanvre. Elles mangent des graines et boivent du jus de pomme artisanal diarrhéique , font des Nouvel An tofu-tisane et partent à l’autre bout du monde pour enseigner l’anglais a des animaux malades.

Des regrets de n’avoir pas fait d’études

Et pourquoi je n’ai pas fait des études, tiens ? Pour devenir, je ne sais pas moi, médecin ? Tout le monde peut le faire, médecin, c’est qu’un boucher avec beaucoup de mémoire, un médecin.

Le Luxembourg

Le site le plus visité du Luxembourg ce n’est ni le Palais-Royal, ni le Musée d’Art Contemporain, ni rien de ce à quoi on pourrait s’attendre. Le site le plus visité du Luxembourg est l’aire d’autoroute de Berchem. On y trouve ce que ce pays a de mieux à offrir aux frontaliers et aux Européens de passage, de l’essence et des clopes moins cher qu’ailleurs. Cette station service Shell, démesurée par sa taille et par le nombre de cartouches de cigarettes vendues, qui compte un McDonald’s et un café Starbucks, contient en elle-même toute la quintessence du Luxembourg. Elle est la parfaite métaphore du Grand-Duché, un pays où on ne fait que passer et où l’on ne vient que pour l’argent. Une banque, quoi, avec le petit plus d’une décoration sympa, la famille royale.

La différence de classe

Charles et moi avons gentiment entrepris de préparer notre soirée, sur sa terrasse à lui. Dans l’effet, je me suis retrouvé avec le couteau à huître dans les mains et Charles avec une coupe de champagne. Le colon et son bougnoule. Avec lui les bulles, moi les doigts massacrer. Les huîtres, allez, au boulot.

La famille belge tatouée

La famille avait un point commun : les tatouages. Ils évoluaient en portant sur eux les autocollants de frigo de leurs convictions, des messages si obscurs qu’ils devaient certainement passer des heures à expliquer le sens des c’est Post-it qu’ils se trimbalaient. Genre leur prénom traduit en dialecte inca. Et comment on dit Kevin en Maya, hein ? Et Cindy, en aztèque ? J’imaginais qu’ils devaient aussi avoir des slogans quelque part, sur un quelconque tibia, sur un bout de fesse. Un cri de ralliement de la contre-culture d’il y a trente ans. D’où j’étais, je pouvais reconnaître sur l’épaule de la mère, une mésange. Enfin ce qui avait dû être une mésange, à l’époque, ressemblait maintenant davantage à un chapon.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Je n’ai pas trop accroché à ce roman qui possède pourtant des qualités certaines. Un homme, devenu SDF par manque d’amour et de réussite passe son temps sur la frontière Franco-Italienne dans les Alpes. Il y croise un autre « chemineau » qui a été moine chartreux autrefois et à eux deux, ils représentent ceux que notre société ne peut pas accepter : des itinérants qui n’attendent plus rien de la société des hommes. Coublevie, notre SDF, s’arrête parfois dans le Café du Nord, lieu de réunion d’une bande de paumés alcoolisés. Mais dans ce café vit aussi Camille, la fille du bistrotier, qui éveille des convoitises masculines, car elle est jeune et si belle. Et puis c’est le drame, un des habitués est retrouvé assassiné.
Je ne vous en dis pas plus car je divulgâcherai ce roman. La force de son propos tient dans le fait que nous sommes dans la tête de Robert Coublevie qui est loin d’avoir les idées claires. Ce roman m’a fait un peu penser à Farrago, qui est un de mes romans préférés. On suit ici aussi une errance de quelqu’un qui a si peu de chance de s’en sortir mais qui connaît très bien la nature où il trouve refuge. Ici, c’est la montagne et cela nous vaut de très belles descriptions. D’où viennent donc, mes réserves ? Certainement de l’aspect répétitif des situations et des descriptions. Le cerveau embrumé de Robert a peu à peu endormi mon intérêt. Mais je suis sûre que ce roman peut trouver son public et j’y ai trouvé de très belles pages.

Citations

 

Portrait

J’ai pas encore parlé de Tapenade, un autre habitué du café du Nord, une relation de bureau en quelques sortes, retraités agent supplétif, j’en sais rien, mais un type heureux, fier d’être en vie et surtout fier de rien branler, avec un bon sourire de Chérubin céleste et, juste au-dessus, un tas de cheveux gras et filasse que c’en est une désolation. Le vrai poivrot des jours heureux… Mounir l’appelle première pression à froid mais c’est un peu long et le type boit jamais bière, seulement des petits jaunes… Je préfère Tapenade.

Réflexion

La mémoire, c’est un piège. Elle rassemble nos échecs et nos déceptions, elle classe toutes ces misères, elle les accumule dans le foutoir intime, là où ça pourrit sans ordre et sans façon. Crois-moi, elle nous fait vraiment souffrir, la mémoire, genre élancements dentaux, vieilles caries qui se réveillent. 

Réflexion dans une chapelle

C’est pas Dieu qui importe. C’est ce truc-là, le téléphone. On passe notre vie à le tapoter, le guetter, le consulter et, dès qu’il reste muet une demi-heure, on pète de trouille. On a vraiment peur qu’il reste silencieux. Avec Dieu, le silence, quand même, on a l’habitude.

Paysage de montagne

On arrive à la chapelle de Constance avec sa petite croix en pierre, sa fontaine dans un tronc de mélèzes, ces fleurs et son toit de bardeaux. 
Je la connais, cette chapelle.
 C’est là, dans un recoin, le long du ruisselet canalisé en fontaine, que sortent les premières violette, les toutes premières de l’année, celle qui sentent la guimauve, l’enfance et la Résurrection. Cette fois, en plus des violettes, l’églantier est en boutons… Je tends le.doigts vers les roses sauvages qui pointent leur nez au milieu des épines.