Édition Le livre de poche. Traduit de l’espagnol par Isabelle Gugnon

 

Je dois ce roman à Violette , et, vingt pages plus tard, j’ai bien failli le laisser tomber. J’ai relu son billet et je me suis accrochée, je dois l’avouer ce roman a fini par me plaire, il est, pour moi, un excellent roman policier. C’est la preuve que la blogosphère fonctionne bien, elle peut me faire sortir de ma zone de confort. Qu’est ce que j’appelle un « excellent » policier ? Un roman où tous les fils finissent par se réunir et donner une logique au récit. Pour moi, peu importe que l’on devine ou pas la chute finale, ce que j’aime c’est de voir que tout rendre dans l’ordre à la fin. Et ici ce n’était pas gagné ! Car nous sommes dans le cerveau d’un homme malade qui souffre de ne pas se souvenir de ce qu’il a fait exactement. Si j’ai failli laisser tomber c’est que j’étais partie sur une autre intrigue, en effet, je pensais partir avec quelqu’un qui n’avait plus rien à perdre. C’est une question que je me pose parfois : qu’est ce que je changerai à ma vie si je connaissais l’heure de ma mort ? Est ce que comme Ted j’accepterai de commettre un meurtre d’une crapule finie qui a échappé à la justice ? Mais ce n’est pas du tout le sujet du roman. Il raconte la reconstitution de la mémoire de quelqu’un qui a commis un fait très grave. L’auteur très habilement nous fait passer par des moments très différents : on croit Ted, le personnage principal, parfois victime d’un complot où tout le monde se ligue contre lui et parfois très logiquement, on a peur qu’il ne soit une véritable crapule responsable de meurtres en série.

La quatrième de couverture parle d’analogie avec Shutter Island. Je suis d’accord, on retrouve cette même angoisse latente. Sauf qu’ici on sait très vite que le personnage principal est dans un hôpital psychiatrique.

Un moment de lecture très prenant et à mon tour, je recommande la lecture à tous les amateurs du genre (entre polar et thriller).

 

Citations

La folie et le terrain de basket

Regarde ce terrain de basket. Il y a deux côtés clairement différenciés et séparés par une ligne. C’est la même chose entre le monde réel et le monde de la folie. Soit tu as toute ta tête, soit tu es fou, c’est l’un ou l’autre fois tu joues dans une équipe ou dans l’autre, et si tu es enfermé ici, si tu as de la chance, si les médicaments fonctionnent et si les docteurs identifient ton problème et appliquent le bon traitement, tu pourras peut-être changer d’équipe, au moins un moment. Mais tu ne peux pas jouer dans les deux équipes à la fois, tu comprends 
Tu vois le rond au milieu du terrain ? C’est une zone intermédiaire. J’aime cette analogie, je n’y avais encore jamais pensé. Souvent je m’assois ici et je réfléchis à tout ça. Ce rond est la porte qui relie les deux mondes, l’endroit on n’est pas censé être, parce que, précisément, on ne peut pas jouer dans les deux équipes. Pourtant il y a des gens comme toi, moi ou Esposito, qui y restent pendant une période plus ou moins longue. Ils sont devant la porte. Bien entendu ce n’est pas ce qu’il y a de mieux. Le rond est dangereux, ajouta-t-il après avoir marqué une pause. Les deux mondes y coexistent.

Le cerveau malade raconté par un autre malade

Ted ce que je viens de te dire est vrai, ton cerveau guérira et ouvrira cette porte le moment venu. Tu te souviendras de ton ami et des raisons pour lesquelles tu l’as frappé. Tous ces …. « cycles » dont tu m’as parlé sont une tentative de ton esprit pour fabriquer une illusion qui te protège, comme les toiles de fond des décors au théâtre. Quand l’illusion disparaîtra, tu verras ce qui se cache derrière. L’opossum t’y conduira quand tu seras prêt, mais attention, ça peut se révéler dangereux.

 

 

 

Éditions Rivages . Traduit de l’anglais (Étais-Unis) par Martine Aubert.

Je l’avais repéré chez Katel mais je sais que vous êtes plusieurs à en avoir parlé. J’ai bien aimé ce roman mais sans en faire un coup de coeur . Je commence par mes réserves pour ensuite aller vers ce qui m’a permis d’aller au bout des 576 pages (roman américain oblige !).

Le fil conducteur du roman c’est une maison du XIX ° siècle qui s’effondre sur ses occupants. En 1871 , la famille de l’instituteur Thatcher Greenwood est divisée à propos de leur voisine Mary Treat personnage qui a vraiment existé. En 2016, la maison (enfin le roman montrera que ce n’est pas si simple) est occupée par la famille de Willa et Iano Tavoularis .
Voilà pour les présentations, le roman se divise donc en chapitres qui alternent en 1871 et en 2016. C’est ma première difficulté, à peine est-on bien installé avec une des deux familles qu’il faut la quitter pour sauter les siècles et entrer dans une autre problématique. Il y a aussi chez cette auteure des « trucs » pour lier les deux parties du roman que j’ai trouvés complètement artificiels . Le dernier mot du chapitre sert de titre au chapitre précédent. Dans l’histoire qui se passe en 2016 il y a un bébé qui pleure beaucoup, on entendra des pleurs de bébé dans une réunion en 1871. Ce sont des détails, ce qui m’a le plus gênée, c’est le politiquement correct des propos du roman. L’héroïne de 1871 est une femme remarquable et reconnue à son époque qui ne semble en rien porter les thèses féministes d’aujourd’hui. La montée de Trump en 2016 est incarné par un grand père acariâtre, raciste et borné . Et l’idéal de vie d’un des personnages la fille de Willa se passe à Cuba où tout semble paradisiaque. En lisant ce roman, j’ai pensé que pour que l’Amérique redevienne une grande nation il faudrait que les démocrates cultivés fassent des efforts pour ne pas uniquement mépriser les « trumpistes » sans chercher à les comprendre.

Et pourtant j’ai aimé lire ce roman . Car il décrit bien une Amérique que nous avons vue se déchirer lors des dernières élections. On voit aussi comment une classe moyenne est toujours à la limite de la pauvreté. On voit aussi, combien il a été difficile pour les Américains des siècles passés de s’affranchir de la pensée religieuse . On sait que pour beaucoup d’habitants de ce grand pays Darwin est un auteur maudit qui contredit la sainte Bible. Le pire étant, qu’aujourd’hui encore, c’est l’opinion de certains américains. Mary Treat est une scientifique reconnue dès son époque et qui a entretenu une correspondance avec Darwin et tous les grands noms de l’époque. Le personnage de l’instituteur est une fiction romanesque mais qui permet de représenter la difficulté d’inculquer dans une petite ville une réflexion scientifique, surtout sans prononcer le nom de Darwin qui équivaudrait à une mise à pied immédiate. La ville a été créée par un Charles Landis -personnage historique- un promoteur entré en politique pour assouvir sa soif d’argent et de pouvoir (encore une allusion !) . Pour Willa en 2016 les difficultés sont avant tout financières. Elle cherche par tous les moyens à sauver la maison qui s’effondre. Elle pense que Mary Treat y a habité et veut donc faire classer sa maison, elle découvre qu’elle a habité en face dans une maison actuellement démolie, elle pense alors que c’est la maison de l’instituteur mais hélas ! pour elle cette maison est plus récente. Tout cela avec le soucis de la fin de vie de son beau-père qui comme beaucoup d’américains est mal couvert par son assurance maladie. Et l’arrivée chez son fils aîné d’un bébé que la mort brutale de sa belle fille (donc de la maman du bébé) rendra orphelin de mère . Son fils Zeke sera incapable de faire face au deuil de sa femme et à l’arrivée du bébé. Et j’oubliais la vieillesse et la mort de son chien qui semblent plus l’affecter que l’horreur de la fin de vie de son beau père dont les membres sont « bouffés » par la gangrène à cause de son diabète.

Une plongée dans l’Amérique et qui permet de mieux comprendre pourquoi elle est si divisée aujourd’hui.

 

Citations

Le statut des professeurs d’université aux US

Des tas d’universitaires passaient leur vie à courir de ville en ville après leur titularisation. Ils constituaient une classe nouvelle de nomades cultivés, qui élevaient des enfants sans vraiment pouvoir répondre à la question de savoir où ils avaient grandi. Dans une succession de maisons provisoires, avec des parents qui avaient des horaires de folie, voilà la réponse. Des enfants qui faisaient leurs devoirs dans un couloir pendant que leurs parents étaient en réunion de professeurs. Qui jouaient à cache-cache avec les mômes des physiciens et des historiens de l’art sur la pelouse de quelque doyen pendant que les adultes sifflaient du chablis bon marché et se lamentaient en chœur contre leur chef de département. Et aujourd’hui, sans une plainte, Iano avait accepté un poste d’enseignant qui faisait insulte à un homme possédant de telles références.

D’où vient le titre en français mais je ne trouve pas cela très clair.

– Mais nous sommes des créatures comme les autres. La vérité de Mr. Darwin est incontestable.
-Et parce qu’elle est vraie, nous la contesterons comme le font les êtres vivants. Nos yeux ne sont pas neufs, pas plus que nos dents et nos griffes. J’entrevois hélas un grand travail de sape pour retrouver nos vieilles suprématies, madame Treat. Nulle créature n’accepte facilement de vivre à découvert.
 – À découvert, nous nous tenons dans la lumière.
– À découvert, nous nous savons destinés à mourir.

L’immigration mexicaine

– Je vois. Les migrants mexicains illégaux ont envahi ton usine, ont mis les types blancs à terre, les ont conduit à la sortie, et puis ils ont dit à l’entreprise : « Hé patron nous, on n’a pas besoin des salaires minimums syndicaux. »
C’est comme ça que ça s’est passé ?
 – Pas exactement.
– Les lois ont changé de sorte que les propriétaires d’usines ont eu les moyens de casser les grèves, dans les années quatre-vingt. Je le sais, je couvrais l’actualité syndicale à l’époque. L’échelle des salaires s’est effondré. Tu le sais, Nick. Tu as pas été forcé de prendre une retraite anticipée ?
Nick ne répondit pas. Elle savait que le licenciement l’avait blessé dans sa fierté. Willa eut un pincement au cœur, pas de sympathie envers un compagnon d’infortune, mais d’excitation au souvenir de son secteur et des polémiques passionnantes. Les reporters plus âgés s’étaint moqués d’elle, qui venait travailler en basket pour qu’on l’envoie couvrir un affrontement sur un piquet de grève, mais les infos qu’elle en ramenait ne les faisaient plus rire du tout. Elle était tellement inexpérimentée à l’époque, pas facile d’acquérir le style cool du journaliste professionnel, et de ne pas aborder ces sujets de manière émotionnelle. Même s’ils se prenaient des bombes lacrymogènes.
-S’il n’y a que des travailleurs Mexicains dans cette usine aujourd’hui, ajouta-t-elle, consciente de s’adresser à un sourd, c’est parce que personne d’autre ne veut faire un boulot aussi dangereux pour un salaire minable.

Pour toutes les personnes qui ont connu des bébés qui ne veulent pas dormir

Le bébé gagnait en civilité mais continuait à résister aux siestes de l’après-midi plus férocement qu’il semblait possible chez un bébé de cinq mois. Il en venait à être si fatigué que sa tête molle s’affaissait sur sa tige, mais même avec le biberon de l’après-midi il refusait de d’assoupir comme un bébé normal. Il tétait son lait maternisé le front plissé jusqu’à ce que son déjeuner liquide fasse place à un sifflement gazeux, puis hurlait aux injustices de la vie. Willa avait essayé de lui proposer un deuxième biberon à la suite du premier. Tout le monde avait tenté quelque chose, le bercer, le promener, voire le laisser « pleurer jusqu’à épuisement » comme les experts le recommandaient aujourd’hui, mais cet enfant était capable de pleurer des heures.

Édition « le livre de poche » , Traduit de l’Anglais (Australie) par Béatrice Taupeau

 

L’époque étant ce qu’elle est, je suis souvent à la recherche de lectures pas trop violentes. J’ai trouvé cette suggestion chez Aifelle . Et ce roman a bien rempli son office. Je suis partie en Australie à la sortie d’une école maternelle avec des gens surinvestis dans leur rôle de parents compétents, il y a bien sûr plus de mamans que de papas mais ces derniers ont aussi un rôle important à jouer. Dès le début nous savons que lors d’une soirée à l’école, il y a eu un mort et donc une enquête pour connaître les circonstances de ce drame. Le roman raconte en détail ce qui s’est passé pour en arriver là. Nous plongeons donc dans la vie de quatre familles : la famille la plus importante pour l’intrigue est celle de Céleste et Perry , un couple idéal, des parents jeunes, sportifs beaux et riches mais qui cachent un lourd secret de violence conjugale . Celui de Madeline et Ed avec un problème pour Madeline de se retrouver parent d’élève avec son ex-mari et sa nouvelle femme parfaite, Bonny, ce qu’elle n’est absolument pas. Enfin il y a Jane et son petit garçon Ziggy qui sera accusé d’être harceleur ce qu’il n’était pas. Tous ces personnages gravitent donc autour des activités scolaires dirigées par le « clan des « serre-tête » qui interviennent fort mal à propos dans les histoires des enfants.

L’auteure a un bon sens de l’observation et s’amuse visiblement avec tout ce petit monde, il y a hélas derrière tout cela une femme qui doit échapper à l’emprise d’un homme violent et c’est vraiment bien raconté. Comme souvent, pour les romans style romans américains (et pourtant l’auteure est Australienne) je trouve que le récit se traîne un peu longueur mais c’est une lecture facile qui permet de quitter facilement le monde du Covid !. Je ne suis pas surprise que l’on en ai fait une série.

 

 

Citations

J’aime ce sens de l’observation, on se sent tout de suite à une sortie d’école en Australie

Mais elle adorait entendre l’incroyable brouhaha de voix enfantines à intervalles réguliers dans la journée, et comme elle ne se déplaçait plus en voiture, elle n’avait que faire des embouteillages dans la rue, causés par ces énormes véhicules que tout le monde conduisait aujourd’hui, et ses femmes affublés d’immenses lunettes de soleil qui se penchaient sur leur volant pour échanger à tue-tête des informations de la plus haute importance concernant le cours de danse de Harriette et la séance d’orthophonie de Charlie.
Comme elles prenaient le rôle de mère au sérieux. Il fallait les voir, avec leur petit visage affolé, leur démarche dynamique et leur air important lorsqu’elles pénétraient dans l’école, fesses moulées dans leur tenue de gym, queue de cheval au vent, regards rivés sur l’écran de leur téléphone portable au creux de la main telle une boussole.

Les enfants à hauts potentiels

Chaque semaine, Renata et Harper fréquentaient le même groupe d’entraide destiné aux parents d’enfants à « haut potentiel ». Madeline les imaginait sans peine, installés en cercle, se tordant les mains d’angoisse, le cœur secrètement gonflé d’orgueil.

Une femme maltraitée

Sans compter que son indécision reposait sur un fait indéniable : elle aimait son mari. Passionnément. Il la rendait heureuse, la faisait rire. Elle adorait discuter avec lui, regarder la télévision avec lui, à rester au lit avec lui le matin quand le temps était froid et pluvieux. Elle le désirait toujours.
 Mais rester, c’était lui donner la permission implicite de recommencer. Elle en avait bien conscience. C’était une femme instruite, elle avait plusieurs options, des endroits où se réfugier, des amis et des parents pour la soutenir, des avocats pour la défendre. Elle pouvait reprendre le travail, subvenir à ses besoins. Elle pouvait le quitter sans craindre qu’il l’a tue. Sans craindre qu’il lui prenne les enfants.

Attitude des parents de maternelle face à un enterrement du père d’un de leur camarade

Ceux qui avaient choisi de mettre leur cher petit à l’abri d’une telle expérience tablaient sur le fait que les enfants qui n’auraient pas cette chance feraient des cauchemars et seraient traumatisés à vie, suffisamment en tout cas pour que le résultat d’examen au lycée s’en ressentent. Les autres espéraient que cette expérience serait une leçon précieuse pour leurs bambins, leçon sur le cycle de la vie, l’importance d’épauler leurs amis dans la détresse. Elle les rendrait plus « résistants  » plus à même de se tenir à l’écart des conduites à risque à l’adolescence.

 

Tableau d’Emmanuel Witte : La femme à l’épinette sujet du livre

 


 

Un très court roman de cette auteure que j’aime beaucoup. Elle a scruté ce tableau pour comprendre cette femme que l’on ne voit que de dos. Je regarde souvent un tableau en essayant de faire revivre cette autre femme :

Je pense qu’il s’agit d’une femme de pêcheur qui sourit car la mer ne lui a pas pris, cette fois encore, l’homme qui ramène les poissons du jour.

 

Édition j’ai lu 

Gaëlle Josse en sait plus que moi sur la femme à l’épinette son nom : Magdalena Von Beyeren l’épouse de l’administrateur de la Compagnie Néerlandaise des Indes Orientales, il fallait beaucoup d’argent pour commander et payer un tableau d’Emmanuel De Witte. Avec tout le talent qu’on connait à cette auteure, elle nous fait revivre la vie d’une femme de 1667 en Hollande. elle imagine que cette femme aurait bien voulu avoir une autre vie que celle d’épouse d’un administrateur des Indes et être Administatrice . Malheureusement à cette époque les femmes n’avaient pas d’autres choix que d’être fille, épouse et mère. Pourtant penchée sur son épinette quels rêves pouvaient bien avoir cette femme ? Gaëlle Josse lui a donné vie et c’est, encore une fois, bien agréable à lire car elle le fait avec un style très agréable à lire. Mais je pense que c’est un petit roman qui s’oublie assez vite

Citations

Toujours vrai et bien dit

Je n’ai pas de goût pour les confidences que s’échangent les femmes entre elles. Trop souvent, on voit le secret de l’une, sitôt franchi ses lèvres, porté à la connaissance des autres. Il devient leur jouet et elles en disposent à leur guise. Ce ne sont que broderies et arabesques, chacune y ajoute ses motifs et ses couleurs, et la réalité de l’affaire disparaît sous les ornements.

La Hollande

L’ordre, la mesure et le travail sont des remparts contre les embarras de l’existence. C’est ce qu’on nous apprend dès l’enfance. Vanité de croire cela. Chaque jour qui passe me rappelle, si besoin était, que la conduite d’une vie n’est en rien semblable à celle d’un stock d’épices ou de porcelaine.
 Ce que nous tentons de bâtir autour de nous ressemble aux digues que les hommes construisent pour empêcher la mer de nous submerger. Ce sont des édifices fragiles dont se jouent les éléments. Elles restent toujours à consolider ou à refaire. Le cœur des hommes est d’une moindre résistance, je le crains.

 

Édition JC Lattès, traduit de l’anglais par Freddy Michalski

Une histoire à deux voix, deux jeunesses , celle d’Odile qui a vingt ans en 1939 à Paris et Lily qui en a seize en 1988 à Froid dans le Montana. Lily rencontre Odile qui vit à Froid à l’occasion d’un exposé sur la France. Les deux vies vont se dérouler devant nos yeux. Odile réussit, grâce à l’énergie de sa jeunesse à être employée à la Bibliothèques américaine de Paris , et elle y a trouvé le bonheur au milieu des livres qu’elle aime tant. Elle est issue de la petite bourgeoisie parisienne, sa mère est prisonnière de toutes les convenances sociales, et son père, commissaire de police mène sa famille d’une main de fer. La bibliothèque est son espace de liberté dont elle a besoin pour devenir pleinement adulte. La guerre va détruire tout cela et détruira Odile en lui mettant devant les yeux ce qu’elle ne voulait pas voir. La vie de Lily est moins tragique même si elle perd sa mère trop tôt et se retrouve vivre avec une belle mère et deux petits frères aussi adorables que fatigants. Odile aidera, Lily à comprendre sa belle mère et surtout à ne pas perdre son amitié pour Mary-Louise. La solitude d’Odile loin de sa famille parisienne cache bien des drames qui ne sont révélés que peu à peu. Très vite on comprend que les juifs qui disparaissent peu à peu de l’univers de la bibliothèque vont hanter l’esprit d’Odile mais le pire est à venir et on le découvrira à travers la vie de Margaret son amie anglaise qui a réussi à rester vivre à Paris.

J’avoue ne pas avoir beaucoup apprécié cette lecture malgré l’importance donnée aux livres. Je ne crois pas aux personnages et je sens que tout l’intérêt vient du dévoilement progressif des horreurs de la guerre à Paris . Finalement le pire est une réaction de jalousie d’Odile vis à vis de Margaret. Quand j’ai lu ce roman, je me disais que lorsque les Français ont connu cette période ou que leurs descendants essaient de transcrire ce qu’ont vécu leurs aïeux, ils le font de façon beaucoup plus juste . Ici, on a le regard d’une américaine sur la France et cela se déroule comme dans un film américain où toutes les explications psychologiques sont si simples à comprendre et la réalité de la France occupée par les Nazis comme un décor pour un film à suspens.

 

 

Citations

 

L’amour d’un père dans le Montana

– Les gens sont maladroits, ils ne savent pas toujours ce qu’il faut faire ou dire. Essaie de ne pas leur en tenir rigueur. Tu ne sais jamais ce qu’ils ont dans le coeur. 

– Papa est trop souvent absent.
– Oh, quel dommage que les bébés ne gardent aucun souvenir de la manière dont ils ont été chéris. Ton papa t’a bercée dans ses bras des nuits durant.

En 1939 à Paris, dans une famille conventionnelle

Les hommes importants ont des maîtresses, poursuivit-il. C’est un symbole de statut social, comme une montre en or.
– Le divorce, avait répété maman d’une voix blanche. Mais qu’allons nous dire aux gens ?
Ma mère avait une tournure d’esprit bien à elle et sa première réaction était invariablement :  » Que vont penser les gens ? » Elle avait jeté un coup d’œil à Mgr Clément qui se tenait sur les marches de l’église. 
– C’est tout ce que tu trouves, à dire ? s’était exclamé tante Caro.
– Tu ne pourras pas assister à la messe.

 

Édition de l’Olivier

Je pensais avoir déjà mis des romans de cet auteur sur mon blog mais puisque je ne l’ai pas encore fait, je vais commencer par celui-là qui a eu le grand mérite de m’occuper pendant deux jours pendant cette horrible période de confinement au printemps 2020. Nous sommes en 2008, et le narrateur un Paul Stern qui doit avoir quelques points communs avec l’auteur, est accablé par une famille assez lourde. Son oncle Charles et son père se détestent. Son père a formé avec sa mère un couple traditionnel, catholique très conservateur qui a un peu étouffé leur fils unique Paul. Le père a eu bien des déboires financiers et a mené une vie assez étriquée, Charles est tout le contraire, il est très riche, vit avec une femme sans être marié qu’il appelle John-Johnny et a de nombreuses maîtresses. Il cherche par tous les moyens à écraser son frère en particulier en achetant des bateaux à moteur très puissants. Ce frère meurt, et le père du narrateur hérite et avoue à son fils qu’il n’a jamais eu la foi et qu’il n’a jamais aimé sa femme… Dans sa propre famille Paul ne comprend pas pourquoi sa femme Anna est dépressive au point de ne plus avoir envie de rien et de dormir toute la journée. En revanche, ses trois enfants ont l’air d’aller bien. Paul Stern part une année à Los Angeles pour rédiger le script d’un film tiré d’un mauvais film français. L’intérêt du roman vient de la peinture du monde de Los Angeles, d’Hollywood exactement et c’est vraiment terrible de voir comment ce grand pays maltraite sa population vieillissante et pauvre. Evidemment la peur de vieillir est encore plus terrible pour les acteurs. Son année aux US est ponctuée par les coups de fils de son père qui n’arrive pas à se mettre dans la tête le décalage horaire, et l’on voit cet homme que son fils a connu toute sa vie très coincé se lâcher dans les plaisirs du sexe et de l’argent. Paul reviendra en France et retrouvera une Anna plus en forme et on l’espère pour lui, une vie familiale plus épanouie.

Il manque de la profondeur à ce roman, en particulier sur les malaises de sa propre famille. On a aucune explication au mal-être d’Anna mais ce n’est sans doute pas ce que voulait faire l’auteur. En revanche l’auteur ne manque pas d’humour et son livre est riche d’impressions hélas trop justes sur l’envers du décor de la réussite américaine.

 

Citations

Ambiance dès le début du roman

Pour autant qu’il m’en souvienne, je n’ai jamais vu vivre ces deux hommes autrement que dans l’exécration et le conflit. Mon oncle, propriétaire de biens, installé à Paris – en outre le seul individu que j’ai connu à posséder un portefeuille en velours pourpre-, tenait son frère pour un velléitaire envieux, un raté oxydé par la province et l’aigreur, tandis que mon père, lorsqu’il évoquait les frasques de son aîné, commençait inévitablement par cette phrase : »Le sauteur s’est encore fait remarquer. » Ce terme désuet était assez approprié à l’univers des frères Stern.

Les deux frères

À quai, les frères s’épiaient . Quand l’un larguait les amarres, l’autre, en général Charles, le suivait précipitamment. À la sortie du chenal, le rituel était toujours le même : mon père calait son régime moteur à 1800 tours par minute – ce qui lui garantissait une consommation horaire d’un litre et demi de gas-oil- et sa ligne sur un cap à l’ouest tandis que son frère derrière lui, lançait ses turbines rugissantes. Au moment où il était dépassé sur bâbord, mon père s’efforçait de demeurer impavide dans la gerbe d’écume, n’adressant pas même un regard à l’énergumène qui envoyait son bateau ballotter dans tous les sens, ce chauffard des mers qu’il ne connaissait que trop.

Portrait d un acteur

 Il faut s’aider de la beauté nébuleuse caractéristique de ces médiocres acteurs dont on ne se rappelle jamais le nom. Il était à l’âge charnière où l’on pouvait encore deviner l’enfant imbuvable qu’il avait été et voir déjà le sale con qu’il s’apprêtait à devenir.

Ce roman date de 2008 mais ce qu’il décrit est encore vrai aujourd’hui.

Il ne rejoindrait pas la cohorte de ces retraités qui se rendaient à leur travail à l’heure où, le soir, je rentrais chez moi. On ne dit pas assez la violence extrême et quotidienne que ce pays inflige à ses ressortissants, aux plus pauvres, aux plus faibles d’entre eux. Pour survivre, payer le loyer et leurs soins médicaux, un nombre croissant d’hommes et de femmes cumule deux emplois. Le jour ils embauchent dans des supermarché ou des compagnies de nettoyage et, la nuit les hommes gardent des parkings tandis que les femmes servent dans les « diners » ouverts vingt quatre heures sur vingt quatre. La ville, le pays tout entier usent ses vieux jusqu’à la corde, puis les jettent à la rue quand ils n’ont plus les moyens de se payer un logement.

Je trouve cela très vrai :

Et je m’étais lancé dans le récit d’un scénario que j’improvisais et modelais tout en le racontant. Ce n’était pas la première fois que je le constatais , mais cela me surprenait chaque fois : l’esprit n’est qu’une matière inerte, un moteur découplé. Pour fonctionner il lui faut un carburant terriblement volatil et précieux : le désir.

Le re-mariage de son père avec la concubine de son propre frère

Je vis surgir mon père dans un costume beurre frais, sans doute taillé pour Maurice Chevalier, canotier compris, s’avancer vers le Maire au bras d’une femme sans doute séduisante, mais moulée dans une robe de taffetas blanc aux lignes emberlificotées qui mouraient vers l’arrière en une esquisse de traîne timidement inachevée. Françoise-Johnny portait un chapeau de la même matière, l’une de ces choses effrayantes que l’on ne voit plus que sur certains hippodromes britanniques, et qui retombait sur ses épaules à la façon d’un col de cygne mort. Je me demandais si c’était l’amour ou l’âge qui rendait à ce point fou. À moins que ce ne fût les deux.

Un milliardaire américain

Pourquoi les milliardaires adoptaient-il toujours le mauvais goût des empereurs et éprouvaient-ils le besoin irrépressible, d’enluminer, de dorer ce qui déjà suintait l’argent ? J’ignorais à partir de quelle quantité de diéthylamide d’acide lysergique (LSD) ce décor de péplum devenait acceptable, mais pour un promeneur néophyte il était une constante irritation oculaire. Même si, dans son genre, Ames n’était sans doute pas le pire. Pour un homme réputé compliqué, il aimait plutôt les choses simples, les colonnes hellènes, un horizon de marbre, des moulures à palmettes, les plafonds sixtiniens, un mobilier emperlouzés,des portes sculptées aux poignées poinçonnées.

Humour

Tu sais comment je l’appelle ? Forrest Gump. Parce qu’il passe la moitié du temps à courir pour se maintenir en forme et l’autre à galoper pour échapper à sa femme. C’est ça, je baise avec Forrest Gump.

Le golf

Alors ce golf ?
– Je ne sais pas jouer. Ce n’est vraiment pas mon sport.
– Qu’est-ce que vous me dites là ? Le golf n’est le sport de personnes, Paul. Les types qui le pratiquent l’ont choisi par défaut, parce qu’ils ont échoué dans d’autres disciplines par manque de vitesse, d’adresse, d’endurance de force. Le golfeur dissimule une petite infirmité, c’est pour ça qu’il fait son parcours en voiturette électrique.

LOS Angeles

Elle incarnait toute la pensée désaxée de ce pays, cette espèce de religiosité spongieuse, de verroterie spirituelle, de macédoine sociale, avec des pauvres pour ramasser les merdes des chiens, des vieux pour garer des voitures, Edwards pour livrer des pizzas, un remède de cheval pour calmer Efrain et des champignons pour guérir les angoisses vertébrale, C4 C5 incluses. Ce pays était une secte, avec ses rites économiques et ses gourous fanatiques.

Un roman qui ne vous apprendra pas grand chose ni sur la spoliation des biens juifs, ni sur la romancière qui met en scène sa propre famille. Elle est la petite fille de Jules Strauss qui fut un des plus grand collectionneur d’œuvres d’art parisien du début du XX° siècle.

Par pudeur sans doute, elle ne s’étend que très peu sur les souffrances de cette famille. Je pense que, comme moi, elle a entendu parfois « Ah, encore une histoire de juifs pendant la guerre » et qu’elle n’a pas voulu insister. Je comprends et c’est compliqué aujourd’hui d’écrire sur ce sujet mais il m’a manqué quelque chose dans cette quête . Une âme je crois, celle qu’on sent dans le regard de cet homme : Jules Strauss.

En revanche vous apprendrez beaucoup de choses sur la difficulté d’obtenir la restitution de biens spoliés (essentiellement aux familles juives) par les nazis et autres comparses pendant la guerre . – À ce propos , j’ai regardé le film « Rue Lauriston » avec Michel Blanc, c’est un film remarquable tous les acteurs sont excellents et on comprend tellement bien la façon dont on traitait le juifs et leurs biens ! et ici il s’agit de Français !- . C’est incroyable ce que Pauline Baer de Pérignon est amenée à faire pour récupérer un seul des dessins ayant appartenu à son grand père . On pourrait penser que cette seule photo pourrait faire la preuve que Jules Strauss avait bien une collection digne des musées et que tout le monde allait aider sa petite fille à retrouver une partie des biens, loin s’en faut !

Cet aspect du roman est passionnant , c’est d’ailleurs ce qui a plu à Aifelle . On peut en effet se douter que si la famille ne possède plus aucun tableau de cette superbe collection c’est que les grands parents de Pauline Baer de Pérignon ont été « contraints » de vendre. Et vous savez quoi ? Où dormait le dessin pour lequel, au bout de trois ans d’investigation, la preuve de la spoliation ne fera aucun doute ? Au Louvre dans les réserves. On peut se dire que la famille ne l’avait pas réclamé mais c’est faux sa grand-mère avait monté un dossier tout de suite après la guerre. En vain ! L’administration française n’a RIEN fait pour les aider, plus grave en réalité beaucoup de gens savaient que la provenance du dessin était douteuse mais rien n’était entrepris pour retrouver sa provenance alors que ce n’était pas très compliqué pour le Louvre de le faire ou au moins essayer !

On est loin de la belle figure de Rose Valland qui pendant la guerre a noté tous les biens volés aux juifs qui étaient entreposés au Musée du Jeu de Paume

Citation

Un fait que j’avais oublié

Avant même d’envahir la France, les Allemands ont établi la liste des collections d’art importantes, il connaissait Jules par ses deux ventes de 1902 et 1932. Tout grand collectionneur juif pendant la guerre figurait sur les listes de le ERR, l’Einsatzab Reichsleiter Rosenberg, l’organisation dirigée par l’idéologue du parti nazi Alfred Rosenberg, qui a été jugé et exécuté à Nuremberg. C’est lui qui a organisé les confiscation des œuvre d’art appartenant aux grandes collections juives dans les territoires occupés à partir de juillet 1940 à Paris environ vingt-deux mille objets ont été saisies pendant la guerre
L’ERR est installée au Jeu de Paume, où transitent les œuvres pillées avant d’être envoyées en Allemagne. Je découvre l’existence de Rose Valland, qui devient mon héroïne. Attachée de conservation au Jeu de Paume, prétendant ne pas comprendre un mot d’allemand, elle note tout des vols d’œuvre d’art. Elle consigne les nombreuses visites de Goering venu faire son choix, et les envoie en Allemagne. Rose Valland parvient ainsi à établir l’inventaire détaillé des œuvres transférées et leur déplacement de 1940 à 1944. Son action de résistance permet la récupération après guerre d’un nombre important d’œuvres spoliés. Devenu alors membre de la commission de récupération artistique, capitaine de la 1re Armée française, elle travaille avec les monuments Men à la récupération des œuvre et à la reconstitution de leur trajet

 

 

Édition Liana Levi traduit du russe par Nathalie Amargier

 

J’ai découvert ce roman chez Krol, son billet m’a donné envie de mieux connaître la vie de Victor Zolotarev et de son pingouin Micha. J’ai eu le tort de le lire pendant le confinement qui a été pour moi une période de fragilité et de moindre envie de me plonger dans des univers absurdes. Et pour être absurde ça l’est ! Victor a hérité de ce pingouin neurasthénique car le zoo de Kiev n’a plus les moyens de nourrir les animaux. Nous sommes en pleine crise sociale en Ukraine et en plus de la misère, il y règne de sordides histoires de corruption. On imagine les dégâts matériels pour la population mais en plus les acteurs de ce pays ont une forte tendance à disparaître violemment. Victor est embauché pour un travail qui semble assez facile : écrire des nécrologies de personnalités assez en vue. Cela permet au journal d’être prêt à publier les éloges des « futurs » disparus. Un travail de tout repos qui lui permet d’acheter le poisson nécessaire à la survie de Micha. Mais nous sommes en Ukraine, et évidemment écrire des nécrologies peut s’avérer dangereux. D’abord les personnalités se mettent à disparaître de mort brutale et peu à peu Victor se trouve lui-même en grand danger. L’auteur écrit avec cet humour russe si caractéristique et n’hésite pas à plonger son lecteur dans un monde absurde. Trop pour moi , et je dois avouer que petit à petit je lisais la vie de Victor et Micha sans m’impliquer totalement. Je comprends le succès de ce livre car même dans ses aspects excessifs et déjantés, il permet de se rendre compte de la réalité d’un pays en proie à la corruption et à la misère sociale mais il faut accepter les aspects déjantés qui ont fini par me lasser.

Citations

L’humour russe

Il regardait Sergueï et avait envie de sourire. L’amitié ? En fait, il ne l’avait jamais connue, pas plus que les costumes trois-pièces ni la passion véritable. Sa vie était terne et douloureuse, elle ne lui apportait pas de joie. Micha son pingouin, était triste, comme si lui aussi n’avait connu que la fadeur d’une existence dénuée de couleur et d’émotion, d’élan joyeux, d’enthousiasme.

Un pingouin malade

Ben voyons ! se moqua Pidpaly. Même les humains, on ne les soigne plus, maintenant, et vous voudriez qu’on soigne un manchot. Vous comprenez bien que pour un animal de l’Antarctique, notre climat est une catastrophe. Le mieux pour lui serait de retrouver sa banquise. Ne soyez pas vexé, j’ai l’air de délirer, mais si j’étais lui et que je me retrouve sous nos latitudes, je me prendrais ! Vous ne pouvez pas imaginer le martyre que ça représente d’avoir deux couches de graisse et des centaines de vaisseaux sanguins destinés à se protéger des températures les plus extrêmes, alors qu’on vit dans un pays où il fait parfois quarante l’été, et moins dix l’hiver, au mieux, et c’est rare ? Hein ? Vous comprenez ? Son organisme chauffe, il se consume de l’intérieur. La plupart des manchots en captivité sont dépressifs. On m’a toujours répété qu’il n’avait pas de psychisme, mais moi, j’ai démontré le contraire. Et à vous je vais le démontrer ! Et leur cœur ! Quel cœur serait capable, dans ces conditions de supporter une pareille surchauffe ?

Philosophie des buveurs phrase à la Audiard

Buvons pour que ça ne soit pas pire. Mieux, ça a déjà été.

L’horreur

J’ai discuté avec le professeur de cardiologie de l’hôpital des scientifiques… Nous en avons conclu qu’on pouvait lui greffer le cœur d’un enfant de trois ou quatre ans…
 Victor s’étrangla avec son café et reposa la tasse sur la table. Il en avait renversé.
En tout cas, si l’opération réussi, cela pourra lui permettre de vivre encore plusieurs années. Sinon. Le vétérinaire fit un geste d’impuissance.
 Oui, aussi, pour répondre tout de suite à vos interrogations éventuelles, l’intervention elle-même ne ne vous reviendra qu’à quinze mille dollars. En fait c’est assez peu. Quant au nouveau cœur. Vous pouvez chercher un donneur par vos propres réseau, mais si vous nous faites confiance, nous pouvons nous en charger. Pour l’instant j’aurai du mal à vous dire un prix. Il arrive que nous recevions des organes sans même avoir à les payer.
Que je cherche par mes réseaux reprit Victor, ahuti qu’est-ce que vous entendez par là ? J’entends que Kiev compte plusieurs hôpitaux pour enfants, et que chacun a son service de réanimation. Expliqua-t-il calmement. Vous pouvez vous présenter au médecin, mais ne leur parler pas du pingouin. Dites simplement que vous avez besoin du cœur d’un enfant de trois ou quatre ans pour une transplantation. Promettez- leur une bonne récompense. Ils vous tiendront au courant.

Édition autrement traduit de l’anglais (et préfacé sans grand intérêt à mon avis) par Jean Pavans

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Peut-on tomber amoureux d’un domaine ? Cela est arrivé à l’auteure qui est, je ne l’ai découvert qu’ensuite, la femme qui a aimé Virginia Woolf. Dans ce roman, elle sait raconter à la perfection ce qui peut loin de toute rationalité embarquer une personne sage et raisonnable dans l’achat d’une demeure et d’un jardin qui lui pompera toutes ses ressources financières et ses forces de vie tout en lui assurant un bonheur inestimable. Celui de posséder et de faire revivre ce lieu. L’auteure l’a fait pour le château de Sissinghurtst et on peut comprendre son choix :

 

Pour le roman, il s’agit d’une belle demeure qui sans être un château a tout le charme des lieux qui aujourd’hui se visitent surtout quand ils sont entouré d’un beau jardin. Le personnage principal, hérite de l’ensemble des biens d’une parente mais ne peut les garder, d’ailleurs au début il n’a qu’une envie vendre le tout pour se faire une vie personnelle plus confortable, lui l’héritier qui porte ce nom Chase , les Chase ont possédé ce domaine pendant cinq siècles mais lui n’est qu’un pâle employé d’assurance et il cache son prénom Peregrine (qui signerait la noblesse de ses origines). Et puis, il s’installe plus longtemps que prévu dans cette maison et il se fait prendre par son charme, jusqu’à en perdre ses propres repères. Cette possession d’une personne par un lieu superbe est très bien racontée et mérite largement 5 coquillages, en revanche, il y a tellement de détails que je n’ai pas compris que cela m’a empêchée d’être bien dans ce court texte. J’aurais aimé savoir pourquoi l’héritier de cette grande famille ne connaît absolument pas ce lieu ni sa tante. L’Angleterre n’est pas si vaste qu’il ne puisse pas, parfois, rendre visite à sa tante. Et sans dévoiler la fin, je comprends encore moins pourquoi il doit racheter son domaine plutôt que simplement le retirer de la vente et ne payer alors que les hypothèques. Mais le sujet du roman ce ne sont donc pas ces banales histoires d’héritage et de finances mais la prise de pouvoir amoureuse d’un lieu sur une personne.

Citations

Les habits après la mort

Je ne sais pas ce que vous allez faire des vêtements de la vieille dame, Mr. Chase. Ils ne rapporteraient pas grand-chose, voyez-vous, à l’exception des dentelles. Il y a la de belles dentelles authentiques, qui devraient valoir quelque chose. Tout est inscrit dans l’inventaire, il faudra les découdre des vêtements. Mais quand au reste… mettons vingt livres. Ces robes de soie, dirais-je, sont faites d’une bonne étoffe » , observa Mr. Nutley en tâtant une rangée de robes noires pendues dans le placard, qui remuèrent avec un faible bruissement de feuilles mortes. « Suivez mon conseil, donnez-en quelques-unes à la gouvernante, cela en fin de compte vous fera plus de profit que les quelques livres que vous pourriez en tirer. Il faut toujours avoir les domestiques de son côté, c’est mon axiome.. Enfin, c’est votre affaire, vous êtes le seul héritier et personne ne doit s’immiscer. »

Les traditions en Angleterre

Il avait dû dénicher la copie de quelques vieux rapport. Mais non ; il était revenu à la première page et il y avait trouvé la date de l’année précédente. Il était consterné à l’idée que si de telles choses avaient concerné sa tante, elles risquaient aussi de le concerner. Que ferait-il d’un porc « de pasnage » à supposer qu’on en amenât un devant sa porte ? Il aurait été encore plus embarrassé si l’un des fermiers qu’il avait vus aux obsèques était venu lui dire : « Je tiens de toi, le Seigneur. »

Première impression de la maison

La maison lui rendait un regard grave et doux. Sa façade de vieilles briques lit de vin, les V inversés des deux pignons, les rectangles des fenêtres et le stuc crémeux de la petite colonnade qui réunissait les deux ailes en saillie, tout se reflétait sans déformation dans le calme verdâtre des douves. Ce n’était pas une grande maison, elle se résumait aux deux ailes et au corps central, mais elle était parfaite est achevée, si parfaite que Chase, qui pourtant ne connaissait rien et ne s’intéressait nullement à l’architecture, (…), se sentit peu à peu apaisée par une confortable satisfaction. Oui, vraiment la maison était petite, charmante, et satisfaisante. On ne pouvait lui trouver aucun défaut. Elle était exquise de forme et de couleur. Dans ses proportions parfaites, elle portait la grandeur de son style avec une digne simplicité. Elle était tranquille, la soirée était tranquille, la campagne et était tranquille ; elle faisait partie de la soirée, de la campagne.

Séduction

Tel un enfant égaré dans le royaume des délices, il était stupéfié par les enchantements du soleil et de l’ombre. Il s’attardait pendant des heures à contempler, dans une béatitude stupide, les grandes nappes de soleil répandus sur l’herbe, et les ombres intenses qui s’enfouissaient dans les profondeurs des bois. Il se levait tôt le matin et, se penchait à la fenêtre ouverte, se livrait à la rosée, au sentiment de la clarté nouvelle, aux oiseaux. Que de gazouillis. !

Sous le charme

Et comme sa vision s’élargissait, il sentit que la maison, très gracieusement fondue dans les arbres, les prairies, les collines, avait poussé là comme eux, faisant partie d’une tradition séculaire. Il reconsidéra même les tableaux, non comme représentation de fantôme insignifiant, mais comme des hommes et des femmes dans le sang avez contribué à la composition de celui qui coulait dans c’est pas propre. C’était la terre, les fermes, les meules, les sommeil, les jachères qui lui enseignaient cette sagesse

 

Édition Albin Michel

 

Si vous avez une idée positive de Karl Marx, c’est sûrement que vous avez été sensible aux analyses politico-philosophiques de ce « grand » homme, un peu moins, je suppose, des conséquences de ses « géniales idées ». Mais si vous voulez définitivement vous dégoûter de l’homme, lisez ce livre : Sébastien Spitzer, essaie de retrouver la trace du garçon illégitime de Karl Marx. En exil à Londres, celui-ci « engrosse » la bonne de cette étrange famille d’exilés. Il faut absolument cacher, voire faire disparaître cet enfant. Il vivra, mais aura une vie très misérable comme tous les pauvres anglais de cette époque . Le roman se déroule lors du séjour de la famille Marx en Angleterre, il y arrive en 1850. Nous voyons donc dans cette biographie de Freddy Evans, le fils caché de Marx les deux extrêmes de la société britannique. D’un côte la richesse, dont Engels est un digne représentant et le monde ouvrier qui peut à tout moment tomber dans une misère noire. Au milieu, la famille de Marx une famille d’exilés qui est assez originale, la femme de Marx, Jenny von Westphalen avec laquelle il s’était fiancé étudiant est issue de la noblesse rhénane, son frère aîné deviendra ministre de l’Intérieur de la Prusse au cours d’une des périodes les plus réactionnaires que connut ce pays. Il a un rôle important pour l’intrigue romanesque et dans le destin tragique de l’enfant caché. C’est parfois difficile de démêler la fiction de la réalité. Je pense que l’on peut se fier aux faits historiques, mais l’on sent que l’auteur est dégoûté par son personnage et il en fait un portrait à charge. Il faut dire que pour avoir de l’argent, Karl Marx était peu regardant sur l’origine des finances, peu lui importe par exemple que ce bon argent vienne des plantations esclavagistes du Sud des États-Unis. Derrière le grand homme se cacherait donc un jouisseur peu scrupuleux qui était prêt à tout pour mener une vie confortable sans rien faire d’autre qu’écrire et encore quand il y était poussé par sa femme. Engels est un personnage très ambigu, très riche bourgeois il dirige une usine de filature appartenant à son père, il épouse les thèses révolutionnaires qu’il finance tout en faisant beaucoup d’agent grâce au capitalisme libéral. C’est lui qui sera chargé de faire disparaître le « bâtard » mais il aura quelques difficultés à tuer ou faire tuer un bébé. C’est lui aussi qui entretient à grands frais la famille Marx sans aucune reconnaissance de ce dernier. Le point le plus intéressant du roman, c’est la description de la condition ouvrière en Angleterre, on est en plein dans du Dickens, un rien fait basculer des pans entiers de la population du côté des miséreux et de la famine.

Citations

La misère à Londres 1860

Les tanneurs de Bermondsey exigent une heure de pause. Ils triment quinze heures par jour dans l’odeur méphitique du sang chaud et du jus de tannée. Malte hausse les épaules. Les débats autour des horaires de travail, des temps de pause, de la semaine qui s’arrête le samedi et reprend le dimanche ou des salaires trop bas ne le concernent pas. Il en pâtit seulement. Il habite juste en face. Il les voit qui défilent, vociférant et réclamant. Il sait qu’il s’épuisent a demander l’impossible. Cela fait si longtemps que les injustices existent. Depuis que le monde est monde. Alors à quoi bon s’insurger ? Si seulement ils pouvaient s’écarter de sa route. Il ne peut rien pour eux.

Portrait de Karl Marx par la bonne qu’il a « engrossée »

C’est un vaurien, incapable de mettre un seul penny de côté. L’argent lui brûle les doigts. Il ne sait pas compter. Ni travailler d’ailleurs. Il a bouffé la dot et les dons de sa femme. Il accumule les dettes. C’est tout ce qu’il sait faire, réclamer de l’argent à ses amis. Et quand il refuse, il hurle comme un cochon qu’on saigne. Une bête, je vous dis ! Il fait ça même à sa mère. La pauvre femme. Henriette, qu’elle s’appelle. Il dit que sa mère le vole ! .Vous entendez ! Un homme de son âge qui dit que sa mère le vole ! Saleté de bon à rien ! Et après, c’est moi qui dois faire face au boucher, qui dois le supplier de me faire confiance, comme chez le boulanger ou le marchand de fruits aussi. Ça fait cossu d’avoir une employée. Ah oui ça. Ça fait riche. Mais ils n’ont rien. Que dalle. Que le nom de Madame, usé jusqu’à la corde. Un jour, quand il avait trop faim, il a envoyé une lettre d’embauche à une compagnie des chemins de fer. La première, en 10 ans. Pourtant, il a fait des études. Il est docteur. Faut qu’on l’appelle docteur.

L’argent et la vie d’ Engels et le style lapidaire de l’auteur

Engels paye d’une traite à tirer sur les comptes de l’usine. Le document est signé par lui et par son associé. Peter Ermen était rassuré en le paraphant ce matin. 
L’argent n’a pas d’odeur.
 Tant pis pour les esclaves des plantations du Sud.
Engels voit le document disparaître dans la poche de Dressner. Sa mère est immobile. Ses oiseaux sont figés. Et l’équation de Fourier lui revient à l’esprit, celle qu’il crachait l’été à la face des bourgeois, avec les deux sœurs au bras : deux vices font une vertu. Mary est morte si vite. Le coton le dégoûte. L’argent le dégoûte. Mais c’est un mal nécessaire pour la cause.

Le portrait de Marx (appelé le Maure) lors d’un repas chez Engels

– Je ne sais pas, répond le Maure en s’essuyant les lèvres. La peau de son ventre est tendu. Il a trop mangé. Il ne s’est pas retenu. Il en est incapable. Il a fallu qu’il dévore, tout, très vite comme s’il s’agissait du dernier repas de sa vie.
(Et la fin de la discussion)
-Que faire ? Demande Engels.
– Il faut que je voie avec les autres, ces crétins de choristes, les syndicalistes du Lancashire : Swingkhurst, Mowley et d’autres. 
– Et moi ?
– Toi Engels ? Tu finances ! Débrouille-toi pour trouver de l’argent. Il faudra plus d’argent. Beaucoup plus.

Le pacte sur Le dos de l’enfant illégitime de Karl Marx

. J’ai passé un pacte avec mon frère.
– un pacte ?
– Nous avons passé un accord pour les deux. Si l’existence de ce bâtard était révélé ce serait l’image de mon mari qui serait atteinte. 
Engels acquiesce, sans l’interrompre. 
Elle revient sur ce dîner avec son frère.
 C’était il y a quelques semaines, juste avant qu’ils ne débarquent ici, à Manchester, en famille. Ferdinand avait retrouvé Freddy.
 – Ferdinand est un homme intelligent. Au nom des Westfalen, il a accepté de ne rien dire de l’existence de cet enfant. Pour l’image de notre famille. Pour ma réputation. Il a renoncé ainsi à l’idée de nuire à Carl. Tu sais comme il le hait. Cela n’est pas nouveau. Cette histoire aurais pu lui causer du tort. L’enfant caché de Karl Marx. Son fils caché. Avec la bonne !
. Nous nous sommes mis d’accord, mon frère et moi. Je me suis engagée. Plus d’appel à la grève. Plus de drapeau rouge. Plus de menaces sur Londres ou Berlin ou je ne sais où. J’ai promis qu’il regagnerait son cabinet et se contenterait d’écrire. C’est pour ça que mon frère vous a fait suivre.

Je ne savais pas ça :

Comme des milliers des Irlandais, son oncle s’est engagé comme soldat puis sergent dans l’armée Yankee. Il a suivi les troupes nordistes tout le long de la guerre. Il a cru qu’à l’issue il aurait des terres, lui aussi. De bonnes terres prises aux ennemis sudistes. C’est ce qu’avait promis les colonels, les généraux et surtout le président. Le Nord l’a emporté le Nord a libéré les esclaves. Le Nord a remercié les engagés volontaires pour tout le sang versé. Puis les terres ont été remises aux anciens propriétaires, aux partisans des sudistes. Le Nord a offert quarante acres et une mule a quelques esclave affranchis. Il a offert quarante acres et une mule à ces milliers de conscrits, engagé malgré eux. Et quand il n’y a plus de mule, il a dit à tous les autres, les volontaires, les Irlandais, d’aller se faire foutre.