Édition Buchet-Castel

La liste de livres de cet auteur sur Luocine

Au rebond, G229, Juke box, Un minuscule inventaire, Rester vivant , La Grande Escapade 

Allez, un petit coup de baisse de moral, un petit roman de Jean-Philippe Blondel. C’est incroyable comme cet auteur me fait du bien, il raconte si bien la ..dépression ! Oui, vous avez bien lu, cet auteur est mon dépressif préféré, (comme Bacri était mon acteur dépressif préféré). Son roman décrit très bien les gens que je connais, il n’est jamais méchant mais est un fin observateur des comportements de ceux qui nous entourent. Corentin est donc dépressif et aussi cinéaste pour les mariages. Quoi de mieux qu’une cérémonie de mariage pour saisir l’essence même des relations intra humaines. Il a un autre projet, en dehors des mariages demander aux gens qui sont proches de lui de dire face à la caméra ce qu’ils pensent de lui. Cela nous permet de mieux cerner Corentin. Sinon pour les mariages, on a le droit à tout, la mère envahissante qui régente tout le monde et surtout son fils , mais elle tombera sur une résistance du côté d’un curé qui veut faire de la messe de mariage un moment religieux et pas un spectacle, les allusions grivoises , le mariage homosexuel qui aurait pu mal tourner sans la présence d’esprits de Corentin, l’attaque raciste contre une femme qui avait épousé en première noce un Sénégalais.

Ils sont à deux Yvan le parrain et ami des parents de Corentin . Yvan se charge des photos et son filleul des films, mais leur petite affaire ne fonctionne que » la saison des mariages » donc de mai à septembre. Il faudrait donc que Corentin arrive à trouver autre chose à faire.

Un bon moment passé au milieu de mes contemporains.

 

Citations

J’aime la façon de raconter de cet auteur .

Yvan n’a de cesse de pester contre les années 1980, les tenue bleu électrique, les poses étudiées des jeunes gens post-modernes, et cette musique mon Dieu, cette musique qui vous donne envie de vous rendre chez le premier disquaires venu avec une batte de baseball pour tout détruire. « Quand on pense, poursuit souvent Yvan, qu’ aujourd’hui ils nous ressortent toutes ces niaiseries vintage et délicieusement sucrées, qu’ils rêvent tous d’avoir eu vingt ans à cette période-là, parce que c’était l’âge d’or, je vais te les renvoyer tous illico presto au temps de Reagan et Thatcher, de l’apparition du SIDA, de Tchernobyl est des premiers traders tu verras qu’ils feront moins les fiers. Les années 1980, c’était la même merde que maintenant point à la ligne.

Portrait du maire.

 Il récitait des poèmes des  » Fleurs du mal » qui faisaient partie de sa liste imposée, elle le trouvait terriblement romantique. Beaucoup moins, quand, le lendemain des épreuves écrites elle l’a vu embrasser à pleine bouche une fille de terminale. Le maire était séduisant et beau parleur. Il n’est plus que parleur. Et encore, avec difficulté. Il bafouille -le mariage n’est pas sa spécialité. Il y en a de moins en moins dans cette commune rurale. Quant à lui il a divorcé trois fois.

Paris.

 Paris a absorbé Corentin. Il ne s’y sent jamais seul -même s’il est conscient que l’agitation de la capitale est un alcool lourd qui se digère mal

 


Édition Robert Laffont

deux cœurs au club de lecture de la médiathèque de Dinard 

J’avais tellement aimé « l’été des quatre rois » que je voulais absolument lire ce roman avant la réunion de notre club de lecture. Malheureusement, il était toujours sorti et je n’ai donc pu le lire qu’après. Je dois dire que j’aurais tout fait pour qu’il décroche ses trois cœurs même si j’ai bien compris ce que le seul homme du groupe en a dit : ce livre lui avait semblé raconter un épisode historique trop compliqué avec trop de détails dans lesquels il se perdait.

Ce récit raconte, en effet, un moment troublé de notre histoire en 1718, le régent Philippe d’Orléans doit faire face à un complot ourdit par la princesse du Maine qui veut rétablir les droit de son époux à être régent. Tout vient du fait que le duc du Maine, son mari, est le fils de Louis XIV mais un fils illégitime. Le roi lui avait donné titres et honneurs et l’avait inscrit dans l’ordre de la succession au trône. Mais le roi mort, le poids du sang prévaut à la volonté de l’ancien roi.

On est donc avec les courtisans et leur rivalité : rien ne les arrêtent quand il s’agit de pouvoir et de charges honorifiques. Le portrait de la duchesse du Maine est très bien dressé, on comprend à travers cette peinture combien les nobles de l’époque vivaient dans un monde qui n’avait absolument rien à voir avec la réalité des autres habitants de la France. Elle n’a aucune hésitation à entraîner la France dans une guerre pour assouvir sa soif de pouvoir. Elle n’a aucune idée de la valeur financière, par exemple elle est prête à payer plusieurs millions (qu’elle n’a pas !) la transformation d’un hôtel particulier pour que, dans la cour, deux carrosses puissent se croiser. Enfin, elle se séparera sans aucun scrupule de son bâtard de mari lorsque celui-ci perdra tous ses droits à la succession. C’est elle qui complote mais c’est lui qui paye ! Étant une petite fille du grand Condé, elle, cette petite femme presqu’une naine par la taille est certaine que rien ne peut lui arriver

En lisant les passages qui lui sont consacrés, on n’a aucun mal à comprendre le poids des rancœurs contre la noblesse qui amènera les paysans à brûler les châteaux en 1789.

Le portrait du régent m’a fait penser à Philippe Noiret dans « Que la fête commence » de Tavernier, on retrouve ce jouisseur intelligent mais peu déterminé

http://https://www.youtube.com/watch?v=2CG7pz-gJpA

 

On retrouve l’abbé Dubois, Saint Simon, les parlementaires qui veulent retrouver leur pouvoir muselé par Louis XIV, le banquier Law et bien d’autres personnages historiques tous fort intéressants.
Ce qui fait surtout le charme de ce roman c’est le style de l’écrivain, on a l’impression qu’il écrit comme Saint Simon. Cela donne un plaisir de lecture incroyable même si parfois je dois rechercher le mot dans un dictionnaire. Je ne savais pas qu’ « une fille de parties » désignait une prostituée mais j’aurais pu men douter car on « baise » beaucoup dans ce roman surtout quand on est prêtre .

Une époque bien décrite aussi dans le film de Tavernier et qui suivait la trop longue période d’austérité menée par Madame de Maintenon reléguée dans son couvent de Saint Cyr .

J’allais oublier de parler du premier chapitre, qui est d’une présence visuelle étonnante, on dirait que l’écrivain se transforme en cinéaste. Une pauvre femme retrousse ses jupes et part dans la boue du bord de la Seine à la recherche du corps de son fils disparu dans le fleuve. Pour mettre toutes les chances de son côté, elle lance sur l’eau un tout petit esquif avec une image pieuse accompagnée d’une bougie. Un peu comme le battement de l’aile d’un papillon, les conséquences vont être cataclysmiques, la frêle embarcation heurte un bateau rempli de paille, le bateau se détache et heurte à son tour les piliers du pont neuf couvert d’habitations, l’incendie durera trois jours : L’air était tout en feu.

Un énorme plaisir de lecture que j’aimerais partager avec vous.

Citations

Exemple du style et de l’ambiance de l’époque .

 Le duc du Maine, le faux enfant et le vrai charmant de la Maintenon, ce petit bâtard déjà intégré dans l’ordre de succession par l’édit de juillet 1714, aussitôt enregistré par le parlement de Paris avec une veulerie aussi caressante que le col fourré de ces auguste magistrats, se voyait désigné comme régent de France en lieu et place du duc d’ Orléans, dans la violation la plus extravagante des droits du sang. Pour faire bonne mesure, le maréchal-duc de Villeroy, vieille baderne complaisante, obtenait la charge de gouverneur du futur Louis XV est le père Le Tellier celle de confesseur, qu’il exerçait du reste encore auprès de son aïeul.

La condition des femmes.

Rose Delaunay tremblait telle une feuille morte. Elle maudissaient sa condition de jeune fille ayant reçu l’éducation d’une demoiselle de qualité mais sans autres ressources que son esprit – situation peut enviable qui la maintenait dans la totale sujétion d’une princesse plus capricieuse qu’une fée et plus folle qu’une pensionnaires des Petites Maisons.

L’état et le besoin d’argent .

On imagina alors plusieurs de ces expédients dont l’État, en France, avait été souvent coutumier. Le plus courant revenait à faire condamner ses propres créanciers en les traînant devant les chambres ardente dont ils sortaient tondus comme des moutons pour peu qu’ils aient eu la maladresse de ne pas en appeler aux bons protecteurs. La méthode était aussi expéditive que rentables, mais elle avait pour fâché contre. de tuer aussitôt le crédit de l’état lui-même car, le plus souvent liées au parlement ou a la cour, les puissances financières, soigneusement dissimulées derrière ces hommes de paille et d’argent, devenaient méfiantes et se gardaient bien, ensuite de répéter l’opération.

J’adore ce genre de propos .

 L’esprit de l’abbé s’égarait toujours un peu à la messe, aussi n’y assistait-il que très rarement.

Humour.

 Si Philippe d’Orléans resta du marbre dont on fait les bustes, il n’en fut pas tout à fait de même des membres du conseil auxquels il avait expressément demandé de ne pas quitter la pièce avant l’arrivée des parlementaires. Le parlement étant venu se jeter lui-même dans la gueule du loup, il n’était plus nécessaire de tenir tous ces messieurs enfermés dans une pièce. C’est donc bruyamment qu’ils manifestaient leur joie de pouvoir enfin aller pisser, car la vessie de tout ces seigneurs entendait rien à la politique

 


Édition Pacifiques Au Vent des Îles. Traduit de l’anglais (Australie) par David Fauquemberg.

Ces gens étaient les survivants vaincus et dépenaillés de longs conflits. Ils avaient été épargnés par les fusils, les trous d’eau empoisonnés, la farine coupée à l’arsenic, la variole et les maladies vénériennes.

 

Il faut lire ce livre, l’offrir, le prêter, lui faire immédiatement une place dans vos bibliothèques ! Je rajoute que cela m’a fait un grand plaisir que ce roman soit traduit par David Fauquemberg dont j’avais tant aimé Bluff. 

Stan Grant est un journaliste très connu en Australie, est-il australien ? C’est toute la question qui est portée par cet essai autobiographique. Car il est avant tout Aborigène. Cela veut dire qu’il porte en lui toutes les souffrances de ces peuples qui étaient là bien avant que l’on plante un drapeau anglais sur ce pays grand comme un continent. La légende australienne a prétendu, pendant deux ou trois siècles, que les colons étaient arrivés dans des terres vierges ou si peu habitées qu’elles n’appartenaient à personne. Être « personne » c’est ce que deviendront les Aborigènes car ils n’ont pas pu se défendre contre des colonisateurs mieux armés qu’eux et surtout tellement convaincus qu’ils avaient en face d’eux « Une espèce d’hommes » mais pas des êtres humains comme eux. Alors, ils les ont massacrés, empoisonnés, violés et enfin, ils leurs ont arraché leurs enfants pour en faire des blancs à peau noire. Si Stan Grant réussi à se sortir de la misère, de la drogue, de l’alcool qui détruisent les 3/4 de la population aborigène, c’est qu’il a été élevé par des parents aimants et courageux. Mais victimes d’un racisme qui a marqué cet homme brillant au fer rouge.

Ce texte est un chef d’œuvre d’intelligence et de sensibilité , je me le suis tellement approprié que j’ai oublié de dire que j’ai trouvé ce titre chez Ingannmic merci beaucoup à elle.

Citations

Début du livre.

 Ma colère est éclate brusquement, à la moindre provocation ; quelques fois, elle me coupe le souffle. Je sais d’où elle vient. Je l’ai vu chez mon père et lui-même l’avait héritée de son père. Elle naît du poids de l’histoire.
 J’ai peur aussi. Et cette peur provient de la même source. J’ai connu cette peur toute ma vie. Quand j’étais petit elle me rendait malade, physiquement malade au creux de l’estomac. C’était la peur de ce qui pouvait nous atteindre -le sentiment d’impuissance, l’impression d’être à la merci de l’intrusion des policiers ou des agents des services sociaux faisant respecter les lois, ces lois qui entérinaient notre exclusion et nous condamnaient à la misère.(…)
 Nous craignons l’État et nous avions toutes les raisons de les craindre. L’État a été conçu pour nous terroriser .

Noirs et Blancs.

 L’Australie était dure avec nous. Nous étions issus d’une longue lignée d’hommes et de femmes qui avaient été maltraités. Les miens étaient les oubliés de ce pays et de la grande vague de progrès qui s’était emparé de lui. Nous étions noirs et l’Australie était blanche.

Difficultés d’être aborigène.

 Je me débattais depuis si longtemps avec l’histoire de mon pays, et le fait de vivre à l’étranger m’avait permis de desserrer un peu se joug qui m’étouffait. Mais quel que soit le pays où j’allais, j’étais constamment en train de chercher à valider l’identité de la personne que j’étais. L’identité implique une forme de réciprocité -nous avons besoin que les gens nous voient comme nous nous voyons. (…)
Je m’accrochais à qui j’étais : je restais un Aborigène mais au fil du temps, je me suis éloigné un peu plus de mon pays et des miens. Je n’ai jamais oublié qui j’étais. Mais, là-bas, dans le vaste monde, cela ne comptait plus autant.

Le racisme.

 Aucun élément génétique de nous sépare ; ce qui nous oppose c’est notre histoire – ce que nous nous sommes fait subir les uns aux autres au nom de la race. C’est ce racisme là qui subsiste encore, si puissamment dans nos imaginaires. Le racisme compare les civilisations et établit un ordre entre elles. Le racisme a servi de justification pour nous prendre tout ce que nous possédions. 

Fondement de L’Australie .

 Le racisme n’est pas en train de tuer le rêve australien. Dès le début, le rêve australien est fondé sur le racisme. Depuis que le premier drapeau britannique a été planté sur le sol de ce continent, les règles ont toujours été différentes pour nous. Un bagnard pouvait débarquer ici enchaîné, puis faire fortune et mourir en homme libre. La peine à laquelle nous condamnaient les lois britanniques était autrement plus longue.

 

 

 

 Je vous laisse avec Archie Roach le chanteur qui a su émouvoir l’Australie entière.

 

 

 


Édition Delcourt/Encrages

Je crois que tout le monde ressort un peu changé, sinon complètement bouleversé, après avoir lu les trois tomes du dessinateur Fabien Toulmé. À travers des entretiens que l’auteur dessine, il nous raconte une histoire (hélas, banale)  : celle de Hakim et de son bébé Hadi qui vont traverser l’Europe pour arriver en France. Ce qui m’a personnellement le plus émue c’est le courage de cet homme et à quel point je pouvais m’identifier à lui. Il avait un vie tellement « normale » avant le déferlement de violence en Syrie que cela me fait mal quand je lis ses dernières parole :

Ma famille, mes amis me manquent énormément. Ma pépinière aussi … J’ai mis tellement d’énergie pour la créer, mais bon, elle doit être détruite maintenant comme tant de chose en Syrie »

Tous les clichés volent en éclat :

  • Ils n’ont qu’à rester chez eux ! Parfois c’est sans doute audible mais pas pour les Syriens qui coincés entre Daesh, le régime de Bachar el-Assad et bombardé par l’aviation russe ne pouvaient que fuir.
  • Ils devraient prendre les armes chez eux, mais les Syriens ont essayé et ils ont été bombardés sans relâche.
  • Ils ne souhaitent vivre que des avantages sociaux. Hakim est un travailleur il avait réussi à monter une pépinière qui marchait bien en Syrie il a tout perdu et ne cherche maintenant qu’à travailler.

Mais le plus terrible c’est son parcours, il a échappé de peu à la mort dans un canot en face de la Grèce. Il a connu les camps dans le froid et la promiscuité et l’hostilité de la police et de la population hongroise. Les décisions compliquées pour faire confiance à des gens qui peuvent étre très malhonnêtes et dangereux. Sa femme avait réussi à venir en France avec sa famille et elle les attendait morte de peur qu’il leur arrive quelque chose. C’est une erreur de dates sur un papier officiel qui a empêcher Hakim de pouvoir arriver directement en France, et c’est ce qui permet à Fabien Toulmé de décrire toutes les difficultés des Syriens en situation de survie pour pouvoir arriver dans un pays d’accueil.

Je laisse à Habib les derniers mots :

Tu te souviens, à notre première rencontre j’ai dit que je te raconterai mon histoire pour Hadi, pour qu’il sache d’où il vient, ce qu’on a vécu.
Plus tard, quand mes enfants seront en âge de comprendre, je leur ferai lire ton livre ;

Et j’espère qu’ils seront fiers de nous, d’où ils viennent. »

je l’espère aussi et j’espère également qu’ils aimeront la France .

 

Édition Seuil

 

Dicton syrien

 « En chaque personne que tu connais, il y a quelqu’un que tu ne connais pas. »

 

Je vais finir par croire que les apiculteurs sont des humains supérieurs après « les abeilles grises » et « les abeilles d’hiver » voici l’histoire de deux apiculteurs pris dans la tourmente de la guerre en Syrie. Le portrait de ces apiculteurs ont des points communs, ils résistent tous à l’ambiance totalitaire ou à la guerre. est-ce le fait qu’ils sont amenés à mieux comprendre le comportement des abeilles qui les conduit à relativiser les engagements politiques extrémistes ?

J’avais déjà bien aimé de la même auteure « Les oiseaux chanteurs » sur un drame se passant à Chypre le pays dont elle est originaire.

En tout cas le portrait de Nuri et de son cousin Mustapha, les deux apiculteurs d’Alep est de la même trempe que celui de Sergueï – héros involontaire ukrainien ou celui d’Egidius Arimond – cet homme qui cachaient des juifs dans ses ruches. Les deux cousins, non seulement récoltent le miel de leurs abeilles mais ils ont également crée une petite entreprise autour de l’exploitation des ruches : miel, cire et autres produits dérivés, leur affaire marche très bien. La guerre va hélas tout détruire et comme les deux cousins tardent à partir – pour ne pas abandonner leurs abeilles- leurs deux fils vont être tués. La douleur est trop intense, en particulier pour Afra, la femme de Nuri qui en état de sidération et ne veut plus quitter la Syrie alors que c’était encore assez facile de le faire. Elle finira par accepter et avec Nuri les voilà sur le chemin de cet exil si douloureux pour les syriens qui ne sont pas partis assez vite. Ils connaîtront la traversée vers la Grèce dans un canot pneumatique, les camps en Grèce. C’est d’ailleurs là que tous les deux rencontreront l’horreur absolue. On sent que l’écrivaine y a elle même séjournée longuement , car elle sait nous rendre palpable l’insoutenable. Puis finalement ils arrivent en Grande Bretagne où les attend le cousin Mustapha.
Ne vous inquiétez pas je ne divulgâche rien du récit , car Chrsty Leftery commence son récit en Grand Bretagne, dans la pension où Afra et Nuri attendent de recevoir un statut de réfugiés politiques. Cette écrivaine mêle avec talent les trois temps forts du récit : Alep et la guerre, les destructions par les bombardements russes, les meurtres gratuits de l’état islamique, et le parcours des exilés via la Grèce. Afra est devenue aveugle de trop de souffrance et Nuri a des crises de panique totale pendant lesquels il revit les horreurs de son passé récent.
Je ne dis rien d’un petit Mohammed de l’âge de leur fils (7 ans ) qui va les accompagner pendant leur fuite car je ne veux pas enlever l’effet de surprise que vous aimez tant.

Un livre d’une beauté totale grâce à une écriture très en finesse. On sent bien la retenue de Christy Lefteri face aux horreurs qu’elle a rencontrées en Grèce.

 

Citations

J’ai tout de suite aimé le style de cette écrivaine .

 Il y avait notamment un tableau du Qouiiq que j’aimerais revoir. Elle en avait fait un pauvre caniveau traversant le parc de la ville. Afra avait don. Elle révélait la vérité des paysages. Cette toile et sa rigole dérisoire représentent à mes yeux notre combat pour rester en vie. À une trentaine de kilomètres au sud d’Alep. Le Qoueiq renonce à lutter contre l’impitoyable steppe syrienne et s’évapore dans les marais.

Destruction d’Alep.

Je lui avais pourtant dit que le souk était vide, une partie des allées bombardée et incendiée. Ces ruelle qui grouillaient naguère de marchands et de touristes étaient devenues le territoire de l’armée, des chiens et des rats. Tous les étals étaient abandonnés, hormis un, où un vieil homme vendait du café aux soldats. La citadelle convertie en base militaire était entourée de chars.

Procédé de mise en forme , je n’ai pas trouvé le pourquoi de ce procédé sauf peut être que tout s’enchaîne ?

Chaque chapitre se termine avec un mot en moins
Qui est à la fois le nom du prochain chapitre
Exemple :
Mes yeux restent ouvert dans le noir, car j’ai peur de
Le Chapitre suivant s’appelle :
la nuit
et débute ainsi :
tombait ; nous étions à Bab al-Faradj, dans la vieille ville.

La mer, l’attente .

 Le bateau parti la veille avait chaviré et la plupart des gens à bord avaient disparu. Seules quatre personne avaient été repêchées et on avait retrouvé huit cadavres. Voilà le genre de conversations que j’entendais autour de moi.

Genre de pensées qui torturent les survivants.

 Souvent, je regrette d’être resté à Alep, de ne pas être parti avec ma femme et ma fille, car, alors, mon fils serait encore parmi nous. Cette pensée me donne envie de mourir. Nous ne pouvons pas revenir en arrière, changer les décisions que nous avons prises. Je n’ai pas tué mon fils. Je m’efforce de m ‘en souvenir pour ne pas errer à jamais dans les ténèbres.

Les camps de réfugiés.

 C’était sale et, même à l’air libre, l’odeur était pestilentielle : un mélange de pourriture et d’urine. Mais notre guide poursuivit son chemin sans s’arrêter. Plus on s’enfonçait dans le parc, plus les sentiers étaient défoncés et envahis de mauvaises herbes cassantes. Quelques personnes promenaient leur chien, des retraités bavardaient sur des bancs. Plus loin des drogués préparaient leur dose. Enfin, nous débouchâmes sur un autre campement. Neil nous trouva un espace sur des couvertures entre deux palmiers. En face se dressait la statue d’un ancien guerrier. Un homme émacié était assis sur le piédestal. Ses yeux me rappelèrent ceux des jeunes dans la cour de l’école la veille.
 Cet endroit avait quelque chose de malsain, mais je ne m’en aperçu que bien plus tard, après le départ de Neil lorsque la nuit se referma sur nous . Les hommes se regroupaient en meutes, comme des loups. Les Bulgares, les Grecs, les Albanais. Ils regardaient et attendaient quelque chose : ça se voyait dans leurs yeux. Des yeux de prédateurs intelligents.
 Il faisait froid. Afra frissonnant. Elle n’avait quasiment rien dit depuis notre arrivée. Elle avait peur. Je l’enveloppais de couvertures. Nous n’avions pas de tente, seulement un grand parapluie qui nous protégeait du vent du nord. Quelqu’un avait allumé un feu à côté. Il nous réchauffait un peu mais pas assez pour nous procurer du confort


Éditions de l’Observatoire 

lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Un des avantages du club de lecture de Dinard (et ce n’est le seul) c’est de chercher des titres dans les romans français, enfin surtout pour les nouveautés et cela me change un peu des auteurs étrangers.
Ce livre est un petit bijou tout en délicatesse et pourtant … Pourtant il traite d’un des sujets qui me révolte le plus, et je ne dois pas être la seule ! Les souffrances infligées aux enfants dans des institutions censées les protéger. Dans le genre le Canada doit être en première ligne avec le sort réservé aux enfants indiens arrachés à leurs familles pour les ré »éduquer » dans dans des maisons qui ont été pour nombre d’entre eux l’antichambre du cimetière. L’Irlande n’est pas mal non plus et voilà que nous sommes dans un endroit que j’adore : Jersey et les îles anglo-normandes. D’ailleurs on y parle de Serk et des Écrehous qui sont parmi les plus jolies îles que j’ai vues. Mais loin de ce tourisme ou de l’évasion fiscal, Jersey a eu son orphelinat à la tête duquel un directeur pervers à régner. Le malheur pour ces enfants c’est que l’île est loin de tout et qu’il a fallu bien du temps pour que les langues se délient. D’ailleurs les habitants de l’île ne veulent toujours pas parler de cette affaire bien réelle hélas ! La romancière a imaginé des personnages qui semblent tellement vrais, si eux n’ont pas existé leurs sosies ont bien souffert de tous les maux qu’elle nous décrit. Lily est une petite fille de 8 ans, et elle arrive à survivre dans cet enfer car elle aime les oiseaux et la nature mais le petit qu’elle protège (je peux dire sans divulgâcher que c’est son petit frère) lui n’a que quatre ans et ne peut pas se protéger. La fin est tragique, je vous laisse deviner. La narratrice du roman est une femme de 60 ans qui veut faire toute la lumière sur ce qui s’est passé car cela la concerne de près. Il y a aussi un personnage qui lui a existé : il vivait un peu en marge de la société et a été accusé de crimes à connotation sexuelle, il était innocent et on découvrira plus tard que le vrai coupable était employé à l’orphelinat c’est lui en particulier qui faisait le père Noël … Cet homme dégouté par ses concitoyens se réfugiera au Écrehous et se déclarera roi de ces îles. Vous pourrez vous renseigner sur lui dans cet article ce fait divers n’est vraiment pas à la gloire des habitants de l’île, c’est le moins qu’on puisse dire ! !
La si belle île de Jersey s’est refermée sur son silence et la narratrice n’apprendra pas grand chose d’autre que ce que l’enquête officielle n’avait découvert.
Comme je le disais au début un livre d’une délicatesse étonnante pour un sujet sordide . Bravo Maud Simonnot !

 

Citations

Les iliens.

 Les mimosas étaient en fleur et leur jaune d’or apportait une couleur de plus à une incroyable palette des végétaux qui se détachaient sur le bleu céruléen de l’eau. En temps normal j’aurais été séduite par la beauté de ce spectacle marin, mais depuis quelques jours je percevais la mer différemment : c’est elle qui avait permis à ces gens de vivre en paix avec leurs secrets et qui leur conférait cette arrogance. Coupés du reste du monde par l’immensité d’eau ils étaient entre eux.

La beauté mais aussi la prison .

 Après avoir longé le Trou du Diable, je m’approchais des bruyères bordant la falaise pour contempler la silhouette de la petite ils de Serk, aux contours indigo rendu flou par la brume comme ceux d’un royaumes disparu. J’avais toujours vu dans les îles de merveilleuses terres de liberté, pour Lily ça avait signifié l’inverse : il était doublement impossible de s’échapper de l’orphelinat puis de Jersey. Son purgatoire était une île dans l’île, une prison dans la prison…

C’est très triste.

 L’environnement qui avait permis autant de crimes, cette culture locale du silence, était presque aussi terrible que les personnes mêmes qui les avaient perpétrés. Parce que ces enfants étaient orphelins, pauvres, inoffensifs, il avait été facile de détourner le regard. Et même si, après une très longue procédure, la commission d’enquête avait fini par conclure en 2017 que « sans l’ombre d’un doute un nombre important d’enfants pris en charge par les autorités de l’île avait été victimes de violences physiques et sexuelles et de négligence émotionnelle ». Pour ces enfants il n’y aurait jamais ni justice ni consolation.

 


Édition Gallimard NRF

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

Se souvenir de cette phrase

 La seule arme qu’a un pauvre pour conserver sa dignité est d’instiller la peur.

Quel livre ! Comment peut-on ensuite avoir la moindre confiance dans la conduite des affaires de la Russie en Poutine, appelé le Tzar dans tout ce roman ? Et comment ne peut on faire autrement que de chercher à se défendre de lui ? Ce roman prend pour sujet des confidences que Vadim Baranov, personnage réel qui a été l’éminence grise de Poutine pendant vingt ans, auraient faites à l’écrivain qui connaît mieux que personne les dessous du pouvoir du Kremlin dirigé par Poutine de main de fer.

Nous découvrons que tout ce que l’Europe connaît comme conflits les plus horribles sont dues au désir de Poutine de redonner la fierté aux Russes que ce soit la guerre en Tchétchénie ou la guerre en Ukraine. Tout est venu de la fin du communisme période pendant laquelle la Russie a connu une période où tout était permis mais où, surtout, les dirigeants internationaux, en particulier les américains, méprisaient de façon ouverte les dirigeants russes. Il raconte comment le fou rire de Clinton devant les propos incohérents d’Elstine lors d’une conférence de presse à New York en 1995 a humilié toute une nation. Toute la conduite de Poutine est de faire peur aux occidentaux et peu importe les prix humains que cette folie de grandeur coûtera.
Ce roman, ou essai car on se demande ce qui est romancé dans cette histoire, est absolument passionnant. Le style de cet auteur est agréable à lire, on sent qu’il connaît très bien son sujet. On retrouve tous les évènements dont a plus ou moins entendu parler, la montée des oligarques et leur chute voire leur suicides « assistés » . La Russie s’est trouvé le maître qui lui convient, il flatte leur sentiment de supériorité et en les obligeant à se soumettre ils retrouvent la conduite de leurs grands-parents de ne plus rien critiquer et d’absorber la propagande servie par des médias au main de leur Tzar préféré . C’est d’une tristesse incroyable

 

 

Citations

J’ai envie de lire cet auteur que je ne connaissais pas.

Depuis que je l’avais découvert, Zamiatine était devenu mon obsession. Il me semblait que son œuvre concentrait toutes les questions de l’époque qui était la nôtre. « Nous » ne décrivait pas que l’Union soviétique, il racontait surtout le monde lisse, sans aspérités, des algorithmes, la matrice globale en construction et, face à celle-ci l’irrémédiable insuffisance de nos cerveaux primitifs. Zamiatine était un oracle, il ne s’adressait pas seulement à Staline : il épinglait tous les dictateurs à venir, les oligarques de la Silicone Valley comme les mandarins du parti unique chinois.

Les élites russes.

 Voyez-vous, l’élite soviétique au fond ressemblait beaucoup à la vieille noblesse tsariste. Un peu moins élégante, un peu plus instruite, mais avec le même mépris aristocratique pour l’argent, la même distance sidérale du peuple, la même propension à l’arrogance et à la violence. On échappe pas à son propre destin et celui des Russes est d’être gouvernés par les descendants d’Ivan le terrible. On peut inventer tout ce qu’on voudra, la révolution prolétaire, le libéralisme effréné, le résultat est toujours le même : au sommet il y a les « opritchniki » des chiens de garde du tsar.

Moscou 1990.

 Moscou au milieu des années 90, était le bon endroit. Vous pouviez sortir de la maison un après-midi pour aller acheter des cigarettes, rencontrer par hasard un ami surexcité pour je ne sais quelle raison et vous réveiller deux jours plus tard, dans un chalet à Courchevel, à moitié nu entouré de beautés endormies, sans avoir la moindre idée de comment vous est-il arrivé là. Ou bien, vous vous rendiez à une fête privée dans un club de strip-tease, vous commenciez à parler avec un inconnu, gonflé de vodka jusqu’aux oreilles, et le lendemain vous vous retrouviez propulsé à la tête d’une campagne de communication de plusieurs millions de roubles.

Comprendre Moscou .

Tout contribuait à alimenter la bulle radioactive de Moscou. Les aspirations accumulées de tout un pays, immergé depuis des décennies dans la sénescente torpeur communiste, convergeaient ici. Et au centre, il n’y avait pas la culture, comme le croyait les intellectuels convaincus d’hériter du sceptre et qui n’avaient rien hérité du tout. Au centre, il y avait la télévision. Le cœur névralgique du nouveau monde qui, avec son poids magique, courbait le temps et projetait partout le reflet phosphorescent du désir. 
Convertir mon expérience théâtrale en carrière de producteur de télévision fut comme passer du carrosse à vapeur à la Lamborghini.

Humour Soviétique.

 « Sais-tu ce que disaient les Moscovites de la Loubianka à l’époque de L’URSS ? Que c’était l’immeuble le plus haut de la ville car de ses caves on voyait la Sibérie… »

 Staline dans les souvenirs des Russes.

 Vous, les intellectuels, vous êtes convaincus que c’est parce que les gens ont oublié. D’après-vous, ils ne se souviennent pas des purges, des massacres. C’est pourquoi vous continuez à publier article sur article, livre sur livre à propos de 1937, des goulags, des victimes du stalinisme. Vous pensez que Staline est populaire malgré les massacres. Eh bien, vous vous trompez, il est populaire à cause des massacres. Parce que lui au moins savait comment traiter les voleurs et les traîtres. »
 Le tzar fit une pause. 
« Tu sais ce que fait Staline quand les trains soviétiques commencent à avoir une série d’accidents ?
-Non.
– Il prend Von Meck, le directeur des chemins de fer, et le fait fusiller pour sabotage. Cela ne résout pas le problème des chemins de fer, en fait cela peut même l’aggraver. Mais il donne un exutoire à la rage. La même chose se produit chaque fois que le système n’est pas à la hauteur. Quand la viande vient à manquer Staline fait arrêter le commissaire du peuple pour l’agriculture. Tchernov, l’envoie au tribunal et celui-ci, comme par magie confesse que c’est lui qui a fait abattre des milliers de vaches et de cochons pour déstabiliser le régime et fomenter une révolte.

Remarque que je trouve juste.

 J’ai pu constater à plusieurs reprises que les rebelles les plus féroces sont parmi les sujets les plus sensibles à la pompe du pouvoir. Et plus ils grognent quand ils sont devant la porte, plus ils glapissent de joie une fois passé le seuil. Contrairement aux notables, qui cachent parfois des pulsions anarchique sous l’habitude des dorures, les rebelles sont immanquablement éblouis comme les animaux sauvages face au phare des routiers.

 

 


Édition Stock

J’ai trouvé cette tentation de lecture chez Athalie , je lui avais dit que je lirai ce livre car j’ai des amis libanais, leur histoire me rend si triste et pourtant ils ne se plaignent jamais. Je ne regrette absolument pas cette lecture, je les retrouve dans tellement de détails et surtout dans l’humour dont ils font preuve en beaucoup d’occasions. Mais là où le récit est le plus proche d’eux c’est dans la façon dont ils reçoivent tous les gens qu’ils aiment avec un repas digne des plus grandes tables avec des plats préparés pour 10 même si nous sommes 4 autour de la table.

Je n’ai mis que quatre coquillages alors que j’ai beaucoup aimé ce livre car je le trouve un peu désordre, l’auteur part dans tous les sens, j’ai bien aimé le suivre même si parfois, je me suis un peu perdue. Visiblement les lycéens de 2002 ont été plus enthousiastes que moi, bravo à eux !

Sabyl Ghoussoub veut comprendre la vie de ses parents et en même temps comprendre les conflits qui ont bouleversés le Liban et cela depuis si longtemps, c’est peut-être pour ça que son récit est compliqué car franchement comprendre pourquoi des chrétiens se sont assassinés entre eux, sont allés tuer des palestiniens pour ensuite se faire assassiner par le Hezbollah, c’est incompréhensible. À la fin du livre, l’auteur fait la liste des gens connus assassinés et c’est une liste qui semble sans fin.

En partant à la recherche des membres de sa famille, l’auteur est d’une honnêteté implacable, il nous parles de ses cousins qui ont été des assassins et ce doux pays qu’il a tant aimé en particulier le village de sa mère qui se teinte alors d’une cruauté sans nom.

Ce n’est pas les moment que je préfère même s’ils sont indispensables à la compréhension du Liban, ce que j’ai adoré c’est le portait de ses parents, son père qui a besoin d’aller boire son café tous les jours en faisant son tiercé et qui a fait tant de métiers car il ne pouvait plus vivre de sa plume ni devenir le poète qu’il aurait aimé être. Sa mère qui passe sa vie au téléphone ou sur Whatsapp et qui veut absolument que son fils réponde au téléphone à toute la famille quand il vient la voir. J’adore aussi quand il raconte son agacement vis à vis des gens qui parlent du Liban, soit des Libanais qui n’y vivent plus depuis très longtemps soit des Français qui y ont passés quelques jours de vacances.

L’auteur explique très bien tous les problèmes auxquels sont confrontés le Liban, pays que l’auteur adore autant qu’il en déteste certains aspects . On peut dire qu’aujourd’hui ce pays qui est dirigé par une mafia criminelle aux mains pleines de sang . En revanche, il exprime bien toute sa tendresse pour ses parents qui habitent donc Beyrouth sur Seine, comme toute sa famille, sauf un frère et une soeur qui essaient de vivre au Liban. Si ce récit n’est pas totalement autobiographique, il suit de très près la destinée familiale de l’auteur. Un superbe hommage à des gens courageux et qui ont gardé leur plaisir de vivre et leur humour quelles que soient les difficultés auxquelles ils ont dû faire face.

 

Citations

Portrait de sa mère (humour).

 Je me lève pour accrocher le micro à la chemise de nuit de ma mère. J’essaie de l’attraper entre deux activités. Ma mère est petite, très petite et, comme souvent avec les gens de petite taille, elle est hyper active. Elle me rappelle Nicolas Sarkozy. Là, elle cherche son iPhone qui résonne dans tout l’appartement  » Je t’aime ô mon Liban. Ô ma patrie, je t’aime. Par le nord,. par le sud vers les plaines je t’aime. » Sa sonnerie n’est rien d’autre que « Bhebbak ya Lebnan, je t’aime ô mon Liban » de la diva libanaise Fairouz, Longue plainte nostalgique qui nous agace au plus haut point mon père et moi.

Une mère inquiète de savoir son fils au Liban.

 Mes parents sont à Paris, inquiets. Mon père ne veut pas m’appeler pour partager avec moi son inquiétude mais ma mère le fait très bien pour deux.  » T’es où ? » écrit-elle toutes les heures comme si dans sa tête elle détenait la cartographie des explosions à venir. Comme si me savoir dans cette rue ou une autre la rassurait.

Humour libanais.

 Une idée saugrenue m’est venu en tête : demander à mes parents le top 3 des évènements qui les avaient le plus affecté pendant la guerre. Bien après, je me suis rendu compte qu’il fallait vraiment ne pas l’avoir vécue pour poser une question aussi sotte. 
Le top 3 de ma mère :
– les massacres de Sabra et Chatila.
– Le massacre de Damour.
– Le blocus de Beyrouth.
 Le top trois de mon père :
-Ma naissance.
– La naissance de Yala.
– Son mariage avec ma mère qui, selon lui, a eu les mêmes effets néfastes sur le Liban que les accords du Caire.

Jugement de Frida Khalo sur le milieu de l’art contemporain à Paris.

Tu n’as pas idée comme ces gens sont des putes. Ils me font vomir. Ils sont si foutrement intellectuels et si pourris que je ne les supporte plus. C’est vraiment trop pour mon caractère. J’aimerais mieux rester assise par terre à vendre des tortillas sur le marché de Toluca qu’avoir affaire à ces salopes artistiques de Paris.

J’adore cet humour.

 Tandis que mes parents attendent pour obtenir leurs papiers, Antenne 2 réalisait un reportage.
 -Madame, monsieur est-ce possible de vous poser une question ? 
– Oui, bien sûr. 
– Est-ce que vous vous sentez français ? 
-Vous nous donnez quand même les papiers si je vous réponds ? dit mon père. 
Le journaliste rit. 
-Oui, bien sûr monsieur. où vous floutera ne vous inquiétez pas. 
– Vous savez comment je m’appelle ? Kaïssar Ghoussoub ! Comment voulez-vous que je me sens français ? Même libanais je ne me suis jamais senti. Je suis né au Ghana 
– Au Ghana ? vous ? 
-Oui ! Et même si je n’ai presque pas vécu, mon père m’a transmis le passeport anglais. Je suis anglais voyez-vous ! Comme beaucoup de libanais, mon père est parti en Afrique pour s’enrichir et je dois vous avouer que c’est le seul à avoir raté son coup ! Complètement raté. Mais pour en revenir à votre sujet, peut-être au cimetière du Père-Lachaise je me sentirai enfin chez moi


Édition Feryane (gros caractères) traduit du russe (Ukraine) par Paul Lequesne .

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

Ce roman a eu un tel succès que je n’ai pu le trouver qu’en gros caractère dans une petite bibliothèque assez loin de chez moi. Ce n’est ni agréable ni gênant de lire ainsi. (Je me demande si cela aide vraiment les gens qui ne voient pas très bien). J’avais déjà lu « le pingouin » du même auteur, je me souviens que l’aspect déjanté du roman ne m’avait qu’à moitié plu.

Mes cinq coquillages disent que pour ce roman je n’ai aucune réserve. Et ceci pour plusieurs raisons :

  • Que savions nous vraiment de l’Ukraine avant que les Russes ne décident d’envahir ce pays ?
  • En 2014, certaines provinces sont tombées sous la coupe de « pro » russes et la Crimée a été rattachée à la Russie, mais qu’en était-il des populations ? Se sentaient-elles russes ou ukrainiennes ?
  • Comment vivent les citoyens ordinaires dans des villages coupés du monde sans électricité la plupart du temps ?
  • Que peuvent apporter les abeilles aux hommes ?

À travers un personnage étonnant Sergueï Sergueïtch, apiculteur, qui est resté vivre dans son village sur la zone de front, Starogradivka, j’ai mieux compris que par les multiples reportages ce qui ce passait dans cette région de l’Ukraine. Son village ne compte plus que deux habitants : lui et son pire ennemi Pachka . Sergueï n’est pas un héros ni un personnage très sympathique, il va le devenir au cours de ce roman. Sa femme l’a quitté et on devine parce qu’elle n’en pouvait plus de vivre avec un homme si casanier qui ne supportait pas que l’on puisse appeler une petite fille Angélica (trop original pour le village !). La solitude lui pèse, mais pas tant que ça, il va devoir se rapprocher de son ennemi d’école primaire et une forme d’entente va se créer entre eux. Tous les deux vivent au grès des bombardements qui passent au dessus de leur tête, ils sont habitués ! ! De temps en temps, Sergueï va dans un village un peu plus loin et prend du ravitaillement. Il va essayer aussi d’enterrer un soldat tué sur cette ligne de front, il ne pourra que le recouvrir de glace. C’est un véritable acte de bravoure car il sait que les deux camps observent cette zone où personne ne doit passer.

L’été arrive et avec l’été, il lui faut trouver un endroit propice pour ses abeilles. Il trouve d’abord un lieu parfait dans la campagne ukrainienne , mais sans s’en rendre compte, il va attiser la jalousie des hommes du villages car il plait beaucoup à l’épicière du village. La guerre le rattrape, un des villageois, revenu complètement traumatisé de la guerre, a des accès de violence incontrôlés et vandalise la voiture de Sergueï à coups de hachette, il décide donc de partir en Crimée.

Là encore le quotidien de la guerre va le rattraper. Il doit passer différentes « frontières » et ça prend beaucoup de temps et d’interrogatoires très pénibles. En Crimée il ne connaît qu’un homme apiculteur, c’est un Tatar et ses ennuis vont s’aggraver.
En voulant aider cette famille, il va réveiller les vieux démons racistes des autorités russes et la famille tatar paiera très cher sa présence ainsi que ses abeilles. Il ne pourra que s’enfuir en aidant la fille de la famille à franchir la frontière pour se rendre en Ukraine faire des études.

Voilà pour la trame du récit, en ne vous inquiétez pas pour le « divulgachâge » ce ne sont pas les événements qui font la puissance de ce récit. C’est la compréhension que, peu à peu, se fait Sergueï de ce qui l’entoure et l’impossibilité d’agir sur la vie lorsque ceux qui ont le pouvoir sont complètement corrompus et qu’aucune logique ne semble être à l’oeuvre dans leur conduite. On peut trouver que cet homme est trop passif et limité intellectuellement, mais je pense que rester à ce niveau du personnage permet à l’écrivain de faire comprendre aux lecteurs ce que vit exactement la population. Je pense que la Russie va obtenir exactement le contraire de ce que voulaient les dirigeants à savoir créer un sentiment national qui était loin d’exister en 2014. Les habitants n’avaient aucune envie de se sentir Russes ou Ukrainiens mais ils voulaient simplement vivre tranquillement dans leurs villages. Déjà, l’esprit de clocher ne portait pas à l’ouverture d’esprit mais les pires sentiments vont être exacerbés par la guerre et donc le nationalisme semble une solution toute simple.

Un roman qui sert de base pour comprendre le conflit actuel et est servi par un grand écrivain ukrainien russophone qui doit être bien triste de voir son pays détruit de fond en comble par des Russes persuadés qu’ils sont dans leur bon droit.

 

Citations

Sergueï et Pachka.

En un instant, il s’était rappelé les vacheries commises par l’autre, ses coups par en dessous, ces cafardages auprès des profs, ses refus de laisser copier. Dites : après 40 ans, il aurait pu avoir déjà pardonné et oublié tout ça ! Eh bien, pardonner, ça oui ! Mais comment les oublier quand leur classe comptait sept greluches et seulement deux gamins : Pachka et lui ? Et qu’en conséquence Sergueï n’avait jamais eu d’amis à l’école, mais seulement un ennemi. Même si le mot « ennemi » avait quelque chose de trop sérieux et pesant. Au village on aurait dit qu’il était « chtit » le terme convenaient mieux un « petit ennemi » en somme, dont personne n’avait peur. 

La vie et la mort dans un village.

 Quand on vit longtemps dans un endroit, on a toujours plus de familles enterrées qu’en bonne santé à côté de soi.

Le poids du silence et de la solitude.

 Cinq jours passèrent, tous identiques, tels des corbeaux. Pareille comparaison ne serait pas venue à l’esprit de Sergueïtch si au cours de ces journées tranquilles et monotones, le seul bruit à remplir de temps à autre les alentours n’eût été le croassement de ces oiseaux. 
« Peut-être annoncent-ils le printemps ? » songeait l’apiculteur tendant vainement l’oreille en quête d’autres bruits dans le monde environnant.

Humour.

 « Et vous avez fabriqué ce grand coffret spécialement pour des chaussures ? 
– Bon, ce n’est pas tout à fait un coffret, c’est un chaussurier, corrigea Sergueïtch. Un coffret, c’est plus petit.
– Un chaussurier ? répéta Petro. Ça existe un mot pareil ?
– Il y a bien des cendriers, non ? des sucriers ? répondit l’apiculteur. pourquoi il n’y aurait pas des chaussurier ?

Le sort des abeilles.

 Derrière lui la guerre à laquelle il ne prenait aucune part, mais dont il était devenu simplement l’habitant. Habitant de la guerre. Un sort nullement enviable, mais autrement plus tolérable pour un être humain que pour des abeilles. Sans les abeilles, il ne serait parti nulle part, il aurait eu pitié de Pachka, il ne l’aurait pas abandonné tout seul. Mais les abeilles, elles ne comprenaient pas ce qu’était la guerre ! Les abeilles ne pouvaient pas passer de la paix à la guerre et de la guerre à la paix, comme les humains.