Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Qui n’aimerait pas entendre la personne qu’on a tant aimé conclure le dialogue de la rupture par ces mots :

« Reviens quand tu veux »  ?

Je ne connaissais pas cet auteur qui m’avait tentée à travers la lecture de vos blogs, c’est chose faite, et le moins que je puisse dire c’est que je ne regrette pas les heures passées en sa compagnie. Son style est très particulier, il évoque avec des expressions un peu vieillottes la nature où ce curieux bouquiniste a décidé de vendre (ou pas !) des livres aux rares personnes qui s’égarent jusqu’à sa boutique. Chaque chapitre démarre par une description du temps ou par des éléments de la nature, souvent j’y suis peu sensible, mais Éric Holder a su dompter mon impatience, car il peuple son récit de personnages qui sont loin d’être des caricatures. Ils sont humains c’est tout, donc avec de gros défauts mais aussi quand on s’y attend le moins des qualités qui m’émeuvent. Ainsi, ce garde-champêtre ne sera pas seulement la victime du « terrible » libéralisme contemporain – et trop souvent caricatural dans les films ou dans les romans- mais deviendra gardien du camping, heureusement pour Antoine, notre bouquiniste qui pourra donc après son histoire d’amour se réconforter en regardant les soleils couchants dans l’Algeco mis à la disposition du gardien. Antoine n’est ni meilleur ni pire qu’un autre, il fera, lui aussi, souffrir Marie la boulangère qui était celle – avant Lorraine- avec qui il allait au cinéma et avec qui il finissait ses soirées. Le mari de la boulangère qui a joué et perdu tout l’argent du ménage viendra rappeler à Antoine que Marie est fragile et qu’il n’a pas le droit de la faire souffrir. Ce roman est riche d’une galerie de portraits et on a envie de se souvenirs de tous sauf, peut-être, de madame Wong qui exploitait notre Antoine mais cela se termine bien. Nous apprenons au passage que le commerce chinois recherche nos vieux livres : est-ce vrai ?

J’avais beaucoup aimé il y a quelques années le film fait à partir du roman d’Éric Holder « mademoiselle Chambon »

On pourrait facilement mettre en film « la femme qui n’a jamais sommeil » et pourquoi pas Vincent Lindon dans le rôle d’Antoine et pour Lorraine, la conteuse, Sandrine Kimberlain ce serait parfait aussi.

Citations

 Quand j’ai cru que je n’accrocherai pas à ce roman à cause des descriptions trop classiques

Quand l’avant-garde des nuages est apparue dans le ciel, on a tout de suite vu qu’il s’agissait de méchants, de revanchards. Pas une goutte depuis 2 mois, il allait corriger la situation vite fait, ce n’était pas pour plaisanter. Derrière eux, l’urgence crépitait en arc bleuâtres sous le ventre du troupeau, au loin le canon. La lumière s’est éteinte subitement, la nature retenait son souffle, en apnée. Quand le vent est revenu, fou furieux, il hurlait en se frayant un chemin à coups de gifles. Des milliers de feuilles d’acacia, jaunies ou dorées, périrent à l’instant, jonchant le sol. Les premières gouttes de pluie laissèrent entendre des hésitations de moineau sur un balcon. Quelques secondes plus tard, l’eau tombait par baquets, rejaillissant des gouttières sous pression, noyant le paysage.

Toujours le style, mais déjà je savais que j’aimais ce roman

Octobre est resté suspendu aux lèvres du soleil abondant, avec la bienveillance d’un ciel ou de rares nuages patrouillent avant de repartir dépités.

Le prénom de la femme aimée et perdue

Elle s’appelait Anne, un prénom entouré d’un hiatus, qu’on ne sait où accrocher, et qui demeure suspendu comme une exténuation, un début de mots, une adresse qui n’aurait pas été achevée. Anne, on sent déjà qu’une part manquera.

Je ne savais pas ça

 La Veuve Clicquot, née Nicole-Barbe Ponsardin, tient lieu de phare. J’apprends à Lorraine qu’elle vécu quatre-vingt-neuf ans, son mari, qu’elle adorait, était issu de la plus illustre famille de facteurs d’orgues français.

Deux hommes ont aimé la même femme

 Lui me parle souvent de toi. Tu as même intégré nos quelques sujets de conversation favoris, ceux qui permettent de nous entremettre, bon gré mal gré, sur la lande où nous ne sommes que deux. Je ne réponds pas à toutes ses questions. J’adore voir, quand il les pose, le rêve passer dans ses yeux.

Un portrait

Parmi les habitués, un ancien matelot. Outre la marine, son domaine de prédilection, qu’il cultive historiquement, il maîtrise des sciences qui, si on l’écoute, s’y rapportent, la géologie, l’astrophysique, la botanique, l’anthropologie. À l’aide d’une mémoire étincelante, il jette des passerelles inédites de l’une à l’autre. Il n’a pas navigué sans savoir sous quels ciels, ni sur quel flots il se trouvait, leur composition, leurs impératifs, leur pouvoir. Ce passionné restait modeste, les cimetières, disait-il, étaient remplis de gens comme lui.

Traduit du galicien par Ramon Chao et Serge Mestre. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Pour commencer une réflexion à méditer :

Les vraies frontière, ce sont celles qui parquent les pauvres loin du gâteau.

Un roman des années 2000 dont je ne connaissais pas du tout l’auteur. Manuel Rivas écrit en galicien, est traduit parfois en breton, solidarité des langues celtiques, se traduit lui-même en castillan et, est, plus rarement, traduit en français. Original, non ?

Ce roman raconte la guerre civile espagnole, cette guerre qui a laissé tant de traces et qui s’estompe dans les mémoires car les combattants des deux côtés disparaissent. Mes premières lectures « engagés » parlaient de cette guerre et un de mes chanteurs préférés étaient Paco Ibanez, cette chanson résume bien l’esprit de ce roman.

En effet « Le crayon du charpentier », choisit une façon délicate et poétique de raconter l’horreur et la brutalité et ça fonctionne très bien. Un garde civil, Herbal, assassine un peintre dans sa cellule, celui-ci lui donne son crayon de charpentier, à partir de là cet homme va vivre avec une voix intérieure qui lui intime l’ordre de sauver le docteur Da Barca et de lui permettre de vivre une superbe histoire d’amour avec la belle Marisa Mallo. Grâce à cette histoire, nous allons rencontrer des hommes étonnants qui auraient pu dessiner une toute autre histoire à l’Espagne si seulement ils ne s’étaient pas détestés entre eux, et puis au milieu des plus grandes ordures au service du régime franquiste, cette superbe figure de la mère Izarne qui dirigeait le sanatorium réservé aux prisonniers tuberculeux. Tout le roman se situe entre réalité et le rêve, un peu à l’image de toute vie surtout quand la réalité se fracasse sur une dictature implacable et qui refuse à tout rêve de se réaliser. En suivant le cheminement d’Herbal, l’auteur veut donner une chance au pire des tueurs à la solde de Franco de prendre conscience de ce qu’il a fait et de se racheter.

L’art , la peinture, la poésie prendront une grande part aux déchirements intimes de ce garde civil qui réussira à sauver ce merveilleux docteur Da Barca qui a passé sa vie à faire le bien autour de lui, même si ce garde civil franquiste convaincu n’a pas pu sauver le peintre qui vient lui rendre visite si régulièrement depuis qu’il l’a certes assassiné mais pour lui éviter une mort sous la torture par ses amis plus franquistes ou tout simplement plus cruels que lui. Aujourd’hui, il termine sa vie dans un bordel, mais n’a pas perdu sa conscience (le crayon du charpentier), son message d’espoir, il le transmet à une jeune prostituée qui trouvera, peut-être, elle aussi sa voix intérieure qui la conduira vers un avenir où la beauté permet de combattre la laideur.

Citations

L’humour d’un mourant

Comment vous sentez-vous ? demanda Souza.. Il fallait bien trouver quelque chose pour commencer.

Comme vous le voyez, dit le docteur en écartant les bras, l’air jovial, je suis en train de mourir. Vous êtes sûr que c’est bien intéressant de m’interviewer ?

Un passage assez long qui fait comprendre ce que voit un peintre et le dur métier de lavandière

Regarde, les lavandières sont en train de peindre la montagne, lança soudain le défunt. En effet, les lavandière étendaient leur linge au soleil, entre les rochers, sur les buissons qui entouraient Le phare. Leur baluchon ressemblaient au ventre de chiffon d’un magicien. Elles en tiraient d’innombrables pièce de couleur qui repeignaient différemment la montagne. Les mains roses et boudinées suivaient les injonctions que lançaient les yeux du garde civile guidés à leur tour par le peintre : les lavandières ont les mains roses parce qu’à force de frotter et de frotter sur la pierre du lavoir, le temps qui passe se détache de leur peau. Leurs mains redeviennent leurs mains d’enfants, juste avant qu’elle ne soit lavandières. Leurs bras, ajouta le peintre, sont le manche du pinceau. Ils ont la couleur du bois des aulnes car eux aussi ont grandi au bord de la rivière. Lorsqu’ils sortent le linge mouillé, les bras des lavandières deviennent aussi dur que les racines plantées dans la berge. La montagne ressemble à une toile. Regarde bien. Elles peignent sur les ronces et les genêts. Les épines sont les plus efficaces pinces à linge des lavandières. Et vas-y. La longue touche de pinceau d’un draps tout blanc. Et encore deux touches de chaussettes rouges. La trace légère et tremblante d’une pièce de lingerie. Chaque bout de tissu étendu au soleil raconte une histoire.
 Les mains des lavandières n’ont presque pas d’ongle. Cela aussi raconte une histoire, une histoire comme pourrait en raconter également, s’il nous disposions d’une radiographie, les cervicales de leur colonne vertébrale, déformées par le poids des baluchon de linge qu’elles transportent sur la tête depuis de nombreuses années. Les lavandières n’ont presque pas d’ongles . Elles racontent que leurs ongles ont été emportés par le souffle des salamandres. Mais, bien entendu, venant d’elles, ce n’est qu’une explication magique. Les ongles ont été tout simplement rongé par la soude.

J’aime bien ces images et ce portrait

Il faut dire que la vieillesse guettait tout particulièrement ce patelin. Tout à coup, elle montrait ses dents au détour du chemin et endeuillait les femmes au beau milieu d’un champ de brouillard, elle transformait les voix après une seule gorgée d’eau de vie et ne mettait pas plus d’un hiver à rider complètement la peau de quelqu’un. Cependant la vieillesse n’avait pas réussi à pénétrer à l’intérieur de Nan. Elle s’était contentée de lui tomber dessus, de le recouvrir de cheveux blancs et d’une toison blanche et frisée sur sa poitrine. Ses bras étaient enveloppés d’une mousse blanche semblable à celle des branches du pommier, mais sa peau était restée comme le cœur des sapins qui poussent dans cette région. Sa bonne humeur soulignait ses dents brillantes, et puis il avait toujours cette fameuse crête rouge sur l’oreille. Son crayon de charpentier.

Quel livre ! Je l’ai lu deux fois. Une fois, pour comprendre d’où venait cette Naïma si courageuse, celle qui peut soulever des montagnes pour arriver à voyager en Algérie mais qui a tant de mal à faire parler son père. Et puis je l’ai relu tranquillement sans me dépêcher en allant à chaque événement voir ce qu’on disait sur la toile des événements évoqués par l’auteure.

Je suis tombée sur des reportages qui à eux seuls feraient des romans et j’ai encore plus admiré le talent d’Alice Zeniter de ne pas avoir alourdi son récit des habituels prises de position sur l’Algérie. Elle mène son récit sur une ligne de crête très inconfortable comme l’a été la vie de ces algériens qui refusaient le FLN sans pour autant accepter la colonisation. Trop favorable à la France, elle aurait minimisé le racisme et surtout le traitement des harkis après 1962 en France. Trop proche des combattants , elle aurait passé sous silence des crimes révoltants et le rejet de sa propre famille . Elle porte ces contradictions en elle mais ne veut plus être une victime de cette histoire.

Alors elle nous raconte tout, depuis l’Algérie jusqu’au Paris d’aujourd’hui en passant par les camps de Rivesaltes où on a parqué des Harkis comme s’ils étaient coupables de quelque chose. Refusés et assassinés en Algérie, ils étaient très mal vus en France. Ensuite c’est la vie en HLM qu’on n’appelait pas encore Cité . Son père fait partie de ceux qui se sont emparés de ce que la France offrait grâce à l’école pour s’en sortir . Sa fille, qui ressemble à l’auteure, est donc la troisième génération, celle qui veut connaître ses origines mais qui hélas ne retrouve qu’une Algérie marquée par une autre guerre : celle de l’intolérance islamiste. Cette Algérie-là, est encore perdue pour elle qui assume une vie de femme libre.

Il ne faut pas réduire ce roman à l’Algérie, aux Harkis et aux cité, mais grâce à cet éclairage, l’auteure nous fait revivre la France des années 60 jusqu’à aujourd’hui. J’ai retrouvé des ambiances et des moments de moments de ma jeunesse, le Paris d’Hamid c’est aussi le mien, la vie en province était si étriquée que seule la capitale pouvait donner ce sentiment de liberté . Je pense aussi que cette écrivaine a trouvé un territoire où elle n’est pas « perdue » : l’écriture. et j’espère, pour le plus grand plaisir de ses lectrices et lecteurs qu’elle y reviendra très vite

Citations

Un adage contraire aux célèbre « Vivons heureux vivons cachés » des gens du Nord

– Si tu as de l’argent, montre le.
C’est ce qu’on dit ici, en haut comme en bas de la montagne. C’est un commandement étrange parce qu’il exige que l’on dépense toujours l’argent pour pouvoir l’exhiber. En montrant qu’on est riche, on le devient moins. Ni Ali ni ses frère ne penseraient à mettre de l’argent de côté pour le faire « fructifier » ou pour les générations à venir, pas même pour les coups durs. L’argent se dépense dès qu’on l’a. Il devient bajoues luisantes, ventre rond, étoffes chamarrées, bijoux dont l’épaisseur et le poids fascinent les européennes qui les exposent dans des vitrines sans jamais les porter. L’argent n’est rien en soi. Il est tout dès qu’il se transforme en une accumulation d’objets.

Dicton

Ici on dit que les dettes se couchent comme des chiens de garde devant la porte d’entrée et défendent à la richesse d’approcher.

Humour

Il m’a filé une baffe et je suis redescendu avec le cousin qui m’insulte tant qu’il pouvait en disant que j’avais fait mal à son honneur, à sa réputation. Tu y crois, toi, Hamid ?
Youssef se tourne vers le petit garçon, avec un large sourire
-Même pour faire la Révolution, il faut être pistonné….

Les cités des années 60

 Le Pont- Féron offre à Clarisse et Hamid une haie d’honneur faite de barres décrépites, d’antennes de télévision tordues, de chaussées défoncées, de vieux assis devant les immeubles, leurs bouches à demi vide ou bien brillantes de dents en or, les sacs plastiques à leurs pieds contenant un mélange de médicaments et de nourriture. Il semble à Hamid qu’il a suffi qu’il s’absente un an pour que la cité s’effondre sous le poids de l’âge. Elle fait partie de ces constructions qui n’ont d’allure que flambant neuves et qui vieillissent comme on pourrit La conjoncture s’ajoute au faiblesse de son architecture pour faire craquer les murs, la crise sonne le glas des trente glorieuses et écrase ce quartier de travailleurs qui travaillent de moins en moins.

L’homme algérien ne trouve plus sa place

Il y a la télévision. Celui qui ne fait rien la regarde. C’est comme ça, en France. Mais comment rester chef de famille lorsque l’on regarde la télévision aux côtés de ses enfants et de sa femme ? Quelle différence y a-t-il entre soi et les enfants ? Soi et l’épouse ? La télévision et le canapé effacent les hiérarchies, les structures de la famille pour les remplacer par un avachissement similaire chez chacun.

  Très bien vu !

  Et en guise de modernité, de glamour politique, qu’est-ce qu’on vous a proposé -et pire- qu’est-ce que vous avez accepté ? Le retour de l’ethnique. La question des communautés à la place de celle des classes. Alors les dirigeants pensent qu’ils peuvent apaiser tout tension avec une jolie vitrine de minorités, une tête comme la leur, en haut de l’appareil d’État, sûrement, ça va calmer les gens de la cité. Il nous montre Fadela Amara, Rachida Dati, Najat Vallaud-Belkacem au gouvernement. La peau brune, Le nom arabe, ça ne suffit pas. Bien sûr, c’est beau qu’elles aient pu réussir avec ça ‘ ça n’était pas gagné- mais c’est aussi tout le problème, elles ont réussi. Elles n’ont aucune légitimité à parler des ratés, des exclus, des désespérés, des pauvres tout simplement. Et la population maghrébine de France, c’est majoritairement ça, des pauvres.

Paris

Hamid s’enivre de Paris tant qu’il peut. Il voudrait pouvoir s’injecter la ville, il l’aime, il est amoureux d’une ville, il ne croyait pas que c’était possible mais il ne veut plus la quitter. Ici, tout les monuments sont célèbres et les visages anonymes. Les photographies et les films font que Paris semblent appartenir à tous et Hamid, plongée en elle, réalise qu’elle lui manquait alors même qu’il n’y avait jamais posé le pied.

C’est bien observé

 Hamid et Gilles jalousent François qui sert des mains ici et là et surjoue pour eux le fait d’avoir ici ses habitudes. Ils découvrent que l’anonymat de la grande ville, qui les libère, crée aussi le besoin paradoxal de lieux où l’on peut entrer et être reconnus.

Traduit de l’anglais par Christine Raguet.

Une plongée dans la souffrance d’un homme rongé par l’alcool, et qui a laissé sur son chemin un bébé qui a dû se débrouiller tout seul pour grandir. Non, pas tout seul car le geste le plus beau que son père a accompli, a été de le confier au seul être de valeur rencontré au cours de sa vie d’homme cabossée par une enfance bafouée, puis par la guerre, par le travail manuel trop dur et enfin par l’alccol : « le vieil homme » saura élevé l’enfant qui lui a été confié et en faire un homme à la façon des Indiens , c’est à dire dans l’amour et le respect de la nature. Bien sûr, cet enfant a de grands vides dans sa vie : son père qui lui promettait tant de choses qu’il ne tenait jamais et sa mère dont il ne prononce le nom qu’aux deux tiers du roman mais que la lectrice que je suis, attendait avec impatience. Ce roman suit la déambulation lente de la jument sur laquelle le père mourant tient tant bien que mal à travers les montagnes de la Colombie-Britannique, guidé par son fils qui jamais ne juge son père mais aimerait tant le comprendre. Après Krol, Jérome Kathel, j’ai été prise par ces deux histoires, la tragédie d’un homme qui ne supporte sa vie que grâce à l’alcool. Et celle de son enfant qui a reçu des valeurs fondamentales de celui qu’il appelle le vieil homme. Tout le récit permet aussi de découvrir le monde des Indiens, du côté de la destruction chez le père, on vit alors de l’intérieur les ravages mais aussi la nécessité de l’alcool. Souvent on parle de l’alcoolisme des Indiens, comme s’il s’agissait d’une fatalité, mais au centre de ce comportement, il existe souvent des secrets trop lourds pour que les mots suffisent à les évacuer. L’enfant en parle ainsi

C’est un peu comme un mot de cinq cents kilos

L’autre aspect, bien connu aussi du monde des Indiens, c’est l’adaptation à la nature qui remet l’homme à sa juste place sur cette planète. Et l’auteur sait nous décrire et nous entraîner dans des paysages et des expériences que seule la nature sauvage peut nous offrir.

 

Citations

Être indien

Il était indien. Le vieil homme lui avait dit que c’était sa nature et il l’avait toujours cru. Sa vie c’était d’être seul à cheval, de tailler des cabanes dans des épicéas, de faire des feux dans la nuit, de respirer l’air des montagnes, suave et pur comme l’eau de source, et d’emprunter des pistes trop obscures pour y voir, qu’il avait appris à remonter jusqu’à des lieux que seuls les couguars, les marmottes et les aigles connaissaient.

L’alcool

 Le whisky tient à l’écart des choses que certaines personnes ne veulent pas chez elle. Comme les rêves, les souvenirs, les désirs, d’autres personnes parfois.

La souffrance et l’alcool

 J’ai essayé de me mentir à moi-même pendant un paquet d’années. J’ai essayé d’me raconter que ça s’était passé autrement. J’ai cru que j’pourrai noyer ça dans la picole. Ça a jamais marché du tout.

Les couchers de soleil

Lorsqu’ils passèrent la limite des arbres au niveau de la crête, les derniers nuages s’étaient écartés et le soleil avait repris possession du ciel à l’ouest. Les nuages été à présent pommelé de nuances mordorées et il pensa que c’était bien la seule cathédrale qu’il lui faudrait jamais.
Photo prise dans un blog que j’aime beaucoup : ruralité .net
 oui, les couchers de soleil sont des cathédrales !


J’avais lu, sur les commentaires à propos d’un de ses livres, que celui-ci plaisait à beaucoup de blogueurs et blogueuses. Comme je le comprends ! Il a tout pour plaire ce roman. D’abord l’art de raconter, à propos d’objets anodins tout ce qui les rattache à un pan de vie. Comme ces boucles d’oreilles qu’il a retrouvées et qui lui rappelle une partie de sa jeunesse. Une virée à Paris, ville où il se promène jeune adulte avec trois autres amis, un premier amour qui n’a pas duré très longtemps, et ce cadeau qui devait sceller une grande amitié. Les années 80 époque où

Les Free Time viennent d’être supplanté par les MCDonald’s. Tout le monde porte les United Colors de Benneton

Peu à peu, au fil des objets, sa vie se déroule à travers les pages de ce roman, construit sur la douleur d’un divorce mal vécu. Sa femme partant avec un dentiste, certaines phrases sur cette honorable profession sont très drôles même si elles sont caustiques. Mais le charme de la construction du roman ne s’arrête pas là, chaque personne qui s’arrête devant un objet le fait pour des raisons bien précises, et redonne une nouvelle vie à l’objet en question. Le livre est construit en boucle et ce qui devait n’être un débarras, est porteur de vie : les objets perdus, prennent un nouveau départ vers des objets trouvés. Et, grâce à l’acheteuse des boucles d’oreille, s’esquisse un départ possible vers une rencontre : l’auteur pourra-t-il ainsi sortir de la tristesse de son divorce ?

La multiplicité des points de vue sur les objets permet de rendre compte des différentes perception du même événement. L’histoire du cadre rouge est vraiment attachante, l’homme a détesté ce cadre dans lequel sa mère affichait des photos de lui enfant qui ne lui rappelaient que des mauvais souvenirs, mais son épouse avait été touchée par le geste de sa belle -mère lui confiant un moment de l’enfance de celui qu’elle aimait.

Jean-Philippe Blondel a ce talent particulier de garder en lui, et de nous faire revivre des moments de notre passé par une chanson, une marque de vêtements, un événement. Son minuscule inventaire, c’est certainement ce que beaucoup d’entre nous pourrions faire à propos d’objets que nous gardons et dont nous seuls connaissons l’histoire, mais évidemment nous n’avons pas tous ni toutes son talent pour les raconter.

Citations

La lecture adolescente

Je cherche des romans qui parleraient de moi -de nous, mais dans les librairies, je ne vois que des récits de quadragénaires qui s’épanchent sur leur divorce et sur leurs maîtresses.

On pense à une chanson de Bénabar

 Marianne est institutrice, elle s’est dénudée pour un autre instituteur et ensemble ils forment un couple CAMIF parfait, ils ont un monospace acheté d’occasion et trois enfants ceinturés à l’arrière, ils vont en vacances en Vendée et ont fait poser dernièrement des pavés autobloquants dans la descente de leur garage.

Vision de la Bretagne

Chrisian Lapierre venait de Bretagne -de l’autre côté de la France, pas loin de cet océan que je n’avais vu qu’en carte postale,nous, on allait plutôt à la montagne, c’était moins cher, et même si on avait choisi la mer, on aurait viré plus au sud, en Bretagne, il pleut tout le temps et c’est une région triste à mourir.

Les petites anglaises

Je suis sorti pendant quelques temps avec une fille qui s’appelait Kathleen, assistante anglaise de son état, qui trouvait la France for-mi-da-ble, la culture for-mi-da-ble, la cuisine extra-for-mi-da-ble et les Français hyper-for-mi-da-ble. J’ai été content de l’accompagner sur le quai de la gare du Nord pour son retour dans son pays natal. Elle était en pleurs, mais moi, je trouvais ça formidable. 

Au moins, j’ai pratiqué l’anglais oral.


Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Je suis ravie que le club de lecture ait renoué avec la tradition de proposer une BD à chaque séance et à propos du thème de l’aventure, celles-ci étaient particulièrement bien choisies. Quelle femme cette Alexandra ! Je suis certaine que toutes les participantes du club vont l’adorer, vont-elles accepter de surmonter leurs réticences à propos des B.D ? Celles-ci le mériteraient, les auteurs se sont inspirés du livre de souvenirs de sa dernière dame de compagnie Marie-Madeleine Peyronnet, pendant les dix dernières années de sa vie, Alexandra David-Neel a vécu en recluse dans sa villa nommée « Samten Dzong », à Digne.

Marie-Madeleine lui a servi de femme de chambre, de secrétaire, de dame de compagnie et de souffre douleur. Mais peu à peu des liens d’amitié se sont tissés entre les deux femmes, car Alexandra avait une personnalité hors du commun et généreuse à sa façon. Marie-Madeleine comprendra assez vite que, lorsque sa « patronne » est désagréable c’est qu’elle souffre le martyre, son corps la trahit et elle qui aimait tant marcher restera clouée dans son fauteuil pendant dix ans. Seules les visites d’amis souvent de prestigieux intellectuels arriveront à lui redonner du tonus. Cette femme qui s’est déguisée en Tibétaine pour aller à Lhassa capitale du Tibet interdite à tout étranger en passant par les montagnes de l’Himalaya , qui parle, lit et écrit un nombre de langues incroyables dont le tibétain, qui est considérée comme une spécialiste émérite de la religion boudhiste, est enfermée entre quatre murs . Mais elle a accumulé tant et tant de souvenirs que sa vie est encore très riche.

La B.D alterne sa vie au présent en monochrome avec Marie-Madeleine et ses souvenirs très colorés lorsque rien ne l’arrêtait pour comprendre cette civilisation qui l’attirait tant : le bouddhisme tibétain. Cette B.D m’a donné envie de relire cette auteure que j’ai lu il y a bien longtemps. Alexandra David.Neel donne du courage à toutes celles qui acceptent difficilement les limites imposées par les convenances, pour les femmes de son époque le chemin était tout tracé et ne passait pas toujours par l’Himalaya !

Toutes et tous nous pouvons faire de cette phrase notre devise

Marche comme ton cœur te mène et selon le regard de tes yeux

Fierté française

Pour ceux qui l’auraient un peu oublié, le béton précontraint figure au nombre des fiertés françaises, avec le romanée-conti, la cathédrale de Chartes, le N°5 de Chanel et bien d’autres. 


Merci Keisha, qui a été la première à me donner envie de lire ce livre, depuis j’ai lu d’autres avis tout aussi élogieux sur ce « roman » qui mérite plus le titre de « documentaire », à mon avis. J’ai écouté Laurence Cossé parler de son livre, elle explique qu’elle voit ce monument comme l’expression de la tragédie de son architecte : Johann Otto von Spreckelsen. Celui-ci a démissionné de ce projet en 1986 lorsque le gouvernement de Jacques Chirac renonce au « Carrefour International de la Communication » et il meurt quelques mois plus tard en exigeant que son nom ne soit pas associé à la « grande Arche ». Mais auparavant, il avait négocié des royalties sur toutes les photos prises de la grande Arche, et c’est d’ailleurs le seul lien que sa veuve gardera avec la France : les royalties !

L’auteure est très critique aussi pour le monde politique mais curieusement dans les entretiens, elle en veut plus à la droite (Juppé et Chirac) qu’à Mitterrand. Or en lisant ce livre, on est abasourdi par la façon dont ce président a dépensé l’argent de la France. C’est peu de dire qu’il n’avait aucun soucis d’économie et que le fait du prince a coûté très cher aux français et pas toujours pour de bonnes raisons. Comme cette volonté de ne pas traiter le marbre qu’il faut aujourd’hui remplacer. Laurence Cossé critique la droite de ne pas savoir su donner vie « au Carrefour International de Communication » mais personne ne savait quoi mettre derrière ce nom ronflant. La lecture de l’article de Libération explique bien les enjeux politiques de ce projet. Il est vrai que chaque gouvernement avait son idée pour occuper cet espace et que ce n’est pas la plus mauvaise des idées qui a été retenue. Seulement voilà Spreckelsen (qui touchera quand même ces 10 pour cent d’un bâtiment qui coûtera trois milliards sept), n’avait pas derrière lui un bureau d’études capable de mener ce projet à son terme et si, deux noms peuvent être rattachés à ce bâtiment c’est celui de Paul Andreu qui fera tout pour que ce bâtiment se construise malgré les énormes défis architecturaux et les magouilles politiques et Robert Lion directeur de la caisse et des dépôts et consignation qui a trouvé les budgets pour financer la construction.

Le problème majeur de ce bâtiment ce n’est pas tant les prouesses techniques auxquelles il a fallu faire face que le fait que personne n’ait pu lui donner une affectation qui permette aux communs des mortels de venir le visiter. Il s’inscrit à tout jamais dans une belle perspective parisienne et même si son entretien est compliqué à cause des choix esthétiques de l’architecte danois il reste un monument qui a de l’allure. Encore aujourd’hui, l’affectation de la grande Arche n’est pas définie mais on peut de nouveau monter sur son toit et apparemment s’y restaurer. Laurence Cossé vous entraînera dans cette aventure avec un talent étonnant, moi qui suis peu technique j’ai lu avec grand intérêt ce qu’elle dit sur les difficultés des maître d’ouvrages. J’ai soupiré avec elle, quand elle avoue avoir souffert en cherchant à rendre clairs les problèmes architecturaux , mais elle a réussi son pari : on comprend très bien ce qu’elle explique. Comme elle, je vous conseille l’article de Wikipédia, c’est beaucoup moins intéressant que son roman mais cela permet de suivre les différentes péripéties de la construction jusqu’à aujourd’hui..

Citations

Le début de Mitterrand

Il y avait une ambiance extraordinaire, de foi d’espoir… inimaginable aujourd’hui. On baignait dans l’illusion lyrique, tous les fantasmes de la gauche au cœur. N’ayant jamais été au pouvoir, à part de rares exceptions, les nouveaux dirigeants pensaient qu’il y avait énormément à distribuer.

Les absurdités des musées et bibliothèques

Ces films et les quelques livres sur Spreckelsen se trouvent à la bibliothèque de la Cité de l’Architecture, au Trocadéro. Un endroit lumineux, mais où il faut éviter de se rendre en juillet et en août. Car, si la cité est ouverte ces mois-là, la bibliothèque est fermée. Sans doute les autorités font-elles l’hypothèse que ceux qui s’intéressent à l’architecture ont le dos fatigué et doivent aller s’allonger deux bons mois sur la plage. 
C’est pourtant là une bibliothèque idéale, il serait heureux de pouvoir s’y poser une heure ou deux en été : un aquarium calme et blanc en plein Paris, des milliers de livres, des milliers d’articles, des ordinateurs, vingt lecteur jeunes et du genre le plus sérieux et dix bibliothécaires aux petits soins.

Gabegie d’état

Il y a des pratiques un peu difficile à comprendre dans l’urbanisme, en France. Par exemple d’un candidat puisse gagner un concours, ou une consultation, et que jamais ensuite son projet ne soit construit. Cela s’est pourtant fait cent fois. Souvent c’est politique….

Ce que l’on ne dit pas au contribuable, c’est que l’on fait accepter l’arbitraire à l’architecte évincé en le dédommageant. Toutes les maquettes de projet écartés qui s’entassent dans les réserves des musée de l’architecture valent chacune leur poids d’or.

Les Danois et nous

 Il portait ces préventions en lui depuis longtemps, avec tous les Danois. Nous avons du mal à le croire, nous autres français qui nous croyons rationalistes, organisés et pour tout dire très intelligents, mais aux yeux de beaucoup de nos voisins nous sommes des passionnels, des idéologues, des phraseurs, des agités, des individualistes, enfin des gens peu sûrs.
Le plus triste c’est que la réalité a donné raison à Spreckelsen et à ses craintes. Dans les derniers moments de sa vie, trois ans plus tard, dans le film de Tschernia-, il parle sans rancoeur mais il a des mots définitifs sur le peu de sens du contrat en France, sur les remises en cause incessantes des choix collectifs, sur la violence des affrontements entre camps politiques. Et là, il parle d’expérience.

Les débuts de l’informatique

Spreckelsen n’a jamais touché un ordinateur mais ADP commence à en être équipé. La période est unique dans l’histoire. On est à cheval sur deux ères. Les quantités documents ont été dessinés à la main sur papier. Après les avoir numérisé, il faut les faire viser par les auteurs puis obtenir l’approbation des architecte en chef. À vouloir concilier les deux systèmes, certains se demande si on ne perd pas plus de temps qu’on en gagne. À l’époque, à l’observatoire de Meudon, un vieil astronome qui se méfie de l’informatique refait tous les calculs de l’ordinateur, de la façon dont tu as toujours fait.

PARLONS CHIFFRES

Un point n’est pas conflictuel -et d’ailleurs jamais évoqué dans la littérature sur les grands travaux-, les architectes sont très bien payés. Inge Reitzel en sourit :  » Nous étions voisins des Spreckelsen, à côté de Copenhague. Dans l’été 1985, allant chez eux, nous avons vu deux Jaguar devant la maison. »

Rien là d’exceptionnel. Pei pour le Louvre, Ott et Bick pour la Bastille, Tschumi et Fainsilber pour la Vilette, Chemetov pour Bercy, tous les architectes des grands travaux touchent les honoraires d’usage, quelque dix pour cent du total du coût de la construction. La modernisation du Louvre atteindra plus de six milliards de francs, la grande bibliothèque huit milliards, l’Opéra Bastille trois milliards, la Cité de la Musique un milliard trois , l’Arche trois milliards sept. Cela fait pour chacun des architectes,  » une bonne pincée », comme dit Andreu.
Spreckelsen est particulièrement bien traité quand on sait que son travail n’est pas comparable à ce que produit Pei, par exemple. Le second a dans sa manche un grand bureau d’études et va très loin dans le détail. Les entreprises qui construisent sous sa gouverne n’ont qu’à exécuter ses plans. Le premier à quelques collaborateurs pour la circonstance, et la qualité du travail technique indispensable à son projet est sous la responsabilité d’Andreu. « Je ne sais pas comment Spreckelsen s’était débrouillé pour obtenir des honoraires pareils », se demande encore Dauge qui, aussitôt, esquisse une hypothèse  : « Il avait l’appui du président « .
Sur un autre chapitre de son contrat, Spreckelsen a été bien conseillé aussi. Il a obtenu l’exclusivité des droits sur l’image. On aura besoin de son autorisation pour reproduire l’Arche et, qu’on l’ait ou non demandé, tous les droits de reproduction lui reviendront. Il ne se publiera pas une carte postale qu’il n’ait droit à une redevance.
En théorie, rien de nouveau. Cela fait plus d’un siècle que les architectes se sont vu reconnaître ce droit dérivé de la propriété artistique. Dans les années 80, cependant, la plupart en sont restés à la conception selon laquelle ce qui appartient à la rue, à la ville ou au paysage appartient à tout le monde, et ne demande pas de droits sur l’image de leurs œuvres. Spreckelsen en demande. Il en demande.l’exclusivité. 
Quand ses confrères découvriront de quoi il retourne, ils commenceront par s’offusquer, puis ils s’y mettront à leur tour. Il y a souvent plus à gagner aujourd’hui à vendre les images que ses œuvres mêmes. Un architecte comme Pei touche des millions sur les photos de ses ouvrages architecturaux. Les peintres et les sculpteurs ne sont pas en reste. Buren s’en est fait une spécialité. Jusqu’aux propriétaires de sites naturels, qui ont pensé être fondés à prélever leur dîme sur des photos publicitaires où figuraient leurs terres – en vain, quant à eux.

Des aspects techniques

Les fondation n’en sont pas , du moins au sens classique. L’ Arche n’est pas ancrée en profondeur comme usuellement les immeubles et les tours, elle repose sur des pilliers. Ce n’est pas le premier édifice fondé de la sorte, les ponts le sont souvent, quelques centrales nucléaires, et Paul Andreu a eu recours au procédé de l’aérogare de Roissy. Mais on n’a jamais vu cela dans le bâtiment. Le toit n’a pas grand-chose d’un toit puisque c’est un palais suspendu d’un hectare posé sur deux immeubles aux extrémités. La cage à ascenseurs externe sera le plus grand ouvrage en acier inoxydable jamais assemblé, les dômes en altuglas qui coifferont les ascenseurs les plus spacieux jamais réalisés. …tout est exceptionnel, on va donc devoir innover beaucoup. Ainsi, on emploie pour la première dans ces proportions un hyperbéton, deux fois plus résistant que le béton ordinaire mais beaucoup plus fluide, et difficile à manier.
Ça n’a l’air de rien pour le béotien, mais quand Andreu écrit « personnellement je n’avais jamais utilisé ce béton à haute résistance » , c’est un peu comme si un commandant de sous-marin déclarait au moment de plonger qu’il est curieux de découvrir un nouveau système de ballast. 

Les fêtes de la mitterandie

Dans l’après-midi de semaine 14 juillet , le quinzième sommet des sept pays les plus riches du monde s’est ouvert au Louvre où François Mitterrand a inauguré cette fois la petite pyramide et l’immense sous-sol signé Peu. Le lendemain le 15, les chefs d’État, leurs suites et la presse du monde entier se transportent en haut de l’Arche. 
Le faste du moment et inimaginable aujourd’hui en France. Un des grands espaces carrés du toit a été transformé en salle de conférence ronde par l’architecte et le musicien Franck Hammoutène. Chacun des meuble de ce Saint des saints, dessiné pour la circonstance, ne servira qu’à cette unique occasion, y compris la table-monument de verre et de granit, ronde, elle aussi, comme il se doit,et si vaste, avec ses sept mètres vingt de diamètre, qu’il a fallu la monter en pièces détachées en hélicoptère. Quelques Rodin, Minet et Picasso ont été prêtée par les musées nationaux pour égayer la pièce. Dans les autres salles du toit, Andrée Putman à installé des lieux de repos dont elle a conçu le mobilier lui aussi éphémère au sens littéral, une salle à manger, un bar en demi cercle, autant de salons que de délégations, strictement identiques à part les couleurs, « taupe, ivoire, cigogne, camel », d’une banalité parfaite et donc propres à éviter tout incident diplomatique. 
Tout cela sera démonté dans les jours suivants. Grosse rentrée en vue pour le Mobilier national.

 Les mesquineries des politiques

   Habilement, le concours est ouvert aux seuls architecte français. Très ouvert : une esquisse seule est requise, et le règlement est léger. Le président Mitterrand se dit favorable au projet d’une tour de bureau, lui dont ce n’est pourtant pas le genre. Une seule explication : c’est que Michel Rocard, son premier ministre et le vieil adversaire à gauche, s’oppose pour sa part à de nouveaux immeubles de bureaux à la Défense. 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

J’ai été très séduite par le style de cet écrivain marocain qui manie la langue française avec une dextérité que beaucoup d’écrivains et d’écrivaines peuvent lui envier. Comment rendre compte de ce qui a été la vie de l’auteur lui même : la personnalité de son père chargé de divertir le roi Hassan II, alors qu’à la maison, pendant vingt ans toute la famille vit l’absence du brillant frère aîné, officier de l’armée marocaine maintenu vingt ans dans la geôle la plus terrible du Maroc pour avoir eu comme supérieurs des officiers qui ont participé au coup d’État de SkhiratLe bagne de Tazmamart est un lieu d’horreurs comme il en existe dans toutes les tyrannies. Que le père d’une des victimes soit « le fou » auprès de celui qui a créé ce bagne et qui y maintient son fils durant plus de vingt ans, est une situation qui rappelle la perversité de Joseph Staline.

Ce livre ne raconte pas seulement cette horreur là (dont la femme du « fou » ne se remettra jamais), l’auteur explique et nous fait comprendre la personnalité des courtisans. Et finalement on se dit que peu importe la forme du pouvoir, tout puissant doit avoir autour de lui des gens de l’acabit de Mohammed ben Mohammed. On pense à tous ces êtres de pouvoir qui ne veulent voir autour d’eux que le reflet d’eux même dans les yeux des gens qui les entourent. Bien sûr, plus les hommes ont du pouvoir et Sidi (Hassan II) en a beaucoup, plus la cour doit être composée de gens serviles. Peu de résistances peuvent se manifester, mais l’on voit quand même un ministre se faire traiter d’animal et sauver sa vie d’une manière très originale. Tout le monde vit sur la corde raide sans cesse et un rien peut vous plonger au pire dans une geôle ou vous conduire à la mort et au mieux dans l’oubli et disparaître des faveurs du roi.

Si ce roman avait été écrit de façon réaliste, on aurait pu pleurer à toutes les pages, mais il s’agit d’une fable un peu à la manière des conte de Voltaire. Nous ne sommes apparemment pas dans la réalité et pourtant, ce roman fait beaucoup plus pour décrire le régime d’Hassan II, d’ailleurs vivre ainsi comme courtisan d’une cour où le danger de mort vous guette à chaque faux-pas ne donne-il pas à la vie cet aspect d’irréel ? Plusieurs romanciers, et plusieurs cinéastes se sont emparés des derniers jours de Staline pour rendre compte de de cette atmosphère si étrange. Et bien lisez Mahi Binebine pour prendre conscience que les cours autour des tyrans sont, malgré les différences culturelles, partout les mêmes.

Citations

Portrait du fou face au dernier moments de son roi

Tout paraissait normal, mais rien ne l’était pour votre serviteur. Moi, Mohammed ben Mohammed, écume de la lie et du moisi de Marrakech que rien ne prédestinait à côtoyer les élus, moi, le rescapé des troisièmes sous-sols de l’humaine condition, j’étais là en cette soirée de juillet derrière mon maître moribond, ruminant la terrible sentence du médecin : « Plus que deux ou trois jours et nous serons tous orphelins ! »

La cour du roi

Voilà, j’ai commencé par vous dépeindre le meilleur du panier de crabe où j’ai eu à passer une partie substantielle de mon existence. De même que la proximité du pouvoir engendre des monstres, il lui arrive aussi d’enfanter des êtres supérieurs que, dans un autre temps, on aurait qualifiés de Saints. En dehors du musicien Saher et de l’irremplaçable docteur Moura, l’entourage de Sidi comptait une nuée d’individus sans foi ni loi, des créatures d’une intégrité et d’une humanité contestable (…). Cependant pour une question de survie, je devins à mon tour opportuniste. Plus de scrupules à exploiter les impairs de mes confrères pour briller. Et l’offre était conséquente tant ils rivalisaient de sottises (…)Que de fois j’ai voulu me payer le nain féroce qui jouissait les faveurs du souverain… ce reste de pâte noire dont la jalousie mesquine, la malveillance, la mauvaise foi absolue faisait de lui l’élément le plus détestable du groupe. Une peste qui crache son venin partout. Un fagot d’épines qui terrorisait l’Assemblée entière et qu’un simple souffle aurait envoyé au tapis. Pour être honnête, et j’en ai honte, si je nourrissais à son égard une haine cordiale, il m’arrivait aussi de le trouver drôle et même hilarant quand, avec ses crochets de vipère, il s’acharner à dépecer un individu désarmé, penaud, riant jaune. Difficile de se défendre contre la dérision quand on a le public contre soi.

Les ministres

Une information capitale, monnayable à prix d’or, qu’il pouvait divulguer, ou bien taire, c’est selon en quittant les appartements de Sidi sous les regards anxieux des gradés, soit le caïd Moha, souriait en opinant du chef, signifiant qu’on pouvait aborder le roi sans risquer sa peau ou à tout le moins son emploi, soit il levait son index retroussé en queue de scorpion, auquel cas il était fort recommandé à ces messieurs de remballer au plus vite leur paperasse et de remettre au lendemain l’urgence de leur visite. Conscients de leurs propres vulnérabilité et des redoutables atouts du valet, les gradé rivalisaient de gentillesse à son égard, le voyait ostensiblement, affectant à qui mieux mieux des familiarités dont il n’était pas dupe. Tous étaient bien entendu prêt accordé de larges faveurs, pourvu que le caïd Moha daignât lever le petit doigt si besoin !

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.


Quel plaisir de lire qu’un tout petit pays à l’échelle du monde a sauver l’honneur de la conscience humaine ! Seul le gouvernement Haïtien a décidé de recueillir tous les juifs qui se présenteraient dans son pays pour échapper au nazisme. Les Haïtiens s’enorgueillissaient déjà d’avoir défait les troupes de Napoléon, d’avoir aboli l’esclavage et d’être sorti de la domination américaine. En 1940, Haïti a déclaré la guerre aux Nazis allemands et aux Fascistes italiens. Bien sûr leurs moyens militaires ne suivaient pas vraiment mais on aurait tant aimé que d’autres pays aient eu le même courage. Louis-Philippe Dalembert raconte le destin d’un médecin Ruben Schwarzberg descendant d’une famille de fourreurs polonais, ayant vécu une vingtaine d’année à Berlin. Ces destins de Juifs de la diaspora polonaise, nous sont connus. La famille a fui l’intolérance catholique polonaise, s’est fort bien adapté au développement économique en Allemagne, a souffert de la crise de 1929 et puis a vécu l’horreur de la montée du nazisme. Mais l’originalité et le charme de ce livre vient du rappel des positions historiques d’Haïti.

Grâce au style de Louis-Philippe Dalembert, qui sait nous faire comprendre pourquoi et comment les Haïtiens nous réchauffent le cœur, le roman n’a pas, pour une fois, le ton tragique alors que le risque de mort est présent pendant toute la fuite du Docteur Ruben vers son île de liberté. Le style de l’auteur donne un souffle des Caraïbes et épouse tellement bien ce que l’on peut savoir de ce pays. Je recommande pour tous ceux et toutes celles qui seraient en manque d’érotisme la scène durant laquelle notre tout jeune médecin allemand (un peu coincé) rencontre pour la première fois la plénitude d’une expérience sexuelle réussie avec Marie-Carmel épouse trop délaissée d’un diplomate Haïtien, les deux pages qui lui sont consacrées commencent ainsi :

« Marie-Carmel savait jouer de son corps comme d’un instrument de musique, en tirer les notes les plus vibrantes, des accords dont Ruben lui-même ignorait que ses sens étaient porteurs. »
Malgré les tragédies que nous connaissons bien et qui vont traverser la vie de cette famille la force de vie venant de ce petit pays fait de ce roman un livre joyeux. Mais c’est lors d’une autre tragédie, le terrible tremblement de terre de 2010 que le vieux docteur Ruben Schwarzberg racontera toute sa vie à sa petite nièce Deborah, la petite fille de Ruth celle qui grâce à sa clairvoyance et à son énergie aura donné conscience en 1938 à toute la famille qu’il fallait quitter au plus vite Berlin.
Comme beaucoup de familles juives exilées les uns ont pris souche en Israël. D’autres aux États-Unis et donc, deux des leurs, sont en Haïti. Leur histoire n’est pas sans rappeler celles des chrétiens d’Orient si bien raconté dans « les Dispersés » de Inaam Kachachi… d’ailleurs c’est le renouveau des milliers d’exilés fuyant les conflits violents qui ont poussé l’auteur à raconter celle-ci qui maintenant est prête comme les ombres à s’effacer de nos mémoires.
PS
Keisha et Aifelle ont beaucoup aimé

Citations

Déclaration de guerre de Haïti le 12 décembre 1941 à l’Allemagne nazie

Pour les plus avertis, c’était juste une question de logistique. On aurait été un chouïa mieux armé, il aurait vu ce qu’il aurait vu, ce pingre -« nazi » en créole haïtien signifiant aussi « grippe-sous ». On lui aurait fait bouffer sa moustache ridicule à Charlie Chaplin, dit un homme qui avait vu « le Dictateur » la veille. On lui aurait tellement latté le cul que même sa mère n’aurait pu le distinguer d’un babouin. (…) Depuis que leurs ancêtres avaient mis une branlée aux vétérans de l’indicible armada de Napoléon, les Haïtiens s’imaginaient terrasser les plus puissants de la planète, comme on écraserait un chétif insecte, d’un talon indifférent. Dans leur esprit, un Autrichien à la gestuelle de bouffon ou un nabot corse dressé sur ses ergots, c’était blanc bicorne, bicorne blanc.

Rencontre à Paris d’un juif allemand et d’une poétesse d’Haïti

Ces deux derniers années, Haïti avait accueilli quelques dizaines de Juifs, venus de Pologne et d’Allemagne pour la plupart. Les informations récentes avaient amené le nouveau gouvernement à prendre des décisions radicales, en désaveu officiel de la politique de ce monsieur Adolf. Tous semaines plus tôt, il avait publié un décret-loi permettant à tout Juif qui le souhaitait de bénéficier de la naturalisation « in absentia ».

Générosité haïtienne

S’il avait accepté de revenir sur cette histoire, c’était pour les centaines de millions de réfugiés qui, aujourd’hui encore arpente déserts, forêts et océans à la recherche d’une terre d’asile. Sa petite histoire personnelle n’était pas, par moment, sans rappeler la l’heure. Et puis, pour les Haïtiens aussi. Pour qu’ils sachent , en dépit du manque matériel donc il avait de tout temps subit les préjudices, du mépris trop souvent rencontré dans leur propre errance, qu’ils restent un grand peuple. Pas seulement pour avoir réalisé la plus importante révolution du XIX° siècle, mais aussi pour avoir contribué au cours de leur histoire, à améliorer la condition humaine. Ils n’ont jamais été pauvre en générosité à l’égard des autres peuples, le sien en particulier. Et cela, personne ne peut le leur enlever.

Les mœurs haïtiennes

 Il n’était pas rare en tout cas de voir, un dimanche midi, déjeuner à la table familiale un enfant du dehors -comme on appelle ici les fils naturel- à côté d’un frère ou d’une sœur « du dedans » du même âge ; tout comme de voir un gosse porter, réunis en prénom composé, les nom et prénom de son père naturel mariée par ailleurs, et qui avait refusé de le reconnaître légalement. La maîtresse bafouée jurait ses grands dieux que ce n’était pas pour elle, mais pour le petit innocent venu au monde sans rien avoir demandé à personne, et prenait ainsi sa revanche, mettant, sinon le père réel ou supposé devant ses responsabilités, du moins toute la ville au courant, surtout si le coupable était quelqu’un de connu.

Philosophie

L’avantage avec le grand âge, c’est qu’on sait qu’on va mourir de quelque chose, autant que ce soit par le rhum.

La religion à Haïti

Ce qui préoccupaient le plus les Haïtiens, c’était de savoir si on pouvait être juif et vaudouisant à la fois, servir Yahweh et le Grand Maître, Abraham et Atibon Lebga, un compromis trouvé de longue date avec la religion catholique.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Après « Ce sont des choses qui arrivent« , j’ai eu un grand plaisir à retrouver cette auteure. Elle a un ton bien à elle pour évoquer les petits travers des « grandes » heures de gloire de la France, et même le tragique prend un air quelque peu ridicule. Nous sommes en Mais 1968, le 22 pour être précis. Tout Paris retentit de la révolte étudiante et subit les contraintes de la grève générale qui paralyse l’approvisionnement et les transports. Tout Paris, soit mais qu’en est-il des hôtels de luxe et du personnel peu formé pour exprimer des opinions personnelles et encore moins libertaires. Que pense donc, le personnel et les habitués du Meurice ? Son décor n’inspire pas la contestation :

Il n’empêche ! le Chef de Rang, Roland, a organisé une assemblée générale du personnel qui a voté l’autogestion. Seulement voilà, ce jour le 22mai 1968, c’est aussi, le jour ou la richissime Florence Gould doit remettre « le prix Nimier » à un jeune écrivain. Le personnel décide de montrer qu’il est fort capable de se passer du directeur et organise une soiré en tout point remarquable. Pendant ce temps le directeur réunit ces confrères du Ritz, du Plazza, du Lutetia et du Crillon pour savoir que faire devant cette situation quelque peu inédite. Cela permet à l’auteur de donner vie à un autre endroit stratégique de l’hôtel, le bar :

Peu de problèmes résistent à l’alcool et à l’argent. C’est la morale de ce roman. Sans doute vous serez vite curieux de connaître le romancier récompensé, comme l’ex ministre de la culture Fleur Pellerin, les vieux compagnons de table de Florence ne l’ont pas lu et seraient bien en peine de parler de son livre. En mai 1968 le prix Roger Nimier a été attribué à Patrick Modiano, et ce prix lui a été remis par des écrivains proches de la collaboration. Pauline Dreyfus a un vrai talent pour faire revivre ces gens si riches et si oisifs, elle ne les charge pas mais rend bien leurs aspects superficiels. Et son talent ne s’arrête pas à « croquer » caprices des gens trop riches avec humour,(la scène du repas de l’ocelot de Salvador Dali est aussi cruelle que drôle !)

L’auteure sait aussi nous rendre plus proche les obsessions littéraires de Patrick Modiano, qui dit de lui même qu’il a hérité du passé de la guerre qui n’était pas le sien. Or, ces mêmes salons furent le siège de la Kommandantur et ce sont les mêmes suites qui furent les logements de fonction des occupants et du général von Choltitz. Tous les personnages du fameux dîner ont existé et certains personnages ont dû s’amuser à se retrouver sujet de roman. Un personnage fictif existe, un homme qui a mis toutes ses économies dans une semaine au Meurice avant que le cancer ne l’emporte. Il est le seul à avoir lu et avoir compris le roman, et c’est lui aura le mot de la fin avec une chute qui m’a peu convaincue. Le roman n’avait pas besoin de ce hasard là.

Citations

Grève au Meurice

Depuis hier, même les Folies Bergères sont occupées par le personnel. Ce que les filles à plumes peuvent faire, je ne vois pas pourquoi nous n’en serions pas capable. Sinon nous allons passer pour le dernier des Mohicans. Votons une motion !

La grande Histoire et la petite

En apprenant que le Meurice avait, lui aussi, été contaminé par la révolution qui gangrenait le pays, le ministre s’était senti personnellement insulter. Il tenait en grande estime le directeur de l’hôtel, qui lui consentait des prix inférieurs à ceux du marché, au motif que l’Histoire n’est qu’une éternelle répétition et qu’autrefois, Louis Napoléon Bonaparte avait élu Le Meurice pour abriter ses amours avec Miss Howard. Une actrice, déjà. Un homme politique, encore. L’adultère, toujours.

Florence Gould et son passé pendant et après la guerre ou le pouvoir de l’argent.

Au bout d’une journée entière de laborieux palabres ponctués de protestations indignées, Florence avait dû son salut à son carnet de chèques. Le montant qu’elle avait inscrit était si élevé qu’elle avait pu regagner son domicile le soir même.
 Pour tout le monde et surtout pour l’avenir, cet épisode serait à classer dans la catégorie des calomnies. Même si elle avait été brève, l’expérience lui avait paru humiliante. Ces déjeuners où se presse le Tout-Paris de la littérature, c’est sa revanche. Plus personne ne lui reprochera ses fréquentations.(Hormis , post mortem, ses biographes, mais avec une telle mansuétude que le péché devient erreur de jeunesse : « Forence, après c’est sévère enquête du gouvernement français, américain et monégasque, est vite lavée de tout soupçon même si elle a manqué de discernement dans le choix de certains amants » litote délicieuse !)

L’homme des renseignements généraux au bar du Meurice

Il est des missions plus agréables que d’autres. Au perrier rondelle a succédé le whisky, puis le Dry Martini. Aussi, à cette minute, son esprit est-il si brumeux qu’il serait incapable de faire la différence entre un situationniste et un maoïste.