Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. Édition Seuil

Un essai ? un roman ? ce qui est sûr c’est que cette lecture a été un peu difficile dans le cadre du club de lecture parce qu’il faut l’avaler en quelques jours et que cette oeuvre ne s’y prête guère elle conviendrait mieux à la flânerie littéraire qui permettrait au lecteur de réaliser le vœu de Bernard Chambaz :

Aux morts pour qu’ils vivent. Aux vivants pour qu’ils aiment

Cette citation extraite de l’oeuvre de Joseph Delteil « les poilus », est le fil conducteur de ce roman, les vivants, dans le texte, ils sont deux, les parents de Martin né en 1976 et on peut aussi y rajouter nous, lecteurs et lectrices. Les morts ils sont très nombreux en dehors des deux principaux Jack London mort en 1916 et Martin mort à 16 ans en 1992, il y a aussi la famille quelque peu compliquée de Jack London et tous les écrivains que Bernard Chambaz convoque dans ce voyage qui retrace un itinéraire possible pour mieux connaître l’auteur, entre autre, de Martin Eden . Le livre se divise en chapitres qui sont autant de lieux évoquant la vie du grand écrivain qui, parfois, dialogue avec Martin, et que l’auteur visite avec son épouse. Je pense que si on ne connaît pas l’œuvre de cet auteur extraordinaire qui s’est battu contre tant d’injustices et qui a produit un nombre d’écrits incroyables, on ne peut pas apprécier ce livre. Beaucoup de gens se sont emparés de sa vie car elle se prête aux scandales et aux révélations sulfureuses même sa propre famille y est allée de différentes versions, comme souvent dans ce cas le plus intéressant et sans doute le plus proche de lui est dans ses livres. Je me souviens bien de ma lecture de Martin Eden, c’est un livre que j’ai lu et relu je crois qu’une grande part de lui est dans ce roman. Cela m’a donné envie de relire les livres qui ont enchanté mon enfance comme « l’appel de la forêt » et « Croc blanc » je ne sais pas si les jeunes d’aujourd’hui pourraient être sensibles à ces histoires, eux qui peuvent regarder de si nombreux documentaires animaliers de si grande qualité. Jack London est un écrivain de qualité et un homme privé médiocre, comme le prouve les lettres à ses filles dont l’auteur dit qu’il aurait aimé en faire un grand feu de joie tellement il y apparaît comme mesquin. J’ai retrouvé dans ce livre l’engagement de l’auteur face à la misère du monde capitaliste et la fluctuation de sa pensée politique. C’est souvent le cas lorsqu’un homme connaît la misère populaire, il sait souvent très bien décrire d’où il vient mais quand lui-même atteint un niveau de vie très confortable grâce à ses écrits sa mauvaise conscience le taraude et peut le conduire à des positions paradoxales.

Je ne suis pas enthousiaste pour ce livre, parce que je me suis souvent perdue dans les différents point de vue des chapitres : étions nous avec l’auteur et son amoureuse ? avec leur fils, avec Jack London ? et surtout je n’ai pas compris le dialogue entre Martin et Jack . Est-ce-que cela a enrichi pour l’auteur la connaissance de son fils ? et j’avoue que les constantes allusions aux signes astrologiques me laissent perplexe.

Toutes ces réserves viennent aussi, sans doute, du fait que j’ai lu trop rapidement ce livre pour le rendre au club et avoir l’avis des autres lectrices. et pourtant dans ce livre j’ai lu cette phrase qui me touche beaucoup :

Nous sommes aussi, un peu, les livres que nous avons lus.

 

Citations

 

Une mère au caractère sans tendresse.

Toute sa vie, il restera animé par des sentiments contradictoires, partagé entre l’affection naturelle qu’il porte à sa mère et l’irritation instinctive que ses réactions provoquent (…… )
On garde au fond du cœur des épisodes cuisants auxquels nous donnons, quelquefois, trop de relief. Le plus lancinant quand il y repense n’est pas que sa mère ne lui ait dispensé aucune tendresse, c’est son comportement lors de l’épidémie de diphtérie ou une fièvre carabinée faillit les emporter, sa demi-sœur et lui. Ce jour-là, Flora demanda au médecin si elle pouvait les enterrer dans le même cercueil.

L’enfance de Jack London

Il n’y a pas que les livres dans la vie. Dès ses huit ans, Jack doit gagner sa vie ou plutôt contribuer au budget familial, débitant des pains de glace l’été, balayant les pistes d’un bowling le weekend, livreur de journaux, à pied d’ œuvre pour l’édition du matin et pour l’édition du soir, la nuit noire l’hiver, avant et après la journée d’école où il s’est davantage ennuyé qu’il n’a appris.

Ce qui rend difficile le livre : mélange des époques et des lieux

Icefields Parkway -ou la promenade des Glaciers- longe depuis Jasper la rivière Athabasca. En langue crie, on entend tantôt l’herbe éparse tantôt les roseaux que les champs de glace prodiguent à la saison estivale.

Défense de l’assassin du président Garfield

À son procès, l’assassin ne plaida pas la folie mais la volonté de Dieu dont il était l’instrument, convaincu qu’il serait à ce titre innocenté, assurant sa défense avec des arguments spécieux :  » Ce sont les médecins qui l’ont tué. J’ai seulement tiré . »

Londres en 1900…

Avant même d’arriver au cœur des ténèbres, sa première impression de la capitale mondiale et d’une « abjecte pauvreté » bientôt « sans limite ». Jack est saisie par la vision des vieux et des enfants fouillant les ordures dans la boue. …. 
 Dormir est un méchant casse-tête, que ce soit dans une pièce insalubre où s’entassent plusieurs familles, chez des marchands de sommeil qui louent très cher des lits occupés par roulement, dans des logements exigus, sordides des taudis, des galetas, des tanières, parfois sans fenêtre, presque toujours sans lumière.

Une histoire qui lui servira dans ses nouvelles

Un vieux marin lui rapporte son histoire et le hasard une fois encore fait que c’est une histoire pour Jack. Le vieux avait donc frappé un lieutenant qu’il avait insulté, le lieutenant était tombé à la mer, il avait sauté dans l’eau par réflexe, mais j’aurais mieux fait de nous noyer tous les deux, crois-moi, un canot les avais repêchés, on l’avait traduit devant un tribunal, on lui avait enlevé la Victoria Cross gagnée sur les champs de bataille au bord de la mer Noire pour les beaux yeux de la reine, et il conclut d’une voix ferme, laissant Jack sans voix. : « Ne te laisse pas vieillir, mon petit ! Meurs quand tu es encore jeune ! »

Jack en époux

Alors que Bess est enceinte, qu’elle se coltine les tâches ménagères et tape à la machine ses manuscrits, il continue de faire du vélo, boxer, nager, sortir au club avec ses copains, animer des réunions publiques où il retrouve Anna.

 

 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. Édition de l’Olivier

J’ai été très touchée par ce roman car tout est en nuances ce qui n’enlève aucune profondeur au propos. Une écrivaine qui est proche de la personnalité de Fanny Chiarello , d’ailleurs c’est sans doute elle-même ou du moins une des ses facettes, aperçoit une jeune joggeuse dans un quartier populaire du bassin minier. Elle en fait une photo car elle est très attirée par elle. Puis, elle lui écrit ce roman où elle imagine sa vie. Une vie qu’elle connaît bien car elle est elle même issue du même milieu. Ainsi dans ce dialogue avec Sarah, elle révèle aux lecteurs et lectrices que nous sommes, à quel point c’est douloureux de se sentir différente dans ses orientations sexuelles, alors que tout dans la société vous pousse à être normal, c’est à dire attirée par des garçons. Est-ce plus difficile dans ce milieu que dans la bourgeoisie, je n’en sais trop rien ? Je sais depuis Edouard Louis, que cette différence peut conduire à des réactions très violentes. Je pense que dans des familles catholiques conservatrices ou musulmanes, peu importe l’origine sociale, cela doit être très douloureux pour la jeune adolescente. Dans ce livre, la famille de Sarah n’est pas caricaturée, même si la mère est intrusive et pense qu’elle a le pouvoir de remettre sa fille dans « le droit chemin » , elle le fait certainement par amour et par par peur des malheurs que peut engendrer l’aveu de l’homosexualité. Tout en étant une mère qui essaie de bien faire elle est d’une rare violence pour la jeune adolescente qui se cherche et ne voudrait rencontrer que douceur et compréhension. J’ai trouvé la construction romanesque intéressante et les sentiments de la jeune fille très bien décrits. En revanche, j’ai trouvé un peu convenues et sans originalité les remarques sur la langue française et différents passages obligés sur les différences entre l’homosexualité et l’hétérosexualité. À la fin du livre, quand je l’ai refermé et laissé mûrir dans mes pensées, je me suis dit que c’était déjà compliqué d’être adolescente, encore plus, sans doute quand on vient d’un milieu dont on n’épouse pas les codes mais quand, en plus, on se sent juger pour ses émois sexuels alors cela doit devenir proche de la cruauté ce qui peut pousser suicide ou au moins au repliement sur soi. Je me suis demandée si Sarah n’allait pas devenir anorexique, tant les moments à table où elle sent le regard de chacun la scruter, la juger et enfin la condamner sont pénibles pour elle.

PS . Je suis très contente d’avoir lu et apprécié un roman de cette auteure qui m’avait tellement ennuyée dans le précédent « Une faiblesse de Carlotta Delmont »

 

 

Citations

 

Détail bien vu

Son jean taille haute est si moulant que , quand elle glisse son téléphone dans la poche arrière , on pourrait taper un message à travers la toile .

Une homosexualité discrète

Quand tu entends Lou faire bruyamment étalage de ses attirance, tu es mal à l’aise pour elle. Ni plus ni moins que tu ne le serais si elle se jetait sur des garçons. Tu ne comprends pas les gens qui se donnent en spectacle, toi qui place l’intimité en tête des luxes possibles et y aspire de toutes tes forces.

Être végétarienne

 Tu as plaidé pour le droit d’être végétarienne mais ta mère a répondu qu’il était de sa responsabilité de t’assurer une croissance normale. Tu as alors tenté de démontrer qu’une croissance normale ne passait pas nécessairement par la consommation de viande ; pour étayer tes propos tu as imprimé quelques articles qui l’expliquaient mais ta mère a estimé avoir plus de bon sens que les scientifiques.

Je comprends

La plupart des gens trouvent les érudits passionnant, mais moi, ils me dépriment. Quand je suis amenée à en écouter (ce qui signifie que je suis tombée dans un guet-apens), je délaisse très vite le contenu de leur discours pour me concentrer sur sa forme, sa longueur, son rythme, son lexique, je l’observe comme une pathologie un peu triste.

 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. Édition Albin Michel

 

Dans cette période qui devrait normalement être celle de la fréquentation des cimetières, je vais vous parler d’un roman pour lequel je ne suis pas enthousiaste, même si j’ai eu quelques bons moments pendant la lecture. Violette Toussaint née Trénet est gardienne de cimetière. Quand je dis « née » je ne vous dis pas l’essentiel : Violette est née sous « x » et une sage femme l’a prénommée Violette car à la naissance sa peau violacée l’avait condamnée à ne pas survivre, puis Trénet sans doute parce qu’elle aimait ce chanteur. Violette rencontre son destin sous les traits de Philippe Toussaint un trop beau garçon qui passe son temps à faire l’amour aux femmes, la sienne, celles des autres et toutes les filles qui en ont envie. De cette union mal assortie naîtra une petite fille Léonine et sept ans de bonheur intense pour Violette, même si son mari continue à courir les femmes dans toute la région. Le malheur de Philippe vient d’une mère Chantal Toussaint qui méprise sa belle fille et cherche à transmettre à son fils son propre mépris. Un accident terrible va survenir, mais je ne peux, sans divulgâcher le récit, vous le raconter. Les plaisirs de lecture de ce gros roman, vient des différentes anecdotes liées aux histoires de cimetière. Violette aime son métier et accueille avec respect les malheur des uns et des autres, c’est cet aspect qui m’a le plus intéréssée. J’avoue que l’intrigue autour de la mort de sa petite fille de sept ans, m’a beaucoup moins passionnée et surtout, je ne crois pas du tout aux deux personnages principaux. On est dans la caricature ou dans l’esquisse de personnages mais pas dans la richesse de la complexité de l’humain. L’histoire se tisse lentement au gré d’incessants retour en arrière ou de changements de personnages, on s’y perd un peu. Ce n’est pas ce qui m’a le plus dérangée, mais je ne comprends pas trop cette envie de rendre le roman aussi sinueux . Pour finir par un happy-end très prévisible. Comme je le disais en commençant, il y a de très bonnes petites histoires autour du cimetière, qui rendent ce roman parfois très agréable à lire, mais sinon il faut accepter le côté « romanesque », dans le mauvais sens du terme, des personnages. Cela m’a fait penser aux romans d’Anne Gavalda en plus caricatural.( Et je précise que parfois je prends plaisir à lire Anne Gavalda – comme pour ce roman que je suis loin d’avoir entièrement rejetée.)

 

Citations

Portrait de son mari

Le jour de la parution de l’article, Philippe Toussaint est rentré de la feue ANPE la mort dans l’âme : il venait de réaliser qu’il allait devoir travailler. Il avait pris l’habitude que je fasse tout à sa place. Avec lui, niveau fainéantise, j’avais gagné le gros lot. Les bons numéros et le jackpot qui va avec.

J’aime bien ce genre de remarques

Demain, il y a un enterrement à 16 heures. Un nouveau résident pour mon cimetière. Un homme de cinquante cinq ans, mort d’avoir trop fumé. Enfin, ça, c’est ce qu’on dit les médecins. Ils ne disent jamais qu’un homme de cinquante cinq ans peut mourir de ne pas avoir été aimé, de ne pas avoir été entendu, d’avoir reçu trop de factures, d’avoir contracté trop de crédits à la consommation, d’avoir vu ses enfants grandir et puis partir, sans vraiment dire au revoir. Une vie de reproches, une vie de grimaces. Alors sa petite clope et son petit canon pour noyer la boule au ventre, il les aimait bien.
On ne dit jamais qu’on peut mourir d’en avoir eu trop souvent trop marre.

Une enfance et un couple sans amour.

Je crois que j’ai toujours eu ce réflexe, celui de ne pas déranger. Enfant, dans les familles d’accueil, je me disais : « Ne fais pas de bruit, comme ça cette fois tu resteras, ils te garderont. » Je savais bien que l’amour était passé chez nous il y a longtemps et qu’il était parti ailleurs, entre d’autres mur qui ne seraient plus jamais les nôtres.

Moment d’humour

Maintenant, ma dernière volonté, c’est de me faire incinérer et qu’on jette mes cendres à la mer. 
-Vous ne voulez pas être enterrée près du comte ? 
-Près de mon mari pour l’éternité ?!Jamais ! J’aurais trop peur de mourir d’ennui !
-Mais vous venez de me dire que ce sont les restes qu’on enterre ici. 
-Même mes restes pourraient s’ennuyer près du comte. Il me fichait le bourdon.

 

Édition Gallimard

Cet auteur est un habitué de Luocine, il sait me faire rire et aussi m’émouvoir. « Charlotte » est certainement le livre qui m’a le plus touchée, j’ai même pleuré en lisant « Mes souvenirs » adoré « La délicatesse » et été déçue par « Nos séparations »

J’ai beaucoup hésité entre trois ou quatre coquillages, mais en tant qu’habitué de Luocine, David Foenkinos bénéficie d’un préjugé favorable. Dans ce roman, l’auteur nous fait prendre conscience du travail de l’écrivain. C’est très à la mode de parler de l’inspiration et de la difficulté de renouveler son inspiration et c’est pour ce côté « dans le vent » que je suis passée de quatre à trois coquillages. Mais c’est aussi un roman qui traite avec tellement de légèreté et d’humour de la création romanesque et de notre vie de tous les jours, que je lui ai rendu son quatrième coquillage  !

L’auteur est donc en panne d’inspiration, et décide d’arrêter la première personne qu’il rencontre pour en faire son personnage de roman . Cela tombe sur Madeleine Tricot, femme assez âgée (on dirait, aujourd’hui, à risques) qui a travaillé dans la mode, chez Chanel, auprès de Karl Lagerfeld . Son roman s’étendra à la famille de sa fille, Valérie, qui a épousé Patrick Martin d’où le titre du roman. L’auteur doit aussi gérer sa séparation. Après quelques années de vie commune, Marie vient de le quitter en lui disant qu’elle préfère vivre seule qu’avec lui. Entre la fiction et la réalité qui passe par la plume de l’écrivain, on assiste surtout à une excellente mise en scène de la création romanesque et du plaisir que doit éprouver tout écrivain à dominer chaque personnage obéissant à sa toute puissance. Mais dans la réalité ? Et bien, oui cela ne se passe pas comme ça, même si on aimerait parfois qu’un écrivain nous anime pour avoir le courage de brûler les rideaux d’un chef pervers et manipulateur ou de mettre toutes ses économies pour aller jusqu’à Los Angeles retrouver son amour de jeunesse. C’est un roman très léger et qui se lit très vite et en plus qui sort le lecteur de la morosité ambiante. Ces quelques allusions aux quotidiens sont bien croquées sans être plombantes. Je suis très sensible l’humour de cet écrivain. Il me donne le sourire même si, comme il le dit dans ce texte, son roman n’est certainement pas écrit pour durer cent ans, il permet de passer une très bonne soirée.

 

Citations

Sujet de roman

Je m’étais senti excité par mon intuition, mais voilà que j’en étais déjà à écrire sur la nécessité de ne pas recongeler des produits décongelés. Quelques années après avoir obtenu le prix Renaudot, je sentais le frisson du déclin me parcourir le dos.

Humour des notes en bas de page

Certes, en sortant du 17° arrondissement de Paris à 10 heures du matin, j’avais peu de chance de tomber sur une go-go danseuse.

Humour

 Ma capacité de séduction ressemblait depuis un moment à un film de Bergman (sans les sous-titres).

Je crois cela aussi

J’ai l’impression qu’on peut tout savoir d’une personne en observant les livres qu’elle possède.

Dialogue avec un ado

– Vraiment, tu n’as pas de passion ? Demandai-je avec désinvolture, m’efforçant d’éviter un ton culpabilisateur.
– Moyen.
– C’est-à-dire ? Ça veut dire quoi moyen ?
– Ça veut dire j’ai moyen des passions.
– D’accord… Et la musique, tu aimes ça ? Les poster… Tu aimes Angel ?
– Pas spécialement. J’ai fait des trous dans le mur quand j’étais petit, alors je les cache avec des posters.
– Tu écoutes quoi ?
– Il n’y a rien qui me vient, là.
– Et ton temps libre, tu l’occupe comment ?
– Je joue en ligne avec des potes.

Remarque assez juste

Ah, j’ai compris. Votre roman, c’est pour déterrer les histoires de famille. Tout ce qui fait mal.
– Mais non…je n’irai pas contre votre volonté.
– C’est ce qu’ils disent tous. Je ne lis pas beaucoup de romans contemporains, mais je vois bien qu’écrire est souvent un moyen de régler ses comptes.

Harcèlement au travail

Ce matin, Desjoyaux l’avait convoqué pour lui proposer un rendez-vous dans trois jours . Quel supplice . Pourquoi ne lui avait-il pas signifié immédiatement ce qu’il voulait lui dire ? Il allait passer les jours suivants avec une boule au ventre . Desjoyaux n’avait rien laissé percevoir dans son regard , un visage suisse. Le degré suprême du harcèlement , c’est façon froide et presque souriante de commettre un meurtre salariale . Il y avait forcément du sadisme dans cette attitude ; il était bien conscient, vu le contexte général, qu’il ferait souffrir un employé en lui annonçant qu’il le verrait trois jours plus tard ; pire, il avait ajouté « impérativement » le voir. Les mots ont un sens. Impératif veut dire que c’est majeur, déterminant ; cela sent la condamnation.

Vérité et fiction : dilemme de l’écrivain

Ainsi, le vrai pareil souvent improbable. J’avais peur de m’emparer du réel, et qu’on l’estime moins crédible que la fiction. Je redoutais qu’on puisse ne pas me croire, qu’on se dise que toute cette histoire était inventée ; qu’on se dise que je n’étais jamais descendu de chez moi pour aborder la première personne venue. Il m’arrive parfois de dire la vérité, et cela sonne comme un mensonge. Mais je n’y peux rien : la vie est peu plausible.

 

Édition Flammarion, collection Étonnants Classiques

Il m’arrive d’aider mes petits fils à formuler leurs idées à propos de la lecture d’œuvres au programme de leur classe de français. J’ai rarement été aussi touchée par une lecture des programmes scolaires. Je connaissais la poétesse Andrée Chédid, mais je ne lui connaissais pas ce talent de romancière. Je trouve extraordinaire qu’on le fasse découvrir à des élèves de troisième, car il raconte de façon juste ce que sont les guerres aujourd’hui. Andrée Chédid dit qu’elle avait été marquée par une photo prise à Sarajevo lors de la guerre civile dans l’ex-Yougoslavie. Mais cela pourrait être dans le Liban des années 70 ou en Syrie aujourd’hui. Ici, nous assistons à l’agonie de Marie qui a été touchée par une balle d’un sniper alors qu’elle rejoignait Steph, le grand et seul amour de sa courte vie. Un couple âgé, Anton ancien médecin et Anya essaieront de lui venir en aide mais c’est trop tard, le roman se consacre sur « Le Message » que Marie veut faire parvenir à Steph pour lui dire combien elle l’aime. La guerre se moque bien de l’amour et des amoureux . Nous vivons avec une grande intensité la fin inexorable de Marie et le destin de ce « Message » qui doit absolument parvenir à Steph. C’est très poignant et le style de cette auteure est superbe. J’espère que les jeunes qui liront ce texte comprendront que pour s’opposer à la folie des hommes nous sommes si faibles. Face à la barbarie qui se déchaîne si facilement nos armes sont dérisoires et pourtant essentielles : la culture, la poésie des mots et l’amour.

 

Citations

Les ruines

Autour, les arbres déracinés, la chaussée défoncée, les taches de sang rouillées sur le macadam, les rectangles béants et carbonisés des immeubles prouvaient clairement que les combats avaient été rudes ; et la trêve, une fois de plus précaire .

 

L’horreur

Dans chaque camp on arrachait les yeux, on coupait des mains, on violait, on faisait des seins, on tranchait des têtes, on achevait d’une balle dans la nuque. Un jeune mongolien, que les voisins chérissaient, fut retrouvé devant la boutique de primeurs de son père, empalé une énorme pomme dans la bouche. On avait forcé un violoniste à jouer, jour et nuit, sans dormir. On le cravachait dès que la musique s’arrêtait. Un poète, qui avait refusé de se battre, fut emmené jusqu’au fleuve et noyé sous les applaudissements.
« – Tu peux encore croire en Dieu ? Demanda Anya révoltée. 
-Et toi ? Tu peux encore croire en l’humain ?
-L’ humain est multiple. 
-Dieu aussi. »

L’auteure s’adresse à son lecteur

Sur cette parcelle du vaste monde, sur ce minuscule îlot de bitume, sur cette scène se joue, une fois de plus, une fois de trop, le théâtre barbare de nos haines et de nos combats. 
Massacres, cités détruites, villages martyrisés, meurtres, génocides, pogroms… Les siècles s’agglutinent en ce lieu dérisoire, exigu, ou la mort une fois de plus, joue, avant son heure, son implacable, sa fatale partition. 
Tandis que les planètes – suivant leurs règles, suivant leurs lois, dans une indifférence de métronome- continue de tourner. 
Comment mêler Dieu à cet ordre, à ce désordre ? Comment l’en exclure ?

Édition Rivages

Quel roman ! Il faut avoir le cœur bien accroché pour lire toutes les turpitudes humaines, tout cela pour s’enrichir, et, avec quoi ? Le guano ! autrement dit la fiente d’oiseaux. J’ai lu ce roman en vérifiant sans cesse les informations car je ne connaissais absolument pas cette histoire. Nous sommes à la fin du XIX° et grâce aux îles au large du Pérou ce pays connaît une richesse phénoménale. On appelle ce moment « l’ère guano ». Une telle richesse a attiré des convoitises multiples, ce que raconte le roman se situe au moment où le Pérou a chassé les puissances coloniales et exploite à son profit cette ressource. Malheureusement, si les puissances coloniales sont parties ceux qui les avaient chassées sont devenus aussi corrompus que les anciens exploiteurs. La terrible condition des miséreux qui sont sous les ordres des propriétaires des terrains des îles sur lesquelles on exploite le guano est horrible. Pour le roman, l’auteur invente une histoire d’amour impossible et évidemment tragique, cela lui permet de décrire deux personnages un peu moins sombres. Sur terre, en face de ces îles, à trois jours de navigation, la guerre que se livrent les deux ports qui se disputent la vente de la « fiente » est sans pitié, vraiment plusieurs fois on se dit en lisant ce livre « et tout cela pour de la m….. » . De plus cette région est soumise à un climat très particulier, la plupart du temps les gens vivent dans un brouillard opaque qui empêche le soleil d’éclairer un peu la vie celle des riches comme celle des pauvres. Je n’ai pas bien compris pourquoi l’auteur semble faire correspondre ce brouillard à l’exploitation du guano.

C’est un phénomène, que les chiliens appellent « le camancha » , il a existé de tout temps me semble-t-il. (Et il existe encore aujourd’hui : des essais sont fait pour en capter l’humidité pour fertiliser des zones désertiques.)

(Depuis j’ai eu la réponse de l’auteur qui est si pertinente que je m’en veux un peu de ne pas avoir compris toute seule :

Je voulais que le brouillard fasse comme une chape déposée sur l’intrigue, qu’il enferme un peu plus les personnages sur eux-mêmes.
C’est un texte assez métaphorique, donc je trouvais intéressant que le brouillard s’installe concomitamment à la découverte de la ressource, comme si l’exploitation de la fiente allait de pair avec une malédiction céleste…)

Ce récit qui se passe dans la fiente et où on ne voit jamais le soleil et qui ne donne aucun espoir est vraiment terrible. Le pire étant qu’il respecte la réalité historique. Pour la fiction, on suit le parcours du Capitaine Moustache, le seul marin qui ose affronter ce brouillard avec son vieux bateau pour le charger de guano et le livrer aux deux villes concurrentes qui vont bientôt se détruire. Lui, il a un plan et veut fuir cet endroit avec le maximum d’argent, mais ses plans seront contrecarrés par la soif de richesse des gens si peu recommandables avec lesquels il doit traiter. C’est bien connu, il ne faut jamais pactiser avec le diable ! Et dans cette région des diables, il y en a un peu partout. Pour un des personnages la fin se termine un peu mieux mais sinon la mort, le crime, le viol les tortures sont au rendez-vous. Un roman bien mené qui respecte la réalité historique que vous lirez si vous avez envie, comme moi, de découvrir un pan de l’histoire humaine peu glorieux mais que vous éviterez si vous n’aimez pas vous enfoncer dans la m….. jusqu’au cou.

 

Citations

Conseil d’une mère

Vald pensa ce que lui avait murmuré sa mère, il y avait des années, quand son petit frère Igor, cet enfant maladif, s’en était allé : »Tu sais, mon fils, si tu n’accepte pas les épreuves, si tu souffres trop, alors ce monde n’est pas pour toi. »

Portrait du capitaine

Seul marin familier de ces archipels calcaire, unique capitaine à affronter le brouillard, la commercialisation du guano reposait sur son oncle stature. Cela faisait de lui, en cette année 1897, un des êtres les plus importants de la région. Assis sur une rente pour l’éternité, il disposait d’une épouse qui ne l’attendait plus, d’enfants éloignés goûtant une jeunesse confortable, d’une maison en dur sur le littoral au sud d’Arequipa, ainsi que de nombreuses maîtresses parsemées au gré de ses voyages.
 Capitaine :car il était le seul à bord et qu’il n’y avait personne pour lui disputer le titre. Moustache : une trace de suie épaisse sous le nez pour couvrir l’odeur de la fiente.

Les navigateurs et les terriens

Vois-tu, quand on reste accroché comme une huître à un caillou mouillé, on est si heureux de la visite d’un navigateur. Toi, forcément, cela te passe au-dessus de la tête, tu n’es jamais confronté à l’attente. Tu dois savoir, Ernesto, il y a deux types d’hommes, ceux qui se meuvent et ceux qui attendent. Les premiers négligent presque toujours les seconds.

Lorsque le guano valait de l’or

Deux ans auparavant, la loi américaine avait autorisé les citoyens états-uniens à s’emparer des îles, îlots ou rochers déserts disposant de gisement de guano, partout dans le monde. On ne refait pas un peuple de pionniers.

Les anglais 1871

Impossible de faire comme s’il n’y avait pas eu de colonisation. Certaines puissance tiennent à laisser une trace là où, un jour, elles plantèrent leurs drapeaux. Les possessions britanniques avait été étudiées une à une. Les terres des colons anglais resteraient aux colons anglais, qui deviendraient citoyens à part entière du territoire. Ils garderaient leur langue, leur portrait du souverain sur la cheminée et toutes les coutumes qu’on appelait pour se moquer « le droit au thé ».
 Les bâtiments officiels passeraient sans délai sous la coupe de la nouvelle administration. La couronne avait négocié ensuite quelques terres australes abandonnées, pour conserver une présence maritime et permettre à quelques scientifiques d’observer on ne sait quel phénomène climato-géographique. Elle avait été exaucée. On lui avait cédé des îlots vides, sans homme, richesse, ni guano.

Un personnage important le brouillard appelé par les Chiliens « Camancha »

Le brouillard s’installa progressivement, comme une maladie infectieuse. Par bandes de ciel d’abord, striant un quartier, une île, un littoral, coiffant les pinacles des églises, les faîtes en fer forgé des auberges. Il entra par les fenêtres, engouffra ses filaments par le trou des serrures et sous les chanlattes des toits. Il s’accrocha aux épines des buissons, aux branches de bois jeune, aux mâts des bateaux, au fil pour sécher le linge. Puis il arriva par nuages entiers, des masses célestes humides et stagnantes, comme des monceaux de coton blottis au flanc des collines. Il revint sans cesse, deux, trois fois par semaine, un peu plus, chaque jour.

 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Édition Les Éditions de Minuit

Ce roman prend comme point de départ l’installation de deux Parisiens dans une proche banlieue et dans un petit ensemble « écoquartier ». Leur bonheur sera de courte durée car les voisins vont s’avérer plus pénibles à supporter qu’ils ne l’avaient imaginer. De plus, la construction de ce quartier n’échappe pas aux malfaçons habituelles et rendent assez vite la vie de tous les jours fort désagréables. En réalité ce roman est une satyre de tous les comportements à la mode autour de l’écologie et des clichés autour du « mieux vivre ensemble ». Je n’ai pas adhéré au projet de l’auteur qui ne m’a pas embarquée dans son histoire ni dans la description des personnages. Je m’explique assez mal pourquoi car le sujet aurait dû m’intéresser. Le côté décalé sans doute, et, l’accumulation des petits détails signifiants qui m’ont semblé assez lourds. Cela donne souvent cette impression quand on n’adhère pas à un roman. Beaucoup d’avis positifs sur ce livre qui permettront de se rendre compte que je suis passée à côté d’un roman qui a trouvé son public.

Géraldine ,par exemple avait bien aimé (sauf la fin).

 

Citations

La métaphore des soucis qui traverse le roman

Après quoi elle s’est penchée par la fenêtre pour admirer mes soucis. J’avais vraiment la main verte, s’est elle exclamée, il faudrait que je lui donne des conseils.
– Les soucis sont résistants, ai-je répondu, ils se relèvent du pire comme du meilleur.
Et nus avons ri. 

 

Le quartier devient invivable

J’ai laissé mon regard errer vers la fenêtre. Les trouées des canalisations béaient à ciel ouvert. Sous la chaleur, la boue craquelait en plaques assoiffées, pourtant le gazon demeurait irréductiblement vert. Il m’a semblé qu’on pourrait toujours en resté là, à mi-chemin de la résolution sans que la balance penche jamais d’un côté ni de l’autre.

 

 

Édition livre de poche

  1. Livre reçu en cadeau et lu avec attention car j’avais lu beaucoup d’avis positif sur les blogs que je suis, en particulier Krol , qui depuis ne lâche plus cet auteur et bien d’autres lectrices ou lecteurs dont j’ai oublié de noter le nom. Ce roman a reçu le grand prix des lectrices de « Elle », le prix « Psychologie » du roman inspirant, et le premier prix « Babelio ». Une jolie carte de visite pour cet auteur que je découvre donc longtemps après l’engouement pour ce roman. Cet écrivain a une écriture très personnelle et envoutante, on le suit dans tous les tours et détours de son histoire . De plus, quand tous les fils sont dénoués on se rend compte que tous les hasards qui auraient pu rendre cette histoire peu crédible suivait en réalité la logique d’un super prédateur. L’histoire est racontée par les différents personnages de ce drame, ils ne savent qu’une partie de la vérité et Rose qui confie sa vie à des carnets n’a jamais su (ou pu) faire les bons choix. Il faut dire que son père l’a jetée dans la gueule d’un « ogre » qui va la violer et la torturer , elle avait tout juste quatorze ans et n’ose pas faire confiance à Edmond le seul personnage de ce terrible endroit qui semble ne lui vouloir aucun mal . Celle qu’il appelle la Reine Mère fait avec son fils Charles un duo au service du mal, hélas ! Edmond ne pourra pas sauver Rose du destin qui l’attend. Elle aura donc un enfant qui lui sera enlevé et est destinée à finir dans un asile psychiatrique à la merci du docteur troisième élément du trio infernal dans les griffes desquelles la pauvre Rose est tombée. Il y a une lueur d’espoir à la toute fin du roman, qui ressemble à un rêve plus qu’à la réalité.
    J’ai aimé ce roman, son écriture et sa construction. J’ai aimé aussi la difficulté de raisonner des personnages même s’ils ne savent pas prendre les bonnes décisions. Mais c’est ce qui m’a empêcher de mettre cinq coquillages à ce livre c’est ce côté excessif dans l’horreur : trop de fatalités ont nuit à la vraisemblance du récit. Je me disais sans cesse « trop c’est trop ». Mais cette nuance dans le concert d’éloges ne m’empêchera de lire les autres romans de cet auteur.

Citations

Remarque qui ne concerne pas seulement les prêtres

Faut-il vieillir pour voir grandir le doute de n’avoir pas été à la hauteur de ma mission ?
Vieillir, est-ce la seule façon d’éprouver durablement la foi ?

Les femmes dans le monde paysan

 On était quatre filles, nées à un an d’écart. J’étais l’aînée. Les filles valent pas grand-chose pour des paysans, en tout cas, pas ce que des parents attendent pour faire marcher une ferme, vu qu’il faut des bras et entre les jambes de quoi donner son nom au temps qui passe, et moi et mes sœur, on a jamais rien eu de ce genre entre nos jambes. Si j’ai pas entendu mille fois mon père dire que les filles c’est la ruine d’une maison, je l’ai pas entendu une seule.

Les hommes

Même à l’âge que j’avais, je savais à quoi m’en tenir avec les hommes, il y en avait deux sortes, ceux avec un pouvoir sur les autres, venu de l’argent du sang, ou même les deux à la fois, et puis les lâche. Lâche, comme Edmond. Parce qu’être lâche, c’est pas forcément reculer, ça peut simplement consister à faire un pas de côté pour plus rien voir de ce qui dérange. À ce qui me semblait, Edmond, l’avait toujours fait des pas de côté, alors, je voyais pas bien pourquoi il se mettrait d’un seul coup en travers du chemin du maître, surtout pour une fille comme moi. Malgré son boniment et ses regrets, j’y croyais pas une seconde.

La folie

J’imagine que pas vouloir laisser souffrir quelqu’un qu’on aime, c’est être fou, aller contre la souffrance que Dieu aurait décidé de nous faire subir. Ici, il y a que des gens bloqués dans une souffrance qu’ils ont jamais acceptée, c’est la seule vérité, c’est pour ça qu’ils se réfugient de l’autre côté de cette souffrance, dans un temps qui file à l’envers, alors crois pas que je suis folle …

 

 

 

Édition Stock.Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Journaliste écrivain, l’auteur a vécu toute sa vie dans l’ignorance de ce qui s’est passé pour son grand-père Paol, ex-officier de l’Indochine et soldat décoré de la grande guerre 14/18. En 1943, il est arrêté par la Gestapo et partira dans le camp de Dora, là où les nazis ont construit les missiles V2. Son petit fils est obsédé par ce qui s’est vraiment passé pour son grand-père et il part dans une enquête qui essaie d’ouvrir toutes les portes vers la vérité que ni sa grand-mère ni son père n’ont voulu ouvrir.

Nous voyons donc le passé glorieux de cet officier de l’armée française à travers ses différentes affectations et aussi son passé de père d’une famille heureuse. Et puis, la guerre le retrouve en Bretagne et toute la famille est bouleversée par son arrestation, le départ en Angleterre du fils aîné et la mort de pneumonie de leur sœur. Le père de l’auteur, Pierre sera à jamais cet enfant blessé par ces morts. Puis nous suivons le trajet de Paol dans les prisons puis de sa mort à Bergen-Belsen. Le principal intérêt est de faire revivre l’horreur de Dora :

 

On apprendra même les raisons pour lesquelles cet homme a été arrêté et qui l’a dénoncé.

J’avoue n’avoir eu que peu d’intérêt pour ce livre même si j’ai bien compris pourquoi l’auteur a eu ce besoin impérieux de l’écrire. Entre ce besoin et l’intérêt du lecteur il y a une grand différence, je suis vraiment restée en dehors de ce livre de mémoires .

 

PS :

Ingannmic m’a fait remarquer qu’Aifelle était plus enthousiaste que moi à propos de ce roman.

 

Citations

Portrait

Il était devenu cet homme fiable, taciturne, mesuré en tout. Un père sur qui on pouvait compter, présent parmi les absents, tenace dans les incertitudes, mais qui ne demandait rien, ne s’apitoyait jamais ni sur les autres ni sur lui-même. Taiseux surtout.

Édition Zulma, Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Deux livres qui se suivent sur le même sujet, mais quel livre ! Il faut beaucoup de courage pour lire un livre sur le ghetto de Lodz. On sait dès les premières lignes qu’aucun des personnages que nous rencontrons au premier chapitre ne résisteront à la barbarie nazie. Hamad prend comme fil conducteur un malheureux enfant qui a vu toute sa famille assassinée et en particulier son frère jumeau. De fuite en fuite, ce petit enfant aux boucles blondes, arrive à Lodz. Tel un lutin, il se cache dans les plus improbables recoins d’une ville peu à peu vidée de ses juifs. Nous rencontrons alors l’histoire peu connue de Chaïm Rukovsky qui décida de mettre la mettre la main d’oeuvre juive au service de l’effort de guerre des nazis.

Pour cela, il crée une police juive redoutable. Dans son idée, si les juifs arrivent à se rendre indispensables, ils pourront survivre. C’est tout le paradoxe de ses positions : a t’il été un tyran pour la population au service des nazis ? A-t-il aidé l’effort de guerre des nazis ? Ou a-t-il contribué à en sauver quelques uns ? Bien sûr tous ses efforts n’ont servi à rien, sinon que Lodz n’a été liquidé qu’en dernier. En dehors de ce côté terrible voire insupportable l’auteur fait revivre la culture yiddish. C’est sans doute ce qui donne un charme très particulier à ce livre. Et cela nous rend encore plus triste devant cette perte irréparable, oui cette culture à bien disparu et cela définitivement.

Un livre éprouvant moralement mais qui a le mérite d’avoir su raconter l’indicible.
Un témoignage trouvé sur youtube raconte assez bien le paradoxe de ce ghetto qui lorsque le système de Rukovsky a fonctionné a permis à des juifs une vie moins horrible que dans d’autres ghetto, mais en même temps était au service de ceux qui allaient les assassiner.

Citations

Superstitions

Meryem avait bien assimilé les milles façons d’éviter le mauvais œil : ne jamais regarder par les fenêtres et l’entrebâillure des portes, ne pas convoiter les fleurs du voisin ni jalouser les mariées vêtues de blanc… Mais aussi, être discrète en tout afin de bénéficier de la Providence. Cela, elle n’y parvenait guère Chose aisée aux adultes, la discrétion demande moins de cœur que de raison ; et sa curiosité était comme une volée de moineaux qui s’éparpille et se posent en tout lieu. Pas un museau de souris, pas une mèche folle de fiancée pieuse n’échappaient à son œil de mouche, elle se délectait des innombrables petites ombres qui dénonçaient la fièvre mal cachée des caprices et des vices chez les uns et les autres, Juifs ou goyim de passage.

Vocabulaire recherché

Puis, tournant les talons, il s’était dirigé d’un pas décidé vers une harpaille de chiffonniers qui traînaient les pieds derrière un baudet minuscule attelé à une sorte d’énorme brouette à trois roues surchargée de hardes et de vieilleries.

Lódz

J’ai bien étudié vos propositions, déclara d’emblée Biebow. La rédemption des Juifs par le travail intensif et désintéressé au service du Reich ! C’est fort enthousiasmant ! On y réfléchira peut-être. Mais pour l’heure, l’Obergruppenführer Reinhard Heydrich, le Reichsführer Heinrich Himmler, le bureau principal de tutelle de l’Est et nos experts de l’état-major caressent d’autres perspectives… — – Avec votre agrément Herr Hans Biebow, si la chose était seulement envisageable, je me ferai fort de convaincre Herr Heinrich Himmler en personne des immenses mérites de mon programme pour l’économie allemande… Lódz a toujours été une ville industrieuse, grâce aux Juifs pour une grande part.
– Himler vous rira au nez. Que ferez-vous de vos hébreu maintenant qu’ils n’ont plus rien ?
– Je pourrais créer des ateliers et des usines par centaines avec une main d’oeuvre experte…
Par centaines ! Où donc ? Tous vos biens mobiliers et immobiliers ont été saisis.

Réflexions

À la fois dubitatif, un peu honteux et débordant d’une commisération mêlée de dédain, Chaïm Rumkowski laissa sa pensée vagabonde s’interroger sur ce qui différentiel le pauvre chaos des Juifs persécutés de la mécanique huilée des persécuteurs. Un chef conclut-il. Les siens ne disposait que d’un Dieu sans visage, les autres avaient un Führer.

Le ghetto

Depuis les massacres de mars dans les rues du centre-ville et les exécutions de masse dans la proche forêt de Zgierz, la majorité des Juifs encore présents à Lódz, par grande désolation, volonté de résistance ou fidélité à leurs mémoires,s’étaient résolu la mort dans l’âme à intégrer la réserve du ghetto, comme leurs tourmenteurs l’avaient conjecturé en usant des procédés de la chasse à courre -pourtant abolie par les nazis pour ce qui concerne les sauvages -, avec ses meute de chiens crieurs, ses trompes et ses rabatteurs ; leur gibier y gagnant somme toute une relative sauvegarde.

Pensée juive

« Ne demandez jamais votre chemin à quelqu’un qui le connaît, car vous pourriez ne pas vous égarer « 

Discours de Chaïm Rumkowski

Nous bâtirons ensemble une cité ouvrière modèle, une ville usine que toute la Pologne nous enviera. Qui puis-je s’il nous faut satisfaire l’Allemagne dominatrice pour obtenir de simple droit de vivre ? Nous créerons une république juive exemplaire forte de dizaines de milliers de travailleuses et de travailleurs tous dévoué et la plupart hautement qualifiés. 

Rapport homme femme ici au théâtre.

Et Poznansky la laisse en paix, dès lors qu’elle met son âme au service de la comédie ; il ne l’importune plus comme à ses débuts, avec cette sournoiserie des hommes qui dédaignent les femmes en les couvrant de louanges.

Le ghetto sous l’autorité de Chaïm Rumkowski

« Travaillez encore et toujours plus, si vous voulez vivre ! » répète à l’envi le roi Chaïm. Biebow comprends assez mal l’individu, son énergie de petit caudillo et sa pusillanimité face aux dignitaires du Reich. Ce judéen négocie la survie des siens contre cent mille pièces de textile pliées et emballés, en chef d’industrie aussi véreux que pugnace dans un marché aux esclaves et aux chiens. Présomptueux, au fond résigné et docile, il accepte les offenses et les restrictions dès lors qu’on lui abandonne la couronne d’Hérode.

La fin d’une culture

On ne pardonne qu’au diable à la fin. On néglige tous ceux que la terre recouvre, les hommes et les femmes partis sans comprendre avec leurs valises vides. Profesor Glusk l’a prévenu dans un rêve, demain les Allemands viendront rire au spectacle. Le clown Chaïm n’y pourra rien. Roi ou esclave, rien ni personne n’a pour eux d’importance. Cache-toi, ne respire plus, c’est bientôt la fin de notre histoire, on ne parlera plus yiddish à Lódz ni ailleurs. Un lait noir sort de la bouche des morts.