Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Ce roman a été chaudement défendu par une partie des lectrices du Club et cela lui a valu de participer « au coup de cœur des coups de cœurs » de l’année 2017/2018.
J’avais déjà essayé de le lire, mais l’écriture m’avait immédiatement rebutée. Je ne suis pas à l’aise lorsque je sens que, de façon artificielle, l’écrivain adopte une style « poétique » . Ici , cela passe par des mots vieillis qui ne rajoutent pas grand chose au récit : Corroyage, Extrace, Hierophante, Hongroye. Et puis par un rythme de phrases très particulier. L’écrivain dit qu’il a voulu décrire le basculement d’une petite ville de province : Besançon qu’il ne nomme pas (mais il dit que c’est la ville où est né Victor Hugo), vers le monde moderne pendant les années 1970/1980. Mais ce n’est vraiment qu’une toile de fond très lointaine à une vie de famille totalement perturbée par la mort d’un jeune enfant, le petit frère du narrateur. Sa mère va continuer à le faire vivre dans son imaginaire et dans sa folie, elle lui dresse un couvert, fait son lit, achète des vêtements et des fournitures scolaires pour lui…. Le père essaiera d’oublier tout cela dans l’alcool. Mais ce drame semble très lointain car il est vu à travers les yeux d’un enfant. Je pense que la seule façon d’aimer ce livre c’est d’aimer la langue de cet auteur, langue à laquelle je n’ai pas été sensible. Les deux passages que j’ai notés vous permettront, je l’espère, de vous faire une idée par vous même.

Citations

le linge qui sèche

Marguerite-des-Oiseaux possédait des culottes semblables à des voiles. Des culottes de trois trois-mâts que l’on imaginait gréées sur son fessier et que le moindre pet gonflait comme un grand foc afin de la propulser de la cuisine aux latrines. Les culottes de grand-mère, simples esquifs, ne prenaient pas le large et ressemblaient plutôt à des taies d’oreiller munies de deux grands trous. Celles de maman étaient à peine un peu moins prudes et formaient presque un V du côté de l’entre-cuisse. Quant aux slips de Lucien : inexistants. Elle les pendait ailleurs, Fernande, avec ses culottes à elle, dans un bûcher fermé à clé, hors de la vue des cuistres. Quand on a épousé un Monsieur d’importance qui possède pardessus, brillantine et joues flasques, on exhibe pas ces choses de basse extrace aux yeux du tout-venant.

Effet de style « poétique »

 Il possédait en lui, quelque chose d’inné, de bestial, comme un cri des cavernes lorsqu’un premier orage illumina la grotte ; un cri qui se serait transmis le silex en silex, de tison en disant, de feu en feu, de foyer en foyer, de forge en forge, et qui aurait fini par échouer, ici, entre ses mains de forgeron, comme il l’était sans doute écrit de toute éternité tant il semblait évident que Jacky avait dû naître d’un ventre de fer en fusion entre deux cuisses de lave au temps des grandes fissures cambriennes tandis que les volcans projetaient dans les menus quelques myriades d’enclumes phosphorescentes.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Voici la phrase qui résume le sens de ce roman

Les marchands n’ont pas d’ennemis, ils n’ont que des clients.

Dans notre médiathèque, et à notre club, les romans historiques ont toujours beaucoup de succès, je pense que la moyenne d’âge doit-y être pour quelque chose. Je ne suis pas une fan absolue du genre, non pas que je sois plus jeune que les autres, mais souvent je trouve que les romans historiques sont trop didactiques et ne m’embarquent pas toujours dans la petite histoire à force de vouloir servir la grande (Histoire). Pour ce roman, on doit d’abord remarquer que Patrick Rambaud est un excellent écrivain, on sent son plaisir à nous raconter cette épopée et je suis partie avec lui sur la terre de tous les dangers : brigands, barbares, comme sur la mer de l’Adriatique sur laquelle régnaient de terribles pirates . Les riches marchands de Venise, ne veulent plus dépendre de Rome et en 823, ils embarquent pour Alexandrie, voler la relique de Saint Marc afin d’asseoir leur autorité face aux papes. Parce que c’est à ce détail que se joue l’autorité d’un lieu , l’importance de la relique qui la protège.

Le Vatican possède et vénère le corps de Saint Pierre, Venise aura celui de Saint Marc. On sent que l’auteur s’amuse beaucoup (et nous avec lui !) avec ces histoires de reliques, nous suivrons donc le coude de Werentrude qui a été remplacé par un fémur de cochon.., nous apprendrons qu’une église possède le nombril du Christ – il a dû l’oublier avant de monter au ciel ! Les marchands doivent d’abord se rendre à Mayence pour faire le plein d’esclaves, puis se confronter aux luttes de pouvoir à Venise et enfin partir à Alexandrie et revenir. Inutile que je vous raconte la fin, nous la connaissons tous puisque de Venise nous connaissons la place Saint Marc, nos marchands ont donc réussi leur mission : ils ont ramené le corps de l’évangéliste sur leur bateau. Venise pourra donc se développer sans autre tutelle que les doges vénitiens.

Ce grand voyage nous permet de comprendre la société du XIXe siècle et toute l’originalité de la cité lacustre. L’humour de l’auteur est présente dans tout le roman, mais c’est là ce que je lui reproche, c’est écrit par un homme du XXIe siècle et évidemment ces histoires de reliques nous font surtout rire. Mais les personnages de ce roman n’y croient pas du tout, eux non plus, ils s’en servent juste pour manipuler les foules. Je me demande si c’était aussi simple que cela. Comment faire croire aux foules des histoires auxquelles on ne croit absolument pas soi-même ? Je pense que les positions des uns et des autres étaient plus nuancées. Mais peu importe, l’histoire est belle et bien racontée, vous aimerez le moine septique et jouisseur Thodoald, vous admirerez l’intelligence des deux marchands Marino Bon et surtout Rustico qui savent inventer les interventions divines qu’il faut pour permettre à Venise, la cité né des flots de faire du commerce librement.

 

Citations

Présentation de Venise au IXe siècle en 828

Les Vénitiens étaient ce peuple de marchands réfugiés dans les lagunes, entre les Alpes et l’Adriatique, pour se garantir des barbares qui désolaient le continent européen. Ils vivaient sur l’eau à la façon des oiseaux de mer. Ils ne voulaient pas affronter des ennemis mais cherchaient des clients. Aux uns ils vendaient des esclaves, aux autres du poivre ou de la soie. Leur force, c’était leurs bateaux. L’Europe était aux mains des évêques et des Papes, qui avaient su profiter des invasions venues de l’Est pour supplanter partout le pouvoir pâlichon des empereurs de Rome. Ceux-là tentaient d’exercer leur tutelle sur cette Venise récalcitrante dont les richesses excitaient déjà les convoitises.

Le nord et le sud en 823

Au nord, les ténèbres d’un christianisme primaire, teinté de magie, des contrées où l’on manque de tout et où l’on ne sait plus rien ; Charlemagne n’a jamais réussi à lire. Le sel est un luxe. Et le piment, pour cacher l’odeur forte du gibier en décomposition, est aussi un luxe. Du côté d’Aix la chapelle on n’a plus de mémoire. Les mœurs civilisé de l’Antiquité n’ont pas pénétré ces cervelles durcies. On subsiste entre brutes, on élève la superstition en dogme. Au sud, en Méditerranée, les mahométans commencent à razzier les îles chrétiennes et sauvages, la Corse, la Sardaigne, la Sicile, des terres riches que leurs habitants sont incapables de fertiliser. Les califes ont de l’or et du savoir. Ils ont conservé un lien avec la lointaine Asie dont ils reçoivent les caravanes interminables. Au Sud, on sait aussi bien caresser que tuer. Au nord, tout vous agresse.

Les abbayes

La cave d’une abbaye, il n’y a rien de plus précieux. Quand les barbares envahissaient le pays, les moines commençaient par cacher les tonneaux avant même les crucifix.

Humour

– » Silence ! commande Rustico. un peu de respect pour le coude de sainte Werentrude que les parents de cette enfant ont mise à la broche.
-Elle n’avait qu’à se convertir à l’islam, dit Thodoald. Elle serait morte de vieillesse.
– Sûrement, mais elle ne serait pas sainte.
– Je sais : il faut choisir …. :

Les dangers d’un roi pieux

La vertu produit l’hypocrisie. Il faut s’attendre aux pires malheurs, avec un roi qui pratique la sainteté...

La religion (Propos d’un personnage du 9° siècle, j’en doute !)

Les croyances, toutes les espèces de croyances génèrent le désordre. Si tu crois, tu veux persuader ceux qui ne croient pas au même chose que toi, tu t’imposes, tu légifères, tu ordonnes. Tous nos malheurs viennent de ces conflits lamentables et diaboliques. Les religions sont les manufactures où se fabriquent des monstres. Elles provoquent acharnement, délation, haine, meurtre, mépris, interdiction, rigidité, extermination, hécatombe, perversité, illusion, enfantillages…

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Par grande tempête, ce qui n’était pas le cas le jour où j’ai pris cette photo, les côtes de la manche rappellent les tourments dans lesquels ont été pris l’équipage du Toroa : le capitaine Rongo Walker, le second Tamatoa et le narrateur le Frenchie dont on ne connaîtra que ce surnom.

C’est l’un des sujets de ce roman, les lois impitoyables de la mer. Pour les avoir une seule fois oubliées, Rongo Walker a failli perdre la vie, celle de ses deux équipiers et son bateau. Cela a commencé par une mauvaise pêche, puis par une panne de radio, enfin par un soleil couchant trop rouge annonciateur de tempêtes. Mais l’appât d’une pêche miraculeuse à la langouste, a fait perdre au capitaine sa légendaire prudence. Les descriptions de la mer en furie sont à vous donner le mal de mer et à vous empêcher de dormir. Mais sur un bateau aux conditions de vie si rudes se tissent aussi des liens d’amitié très forts qui nous permettent de comprendre pourquoi et comment les hommes ont de tout temps réussi à vaincre la peur de la mer déchaînée.

Le deuxième thème du roman, ce sont les traditions Mahori, dans des sortes de contes qui s’insèrent dans le roman, elles sont racontées et permettent de comprendre une autre civilisation qui avait une toute autre connaissance de la mer que celle qui permet de naviguer aujourd’hui. Ce sont de très beaux textes qui permettent de réfléchir, encore une fois, à la disparition de civilisations orales qui valaient largement la notre et qu’on n’a ni su comprendre et encore moins respecter.

Si j’étais par moment complètement séduite par ce livre, j’ai, aussi, été moins prise par la répétition des récits traditionnels qui veulent trop démontrer les charmes et les valeurs de ces civilisations. J’ai trouvé les propos répétitifs, ces anciens qui savaient naviguer sans aucune carte ni boussole seulement avec les étoiles, les courants et le sens de la houle, c’est absolument magique mais j’ai eu du mal à m’y intéresser plusieurs fois de suite. Je vois pourtant que ces récits à leur façon accompagnent le roman et que le dernier évoque la fin d’un ancien navigateur mais cela n’a pas suffi à capter toute mon attention. Alors que les récits de la pêche et de la vie sur le bateau m’ont saisie d’effroi et d’admiration. Malgré mes réserves, je ne peux que conseiller la lecture de ce roman j’aimerais tant partager avec vous ce plaisir de lecture. Ne serait-ce que pour vous dépayser (par beau temps) dans des paysages absolument magnifiques et peu connus

 

 

Citations

Une de mes réserves : la difficulté de lire des noms étrangers

Mon nom est Temarii à Teriipaia, je suis né le 1er décembre 1919 à Iripau,le village dans le nord de Tahaa. Les Polynésiens, trois choses nous importent, un lopin de terre ou bâtir son Fare, un coin de lagon pour la pêche, une montagne à cultiver. Moi c’est Murifenua dans la baie de Vaiore et ma plantation là-haut, sur la colline de Mahamene.

Un dicton qui fait réfléchir

Dans nos îles on a ce principe : Ha’amata Hape, Ha’aoti Hape.Ce qui commence faux finit faux.

Climat du Sud de la nouvelle Zélande

Fiordland – ce nom avait acquis au fil des mois l’éclat mystérieux des légendes. Les gens d’ici évoquaient cette région sauvage, aux confins sud de la Nouvelle-Zélande, avec un émerveillement souvent teinté d’effroi. Rien que d’immenses forêts, des lacs et des montagnes, une poignée d’habitants à peine sur des centaines de kilomètres, un climat effroyable, – pluie, vent et froid prenaient dans la région des proportions d’apocalypse. Il n’y avait que les pêcheurs pour naviguer dans ces parages. Les tempêtes en mer de Tasman étaient violentes, imprévisibles, on entendait parler de navire en perdition drossés sur les récifs, de chavirage brutaux, d’hommes perdus en mer. Les abris et étaient rares sur ces côtes, très éloignés les uns des autres, inaccessibles par vent fort.

La poésie

C’est un poète, il a l’amour des mots… Aimer les mots, c’est aimer les hommes surtout. On ne peut pas se parler à soi-même comme si on était seul !… Tout le monde aime les mots, nous les Maoris plus encore. On a perdu cela, mais nos anciens pouvaient se disputer trois jours et trois nuits sans repos pour décider du sens d’un verbe…

La vie sur un bateau

En mer ce n’est pas chacun dans son coin, il faut savoir à tout moment sur qui on peut compter. Par ses contraintes et sa monotonie, la solitude qu’elle impose, toujours sous le regard des autres, la vie au large et un révélateur. On dit qu’aller sur un bateau c’est comme être en prison avec, en prime, le risque de périr noyé. Les faux-semblants se dissolvent dans l’eau salée, on ne peut pas mentir longtemps.

Navigation traditionnelle

Je suis pas perdu, comprenez. Je sais me retrouver sur le grand océan. Je sais où, car je l’ai appris, je sais sous quel astre se trouve tout les terres connus. Je connais les chemins d’étoiles, les oiseaux, tous les signes… Sans voir le ciel pendant trois jours, je trouve une place étroite entre de roche. C’est la houle qui me guide. Te Lapa m’aide aussi, les éclairs sous l’eau qui dansent en profondeur. On voit toutes sortes de lumière la nuit quand on est seul en mer. Les reflets de la lune et des constellations, ça tremble en surface. L’éclat jaune vert qui brille là où l’eau brasse dans le sillage du Vaka, ou quand les poissons jouent avec les vagues. Les feux des hommes qu’on aperçoit très loin, les objets enflammées qui traversent le ciel…

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. (Mon club de lecture va peut -être devenir célèbre)

Ce petit roman m’a beaucoup plu, mais je suis incapable de savoir s’il plaira à d’autres. Je le définirai comme un roman d’atmosphère, il règne une ambiance à laquelle je me suis laissée prendre. La narratrice, part en train sur les bords du lac Baïkal pour retrouver un homme qu’elle a aimé Gyl, et dont elle n’a plus de nouvelles. Ce voyage est l’occasion de renouer tous les fils qui font d’elle la femme qu’elle est aujourd’hui. Cette pérégrination vers ce qu’elle est, avait commencé quelques années auparavant lors de sa rencontre avec une femme très âgée, sa voisine du dessous, Clémence Barrot, une ancienne modiste qui ne sort plus guère et à qui elle lit des histoires. Elle la retrouve le plus souvent possible installée sur son canapé rouge, -d’où le titre- .

Cette femme est riche d’une histoire d’amour qui s’est brutalement terminée en 1943. Paul a été fusillé par les Allemands, il avait été recruté par le PCF et était entré dans la résistance. Clémence garde une photo prise sur les bords de la Seine, qu’elle cache derrière le canapé. Ils avaient 20 ans, ils étaient amoureux, ils étaient beaux et la mort a tout arrêté. Clémence en veut terriblement aux Nazis et un peu au communisme qui lui a enlevé son amoureux. On retrouve un des éléments qui a constitué le passé d’Anne et Gyl, ils étaient tous les deux utopistes et voulaient changer la société. Gyl, n’a pas supporté que le communisme s’arrête et c’est pourquoi il est parti en Sibérie pour faire revivre ce en quoi il croit. Clémence aime les histoires qu’Anne lui raconte, il faut dire qu’elle choisit des femmes au destin étonnant, la brigandine Marion du Faouët, Olympe de Gouge, et Miléna Jezenska.

C’est l’autre élément qui construit le destin d’Anne : toutes ces femmes qui ont ont lutté jusqu’à la mort pour s’accomplir. Et puis il y a les livres qui l’habitent, Dostoïevski et Jankélévitch qu’elle a apportés avec elle pour ce voyage. Mais surtout, le plus important c’est de croire en la rencontre amoureuse. Tout cela provoque son départ et son voyage vers Gyl, mais en chemin elle croise Igor et s’il ne se passe pas grand chose avec lui, c’est un personnage important du voyage. Cette traversée de la Russise et son arrivée à Irkoutsk lui permettent de prendre conscience de ce qu’elle était venue chercher : elle même plus que Gyll. Hélas ! à son retour Clémence n’est plus là, elle ne pourra donc pas savoir qu ‘Anne a enfin trouvé ce qu’elle cherchait.

Citations

Fin d’une utopie

Je n’étais pas seule à percevoir cette insidieuse érosion des certitudes qui avaient emballé notre jeunesse, mais ce qui m’effrayait c’était le sentiment, que partageaient quelques-uns de mes amis, de ne rien pouvoir d’autre que de m’abîmer dans ce constat. J’avais lu dans un roman à propos de la mort des théories, « On se demande jusqu’à quel point on les avait prises au sérieux ». J’en voulais à l’auteur pour sa cruelle hypothèse. Ce monde rêvé, cette belle utopie : être soi, pleinement soi, mais aussi transformer la société tout entière, pouvaient-il n’être qu’enfantillages ? Nous consolaient-ils seulement d’être les héritiers orphelins des dérives commises à l’Est et ailleurs, que certains de nos aînés avaient fait semblant d’ignorer ?

Nostalgie

Sans aucun doute, Igor était né après la mort de Staline, et je me demandais ce qu’il me répondrait si je prononçais ce nom. J’aurais pourtant aimé lui dire combien son pays avait habité nos esprits, les cruelles désillusions qu’i l nous avait infligées, et comment ce voyage me ramenait à des années lumineuses où le sens de la vie tenait en un seul mot : révolution.

Fin d’un amour

Je me souviens aussi qu’en ouvrant la porte, j’avais en tête une phrase d’Antonioni,  » Je cherche des traces de sentiments chez les hommes ». Je l’avais dit un jour à l’homme qui me quittait sans l’avouer, par petites trahisons successives. Nous faisions notre dernier voyage. En entrant dans la chambre après des heures d’errance dans une ville où nous nous perdions, je lui avais dit ces mots comme s’ils 
étaient les miens et il avait pleuré. Je le voyais pleurer pour la première fois. La fatigue alourdissait nos corps, nous avions fait l’amour dans une sorte de ralenti, d’engourdissement, il continua de sangloter dans mon cou, j’aurais aimé que ces minutes ne s’arrêtent jamais, tout se mélodrame délicieux nous séparait avec une infinie douceur, contenait à lui seul le temps vécu ensemble.

 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Un livre très vite lu et sans doute très vite oublié, je n’ai aimé ni le style ni le propos. Une femme cadre dans une importante boite de communication, se sent dépassée par la jeune génération. Elle est mal dans sa peau et n’aime ni sa vie de femme ni sa vie de cadre. Elle s’invente une grossesse pour fuir ses problèmes, mauvaise idée ! Pendant cette fuite en avant dont elle finira par se sortir, elle connaîtra toutes les difficultés du monde moderne et les angoisses d’une femme de quarante trois ans qui souffre de renoncer à la maternité . La fin est très (trop) optimiste : elle retrouve son mari, un autre travail, sans doute en province loin du quartier de la Défense où elle n’a rencontré que la dureté et où la performance consiste surtout à écraser les autres.

 

Citations

Travailler à la défense

Avant, les gens travaillaient à Paris toute leur existence….À la défense on erre comme des malheureux sur le parvis, ou bien dans les galerie commercial des quatre temps. D’ailleurs je ne sors plus. Je bosse sans arrêt. Une pause d’une demi-heure, et c’est tout.
 Le bus. Les gens. On voit qu’ils vont à la défense. Leurs visages portent l’uniforme de la gravité et de l’ennui.

Une écriture que je n’apprécie pas et des portraits trop rapides

Alysson se tait enfin. Son bureau est en face au mien. Brune pas vilaine, mais une peau boutonneuse. Elle me sourit. Elle sourit tout le temps. Elle retire ses écouteurs, extirpe de son sac Lancel le dernier Musso, son iPhone, et pose le tout sur sa table. Elle est un peu maigre. Un nez pointu. Des lèvres fines. Alison, étonnante personne sûre d’elle-même, répond à Lionel comme à un pair. Très performante. Lorsqu’il s’agit de travail, ses prestations sont remarquables : elle a fait Dauphine. Mais sur les autres sujets, on dirait une midinette, une cagole. Pourquoi ne suis-je pas à l’aise ? Vis-à-vis d’elle, j’éprouve un sentiment de gêne, presque d’infériorité. Elle est exactement ce que je voudrais être : à l’aise dans mon travail. La force d’Alison est de ne pas douter d’elle-même.

 

Et de deux, voici la seconde BD qui m’a fait beaucoup rire, donc aujourd’hui, si vous ne riez pas, c’est que vous n’y mettez pas du vôtre. Cette BD c’est Géraldine qui me l’a fait découvrir et je l’en remercie comme elle, j’ai pouffé plusieurs fois et ce n’est pas si fréquent. On retrouve l’humour de Benaquista, un dessin très classique de Barral qui illustre bien le propos de cette BD, pourquoi le livre des Records a-t-il un tel succès et pourquoi tant de gens veulent être dedans ? L’ancien auteur de polar qu’est Benaquista a mis dans ce livre « légèrement » absurde une enquête policière ou la police est nullissime. Heureusement, tout se termine bien, très bien même en espérant que le « Guide des Records des Échecs » ait le même succès que son illustre prédécesseur

Citations

 

Le début

Genre de records que notre « héros » doit vérifier »

 

Éviter un suicide

 

Depuis Zaï-Zaï-Zaï, je suis « une fan » absolue de cet auteur de BD. Je me souviens que dans Zaï-Zaï, j’avais ri un peu »jaune » car je trouvais que la critique de notre société était assez bien vue donc triste, dans celle-ci, mon rire a été plus franc, il faut dire que se moquer des romans photos ou de romans à l’eau de rose porte moins à conséquence. Il n’empêche que la critique de notre société est aussi présente et la réunion du lancement de la Startup avec un « brainstorming à l’américaine » doit rappeler plus d’un souvenir à tous ceux qui ont travaillé dans la communication. Chaque page est un petit chef d’oeuvre d’humour, mais peut-être un peu trop le même esprit de dérision à chaque fois. Légère critique de ma part pour un album que j’ai adoré, je conseille de le lire à petites doses. J’aimerais le savoir par cœur certaines répliques pour pouvoir faire rire mon entourage.

Citations

dialogue de couple

Le coup de foudre pour le livreur de macédoine

(ils vont en manger tous les soirs pendant un mois et plus)

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Un petit livre très agréable à lire et que toutes celles et tous ceux qui apprécient, ou, ont envie de découvrir Érik Satie, aimeront. Stephanie Kalfon ne vous expliquera pas pourquoi Satie avait chez lui, le jour de sa mort quatorze parapluies, tous noirs, mais vous racontera comment ce grand musicien a fini par mourir de faim et d’épuisement. Il marchait tous les jours d’Arcueil à Paris. Dans ce qui était une banlieue ouvrière pauvre, Érik Satie a trouvé une petite chambre où ses deux pianos ne laissaient la place qu’à un lit. C’est là qu’il a vécu et qu’il est mort après avoir quitté Montmartre.

Le style, et le rythme de la phrase épousent la musique de Satie et c’est très agréable à lire. Nous n’avons pas d’explication ni à sa misère ni à sa folie. Evidemment l’alcool y est pour beaucoup, l’absence de reconnaissance aussi. Pourtant, ses amis reconnaissaient son talent, mais rien ne pouvait visiblement effacer les paroles si dures et si terribles des professeurs du conservatoire. D’autres compositeurs sont passés par là sans pour autant douter de leur capacité à composer. Pour Satie tout était musique et imposer des règles pour en rendre compte, c’est freiner le génie musical. Il était sans doute trop sensible, trop orgueilleux, trop .. trop tout et aucun sens des contraintes. Il a vécu dans le dénuement le plus total alors que sans doute le succès était à sa porte. Il nous laisse sa musique qui a son image est peu structurée mais si belle par moments. Un génie certes mais insaisissable et si peu conventionnel.

Citations

Un mal de vivre

Où en sommes-nous chacun, de ce qui fait une vie ? Qu’a-t-on appris de tous les bruyants bavardages dont nous recouvrons nos malaise d’être là, vide et visible, mon Dieu tout se vide… À qui la donner pour ne plus l’affronter, cette perplexité d’être soi, être soi d’accord mais qui ? Il est impossible de se ressembler. Un matin, quelque chose se stabilise et une rue plus loin, on a changé de caractère ou de colère. Il n’y a pas de mots pour dire ces variations silencieuses. On s’éloigne, c’est tout. On ne se reconnaît plus, « simply like that ». Autour, tu es resté identique pourtant, sauf soi-même. On est perdu. Dépassé. Alors on attend, avec le visage intérieur de quelqu’un d’autre. Celui des mauvais jours et des incertitudes, souffle agressif, sans raison non sans raison, si ce n’est que vivre n’est plus tenable. Soudain, se tenir là dans le monde, c’est au-dessus de nos forces.

Le portrait de son ami qui lui ressemble en pire !

Contamine triste mine, ne parvenait plus à aller au bout des choses. En amitié comme en littérature, il collectionnait les débuts de phrases et les débuts de relations. Il n’osait jamais prendre le risque de travailler, se tromper où se soumettre au jugement d’un autre. C’était un peureux. En fait, derrière une apparente paresse, il avait un ego grand comme les Buttes-Chaumont. Il était fantaisiste, bourré d’idées, une vraie fourmilière son crâne. Mais rien ne se développait : une meilleure idée en chassait une bonne et puis voilà, end of the story. En parallèle de sa vie littéraires, il faisait des traductions exécrables d’auteurs qu’il execrait mais qui, eux, avaient publié. Contamine avait la naïveté de croire que le plus difficile et le plus noble se situait au commencement des choses : aborder quelqu’un, rebondir avec une idée nouvelle, lancer un nouveau parti politique, proposer un premier baiser. Il croyait réellement que le courage, c’était de se jeter à l’eau. Il découvrit qu’en vérité, le courage, c’est quand il faut tenir bon. Quand il faut continuer de nager. Il n’était ni coriace ni patient. Il était comme Éric, il lui fallait les honneurs et l’admiration immédiate, totale, l’effet quoi, le reste… C’était pour les dactylo.

Explication du titre : on a trouvé quatorze parapluie après la mort de Satie

Dès qu’il a un sou en poche, c’est pour acheter un parapluie :
un de Secours ( de couleur noire)
un « Just in case » (de couleur noire)
un Malheureux (de couleur noire)
 un plus Solide ( de couleur noire)
un qui s’Envole (de couleur noire)
 un Jetable (de couleur noire)
un très Digne (de couleur noire)
 un imperméable (de couleur noire)
un que l’on peut Casser (de couleur noire)
un qui nous Attend (de couleur noire)
 un très Intimidant (de couleur noire)
Un Alambiqué (de couleur noire)
un très Sportif qui défend bien ( de couleur noire)
et le dernier, gentil juste pour les Dimanches (de couleur noire).
Tous peuvent se porter été comme hiver. Ils sont pratiqués, indémodables, discrets et très patients. Absolument noir. Ils sont au nombre de quatorze, mais ils n’empêchent pas de se sentir seul. Ils permettent de se sentir abrités . Surtout quand il ne pleut pas.

Et ce qui est le plus important sa musique :

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Qui n’aimerait pas entendre la personne qu’on a tant aimé conclure le dialogue de la rupture par ces mots :

« Reviens quand tu veux »  ?

Je ne connaissais pas cet auteur qui m’avait tentée à travers la lecture de vos blogs, c’est chose faite, et le moins que je puisse dire c’est que je ne regrette pas les heures passées en sa compagnie. Son style est très particulier, il évoque avec des expressions un peu vieillottes la nature où ce curieux bouquiniste a décidé de vendre (ou pas !) des livres aux rares personnes qui s’égarent jusqu’à sa boutique. Chaque chapitre démarre par une description du temps ou par des éléments de la nature, souvent j’y suis peu sensible, mais Éric Holder a su dompter mon impatience, car il peuple son récit de personnages qui sont loin d’être des caricatures. Ils sont humains c’est tout, donc avec de gros défauts mais aussi quand on s’y attend le moins des qualités qui m’émeuvent. Ainsi, ce garde-champêtre ne sera pas seulement la victime du « terrible » libéralisme contemporain – et trop souvent caricatural dans les films ou dans les romans- mais deviendra gardien du camping, heureusement pour Antoine, notre bouquiniste qui pourra donc après son histoire d’amour se réconforter en regardant les soleils couchants dans l’Algeco mis à la disposition du gardien. Antoine n’est ni meilleur ni pire qu’un autre, il fera, lui aussi, souffrir Marie la boulangère qui était celle – avant Lorraine- avec qui il allait au cinéma et avec qui il finissait ses soirées. Le mari de la boulangère qui a joué et perdu tout l’argent du ménage viendra rappeler à Antoine que Marie est fragile et qu’il n’a pas le droit de la faire souffrir. Ce roman est riche d’une galerie de portraits et on a envie de se souvenirs de tous sauf, peut-être, de madame Wong qui exploitait notre Antoine mais cela se termine bien. Nous apprenons au passage que le commerce chinois recherche nos vieux livres : est-ce vrai ?

J’avais beaucoup aimé il y a quelques années le film fait à partir du roman d’Éric Holder « mademoiselle Chambon »

On pourrait facilement mettre en film « la femme qui n’a jamais sommeil » et pourquoi pas Vincent Lindon dans le rôle d’Antoine et pour Lorraine, la conteuse, Sandrine Kimberlain ce serait parfait aussi.

Citations

 Quand j’ai cru que je n’accrocherai pas à ce roman à cause des descriptions trop classiques

Quand l’avant-garde des nuages est apparue dans le ciel, on a tout de suite vu qu’il s’agissait de méchants, de revanchards. Pas une goutte depuis 2 mois, il allait corriger la situation vite fait, ce n’était pas pour plaisanter. Derrière eux, l’urgence crépitait en arc bleuâtres sous le ventre du troupeau, au loin le canon. La lumière s’est éteinte subitement, la nature retenait son souffle, en apnée. Quand le vent est revenu, fou furieux, il hurlait en se frayant un chemin à coups de gifles. Des milliers de feuilles d’acacia, jaunies ou dorées, périrent à l’instant, jonchant le sol. Les premières gouttes de pluie laissèrent entendre des hésitations de moineau sur un balcon. Quelques secondes plus tard, l’eau tombait par baquets, rejaillissant des gouttières sous pression, noyant le paysage.

Toujours le style, mais déjà je savais que j’aimais ce roman

Octobre est resté suspendu aux lèvres du soleil abondant, avec la bienveillance d’un ciel ou de rares nuages patrouillent avant de repartir dépités.

Le prénom de la femme aimée et perdue

Elle s’appelait Anne, un prénom entouré d’un hiatus, qu’on ne sait où accrocher, et qui demeure suspendu comme une exténuation, un début de mots, une adresse qui n’aurait pas été achevée. Anne, on sent déjà qu’une part manquera.

Je ne savais pas ça

 La Veuve Clicquot, née Nicole-Barbe Ponsardin, tient lieu de phare. J’apprends à Lorraine qu’elle vécu quatre-vingt-neuf ans, son mari, qu’elle adorait, était issu de la plus illustre famille de facteurs d’orgues français.

Deux hommes ont aimé la même femme

 Lui me parle souvent de toi. Tu as même intégré nos quelques sujets de conversation favoris, ceux qui permettent de nous entremettre, bon gré mal gré, sur la lande où nous ne sommes que deux. Je ne réponds pas à toutes ses questions. J’adore voir, quand il les pose, le rêve passer dans ses yeux.

Un portrait

Parmi les habitués, un ancien matelot. Outre la marine, son domaine de prédilection, qu’il cultive historiquement, il maîtrise des sciences qui, si on l’écoute, s’y rapportent, la géologie, l’astrophysique, la botanique, l’anthropologie. À l’aide d’une mémoire étincelante, il jette des passerelles inédites de l’une à l’autre. Il n’a pas navigué sans savoir sous quels ciels, ni sur quel flots il se trouvait, leur composition, leurs impératifs, leur pouvoir. Ce passionné restait modeste, les cimetières, disait-il, étaient remplis de gens comme lui.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

J’ai choisi de lire ce livre car l’image des femmes tondues à la libération, est quelque chose qui m’a toujours profondément révoltée. Je ne dis pas qu’il ne fallait pas réagir contre des femmes qui avaient profité de la guerre pour s’enrichir grâce à des soldats allemands, mais alors qu’elle soient jugées et non livrées à la vindicte publique, c’est bien en tant que femmes qu’elles sont ainsi humiliées et non pour des faits de collaboration. J’ai déjà lu un roman de cette auteure (et toujours dans le cadre du club) « les oubliés de la lande » et je retrouve dans celui-ci un aspect qui ne me touche pas, un mélange du merveilleux de l’ancien monde celtique avec la cruauté du monde moderne. Cependant, j’ai apprécié que finalement, au moins dans un roman, toutes les femmes tondues se trouvent venger. Maria Salaün avait une superbe chevelure rousse et à l’époque c’était toujours mal vu et apparenté au diable, les choses ont bien changé , encore que … si on en croit Pascal Sacleux ce n’est toujours pas si facile d’être roux en Bretagne.

Voici les cheveux de Charlotte, ils me donnent le sourire à chaque fois que je les vois. Et je ne suis pas la seule …

Citations

Préjugés contre les rousses

La couleur du diable. Celle du feu et de tous les roussis de l’enfer.

 Superstitieuse, Marguerite refusa de toucher aux cheveux de l’enfant.
 Son père s’occuperait de la toilette de la fillette tandis que la vieille serait chargée de la nourrir, de la promener et de la divertir par quelques histoires de son cru.
Passant le seuil de la porte, il n’était pas rare de la voir s’immobiliser, demeurer comme interdite et cesser là tout ouvrage, oublier même celui qu’elle s’apprêtait à conduire. Aussi pouvait-elle entrer d’un pied ferme dans la chambre où l’enfant gazouillait et resté planté là, l’instant d’après, sans oser faire un pas de plus. C’était cette histoire de cheveux qui la paralysait. Rien à faire, elle ne s’y habitait pas. Elle prétendait voir une couronne de flammes ceindre la tête de la gamine. Quand ce n’était pas des grappes de vipère qui s’agitait en tous sens.
 Malheur, quel malheur ! Clamait la vieille à tout bout de champ impossible de savoir si elle parlait toujours des cheveux de l’enfant, de sa naissance qui avait tué sa fille, de la vie qui l’avait fait veuve trop tôt, ou de l’avenir de la petite.