(PS je suis désolée pour la qualité de mes photos, elles sont très bonnes sur mon téléphone mais sont dégradées sur ma boite mail sans que je sache pourquoi.)
Édition Gallimard . Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard
Pour le thème du mois de mars à mon club de lecture , « les écrivains et leur père », ce livre était parfaitement à sa place, en effet, Marc Dugain se penche sur le passé de son père, personnage étonnant de volonté (d’où le titre). En effet, alors qu’il est encore enfant, l’année où il devait quitter l’école primaire pour aller au lycée, en 1941, il a été atteint de la poliomyélite, il a eu la chance incroyable de pouvoir être soigné à Paris et de n’avoir qu’une jambe paralysée. Toute sa vie il marchera sur une seule jambe et une canne sans jamais renoncer à mener la vie aventureuse dont il rêvait. Ce roman, l’auteur tient à cette appellation l’épigraphe du roman, (Marc Dugain l’a écrite lui-même) dit ceci :
La plus belle des fictions est celle qu’on entretient sur ses proches dans des souvenirs qui jalonnent une mémoire flottante. Ce n’est pas la biographie d’inconnus, c’est un roman.
Ce roman nous vaut une belle balade dans le XX° siècle avec un regard très particulier, celui d’un homme du XXI° siècle qui connaît la réponse à des questions que l’on ne se posait pas à l’époque. Comme par exemple le problème des déchets nucléaires, apporté par l’indépendance énergétique voulue par de Gaulle.
L’histoire de la famille de son père est marqué par l’alcoolisme des gens simples en Bretagne et aussi la volonté de ces mêmes gens de tout faire pour que leurs enfants réussissent leur études. Il réussira mais eux se sentiront exclus de la famille bourgeoise que son fils va constituer avec une femme parisienne qui va se battre pour exister sur le plan professionnel alors que tout la poussait à devenir une bonne mère et une épouse tenant sa maison. Leurs deux fils auront du mal à se sentir aimés par des parents qui seront aussi pris par leurs destin, mais cela n’apparaît qu’épisodiquement dans le récit.
La famille de sa mère est marquée par son père qui est une « gueule cassée » qui a inspiré Marc Dugain le roman qui l’a rendu célèbre : « la Chambre des Officiers » que je n’ai pas encore lu contrairement à « l’insomnie des étoiles« . La présentation de ce futur gendre qui a perdu une jambe sera difficile à accepter pour sa future belle mère qui sait ce que cela veut dire de consacrer sa vie à aider un handicapé. Mais finalement la vie familiale se reconstruira grâce à l’énergie de cet homme que rien n’arrête et qui respectera la volonté de sa femme de s’imposer dans le monde de l’industrie. Après quelques années en Nouvelle Calédonie ils partiront en Afrique, puis reviendront en France. Son père prendra des responsabilités importantes dans l’énergie nucléaire et sera lié à un général responsable du contre espionnage français. Cela permet à l’auteur d’avoir un regard personnel sur ce siècle un peu décalé par rapport à ce que l’on lit habituellement.
C’est une roman et l’histoire d’une vie qui ne se lit pas toujours facilement car il y a beaucoup d’ellipses et il faut faire des sauts dans le temps qui m’ont souvent déroutés . Les personnages sont assez variés, j’ai un faible pour le cousin communiste qui joue à la bourse et roule en Mercédès. Je n’ai pas trop accroché à la personnalité de ses parents . On sent qu’il a voulu rendre un hommage à son père qui est resté debout malgré son handicap mais à part cela (et ce n’est pas rien) on ne sent pas la vie à travers ce qu’il nous dit de lui. Sa mère entièrement tournée vers son ambition féministe de lutter pour être employée à son niveau d’étude est de la même façon un peu glacée dans ce combat. En revanche je trouve que ses quatre grand-parents sont plus riches même si du côté breton c’est une misère terrible. L’auteur sait faire vivre sa grand-mère plus que son grand-père qui vit surtout à l’extérieur de la famille.
Un très bon livre, pour le regard sur ce siècle passé. J’y ai retrouvé des évènements que j’ai vécu moi ou ma famille, mais j’ai quelques réserves car je n’ai pas ressenti assez d’empathie avec ses parents ce qui était, je le pense, le but de l’auteur . J’avais oublié que j’avais déjà chroniqué l’insomnie des étoiles du même auteur en lui attribuant encore une fois 3 coquillages. (Je suis sévère avec cet auteur car je trouve ses romans bien écrits, il ne soulève pas mon enthousiasme.)
Citations
Construction du couple de ses parents.
L’attitude de l’a mère l’a blessé, mais il comprend cette réticence : le retour de l’infirmité pourrait se voir comme une malédiction. Elle a ressenti une nouvelle fois à quel point l’amour de sa mère pouvait être pesant. Lui n’a pas l’intention qu’elle interfère dans leur relation, jamais et il le dit sans ambiguïté, il n’a pas fait tous ses efforts pour perdre sa liberté retrouvée sous la coupe d’une belle mère. Les choses seront limpides, d’un côté comme de l’autre, : si fortes que soient leur affection pour leurs parents ils ne les laisseront pas guider leurs pas. C’est là le fondement de leur alliance, de l’égoïsme de leur couple qui va sceller leur comportement pour toujours.
Repas de famille.
Les anciens de 14 ont dégainé les liqueurs en fin de repas, dans la tradition de ces déjeuners interminables qui commencent par la dispute politique pour finir dans la concorde des vapeurs d’alcool.
La nouvelle Calédonie .
Les Kanaks vouent leur circulation restreinte, doivent se soumettre à une autorisation afin de quitter leur arrondissement et, pour couronner le tout, ils doivent effectuer plusieurs jours de travaux forcés par an, au profit des colons ou de l’administration. Le code de l’indigénat, code du déshonneur qui organise la privation de droits, enferme ce peuple réputé pour son génie agricole et son culte de la terre sur la portion congrue de territoires livré à une population de repris de justice et de paysans faillis. Les prisonniers politiques, retournent systématiquement en métropole. Entre la révolte de 1878 qui tue près de trois mille Kanaks et le reste, tout le reste, y compris les maladies importées, la population indigène chute de 90 % après l’arrivée l’arrivée de la civilisation sur sa terre. C’est ce qu’on pourrait appeler une colonisation réussie.
Remarque intéressante .
Ce soir là, aidé par le vin de qualité, il se laisse aller à de sombre prévisions au sujet de la politique coloniale de la France. Il prédit qu’au tournant de la décennie l’indépendance sera la règle et la colonie l’exception. Son directeur hausse les sourcils en adressant au gouverneur un sourire apaisant, mais à la surprise générale le gouverneur avoue qu’il craint qu’il n’ait raison. Il aura d’autres occasions dans sa vie de constater que les hauts responsables ont souvent conscience individuellement des désastres auxquels conduit leur action, mais qu’ils sont submergés par la force du système et liés par leurs intérêts de carrière.
Je trouve ça très vrai.
De tous les moteurs de l’existence sociale, la revanche, parce qu’elle possède un carburant inépuisable, est le plus performant.
L’Afrique et de Gaulle.
Ils ne savent rien de la future formation d’une cellule spéciale de la présidence de la république, instaurée par de Gaulle, dont l’objectif sera de reprendre le contrôle de ce qui a été abandonné, pour éviter à ces nouvelles nations de sombrer dans la spoliation américaine où le collectivisme soviétique qui rêve de proliférer dans la chaleur africaine. On met en place des dirigeants fantoches qui recycleront l’argent détourné dans leurs pays avec notre appui, en remerciement de leur fidélité à la France, pour l’investir dans les beaux quartiers de Paris et dans nos banques. C’est ce qu’on appelle en langage politique fleuri « créer de la stabilité ».
L’alcoolisme de ses grand-parents bretons.
Elle boit du vin, du vin de table qu’elle cache parmi les produits de vaisselle. Son alcoolisme de pauvres la ravagera de l’intérieur au cours des dix années qui lui restent à vivre. Le bosco boit, lui aussi, mais pas comme elle. Il petit-déjeune au calva, arrose l’en-cas de dix heures, puis s’accorde une pause à midi avant de reprendre, l’après-midi, la tournée des fermes des cousins pour enfin s’accorder un dernier verre au bar du village avant de dîner, à l’eau, pour rincer tout ça. Il lui reste trente ans à vivre à ce rythme.
Est-ce vrai ?
Il faut préciser que la CIA, craignant que les hippies ne ruinent la jeunesse américaine par son pacifisme contagieux en pleine guerre du Viêtnam, a délibérément inondé de LSD une génération qui espérait atteindre u. monde rendu inaccessible par la déraison ordinaire. Ceux qui ne meurent pas à la guerre meurent d’overdose, la boucle est une nouvelle fois bouclée.