20151113_120910Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

4L’ennuie avec les lectures du Club comme avec la tenue du blog, c’est que j’enchaîne la lecture les livres trop rapidement. Pour certains, ce n’est pas si grave car ils font partie de la lecture détente, et je suis ravie de partager ces moments avec les lectrices et lecteurs de mon blog. D’autres résonnent plus profondément en moi, et je veux les lire et relire jusqu’à ce que je les possède et qu’ils m’appartiennent. Les livres ne m’ont jamais appartenu parce qu’ils sont bien rangés dans mes rayonnages, cela je l’ai cru dans ma jeunesse. Ils m’appartiennent parce que je sais me souvenir, en les évoquant, du plaisir qu’ils ont su me procurer. Avec Carole Martinez, il faut du temps pour savourer son histoire et sa façon de la raconter.

Toutes les lectrices qui aiment ses livres sont sous le charme de son écriture passionnée. Aussi bien « les fanas de livres » que Asphodèle et Krol. Cette écriture mérite qu’on la déguste par petites touches, sans se presser qu’on puisse laisser cette histoire et la reprendre juste pour le plaisir de s’entendre raconter une histoire tragique. Tragique comme ces petites filles mariées au sortir de l’enfance dans une France de 1361, si rude, ravagée par la peste, la guerre de cent ans et les compagnies armées qui un temps désœuvrées par le traité de Brétigny soumettent les populations aux violences rapines et pillages.

Carole Martinez sait mettre son écriture au service de ce qu’elle imagine de cette époque. Sous sa plume, les légendes , la religion, les faits historiques se mélangent et nous avons l’impression comme la petite Blanche de presque douze ans, d’être emportés sur les flots de la Lou sans pouvoir maîtriser notre destin. D’être submergés par l’angoisse et la peur des hommes capables de déchaînements de violence. Cette violence et cette absence de respect pour la vie d’enfants si fragiles et si exposés aux maladies, rend la mort presque douce. Roman étrange qui ne tient que par cette écriture à deux voix, celle de la mémoire de l’enfant qui est devenue « la vieille âme » et qui éclaire parfois la voix de « la petite fille » qui a bien du mal à comprendre ce qui lui arrive.

Citations

La présence du Diable

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J’avais tellement apprécié « Cœur cousu » que je redoutais un peu de me lancer dans ce roman dont j’entendais tant de bien autour de moi. C’est un peu paradoxal, mais cette auteur arrive à m’entrainer dans un domaine qui souvent m’est complètement étranger : le mysticisme et les croyances aux forces de l’au-delà.

Et bien, j’avais tort, j’ai adoré « Du domaines des Murmures » et comme toutes les blogueuses avant moi, je ne peux que recommander chaudement la lecture. Cette femme emmurée qui deviendra finalement l’écho des hommes de son siècle, alors qu’elle désirait se donner à Dieu et à Lui seul, est vivante, sensible superbe dans la force de sa jeunesse. Le roman fait revivre le temps des croisades et les errements de la religion et d’une société fondée sur le seul pouvoir de la force masculine. Et surtout il offre une tribune à la parole des femmes de cette époque. Que savons-nous d’elles ?

J’ai eu la chance d’entendre Carole Martinez lors d’un café littéraire à Fontenay sous bois. Elle nous a dit, entre autre, qu’après la lecture de Georges Duby, elle avait pris conscience que les femmes du XIIe Siècle n’avaient pratiquement laissé aucun témoignage. Ce grand spécialiste du Moyen-âge parlait d’elles comme des « ombres ».

Loin de n’être qu’un roman historique, cette auteure nous entraîne à travers le personnage d’Esclarmonde , dans une réflexion sur la place de la femme dans les sociétés patriarcales religieuses. C’est aussi une réflexion sur l’engagement absolu de la jeunesse : il y a du Antigone dans cette recluse. L’intrigue est bien menée et passionnante jusqu’au bout le style est très agréable : C’est celui d’une conteuse qui séduit ses lecteurs car il crée une atmosphère.

Carole Martinez a beaucoup de talent et encore bien des histoires à raconter, le soir du café littéraire on la sentait habitée par ses personnages et prête à les faire revivre devant un auditoire complètement médusé.

Citations

Tandis que nous avancions, j’attendais que la pluie vînt balayer ma peur, mais l’orage restait sec et seuls les éclairs veinaient mon horizon d’ardoise.

 

 

L’enfantement n’est pas seulement une torture physique, mais une peur attachée comme une pierre à une joie intense. Les mères savaient la mort à l’œuvre dès le premier souffle de leur enfant, comme accrochée à leur chair délicate. 

 

 

Les croisades sont des saignées qui rééquilibrent les humeurs du pays. Qu’elles emportent au loin les jeunes cavaliers, les cadets sans terres et sans femmes, dont les tournois ne parviennent pas à calmer les ardeurs, qu’elles éloignent tous ceux qui sèment le trouble dans le comté et n’y respectent pas la Paix de Dieu ! Qu’elles le vident de ce sang jeune et impétueux qui n’y trouve pas sa place, du pus que sont les fous du Christ incapables de dégorger leur violence de la morve des désœuvrés et non des seigneurs vieillissants qui maintiennent l’ordre en leurs fiefs ou leur alleu et sont garants de quiétude 

 

Marie étant restée vierge après la naissance du Christ, corps intact, sans fissure, « vulve et utérus fermés ». Ces hommes, si éloignés des secrets de l’accouchement, se passionnaient pour les entrailles de la mère de Dieu.

 

Nous étions au début du printemps, en cette période de l’année où une heure de jour valait une heure de nuit. Les heures en mon siècle étaient des divisions aux durées élastiques. Les jours comme les nuits en comptaient toujours douze en décembre comme en juin. La durée d’une heure de jour était donc trois fois plus longue au début de juillet qu’aux alentours de Noël.
Comment pouvait-on-me mutiler ainsi ? J’avais choisi de me clôturer, non de me taire. Cette fois, la recluse volontaire se changeait bel et bien en prisonnière et je n’étais plus seulement la captive de quinze ans qui, n’imaginant son bonheur qu’en Dieu , avait fait ériger cette chapelle , de cette naïve damoiselle des Murmures persuadée de gagner la béatitude et la liberté en s’emmurant vivante , d’une innocente qui ne savait rien encore du monde et ignorait à quel point un être peut changer

 

Pourtant, mon esprit ne pouvait se résoudre à renier Dieu, nous vivions en un temps où Il animait chaque créature ou Il vibrait dans la moindre brindille , nous agissions sous Son œil. Je ne pouvais douter que des hommes, de ma foi et de moi-même, pas de Son existence.

 On en parle

Moi Clara et les mots

Écoutez Carole Martinez

 

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L’écriture est extraordinaire, j’ai été envoutée par ce livre, on retrouve l’Espagne du début du 20e siècle, ses violences, l’obscurantisme, les croyances religieuses et la condition des femmes. On pourrait avoir un livre aux accents complètement désespérés les histoires sont toutes plus tragiques les unes que les autres (par exemple « l’ogre » qui viole et tue des enfants) mais grâce au style de Carole Martinez, on peut tout lire, ce qui ne veut pas dire tout accepter. C’est vraiment un beau livre que j’ai découvert grâce à mon club de lecture et qui depuis a gagné neuf prix littéraires.

Citations

 Un dimanche, la mère surprit ces œillades et, de retour chez elle, la jeune fille fut giflée.
– Tes yeux ne doivent voir que le padre ! Hurla Francisa.
– Pourquoi ? lui demanda la future fiancée.
– Parce qu’il porte des jupes, continua sa mère en larmes. Si quelqu’un surprend ton manège, on te prendra pour une fille perdue, on ira raconter que tu te donnes, que tu écartes les jambes quand on te paye et alors plus personne ne voudra de toi. Pense à la grand Lucia qu’on couche dans tous les buissons, qu’elle le veuille ou non, tout ça parce qu’on l’a vue se retourner pendant la messe vers celui auquel on l’avait promise.

 

La Maria privilégiait l’hygiène, la Blanca, la magie. L’une représentait l’avenir, la science ; l’autre le passé et ses forces obscures bientôt oubliées. Situées chacune à un bout du temps, en regard de part et d’autres du moment présent, ces deux femmes ne se parlaient jamais directement. Seule l’une des deux était présente lors d’un accouchement. Pourtant, quand la chose se présentait mal, elle faisait appeler l’autre. Alors, sans s’adresser un mot, les deux femmes agissaient de concert et il était bien rare qu’elles ne sauvent pas la mère, car toutes les deux contrairement à un bon nombre de celles qui les avaient précédées, faisaient passer la vie de la femme avant celle de son enfant et c’était sans doute sur cet accord silencieux que se fondait leur entente.

 

Cette fois, elle ferma les volets, couvrit le miroir, ce piège à âmes, arrêta l’horloge … Elle venait faire un mort.

 

En cousant les linceuls, on regretta le curé et l’église. Les maigres discours des anarchistes loqueteux ne valaient pas la pourpre des rituels catholiques, ils ne pouvaient promettre à ces hommes tombés pour la cause le moindre au-delà ! Les adieux prenaient un caractère définitif et dérisoire.

 

Depuis le premier soir et le premier matin, depuis la Genèse et le début des livres, le masculin couche avec l’Histoire. Mais il est d’autres récits. Des récits souterrains transmis dans le secret des femmes, des contes enfouis dans l’oreille des filles…….Ce qui n’a jamais été écrit est féminin.

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L’auteur présente son livre comme une fable. Fable, autour du destin de trois femmes, violées ou soumises à des hommes pervers ou violents. Cette fable se passe dans une Amérique latine imaginaire, avec des dictateurs imaginaires.

Ce livre est un coup de cœur dans de nombreux blogs de lectrices et le sera sans doute à mon club de lecture jeudi prochain. Je suis plus réservée, le côté fable a fait que je ne suis rentrée qu’à moitié dans le roman, j’ai bien aimé mais je suis loin de partager l’enthousiasme que je lis sur d’autres blogs. Je n’ai pas trouvé dans l’écriture la force poétique de Le Cœur Cousu de Carole Martinez, qui raconte aussi le destin tragique des femmes bafouées par la vie trop dure et la violence des hommes.

On en parle

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