J’ai découvert ce roman sur un blog que je lis régulièrement « La souris jaune« . J’aime bien ce blog car j’y trouve des livres qui ne sont pas dans l’actualité littéraire. La Souris Jaune, fouine dans tous les lieux où l’on trouve des livres pas chers ou dans les médiathèques pour assouvir ses envies de lecture. Ce roman avait tout pour me plaire, car il parle d’un sujet très peu traité : que sont devenus les traces de la présence juive en Egypte ? Le début m’a enchantée et je me suis installée pour faire un voyage original dans un pays où je n’irai sans doute jamais. Mais lorsque l’héroïne, Camélia arrive en Egypte, très vite, j’ai déchanté. Elle arrive dans ce pays avec l’argent de sa mère et des ses tantes pour faire construire une sépulture digne des attentes des sœurs de la morte, Carlotta . Carlotta est restée en Egypte et n’a pas suivi ses sœurs en France. Cela aussi m’intéressait, celle qu’on surnommait « la juive au nombril arabe » a mené une vie hors du commun. Mais il en est si peu question ou d’une façon si embrouillée que je me suis vite lassée. Vers la page 200 d’un roman qui en compte 350, j’ai parcouru en diagonal un récit qui ‘arrivait pas à retenir mon attention. Je n’ai rien compris aux aventures amoureuses de Camélia qui a des relation sexuelles avec l’homme qui la reçoit et qui l’oblige à l’appeler « papa ». Ses rencontres avec les pensionnaires de l’ancienne demeure qui étaient la maison de retraite de sa tante sont totalement étranges. On sent que l’auteur veut nous faire vivre à la fois la décrépitude de ce monde ancien et celui de la vieillesse , j’ai parfois pensé à la famille « Mangeclous » d’Albert Cohen, mais le récit n’arrivait pas à se construire. Comme « la souris jaune » j’ai bien aimé les incessants coups de fil de Lounna la mère juive plus vraie que nature de Camélia. Et puis je dois souligner la scène de départ dans l’aéroport qui est vraiment très drôle. Au moment où j’écris ce billet, alors que je ne peux pas dire que j’ai lu jusqu’au bout ce roman, j’espère que plusieurs d’entre vous l’avez lu et que vous saurez m’expliquer ce que vous avez aimé dans la partie égyptienne

 

 

Citations

Quand j’ai cru à la première page que je lirai ce roman jusqu’au bout

Morte Carlotta ? Morte la sœur aînée née de la même mère ? Maman s’échauffait . Le mystère de la mort la laissait sans voix hurlait-elle, et je sus qu’elle criait en montrant toutes ses dents au téléphone. Les morts vont vite ! Le monde s’en va. ! Quoi ! apprendre la funeste nouvelles aujourd’hui samedi ? Le seul jour consacré à la partie de bridge hebdomadaire ? Voilà bien la chance de maman ! Tant pis, Dieu était grand, ce qu’il donnait d’une main il le reprenait de l’autre, bientôt il prendrait tout des deux mains…. Maman sentait approcher sa dernière heure.

Toujours sa mère

Sa liaison avec le producteur Rachid « Un musulman qui n’est même pas chrétien » fulminait Maman.

 La scène de l’aéroport sa fille de 26 ans doit écouter les conseils de ses tantes, comme tous les voyageurs car elles parlent très fort.

Je vous la confie, dit maman à l’hôtesse de l’air en charge des bagages. C’est ma fille unique et je l’aime. Surveillez la bien, elle a l’air grande du dehors mais dans sa tête elle est très petite. Il marche bien votre avion ?
Les voyageurs, écartés de force du guichet, parurent fort intéressés par les conseils des dames en noir.
– Il n’y a pas, criait tante Marcelle, tu te débrouilles et tu pousses, mais tu prends place dans la queue, pour la vie sauve si l’avion s’écrabouille en mer, Dieu préserve !
– Tu mettras immédiatement le gilet gonflant, renchérissait tante Fortunée.
-Tu n’iras pas à la toilette suspendue, disait tante Melba à cause de l’aspiration, sait-on jamais. Il n’y a pas de cannibales, au moins ? Elle jeta alentours des regard courroucé. Ah chères, j’ai lu l’article abominable, les uns mangeant les autres et tous commençant par les plus jeunes !
– Aucune boisson alcoolisée, vociférait Maman on te connaît, un verre, deux verres, trois et tu t’endors, quatre tu manques l’arrêt du Caire.
– Camélia chérie, n’oublie pas de sucer le bonbon de l’envol, conseillait tante Fortunée sinon tu retourneras tes vomissements sur les voisins.
-Tu mangeras tout, approuvait maman. Ça fait passer le temps c’est compris dans le prix, mon Dieu comme tout augmente.
– Si tu n’aimes pas la confiture disait tante Melba, garde-moi le petit pot. Ça fait dînette, on voyage par le palais, et le goût est très français.
-Boucle-la Melba, se fâchait tante Marcelle, sommes-nous des mendiants ? Tu ne vois pas que les oreilles françaises nous écoutent

Vraie question

Ils ont vendu le patrimoine des ancêtres. Un rouleau sacré par-ci, une relique du Temple de Jérusalem par là, une synagogue, quelques belles maisons du quartier juif. Les Américains raffolent des marques du passé. Ils ont acheté. Qu’est-ce qu’ils n’ont pas acheté. Lequel est le plus coupable ? Celui qui achète ou celui qui vend ?

Le cimetière juif du Caire

Plus loin, deux jeunes femmes étendaient du linge entre les piliers de la nef consacrée en 1912 à un certain Isaac Pinto, le délivré, selon l’épitaphe, d’une longue vie de douleur et de solitude. À deux pas de là, un vieillard arrosait d’urine la dalle de Léda Gattegno (1903 1933) trop tôt arrachée à son juge d’époux, lequel avait mis une vingtaine d’années à la rejoindre sous le caveau où fleurissait la menthe sauvage et le persil. Des fèves cuisaient à gros bouillons dans la vasque funéraire de Simon Francis Bey, fumet exquis qui partait chatouiller les narines d’un autre pair d’Égypte, le baron Mustapha Lévy, un grand philanthrope , dit Sultana, il a beaucoup construit pour les pauvres, décédé en l’an 1948 et dont le mausolée, un petit palais baroque, s’envahissait de volailles.

Édition Dargaud

Après l’année du jardinier de Karel Capek voici une BD qui est l’exacte opposée : Tout va bien pour ces jardiniers urbains qui réussissent tout ce qu’ils entreprennent. C’est Aifelle qui a été ma tentatrice et je l’en remercie. J’avoue avoir été agacée par l’ambiance « écolo-bobo-parisien » et la pensée dans l’air du temps. J’avoue aussi ne ressentir aucun malaise à jeter un trognon de pomme dans ma poubelle. Après ces petits bémols, je vais dire maintenant tout mon plaisir à me plonger dans un dessin absolument enchanteur. On peut vraiment passer des heures à regarder les planches de Simon Hureau. Quel talent ! cela m’a rappelé les tableaux qui ornaient les classes de primaire à mon époque, j’étais assez rêveuse en classe et je passais beaucoup de temps à regarder les scènes représentées de façon un peu naïve. Ici, le dessin raconte les péripéties de la construction du jardin et parfois des planches d’une précision digne d’un entomologiste .
Je ne peux que vous conseiller cet album, pour rêver et partir dans un jardin merveilleux mais se souvenir aussi de Karel Capek pour savoir que le jardinage est parfois très loin de cette version trop idyllique !

 

Cadeau de mon fils qui partage mon goût pour l’humour de cet auteur aussi bien en roman : Le Discours , qu’en BD  : depuis Zaï Zaï Zaï , Et si l’amour c’était d’aimer, et Formica . Il s’agit d’un de ses premiers romans et déjà tout son humour est présent. L’auteur narrateur, auteur de théâtre de son état, est un éternel perdant qui se présente comme étant un collectionneur d’enterrements. Mais surtout ne vous fiez à rien de ce qu’il raconte car tout est faux et tout n’est qu’un jeu d’apparences . Tout le monde est manipulé par cette société Figurec, qui paye des figurants pour que votre vie ait l’air de quelque chose d’à peu près vivable. Au passage vous aurez quelques éclats de rire, pas forcément les mêmes que les miens mais je suis certaine que vous rirez. En revanche ne vous accrochez pas trop à l’intrigue, si elle est meilleure que la pièce de théâtre dont nous avons quelques extraits ce n’est quand même pas l’histoire du siècle. C’est pour moi moins bon que « Le Discours » mais pour mes éclats de rire, je lui attribue quand même ses quatre coquillages.

 

Citations

La phrase à ne pas oublier (et à essayer de recaser dans une conversation)

On peut difficilement se permettre d’être parasite et végétarien.

Les artistes

Il y a les artistes et ceux qui auraient aimé être artistes, c’est généralement dans cette catégorie qu’on trouve les mécènes – et puis il y a ceux qui n’en ont rien à foutre, pour qui les artistes sont soit des fainéants, soit des homosexuels, soit les deux.

Un bel enterrement

Ah, l’enterrement d’Antoine Mendez ! Sa femme essayant de sauter dans le caveau pour le rejoindre dans l’éternité, ses cris hystériques, ses trois fils la retenant dans des spasmes maîtrisés de grands garçons face à la mort, le discours de son meilleur ami admirablement ciselé, pas du tout mortuaire, certaines anecdotes parvenant même à susciter des petits rires humides et pensifs dans l’assistance. Je souhaite sincèrement que cet ami ait droit à pareil éloge quand son tour viendra. Antoine Mendez, voilà quelqu’un qui a réussi son enterrement. Il y a des gens comme ça qui savent partir.

Figurec

Depuis, l’idée a fait son chemin. Figurec aujourd’hui c’est des dizaines de milliers d’employés à travers le monde. Des figurant dans tous les domaines, partout, probablement la société secrète la plus puissante du monde ou employé et commanditaire sont tous maçons ou fils de maçon. Enfin pas tout à fait maçons, plutôt Roquebruniste, c’est une autre école, la belle dissidente.

Sa mère

Ma mère ressent toujours le besoin de préciser l’origine des aliments qu’elle propose à ses invités, de manière un peu paranoïaque, comme si elle était persuadée que les gens qui viennent manger chez elle redoutent l’intoxication alimentaire. Si la cuisine était assez grande pour y faire entrer deux bovins, elle présenterait aux invités les parents du steak.

Ses succès féminins

La dernière femme avec qui j’ai eu une conversation en tête à tête – si j’exclus ma mère et ma boulangère – est la professeur d’anglais qui m’a fait passer l’oral du bac. Autant dire que, contrairement à  » my tailor », mon expérience  » is not rich ».

Les manifs de prof le chapitre entier est très drôle voici juste un passage

Devant nous, un homme et une femme discute assez violemment, lui est du SEAFFJ (syndicat des enseignants adhérents à la Fédération française de judo) et elle du SEDV (syndicat des enseignants diabétiques et végétaliens). Visiblement ils ne sont pas tout à fait d’accord sur un point précis des revendications. Finalement, un type avec un bouc et des lunettes, du SEPVSELC (syndicat des enseignants pour la vaccination systématique des enfants du Loir-et-Cher) s’interpose et finit par les calmer.

Édition « le livre de poche » , Traduit de l’Anglais (Australie) par Béatrice Taupeau

 

L’époque étant ce qu’elle est, je suis souvent à la recherche de lectures pas trop violentes. J’ai trouvé cette suggestion chez Aifelle . Et ce roman a bien rempli son office. Je suis partie en Australie à la sortie d’une école maternelle avec des gens surinvestis dans leur rôle de parents compétents, il y a bien sûr plus de mamans que de papas mais ces derniers ont aussi un rôle important à jouer. Dès le début nous savons que lors d’une soirée à l’école, il y a eu un mort et donc une enquête pour connaître les circonstances de ce drame. Le roman raconte en détail ce qui s’est passé pour en arriver là. Nous plongeons donc dans la vie de quatre familles : la famille la plus importante pour l’intrigue est celle de Céleste et Perry , un couple idéal, des parents jeunes, sportifs beaux et riches mais qui cachent un lourd secret de violence conjugale . Celui de Madeline et Ed avec un problème pour Madeline de se retrouver parent d’élève avec son ex-mari et sa nouvelle femme parfaite, Bonny, ce qu’elle n’est absolument pas. Enfin il y a Jane et son petit garçon Ziggy qui sera accusé d’être harceleur ce qu’il n’était pas. Tous ces personnages gravitent donc autour des activités scolaires dirigées par le « clan des « serre-tête » qui interviennent fort mal à propos dans les histoires des enfants.

L’auteure a un bon sens de l’observation et s’amuse visiblement avec tout ce petit monde, il y a hélas derrière tout cela une femme qui doit échapper à l’emprise d’un homme violent et c’est vraiment bien raconté. Comme souvent, pour les romans style romans américains (et pourtant l’auteure est Australienne) je trouve que le récit se traîne un peu longueur mais c’est une lecture facile qui permet de quitter facilement le monde du Covid !. Je ne suis pas surprise que l’on en ai fait une série.

 

 

Citations

J’aime ce sens de l’observation, on se sent tout de suite à une sortie d’école en Australie

Mais elle adorait entendre l’incroyable brouhaha de voix enfantines à intervalles réguliers dans la journée, et comme elle ne se déplaçait plus en voiture, elle n’avait que faire des embouteillages dans la rue, causés par ces énormes véhicules que tout le monde conduisait aujourd’hui, et ses femmes affublés d’immenses lunettes de soleil qui se penchaient sur leur volant pour échanger à tue-tête des informations de la plus haute importance concernant le cours de danse de Harriette et la séance d’orthophonie de Charlie.
Comme elles prenaient le rôle de mère au sérieux. Il fallait les voir, avec leur petit visage affolé, leur démarche dynamique et leur air important lorsqu’elles pénétraient dans l’école, fesses moulées dans leur tenue de gym, queue de cheval au vent, regards rivés sur l’écran de leur téléphone portable au creux de la main telle une boussole.

Les enfants à hauts potentiels

Chaque semaine, Renata et Harper fréquentaient le même groupe d’entraide destiné aux parents d’enfants à « haut potentiel ». Madeline les imaginait sans peine, installés en cercle, se tordant les mains d’angoisse, le cœur secrètement gonflé d’orgueil.

Une femme maltraitée

Sans compter que son indécision reposait sur un fait indéniable : elle aimait son mari. Passionnément. Il la rendait heureuse, la faisait rire. Elle adorait discuter avec lui, regarder la télévision avec lui, à rester au lit avec lui le matin quand le temps était froid et pluvieux. Elle le désirait toujours.
 Mais rester, c’était lui donner la permission implicite de recommencer. Elle en avait bien conscience. C’était une femme instruite, elle avait plusieurs options, des endroits où se réfugier, des amis et des parents pour la soutenir, des avocats pour la défendre. Elle pouvait reprendre le travail, subvenir à ses besoins. Elle pouvait le quitter sans craindre qu’il l’a tue. Sans craindre qu’il lui prenne les enfants.

Attitude des parents de maternelle face à un enterrement du père d’un de leur camarade

Ceux qui avaient choisi de mettre leur cher petit à l’abri d’une telle expérience tablaient sur le fait que les enfants qui n’auraient pas cette chance feraient des cauchemars et seraient traumatisés à vie, suffisamment en tout cas pour que le résultat d’examen au lycée s’en ressentent. Les autres espéraient que cette expérience serait une leçon précieuse pour leurs bambins, leçon sur le cycle de la vie, l’importance d’épauler leurs amis dans la détresse. Elle les rendrait plus « résistants  » plus à même de se tenir à l’écart des conduites à risque à l’adolescence.

 

Édition livre de poche. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Florence Moreau

Fil conducteur du roman

Je voulais faire quelque chose de bien. Alors j’ai pensé, bon, que font les infirmières ? Elles aident les gens, ceux qui souffrent. Pourquoi ils souffrent ? Parce qu’ils ne savent pas ce qui va leur arriver. Et si je les soulageais ? S’ils ont des réponses, ils seront libres, c’est ce que je me suis dit. S’ils connaissent la date de leur mort, ils pourront vivre.

J’avais dit à Gambadou, le 12 octobre 2019, que ce livre m’attirait . Il m’a fallu du temps mais finalement j’ai satisfait l’envie qu’elle m’avait donnée de lire ce roman que j’ai beaucoup aimé. Il fait partie d’un genre assez répandu : « les grandes saga américaines ». J’en ai lu beaucoup, parfois avec intérêt parfois en m’ennuyant un peu. Ce n’est pas le cas ici, car l’auteur a su trouver un ressort qui a tenu mon intérêt en haleine pendant les quelques 500 pages du roman. L’idée de départ est simple quatre enfants vont, un jour d’été, consulter une voyante qui peut prédire le jour de leur mort. Et voilà, le roman est lancé et mon esprit capté par cette lancinante question : qu’est ce que je changerai à ma vie si je connaissais la date de ma mort ? Ce roman nous permet de revivre aussi les dates marquantes aux USA. Les années du début du SIDA sont particulièrement bien décrites, puisque le plus jeune d’entre les enfants Gold assumera son homosexualité et ira vivre à San Francisco pour y mourir, comme tant d’autres, du SIDA . Le fait troublant c’est qu’il est mort exactement à la date prédite par la voyante le le 21 novembre 1982. Sa sœur Klara est dans la culpabilité car c’est elle qui l’a poussé à fuir sa famille pour vivre sa vie telle qu’il la souhaitait au fond de lui. Elle a même utilisé cet argument terrible pour elle maintenant , « puisque tu penses mourir jeune, pourquoi ne vis tu pas au grand jour ta sexualité » . Si elle l’avait laissé vivre auprès de sa mère aurait-il franchi le pas et serait-il en vie ? Elle même a une vie étrange attirée par le monde du spectacle et de la magie elle vit avec Raj une ascension dans ce monde qui ne l’équilibre guère, malgré la naissance de son adorable bébé Ruby. Le frère le plus équilibré semblait, au départ, être Daniel qui devient médecin militaire et grâce à qui nous découvrons la guerre en Afghanistan et ses ravages chez les jeunes recrues qu’il doit sélectionner comme étant aptes au combat. Enfin la dernière c’est Vayra, c’est avec elle que nous terminons ce roman. Et nous découvrons l’univers des laboratoires et des expérimentations animales. C’est une femme malheureuse qui a été confrontée à la mort de son père, ses deux frères et sa sœur et qui pour combattre cette malédiction s’est plongée dans la recherche sur le vieillissement. Pour se protéger, elle s’est construit une carapace faite d’interdits et surtout de T.O.C qui, s’ils ne la font pas mourir à son tour, l’empêche de vivre. Les quatre enfants mériteraient chacun un roman, mais les avoir réunis donnent un survol intéressant sur ce pays qui me fascine toujours autant. Si j’ai mis cinq coquillages, c’est surtout pour les pages consacrées au début du SIDA. J’avais un peu oublié à quel point les réactions contre les malades du Sida homosexuels avaient été violentes, certains sont même aller jusqu’à assassiner ceux qui essayait de lutter contre cette épidémie : Harvey Milk a été abattu avec le maire de San Francisco, George Moscone, le 27 novembre 1978 . Et … leur meurtrier, Dan White, a été condamné à sept ans et huit mois de prison, pour homicide involontaire….

J’ai pensé en lisant ce livre que les auteurs français avait là, la matière pour quatre ou cinq romans d’une centaine de pages. Autre pays, autres habitudes littéraires.

 

Citations

Humour

Simon retient alors sa respiration : Madame Blumenstein avait alors une haleine fétide comme si elle exhalait, à quatre-vingt-dix ans, l’air qu’elle avait inhalé bébé.

 

La violence contre un homosexuel noir aux USA dans les année 70

Ils l’ont frappé au visage, lui ont fracassé le dos avec une batte. Puis ils l’ont traîné dans un champ et l’ont attaché à la clôture. Ils ont dit qu’il respirait encore quand ils sont partis, mais quel genre d’enculés pourrait croire un truc pareil ?
Simon secoue la tête. Il en a la nausée.
– Le juge, voilà qui, poursuit Robert.

Croire

Tu ne crois pas en Dieu non plus, maman, répond t-il, mais tu as décidé que si.

La puissance des mots

 Elle était agnostique depuis son doctorat, mais s’il y avait un aspect du judaïsme avec lequel elle était en accord, c’était bien cela, la puissance des mots. Ils s’immisçaient sous les portes, par les trous de serrures. Ils s’accrochaient à l’intérieur des individus et rampaient à travers les générations.

Bonne description du journalisme

Ce ton taquin est anxiogène pour Vayra. Mais c’est ainsi que procèdent les journalistes, il crée une fausse impression d’intimité, entre dans vos bonnes grâces jusqu’à ce que vous vous sentiez assez à l’aise pour leur confier des informations que vous auriez sinon le bon sens de taire.

La guerre

 Selon lui, dit-elle, il était impossible de survivre sans déshumaniser l’ennemi, sans créer tout d’abord cet ennemi. La compassion était l’apanage des civils pas des militaires. L’action requiert qu’on donne la priorité à une chose par rapport à une autre.

Vivre vieux

Il est impossible de communiquer le plaisir de la routine à une personne qui n’en tire aucun contentement, aussi Varyra n’essaie-t-elle même pas. Un plaisir qui ne provient pas du sexe ni de l’amour, mais de la certitude. Si elle était plus religieuse, et chrétienne, elle aurait pu devenir bonne : quel confort de savoir la prière ou la tâche que l’on effectuera pendant quarante ans à 14h, le mardi.
-J’améliore leur santé déclare-t-elle. Grâce à moi, ils vivent plus longtemps.
– Mais pas mieux.
Luc se plante devant elle, et elle se radosse au canapé.
– Les singes n’ont pas envie d’être en cage ni de manger des croquettes. Ils veulent de la lumière, des jeux, de la chaleur, de la consistance et du danger. C’est quoi ces conneries de préférer la survie à la vie, à supposer qu’on puisse contrôler l’une ou l’autre ? Pas étonnant que tu n’éprouves rien quand tu les vois en cage. Tu ne ressens rien pour toi-même.

 

Édition Le Serpent à Plumes

Merci Lyvres sans toi je n’aurais pas repéré ce roman qui est pour moi un vrai coup de cœur. J’espère à mon tour entraîner quelqu’un à lire ce livre triste et merveilleux à la fois. Cet auteur Kurdo-Syrien sait de façon unique – à mon avis- nous faire toucher du doigt ce que représente l’exil quand le pays d’origine est saccagé par la folie des hommes. Même la façon dont le roman est construit rend bien compte de ce que vit Fawas Hussain, il mêle la vie de tous les jours, donc les habitants de son HLM dans le 20° arrondissement de Paris, aux actualités télévisées qui racontent en détail l’effondrement et toutes les horreurs qui ont ravagé son pays . Avec, parfois, des souvenirs heureux du temps de son enfance. Deux rencontres avec des Kurdes, comme lui feront le lien avec ce qu’il vit aujourd’hui et son pays. J’ai souri, car c’est aussi un roman plein d’humour à la façon dont les Kurdes se saluent quand ils ne se sont pas vus depuis longtemps :

« Alors, kurde syrien, tu arrives encore à bander ou tu t’en sers uniquement pour pisser ? »

 Fawas Hussain, présente tous ses personnages par leur origine ethnique, la femme qu’il a aimé est toujours nommée comme Japonaise ou Nippone et elle est partie avec « son » Breton. Il faut dire que ces appartenances ont eu tellement d’importance dans les haines réciproques entre les Chiites et les Sunnites qui détestent les Kurdes et tous veulent chasser les Chrétiens… Pour ne pas parler des Yazidis ! Dans son HLM, on sent que les difficultés de la vie, l’argent, l’alcool les infidélités prennent le pas sur ces différences d’origines. Mais il y a une entité qui rassemble tout le monde : « la Société des HLM parisiens ». Les travaux dans sa tour HLM sont des hauts moment d’humour et d’absurdité. 

Sur le sol français et dans ce HLM les différents communautés arrivent à cohabiter et parfois à s’entre-aider. Je lisais dans un des commentaires laissé chez Lyvres que c’était peut-être une vision trop idyllique. Je ne le crois pas, car ces HLM sont dans Paris et ne constituent pas des zones de non-droit. C’est parfois violent mais rien à voir avec les phénomènes des quartiers de banlieues péri-urbaines.

Ce roman permet de se plonger dans la réalité des quartiers populaires de Paris et les souffrances crées par la destruction du Moyen-Orient. Et tout cela avec une belle dose d’humour !

 

 

 

Citations

La voisine désespérée 

Le sourire de connivence de la mère cède la place à une tristesse dévastatrice et l’inquiétude déforme ses traits. Elle m’avoue hésiter avant de monter car elle ne sait pas si on lui ouvrira la porte. Elle se débat comme une mouche prise dans la toile de quelques grosses araignées nommé Angoisse.

J’aime le style de cet écrivain 

Malgré un ciel Parisien constamment squatté par des nuages ténébreux et menaçants, je décide de quitter l’écran de la télévision pour prendre quelques vacances. Depuis le début des catastrophes à répétition en Syrie, je vis la violence qui s’exerce sur mon pays à distance, ce qui la rend encore plus cruelle que si j’y étais en chair et en os.
 

Une si grande tragédie !

L‘autocar climatisé faisait un premier arrêt dans l’oasis de Palmyre. Les passagers pouvaient acheter de quoi se restaurer tandis que le chauffeur et son aide mangeaient à l’œil en tant qu’ apporteurs de clients. Moi, par peur de tomber malade, je n’avalais rien et je me dirigeais chaque fois vers la grande colonnade, principale voie de circulation de la ville antique qui s’étire sur plus d’un kilomètre. Je passais sous l’arc monumentale où des gamins Bédoins proposaient aux touristes des promenades sur la bosse unique de leurs dromadaires. Je me pressais vers le temple de Bêl, le dieu du soleil, et me recueillais devant le sanctuaire de Baalshamin, le dieu du ciel, sans imaginer alors qu’ils seraient bientôt plastiqués par le groupe État islamique et complètement rayé du patrimoine archéologique de l’humanité.

Des destins tragiques 

Mon compatriote me ramène à notre première rencontre devant le restaurant universitaire Albert Châtelet. C’était dans les années 80, et il avait fui Saddam Hussein comme moi Assad, le père, son homologue et ennemi juré. …. Mais avec Saddam Hussein au pouvoir, il n’osait pas, à la fois comme kurde n’ayant pas fait son service militaire, et comme ressortissant d’une petite communauté comme les yézidis qu’on appelait les fayliz.. Musulmans chiites, ils avaient été déportés par le parti Baas est condamné à vivre aux alentours de Bassora. 
 

Faire venir sa mère discussion avec son ami Kurde titulaire d’une thèse sur la place de l’adjectif épithète. 

 
Si les jeunes peuvent s’adapter à leur nouvel environnement et apprendre plusieurs langues étrangères, ma mère ne supportera pas la vie en Europe. Elle vit en Syrie depuis quatre-vingts ans et elle n’a toujours pas appris l’arabe, pourtant la langue de la nation. Alors comment se mettra-t-elle au français et pourra-t-elle maîtriser le comportement de l’épithète ? Elle mourra d’ennui loin de ses filles puisqu’elle continue de les diriger d’une main de fer. Elle impose sa volonté à tout le monde autour d’elle car elle a toujours vécu comme ça et ce n’est pas Daech et un quart de million de morts en Syrie qui lui feront changer de caractère. 
Mon ami constate que je n’ai pas oublié le sujet de sa thèse et en sourit. Il passe sa main devant son visage comme pour effacer un souvenir écrit sur un tableau invisible :
« Nos deux pays sont devenus ce qu’on appelle des zones de guerre dans le jargon militaire. Comment laisser la famille à quelques kilomètres des fous d’Allah qui ne pensent qu’à une chose, égorger ? Ces hystériques s’entraînent sur des moutons et des chèvres pour mieux décapiter les hommes, tu te rends compte ?
 
 

Les passages qui m’enchantent 

Ce soir, je ne vais pas me mettre devant le vieux poste de télévision, non, je ne têterai pas le lait noir des deux mamelles déversant le malheur que sont France 24 et Al Jazeera. Oui, dimanche prochain, j’irai faire le marché, non pas pour les deux Suédoises, mais pour voir le vendeur des quatre saisons et le couvrir d’éloges à propos de la qualité de ses clémentines. Je lui demanderai comment il s’appelle pour de vrai et me présenterai à mon tour, le Syrien du 7e étage. J’espère de tout cœur que d’ici-là l’ascenseur sera réparé, non pas pour moi, mais pour tous les gens de l’immeuble. Je pense en particulier à la Kabyle nourri au miel et au couscous, avec ses pleurs de tragédie grecque et au français du quatrième, celui qui doit vérifier toutes les deux heures s’il a du courrier.

Édition 10/18 traduit du japonais par Jean-Baptiste Flamin Je dois cette lecture à Dasola et mes cinq coquillages seront, je l’espère, une incitation pour que ce livre extraordinaire trouve un large public parmi mes amies blogueuses et amis blogueurs. Ce roman remplit trois fonctions, décrire avec minutie les ressorts de la justice japonaise (depuis l’affaire Carlos Gohn, on a tous l’idée que ce n’est pas facile de sortir de ses griffes), une réflexion très fournie sur la peine de mort, et enfin un thriller bien construit. Pour moi, c’est ce dernier aspect que j’ai trouvé le moins intéressant, mais sans doute parce que je suis peu adepte du genre. En revanche la description de la justice japonaise m’a absolument passionnée. Le roman débute dans le couloir de la mort, à neuf heures du matin, c’est l’heure où, lorsque l’on entend des pas se rapprocher de la cellule où on est enfermé, cela peut être ceux des gardiens qui viennent chercher le condamné qui doit alors être exécuté. Ryô Kihara écoute et on imagine sa souffrance puisqu’il est condamné à la pendaison, puis les pas passent et ce n’est pas pour lui pas cette fois… Après cette scène, il est impossible que vous ne vouliez pas en savoir plus ; alors vous suivrez la levée d’écrou de Jun’ichi qui part en conditionnelle après avoir fait deux ans de prison pour avoir tué accidentellement un homme dans un bar. Ce départ se fait selon un rituel où le condamné ne doit son départ vers la liberté qu’à une attitude où il montre à quel point il se repent pour tout le mal qu’il a fait. Toute la justice japonaise est là, il ne sert à rien de clamer son innocence, il faut montrer qu’on a changé, que la prison vous a changé et que vous ne recommencerez jamais. C’est pour cela que l’on voit à la télévision, s’humilier devant le pays des grands patrons ou des dirigeants politiques. Ils peuvent repartir libres car ils reconnaissent à la fois leur culpabilité et les bienfaits de la justice japonaise qui a œuvré pour leur bien et celui de la société. (Tout ce que Carlos Gohn n’a jamais voulu faire.). Enfin grâce à Shôgi Nangô, le gardien de prison qui va recruter Jun’ichi pour essayer d’innocenter Ryô Kihara avant qu’il ne soit trop tard, le lecteur est plongé dans une réflexion approfondie sur ce que représente la peine de mort pour celui qui l’administre. Depuis « L’Étranger » je n’ai rien lu d’aussi marquant. Je ne dirai rien du thriller car je sais bien qu’il ne faut surtout pas divulgâcher ce genre d’intrigue. Un des aspects qui joue un grand rôle dans le roman, ce sont les sommes d’argent qui sont en jeu. Les parents du jeune Jun’ichi ont versé aux parents de la victime une somme si colossale qu’ils sont réduits à la misère. C’est d’ailleurs pour cela que ce jeune acceptera de partir dans l’enquête de Shôgi Nangô car il espère, grâce à l’argent gagné, aider ses parents à sortir de la pauvreté où il les avait plongés. Je ne voudrais pas que vous pensiez que ce roman est uniquement une charge sévère contre la justice japonaise, il s’agit plus exactement d’un questionnement sur son fonctionnement et cela amène le lecteur à réfléchir sur ce que la société recherche en emprisonnant des délinquants. Si c’est les écarter de la société, ils ressortiront et recommenceront, si c’est les réadapter alors on s’intéressera au système japonais qui veut être certain que l’individu a changé et ne recommencera pas parce qu’il a compris les conséquences de ses actes. Enfin pourquoi treize marches : d’abord il semblerait que dans les premiers temps il y ait eu treize marches pour monter à l’échafaud , ensuite Ryô Kihara qui souffre d’une amnésie et ne se souvient de rien se rappelle soudain avoir gravi treize marches, et enfin il faut treize signatures successives pour valider la condamnation à mort avant de l’exécuter. Et évidemment, avant cette treizième signature, nos deux enquêteurs doivent boucler leur enquête. Voilà pour le suspens qui est très prenant. C’est peu de dire que j’ai aimé ce livre, j’ai été passionnée de bout en bout.     PS Vous pouvez vous informer sur l’horreur de la peine de mort au Japon, en tapant le nom de Sakae Menda ou Iwao Hakamada  

Citations

 

Le procureur tout puissant

Pour avoir été lui-même jugé, Jun’ichi n’avait pas beaucoup de sympathie pour les procureurs. Leur réussite au concours national de la magistrature faisait d’eux l’élite de la nation. Ils agissaient au nom de la justice, avec la loi pour seule arme, sans aucune place pour les sentiments.

 

La sortie de prison en conditionnelle

Une lumière diffuse , filtrée par le verre dépoli des fenêtres , conférait au surveillant un air plus humain , que Jun’ichi découvrait pour la première fois . Mais la sérénité que ce tableau inspirait au jeune homme fut balayée par la phrase suivante.
– Je m’engage à prier pour le repos de l’âme de ma victime, et m’efforcer en toute bonne foi de l’apaiser.
Il blêmit.
« Prier pour l’âme de sa victime et s’efforcer de l’apaiser… »
Jun’ichi se demanda si l’homme qu’il avait tué se trouvait à présent au ciel ou en enfer.

La prison japonaise

Après une altercation avec un maton qui l’avait dans le collimateur, il avait été envoyé dans cette cellule individuelle, minuscule et puante, où on l’avait laissé croupir une semaine, les bras immobilisés par des sangles de cuir. Sa nourriture, déposée dans une assiette à même le sol, il avait dû la laper comme un chien, et quant à ses besoins il n’avait eu d’autre choix que de se faire dessus -une expérience atroce.

La peine de mort

Si jamais son propre enfant avait été tué, et que son meurtrier se trouvât devant ses yeux, il lui réserverait à coup sûr le même sort. Cependant, autoriser à rendre justice soi-même plongerait la société dans le chaos. C’est pourquoi l’État se posait en tiers entre les parties et s’arrogeait le droit de punir, d’infliger des peines à leur place. Le cœur humain était en proie au sentiment de vengeance, un sentiment né de l’amour porté à la personne décédée. Ainsi, la loi étant faite par les Hommes et pour les Hommes, la justice rétributive et l’idée de peine de mort qu’elle implique n’étaient-elles pas naturelles ?

 

Seuil Jeunesse   J’ai tellement aimé Black Bazar que je me doutais bien que ce conte pourrait m’intéresser et ravir les enfants. Je ne connaissais pas l’illustratrice Yuna Troël, elle accompagne cette histoire avec un grand talent. Le dessin du coq et celui du grand père sont d’une ressemblance étonnante et cela donne une petite touche d’humour. Je me vois bien raconter cette histoire à des enfants de trois à six ans. L’album est grand, on peut passer du temps sur chaque image. Je suis certaine que nombre d’enfants aimeraient comme le petit fils du chef Moukila, se retrouver dans la savane au milieu des animaux qui font rêver tous les petits des villes européennes.

Ce conte est à la fois drôle , tout en humour, et comme tout conte porteur d’une leçon de vie. L’enfant doit apprendre à respecter les animaux qui sont la réincarnation d’un ancêtre plus ou moins lointain. Car c’est bien connu, chaque homme a un double-animal . (Ce n’est pas Luocine qui contredira cet adage, puisque vous êtes accueilli sur son blog, par un fou de bassan ). Quand on a envie de faire un bon repas, comment respecter ce coq qui est vieux et réveille les villageois la nuit . C’est un malin ce coq, il échappe plusieurs fois à son triste sort. Vous devinez la fin ? Je pense que malgré la mort du grand-père les enfants aimeront ce conte et s’amuseront des ruses du vieux coq.  

Voici l’opinion de deux enfants

Clémentine 4 ans et demi

 

J’ai bien aimé cette histoire. Le grand-père est mort parce qu’on a coupé la tête de son double- animal . Les dessins sont jolis parce qu’il y a beaucoup de couleurs. Le coq est très vieux et très joli, le grand père est très vieux. L’histoire est un peu triste car le, grand père est mort.

 

Moi, mon animal totem , c’est le hérisson

 

Arthur 6 ans et demi

J’aime bien cette histoire mais elle est très triste car le grand-père meurt. Il y a un petit garçon qui n’écoutait pas trop et des gens n’ont pas compris que c’était les dernières paroles du grand-père. Mais le grand-père n’est pas mort assassiné, il est mort parce qu’il était très vieux. S’il y a les plumes du coq autour de lui c’est parce qu’on a tué son double-animal . Je trouve que les dessins sont très bien. Et on voit bien que le coq est très vieux.

   

Moi, mon animal totem, c’est le serpent . (Influence de Harry Potter ?)

Traduit du Roumain par Philippe Loubière . Édition des Syrtes C’est Inngamic qui m’a donné envie de lire ce roman, mais je crains que le but de Goran, Eva , Patrice pour le mois Europe de l’Est soit un peu raté, car je ne vais pas vous faire découvrir un nouvel auteur, mais simplement confirmer les avis très positifs de l’an dernier, peut-être que, malgré cela, vous ne l’aviez pas encore découvert ? Si vous le lisez je parie que l’an prochain, il sera de nouveau dans le mois de l’Europe de l’Est ! Ce roman est tout à fait à part, tout est dans le style de cette auteure. Chaque phrase est percutante et permet, peu à peu, de reconstruire la vie tragique d’Alesky et de sa mère. L’auteure manie avec une telle dextérité, l’ellipse, que je ne veux pas vous redonner le fil du récit car vous perdriez un des charmes du roman. Comme de petits éclairs dans une vie si sombre, les clé de compréhension viennent éclairer ce récit. On peut, sans rien déflorer, dire que Tatiana Tibuléac, nous met dans la tête d’un adolescent qui a le cerveau dérangé et qui hait sa mère. C’est peu de le dire, il rêve de la tuer dès qu’il pense à elle, il faut dire qu’il n’a reçu que des rejets de sa part depuis la mort de sa petite sœur. Mais ensemble, à la demande express de sa mère, , ils partent en vacances, en France. C’est là le coeur du roman, non seulement cet été là , il découvrira les yeux verts de sa mère, mais, plus encore, il va essayer de la comprendre. Le sujet du roman, c’est donc la progression vers un amour bancal car ni l’un ni l’autre ne vont bien, lui a le cerceau un peu dérangé et sa mère est atteinte d’un cancer « enragé ». Tout est dans la façon de raconter cette énorme souffrance d’un enfant fragile qui non seulement doit se remettre de la mort de sa petite sœur adorée mais qui est ignoré par son père alcoolique et rejeté par sa mère murée dans sa propre souffrance. Il devient violent et s’enferme derrière un mur de haine qu’il croit indestructible. Les phrases sont percutantes et font mal, à l’image du début que l’on ne peut pas oublier :

Ce matin-là, alors que je la haïssais plus que jamais maman venait d’avoir trente neuf ans. Elle était petite et grosse, bête et laide. C’était la maman la plus inutile de toutes celles qui ont jamais existé.
J’ai souvent eu envie de recopier des phrases de ce roman (il y a donc beaucoup d’extraits) , j’espère que vous les lirez car mieux que ce que je peux en dire, il vous expliqueront pourquoi j’ai aimé ce petit livre malgré la dureté du propos.

 

Citations

L’arrivée dans le village

Il y avait trois jours que je me trouvais dans ce village, sans avoir encore vu personne. Je dormais toute la journée, ou bien je fumais, ou bien je mangeais du pop-corn, ou bien je haïssais maman. Entre-temps, Jim et Kalo étaient partis pour Amsterdam, passer ces fameuses vacances que j’attendais depuis trois ans et pour lesquels j’avais mis de côté les sous que je recevais à l’occasion de chaque fête, plus ceux que j’avais piqués à Grand-Mère.

Sa petite sœur

Il aurait mieux valu que ce fût papa qui mourût, plutôt que Mika. Si la mort tenait compte de notre avis, il mourrait beaucoup de gens bien choisis.
 Notre psychiatre disait que, jusqu’à cinq ans, les enfants ne se souvenaient de rien. Moi, je crois qu’elle déconne et que Mika est morte avec beaucoup de souvenirs, les souvenirs les plus beaux et les plus vrais qui aient jamais existé dans notre maudite famille.
 Je suis sûr que si Dieu avait eu une fille, elle se serait appelée Mika. J’ai tellement le mal d’elle que je m’en arracherais les yeux.

Le monde de l’art

Du monde bigarré et avide qui m’entoure -intermédiaires qui gagnent plus que les artistes, directeurs de galeries prestigieuses ou douteuses, critiques d’art plus fous que moi, oligarques russes et mécènes japonais, milliardaires juifs qui ne reconnaîtraient pour rien au monde qui ne sont ni l’un ni l’autre -, il n’y a que Sacha qui est intérêt à me voir en vie. Si je n’avais pas été là, il aurait continué à travailler comme assistant d’un médecin, avec un salaire d’étudiant. Pour le reste, tout ce ramassis de hyènes serait bien content si je mourais – d’un cancer, de préférence, comme maman, ou de démence-, pour doubler ainsi tant la cote de mes œuvre que leurs profits, déjà gras et immérités.

La transformation de sa mère

Bien qu’elle soit devenue plus belle et plus intelligente, maman s’évanouissait de plus en plus souvent et devenait de plus en plus maigre. Quand elle marchait, ses mains se balançait le long du corps comme celle d’une poupée de chiffon et les commissures de ses lèvres tombaient, la faisant ressembler à un enfant boudeur.
Mais c’était la meilleure maman que j’avais eu jusqu’à présent. Même si je connaissais l’effet de cette maladie sur un humain, j’allais demander pour Noël un cancer pour maman, et non de faire l’amour avec Jude. Quant à papa, je crois qu’aucune maladie ne l’aurait fait changer.

La psychiatrie

Je me suis posé ces questions, dans ma solitude et ma folie, en ramassant mes os éparpillés dans tous les recoins de la chambre avec des mots flottants, allongé sur le divan des dizaines de psychiatres qui ont défilé dans mon cerveau comme dans le couloir d’un hôtel de passe, au cours de dizaines d’interviews et d’émissions sur moi et ma vision si original de la vie.

Les villages français

Aujourd’hui, que j’en suis à aimer les villages français plus que tout autre endroit au monde, tous ces festivals et toutes ces foires sont une partie de moi-même. Je n’en manque aucun, que je rentre à la maison avec une poignée de tomates ou avec un sac plein de laine de mouton. Mais je comprenais mal alors comment des gens sains d’esprit pouvaient avec pouvaient avec tout leur sérieux, organiser « la fête du panais », « la folie des produits à base de pois cassés » ou « le concours régional du meilleur poivron ».

Le voyage de noce de sa mère

Une longue histoire, partiellement inventée, je suppose, sur sa lune de miel avec papa a suivi. Bref, maman voulait voir Venise et papa l’a emmenée à Klaïpeda, un port de Lituanie, où il avait un cousin docker, et pendant quatre semaines ils ont déchargé les sacs d’un bateau.

 

Tableau d’Emmanuel Witte : La femme à l’épinette sujet du livre     Un très court roman de cette auteure que j’aime beaucoup. Elle a scruté ce tableau pour comprendre cette femme que l’on ne voit que de dos. Je regarde souvent un tableau en essayant de faire revivre cette autre femme : Je pense qu’il s’agit d’une femme de pêcheur qui sourit car la mer ne lui a pas pris, cette fois encore, l’homme qui ramène les poissons du jour.   Édition j’ai lu  Gaëlle Josse en sait plus que moi sur la femme à l’épinette son nom : Magdalena Von Beyeren l’épouse de l’administrateur de la Compagnie Néerlandaise des Indes Orientales, il fallait beaucoup d’argent pour commander et payer un tableau d’Emmanuel De Witte. Avec tout le talent qu’on connait à cette auteure, elle nous fait revivre la vie d’une femme de 1667 en Hollande. elle imagine que cette femme aurait bien voulu avoir une autre vie que celle d’épouse d’un administrateur des Indes et être Administatrice . Malheureusement à cette époque les femmes n’avaient pas d’autres choix que d’être fille, épouse et mère. Pourtant penchée sur son épinette quels rêves pouvaient bien avoir cette femme ? Gaëlle Josse lui a donné vie et c’est, encore une fois, bien agréable à lire car elle le fait avec un style très agréable à lire. Mais je pense que c’est un petit roman qui s’oublie assez vite

Citations

Toujours vrai et bien dit

Je n’ai pas de goût pour les confidences que s’échangent les femmes entre elles. Trop souvent, on voit le secret de l’une, sitôt franchi ses lèvres, porté à la connaissance des autres. Il devient leur jouet et elles en disposent à leur guise. Ce ne sont que broderies et arabesques, chacune y ajoute ses motifs et ses couleurs, et la réalité de l’affaire disparaît sous les ornements.

La Hollande

L’ordre, la mesure et le travail sont des remparts contre les embarras de l’existence. C’est ce qu’on nous apprend dès l’enfance. Vanité de croire cela. Chaque jour qui passe me rappelle, si besoin était, que la conduite d’une vie n’est en rien semblable à celle d’un stock d’épices ou de porcelaine.
 Ce que nous tentons de bâtir autour de nous ressemble aux digues que les hommes construisent pour empêcher la mer de nous submerger. Ce sont des édifices fragiles dont se jouent les éléments. Elles restent toujours à consolider ou à refaire. Le cœur des hommes est d’une moindre résistance, je le crains.