Édition livre de poche

J’ai vu ce roman sur de nombreux blogs en particulier, un billet que j’avais remarqué de Dominique, (désolée pour les blogs que j’oublie de citer). J’ai déjà beaucoup lu sur les quêtes de mémoire quand il ne reste plus que des lambeaux de souvenirs de familles décimées par la Shoa. Anne Berest est la petite fille de Myriam qui est elle même la fille d’Ephraïm et d’Emma et la sœur de Noemie et Jacques tous les quatre morts à Auschwitz et dont les noms ont été écrits sur une carte postale envoyée à sa mère en janvier 2003.

Anne est donc juive par sa mère et bretonne par son père. Élevée loin de toute religion par des parents intellectuels et attentionnés, elle accorde que peu d’importance à cette origine. Jusqu’au jour où elle veut savoir et transmettre à ses enfants ce passé. La première partie du livre, nous permet de découvrir le destin de la famille Rabinovitch, originaire de Russie, Ephraïm devient un fervent défenseur du socialisme mais très vite il déchante sur le régime communiste et est obligé de s’enfuir. Sa femme Emma Wolf est originaire de Lodz et aimera toute sa vie son mari malgré quelques divergences en particulier sur la religion, elle est pieuse et respecte les fêtes juives.
1019 date de naissance de Myriam à Moscou, c’est la la grand mère de l’auteure et avec ses parents elle commence une pérégrination à travers une Europe qui ne veut plus de Juifs. La Lituanie puis Israël d’où ils repartiront (hélas) pour la France. Ils ont eu le temps d’aller à Lotz où la famille d’Emma très aisée sent monter l’antisémitisme polonais sans pour autant tenter de fuir.

Enfin, ils arrivent en France avec leurs trois enfants et Ephraïm veut absolument devenir français . La suite on l’imagine : leurs deux enfants seront déportés avant eux Myriam était alors mariée à un français et n’était pas sur la liste du maire d’Evreux, mais elle était là ce jour là, son père l’a obligée à se cacher dans le jardin. Et ensuite Ephraïm et Emma seront à leur tour déportés.

Histoire trop banale , mais si bien racontée avec des allers et retours vers le temps présent et les recherche d’Anne qui s’appuient sur le travail très approfondi de sa mère Leila qui avait déjà trouvé et classé un très grand nombre de documents.
La deuxième partie du récit a pour but de nous faire découvrir la vie de Myriam pendant et après la guerre et finalement au dernier chapitre l’explication de la carte postale.

Le fil conducteur du roman, serait à mon avis de se demander ce que veut dire d’être juif et pourquoi même aujourd’hui l’antisémitisme peut donner lieu à des injures comme « sale juif ! » ou une exclusion d’une équipe de foot car dans la famille d’un petit Hassan de sept ans, on ne joue pas avec les juifs !

Ephraïm a tellement confiance dans la France, le pays des droits de l’homme que jusqu’à la fin il restera persuadé qu’il est à l’abri et ne veut pas entendre les messages d’inquiétude qu’il reçoit. Myriam gardera espoir le plus longtemps possible d’un éventuel retour de sa famille ou au moins de son jeune frère et de sa sœur. Elle s’enfermera dans un mutisme tel que sa propre fille aura bien du mal à comprendre l’horrible réalité et à remonter les fils de l’histoire familiale si intimement liée à celle des pires atrocités du siècle.

Quand Anne Berest part à la recherche de ce qui reste des traces de la présence de ses parents dans le petit village des Forges, j’ai retrouvé ce que j’avais senti en Pologne : la peur que l’on demande des comptes à des descendants de gens qui n’ont pas toujours bien agi voire pire. Comme cette famille chez qui elle retrouve les photos de sa famille et le piano de son arrière grand-mère.

Je n’ai pas lâché un instant cette lecture et je relirai ce livre certainement car je le trouve parfaitement juste et passionnant de bout en bout. Il va faire partie des indispensables et je vais lui faire une place chez moi car comme le dit un moment Anne Berest c’est important que les juifs envahissent nos bibliothèques, on ne peut plus faire comme si l’antisémitisme n’avait été que l’apanage des Nazis même si ce sont eux qui ont créé la solution finale celle-ci n’a pu exister que parce que chez bien des gens on ne voulait pas savoir ce qui arrivait à « ces gens là » quand on les parquait dans des camps puis quand on les faisait monter dans des trains pour l’Allemagne.

 

 

Citations

Un moment de notre histoire.

 Ephraïm suit de près l’ascension de Léon Blum. Les adversaires politiques, ainsi que la presse de droite, se répandent. On traite Blum de « vil laquais des banquiers de de Londres », « ami de Rothschild et d’autres banquiers de toute évidence juifs ». « C’est un homme à fusiller, écrit Charles Maurras, mais dans le dos »

Dialogue du petit fils avec son grand père juif et croyant .

– Tu es triste que ton fils ne croit pas en Dieu ? demande Jacques à son grand-père. 
– Autrefois oui j’étais triste. Mais aujourd’hui, je me dis que l’important est que Dieu croit en ton père.

La liste Otto.

Tout à fait, la La liste « Otto » du nom de l’ambassadeur d’Allemagne à paris, Otto Abetz. Elle établit la liste de tous les ouvrages retirés de la vente des librairies. Y figurait évidemment tous les auteurs juifs, mais aussi les auteurs communistes, les français dérangeants pour le régime, comme Colette, Aristide Bruant, André Malraux, Louis Aragon, et même les morts comme Jean de la Fontaine …

L’importance de porter un nom juif.

Mais petit à petit, je me rend compte qu’à l’école, s’appeler Gérard « Rambert » n’a vraiment rien à voir avec le fait de s’appeler Gérard « Rosenberg » et tu veux savoir quelle est la différence ? C’est que je n’entendais plus de « sale juif » quotidien dans la cour de l’école. La différence c’est que je n’entendais plus des phrases du genre « C’est dommage qu’Hitler ait raté tes parents ». Et dans ma nouvelle école, avec mon nouveau nom, je trouve que c’est très agréable qu’on me foute la paix.
(…)
– Moi aussi je porte un nom français tout ce qu’il y a de plus français. Et ton histoire, cela me fait penser que…
– Que ?
– Au fond de moi je suis rassurée que sur moi cela ne se voie pas.

Je trouve cette remarque très juste.

 Myriam constate que Mme Chabaud fait partie de ces êtres qui ne sont jamais décevants, alors que d’autres le sont toujours. 
– Pour les premiers, on ne s’étonne jamais. Pour les seconds, on s’étonne chaque fois. Alors que ça devrait être l’inverse, lui dit-elle en la remerciant.

Le sens du livre .

 Interroger ce mot dont la définition s’échappe sans cesse
– Qu’est ce qu’être juif ?
Peut-être que la réponse était contenue dans la question :
– Se demander qu’est-ce qu’être juif
(…) Mais aujourd’hui je peux relier tous les points entre eux, pour voir apparaître, parmi la constellation des fragments éparpillés sur la page, une silhouette dans laquelle je me reconnais enfin : je suis fille et petite fille de survivants.

 

 


Édition Arléa 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Un roman à la gloire de Domenico Scarlatti compositeur qui a vécu de 1685 à 1757. Il a écrit de multiples sonates pour clavecin que l’on joue maintenant très souvent au piano.

Ce roman est l’histoire d’une machination autour d’une partition retrouvée dans l’étui d’un violoncelle et qui sera volée dans l’atelier du luthier. Plusieurs personnages sont présents dans le roman et seul le dernier chapitre dévoilera qui tire toutes les ficelles. (C’est évidemment par ce chapitre que j’ai commencé mais ne vous inquiétez pas je n’en dirai rien dans ce billet !)

Nous faisons la connaissance de l’ébéniste un homme brisé par le départ de la femme qu’il a aimée. Sa seule consolation c’est son travail de restauration des meubles anciens. C’est lui trouvera une partition qui semble très ancienne dans l’étui de bois du violoncelle. Ensuite nous voyons le luthier qui travaille dans un atelier mitoyen du sien et qui est un fou d’instruments anciens mais qui hélas pour lui joue au poker et y perd beaucoup, beaucoup d’argent.

Ensuite viennent ceux qui vont jouer une rôle important dans la machination : la claveciniste virtuose qui reconnaîtra une oeuvre de Scarlatti. Le spécialiste français professeur à la Sorbonne qui veut à tout prix pouvoir avant tout le monde analyser cette partition pour se faire mousser et dépasser son jeune collègue italien qui lui doutera que cette Sonate puisse être du grand maître.

Enfin un riche mécène (comme on en trouve plus dans les romans que dans la vie) qui veut lui aussi retrouver cette partition.
La seule trace tangible, que ce petit monde a de cette participation, c’est un enregistrement sur un téléphone portable que le menuisier a fait lorsqu’il est venu apporter la partition à la claveciniste virtuose.

J’ai lu avec intérêt ce roman mais si je ne suis pas plus enthousiaste, c’est que le principal intérêt c’est cette machination que j’ai trouvée très tirée par les cheveux. En revanche, je trouve que cette écrivaine raconte très bien le plaisir de la musique et l’exigence du travail des solistes. J’ai bien aimé aussi l’évocation du travail du luthier et de l’ébéniste. Mais j’ai eu quelques difficultés à croire aux personnalités qui construisent cette histoire. Un roman donc agréable à lire malgré mes réserves et qui enchantera toutes celles et tous ceux qui aiment les suspens bien menés. (vous remarquerez que je divulgâche le moins possible !)

Je me souviens que j’avais eu aussi quelques réserves pour « Eux sur la photo » de la même auteure

 

Citations

 

 

Vocabulaire pour initiés .

 C’était une pièce particulièrement complexe dans son écriture : elle commençait par un tétracorde descendant, si typique des rythmes de séquedilles, se poursuivait par une cascade de suites ascendantes, de plus en plus rapides, illuminées par les trilles. Les arpèges qui se multipliaient à la fin m’ont fait trébucher plus un fois.

Un amoureux de Scarlatti.

Comme exécutant, j’ai toujours était moyen. Ma force a consisté à le reconnaître. Mais j’ai toujours su que derrière cette musique existait une énigme, un chiffre, un mystère, un art de la composition si neuf qu’il dynamitait l’ensemble des règles d’écriture de son époque. Et moi, j’ai voulu être le premier, celui qui serait capable d’expliquer, vraiment, la genèse de ce prodige tombé du ciel.

Un homme très très riche que l’on trouve surtout dans les romans.

En ce qui concerne celui-ci, le biographe le fameux Luzin-Farez, l’enquête préliminaire de mon informateur m’avait donné une idée du personnage. J’étais maintenant curieux de me forger la mienne. J’avais choisi un lieu de rendez-vous donc je savais qu’il flatterait sa vanité, tout en lui laissant comprendre à quel point j’étais riche pas. Parfois, j’ai l’impression cruel d’être un entomologiste qui s’apprête à retourner du bout de sa pince un nouveau spécimen.

 

Édition Gallimard

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

J’hésite toujours à écrire un billet quand je n’aime pas un livre et puis je pense à tous vos billets qui m’ont permis d’éviter des romans qui me seraient tombés des mains alors ….

Il faut que je dise en préambule que je suis très exigeante quand il s’agit de lire la prose d’un écrivain ou d’une écrivaine qui nous raconte la création littéraire. Je trouve rarement intéressant de participer à la cuisine qui lui permet d’aboutir à une œuvre. Mais quand en plus on est dans le cliché absolu, je sens la colère monter en moi. Je suis juste ravie de n’avoir pas dépenser 18 euros pour lire cette prose affligeante.

Elsa Feuillet, l’héroïne, est une écrivaine peu connue et qui en admire une autre (Béatrice Blandy) . Celle-ci est morte et son mari va pousser Elsa à s’emparer de l’ébauche du roman de sa femme afin qu’il puisse être édité. L’auteure s’amuse (moi beaucoup moins) à faire des allusions à Rebecca de Daphné du Maurier.

Je n’arrive pas trop à rédiger mon billet et je me demande qui cela peut intéresser que j’explique pour quoi je n’arrive pas à l’écrire, Carole Fives croit donc nous intéresser aux affres de la plage blanche et du comment se mettre à l’écriture. Il faudrait donc une histoire d’amour compliquée, du suspens, des allusions littéraires, et la description d’un énorme succès littéraire quand le lecteur, lui, lit un pâle pastiche de Daphné du Maurrier.

Tout ce que j’écris dans ce billet sent trop ma déception, on verra si au club certaines se sont intéressées à la Miss Feuillet et ses feuilles blanches ! Je sais, c’est un mauvais jeu de mot mais quand je n’ai pas grand chose à dire, je fais ce que je peux !

PS. Personne dans le club n’a sauvé ce roman.

Une seule citation

 

 

Une mère toxique une fille peu compatissante.

 Sa mère à elle l’appelait tous les jours, de son hôpital, pour lui dire combien elle souffrait, et à quel point vivre était un calvaire. La plus part du temps, Elsa ne décrochait pas. Elle n’écoutait pas les longs messages laissés sur son répondeur. Elle se contentait d’envoyer de l’argent à sa mère quand elle le pouvait. De temps en temps, elle finissait par répondre et alors, une voix du fond des âges apathique l’appelait a l’aide. Elsa marmonnait qu’il ne fallait pas s’en faire comme ça, ni être aussi si négative. Elle ajoutait qu’elle était pressée, qu’elle rappellerait plus tard.

 


Édition j’ai lu

Merci Sandrine tu avais raison ce livre m’a beaucoup plu.

Ce récit autobiographique est très intéressant et souvent très émouvant. Cette petite fille est arrivée en France à l’âge de cinq ans, ses parents communistes ont fui la répression des ayatollahs iraniens. En Iran, elle était une petite fille choyée par sa grand-mère et adorait ce pays aux multiples saveurs. Ses parents menaient une lutte dangereuse et l’utilisaient pour faire passer des tracts qui étaient synonymes de morts pour ceux qui les transportaient. Vous comprenez la moitié du titre, et la poupée ? Toujours ses parents : ils l’ont obligée à donner tous ses jouets aux enfants pauvres du quartier en espérant, ainsi, en faire une parfaite communiste se détachant de la propriété, ils n’ont réussi qu’à la rendre très malheureuse. En France, comme tous les exilés ses parents ne seront pas vraiment heureux et la petite non plus.

Il faut du temps pour s’adapter et ce que raconte très bien ce texte c’est la difficulté de vivre en abandonnant une culture sans jamais complètement adopter une autre. La narratrice souffre d’avoir perdu son Iran natal et elle souffre aussi de voir ce qu’on pays devient sous le joug des mollahs . Je me demande si elle reprend espoir avec les évènements actuels ou si, pour elle, c’est une nouvelle cause de souffrance de voir tant de jeunes filles se faire tuer au nom de la bienséance islamique.

L’auteure raconte très bien tous les stades psychologiques par lesquels elle est passée : la honte de ses parents qui ne parlent pas assez bien le français, la séduction qu’elle exerce sur un auditoire quand elle raconte la répression en Iran, son envie de retrouver son pays et d’y rester malgré le danger, les souvenirs horribles qui la hante à tout jamais …

Je ne sais pas où cette écrivaine vit aujourd’hui, car on sent qu’elle a souvent besoin de vivre ailleurs (Pékin, Istanbul) mais je suis certaine que si le régime tyrannique de l’Iran s’assouplissait un peu, elle retrouverait avec plaisir ce peuple et surtout ce pays qui l’a toujours habitée.

 

Citations

Les morts opposants politiques de Téhéran .

Il existe un cimetière situé à l’est de Téhéran, le cimetière de Khâvarân connu aussi sous le nom de « Lahnatâbâd », ça veut dire le cimetière des maudits. Lorsqu’un prisonnier politique était exécuté, ont jetait là son corps dans une fosse commune. Aucune inscription, aucune stèle, pas même une pierre. Terre vaste, aride et noire. Parfois de fortes pluies s’abattaient sur la ville et les corps mal enterrés réapparaissaient à la surface car le terrain était en pente. Alors les opposants allaient ré-enterrer leurs morts au nom de la dignité. Mon père y allait avec ses camarades. Ils vomissaient, ils en étaient malades pendant des semaines, ils étaient hantés par les images des déterrés mais peu importe, il fallait le faire. on ne pouvait pas laisser un corps sans sépulture. On ne pouvait pas laisser les camarades pourrir ainsi.
 Terre maudite ou Terre sainte ?

Que de douleurs dans ce passage !
 « C’est extraordinaire d’être persane ! »
 Oui c’est extraordinaire, vous avez raison. la révolution, deux oncles en prison, les prospectus dans mes couches, le départ in extremis, l’exil, l’opium de mon père. J’en suis consciente et j’en ai souvent joué de ce romanesque. Dans les soirées parisiennes intello-bourgeoises ou lors de la première rencontre avec un homme histoire de le charmer, mais aussi face aux voyageurs qui ont traversé l’Iran sur la route de la soie, face aux expatriés qui ont travaillé là-bas. D’habitude les gens ou entendu parler de l’Iran à travers les médias, les livres, les films. Tout ça est un peu lointain, irréel, mais là, ils ont face d’eux quelque chose de bien vivant. Alors je me faisais conteuse devant un public avide d’histoires exotiques et j’ai rajouté des détails et je modulais ma voix et je voyais les petits yeux devenir attentifs, le silence régnait certains, les plus sensibles ont même pleuré. Je triomphais. 

Attention !
Si vous aimez le suspens, j’en dis visiblement trop dans ce billet (je me demande comment font ces lectrices pour relire les livres qu’elles ont aimés !)

L’auteure cite Erri de Luca, je trouve cette phrase très juste

 Prendre connaissance d’une époque à travers les documents judiciaires, c’est comme étudier les étoiles en regardant leur reflet dans un étang.

 

Un cadeau ! quelle bonne idée de s’offrir des livres car cela permet d’aller vers des lectures que je n’aurais pas remarquées. Le titre résume le roman, pour moi c’est un régal que de lire un roman dont je connais l’issue mais je pense que cela a dû en déranger certains et certaines. Après il faut beaucoup de talent pour faire comprendre pourquoi cette malheureuse Lisa s’est enferrée dans son mensonge. Elle a accusé un homme de viol et tout le monde l’a crue. Tout l’intérêt du roman s’est de raconter que bien qu’elle ait menti cette ado était quand même une victime. Simplement les véritables coupables n’ont jamais été inquiétés. L’auteure à travers l’enquête de l’avocat nous fait revivre les années collège quand on est une fille mal dans sa peau mais dont les seins font beaucoup d’effet aux garçons. Mal dans sa peau , moins aimée que sa sœur à qui tout réussit, enfant d’un couple qui ne s’aime plus, Lisa a voulu trouver un statut et c’est celui de victime qui lui allait le mieux. Car victime elle l’était réellement d’un groupe de garçons en particulier d’un sale môme qui l’avait filmée dans une relation sexuelle avec celui qu’elle prenait pour son petit ami. Et c’est, pour que cette vidéo ne soit jamais publiée, que finalement elle s’est empêtrée dans un mensonge qu’un pauvre homme va payer très cher : 1195 jours de prison pour rien !

C’est un livre facile à lire et très prenant mais qui ressemble plus à un long article de presse qu’à un roman. Malgré ce bémol, je dois dire que j’apprécie beaucoup le courage de l’écrivaine pour nous dire qu’il faut parfois douter de la parole des enfants et des adolescents, recevoir leurs témoignages demande sûrement beaucoup d’intelligence et de délicatesse car il est certain que les jeunes sont le plus souvent victimes, même s’ils sont aussi, parfois, menteurs.

 

Citation

Description des cours de justice .

 Ces juges, plus ça va, plus je les hais. Bornés, biberonnés à la moraline. Et lâche avec ça. Y a plus que des bonnes femmes de toutes manières. Les derniers mec que tu croises dans les couloirs, ils ont un balai et un seau à la main. Et les jeunes, elles sont pires. Non, mais tu les as vus, avec leurs baskets ? elle juge en bas-kets ! Les jurés, c’est pareil. Gavés de séries télé. Ils t’écoutent. Ils te regardent avec l’air de tout savoir mieux que toi, parce qu’ils ont vu l’intégrale des « faites entrer l’accusé ». Plus moyen de les faire douter. Ils ont trop peur de se faire engueuler. Quand je pense à tout ceux que je faisais acquitter avant ! Et, crois moi, il y avait une palanquée de coupable là-dedans… dis, tu crois que je suis vraiment trop vieux ?


Édition Corti

lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Un tout petit roman d’une centaine de pages à la gloire de Jean Sebastian Bach et son immense admiration pour Buxtehude. L’auteur imagine une rencontre entre ces deux serviteurs de la musique sacrée qui sentent entre eux et Dieu un lien qui se concrétisent dans leurs œuvres. L’auteur imagine que Bach part à pied l’hiver de Arnstadt où Bach est organiste jusqu’à Lübeck ville du maître Buxtehude. Cette marche d’une centaine de kilomètres est l’occasion pour l’auteur de montrer à quel point le compositeur est imprégné de musique. Il s’agit d’une vision mystique de la musique qui le rapproche de Dieu. On peut se demander pourquoi Simon Berger écrit un tel livre sur un sujet dont on ne sait rien ou presque. Que Bach ait admiré Buxtehude, c’est certain tout le monde l’admirait à l’époque ; que ces deux génies de la musique se soient rencontrés on n’en sait rien mais c’est possible ; que des grands compositeurs reconnaissent le talent de leur prédécesseurs c’est souvent vrai. Il ne faut pas oublier que c’est grâce à Mozart que Bach n’a pas totalement été oublié après sa mort. Mais ce qui nous frappe et qui transparaît un peu dans ce texte très court c’est la modestie de la vie de Bach et de Buxtehude. Tous les deux attachés à leur orgue dont ils jouaient tous les jours, ils ont composé pour un public pieux et des notables qui avaient si peur que la trop belle musique entraîne les fidèles vers des pensées impies. Ils ont été l’un et l’autre d’une modestie totale au service de leur Dieu et de la musique.

Citations

Les notables de Arnstadt.

Rien qu’à les imaginer, Bach se lassait déjà. Et dire que sa vie dépendait de quelques bien-nés qui resteraient jusqu’à leurs morts infoutus de faire la différence entre le son d’une bombarde et celui d’un pet rentré !

La musique de Buxtehude.

 Alors un début de cantate s’éleva du chœur. Ce fut beau à mourir. Les yeux de Johann Sebastian Bach s’emplirent de larmes. Il ne voyait plus qu’à travers une pitoyable buée ! 

C’était beau. La musique se déroulait comme un phylactère du ciel. Bach la comprenait, aurait pu en tracer l’architecture dans les moindres détails, et cela n’enlevait rien à ce miracle, et cela participait même à ce miracle, miraculeux encore après son décodage. Herméneutique divine, qui n’ajoute rien, qui ne retranche rien et laisse les prodiges advenir. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Rien qu’à les imaginer, Bach se lassait déjà. Et dire que sa vie dépendait de quelques bien-nés qui resteraient jusqu’à leurs morts infoutus de faire la différence entre le son d’une bombarde et celui d’un pet rentré !

La musique de Buxtehude.

 Alors un début de cantate s’éleva du chœur. Ce fut beau à mourir. Les yeux de Johann Sebastian Bach s’emplirent de larmes. Il ne voyait plus qu’à travers une pitoyable buée ! 

C’était beau. La musique se déroulait comme un phylactère du ciel. Bach la comprenait, aurait pu en tracer l’architecture dans les moindres détails, et cela n’enlevait rien à ce miracle, et cela participait même à ce miracle, miraculeux encore après son décodage. Herméneutique divine, qui n’ajoute rien, qui ne retranche rien et laisse les prodiges advenir. 

 

 


Édition Le Livre de Poche

Traduit de l’anglais par Astrid Von Busekist

Lu dans le cadre des feuilles allemandes

Si ce livre, n’est pas écrit par un auteur allemand, le sujet concerne bien l’Allemagne, il trouve donc, selon moi, parfaitement sa place dans le mois de littérature allemande. Cette enquête est passionnante, Philippe Sand cherche à comprendre la personnalité de Otto von Wächter et de sa femme Charlotte, deux nazis de la première heure. Otto est responsable de la mort d’au moins 300 000 juifs et de milliers de Polonais. Son fils Horst, en 2013, est persuadé que son père ne peut pas avoir commis ces crimes abominables, ce fils veut absolument que la lumière soit faite sur le passé de son père. Il a été en grande partie élevé par sa mère (puisque son père meurt en 1949) qui elle, n’a pas voulu pas savoir la vérité mais elle la connaissait très bien et qui a construit une fable positive sur un des pires criminels nazis. Un des grands intérêts de cet essai, tient la personnalité du fils . Il est touchant d’être aussi partagé entre l’amour de son père et la réalité qu’il ne veut pas voir.

L’autre partie de l’enquête concerne la fuite de ce nazi et des protections catholiques dont il a bénéficié. L’auteur va chercher dans toutes les archives le moindre détail ce qui s’est passé pour Otto de 1945 à 1949. Il est d’abord resté en Autriche dans la montagne avant de passer en Italie pour finir dans un couvent à Rome. Il mourra de façon brutale et son fils sera persuadé qu’il a été empoisonné par les Soviétiques ou les Américains et cette idée lui fait du bien car cela laverait un peu l’honneur de son père. Quelles que soient les preuves que Philippe Sand met sous les yeux du fils celui-ci restera convaincu que son père ne pouvait pas être un criminel de masse. Toute la famille von Wächter, une grande famille noble autrichienne, en voudra beaucoup à Horst d’avoir collaboré à cette enquête. C’est très intéressant de voir à quel point l’Autriche a été le berceau du nazisme alors qu’après la guerre ce pays a rendu l’Allemagne responsable de cette idéologie meurtrière. D’ailleurs aujourd’hui encore la famille a des réactions antisémites, une des tantes se scandalisera qu’un des descendants de la famille travaille sous les ordres d’un juif !

Seule une des petite fille finira par déclarer :

Mon grand-père était un meurtrier de masse

Cette phrase clos le livre.

La personnalité de Charlotte et ses actions sont au moins aussi intéressantes que la vie de son mari , elle n’a jamais été inquiétée alors qu’elle est au moins une voleuse et elle a, entre autre, pillé le musée de Cracovie. C’est d’ailleurs en revendant des œuvres volées qu’elle a réussi à envoyer de l’argent à son cher mari en fuite. Et après la guerre, elle soutiendra toujours le nazisme . Ni son mari ni elle n’ont eu le moindre remord pour l’extermination des juifs dont ils ne veulent pas être responsables alors que l’idéologie qu’ils ont soutenue jusqu’à leur dernier souffle est bien la seule responsable de cette horreur.

J’ai admiré sans aucune réserve la qualité des recherches de cet écrivain, comme il a dû se confronter à la personnalité attachante du fils, il a été amené à vérifier le moindre détail et s’il n’a pas convaincu Horst vin Wärchter, il ne laisse aucune place au doute à son lecteur.

  • Oui, Otto von Wächter est bien un criminel de masse qui aurait mérité la pendaison.
  • Oui, l’église catholique a bien créé des filières d’évasion pour les nazis
  • Oui, la CIA le savait mais comme il a fallu très vite organiser une défense contre la montée en puissance des Russes et que la guerre froide s’organisait, les américains ont repéré mais peu inquiété à partir de 1947 les cadres Nazis.

 

Citation

L’antisémitisme autrichien à l’origine du nazisme.

À l’école de droit, Otto épouse la cause nationaliste et le combat des Sudètes germanophones. Il suit ainsi les traces de son père, lui-même membre du Deutsche Klub, une association germaniste exclusivement masculine qui s’oppose à l’arrivée des Juifs et des autres réfugiés des anciennes provinces de l’empire. « Achetez aryen ! » clame le bulletin de l’association. En mars 1921, peu de temps après que son père a été nommé ministre de la défense, Otto participe à une marche de protestation antijuive dans le centre de Vienne. À l’appel de l' »Antisemitenbund », créé deux ans plus tôt, quarante mille participants réclament l’abolition des droits fondamentaux de citoyenneté et de propriété des Juifs, ainsi que l’expulsion de tous les juifs arrivés après 1914. Les commerces juifs et les usagers juifs des transports publics viennois sont attaqués. Otto est arrêté condamné et jugé par la cour du district de Vienne ; il passe quatorze jours en prison et écope d’une peine d’un an avec sursis. La presse le qualifie de « monarchiste » il n’a pas encore vingt ans et il vient pour la première fois de franchir la ligne de la criminalité.

 

 

 

 

 


Édition J’ai lu

Ce livre est la biographie des deux grand-mères de l’auteure qui sont toutes les deux nées en 1902 et meurent en 2001. Elles ont été amies toute leur vie depuis l’âge de six ans jusqu’à leur mort. elles ont réalisé leur vœu le plus cher : le fils de Martha épousera la fille de Mathilde et elles seront donc non seulement liées par des liens amicaux mais aussi familiaux.

Je sais, ce livre est écrit par une auteure française mais le sujet concerne tellement les rapports de l’Allemagne et de la France que je le propose pour ce mois de novembre 2022 si vous l’acceptez.

Ce récit se passe en Alsace à Colmar (Kolmar) et quand on voit les dates on comprend tout de suite que nous allons connaître cette région sous la domination allemande jusqu’en 1918 puis française et de nouveau allemande en 1940 sous le joug nazi jusqu’en 1945.

Tout l’intérêt de cette biographie vient de l’amitié de ces deux femmes que beaucoup de choses opposent. Marthe est originaire d’une famille alsacienne classique et pour Mathilde c’est plus compliqué : son père Karl Georg Goerke est allemand et est venu s’installer en Alsace, son épouse est Belge leur première fille Mathilde est née en Allemagne.

Jusqu’en 1914, les deux petites filles grandissent dans des familles à qui tout réussit, elles cultivent une amitié sans faille, elles habitent dans le même immeuble et fréquentent les mêmes écoles. La guerre 14/18 vient compliquer les choses car les Allemands se méfient de l’absence de patriotisme des Alsaciens. Nous suivrons la guerre de Joseph le futur mari de Mathilde, il est enrôlé dans l’armée allemande et est envoyé d’abord loin du front de l’ouest, il n’a le droit à aucune permission tellement les autorités craignent les désertions des alsaciens.

Et puis arrive 1918 et le retour de l’armée française triomphante et commence alors dans ce moment de liesse pour une grande partie de la population le drame qui marquera à tout jamais Mathilde. Son père souhaite devenir français et vit alors jusqu’en 1927 année où il le deviendra, une période de peur : il craint à tout moment d’être chassé du pays qu’il s’est choisi . C’est la petite histoire mais cela a dû concerner un grand nombre d’alsaciens d’origine germanique. Du coup Mathilde aura tendance à s’inventer une famille extraordinaire en maltraitant parfois la vérité historique. La période nazie est une horreur pour toutes les deux Marthe est veuve d’un officier français et Mathilde est mariée avec Joseph Klebaur fabriquant de porcelaine. Elles seront séparées pendant quatre longues années mais se retrouveront après la guerre.

La façon dont leur petite fille fouille à la fois leur passé et leur caractère est très intéressant , avec comme toile de fond la grand histoire qui a tant bouleversé les vies des familles alsaciennes. On comprend peu à peu à quel point Mathilde a été déstabilisée par le fait qu’elle a dû cacher ses racines germaniques et la peur que son père lui a transmis de pouvoir être expulsé. Marthe a un caractère plus heureux et c’est elle qui construit ce lien amical qui les soutiendra toutes les deux malgré les périodes lunatiques de Mathilde . Tous les personnages qui gravitent autour d’elles sont aussi très intéressants : la tante Alice confite en religion et qui a peur de tout, le père de Matilde qui a transmis à sa fille la peur d’être expulsé, Georgette la soeur tant aimée de Mathilde institutrice dans un quartier populaire de Berlin qui prendra partie pour les spartakistes en 1920 et tant d’autres personnages qui croisent leur vie. Une lecture que je vous recommande : cela fait du bien de retrouver la vie de gens ordinaires traversant les tragédies de la grande histoire sans pour autant avoir connu une vie dramatique.

 

Citations

Le revers de la médaille de la victoire.

 Mon arrière-grand-père allemand en veut aux alsaciens de ne pas reconnaître que la période du Reichsland a été pour eux une grande phase d’expansion économique. Oubliées les lois sociales de Bismarck qui comptent parmi les plus progressistes d’Europe. Le chancelier allemand a doté l’Alsace du premiers système complet d’assurances sociales obligatoires. Oublié le grand degré d’autonomie octroyée à l’alsace. En 1911 Alsace lorraine devient un vingt-sixième état confédéré. L’Alsace-Lorraine a sa Constitution et son parlement comme les autres Länder du Reich. L’Alsace a ses lois propres. Jamais plus elle ne sera aussi autonome. Oublié aussi le formidable essor urbain que connaissent les villes alsaciennes. Strasbourg devient une véritable capitale régionale. Henri Réling doit aux Allemands le quartier Saint-Joseph, la nouvelle gare, les canalisations toute neuves, l’eau potable, l’électricité et ses deux belles maisons.

Lettre du grand père 19 août 1918.

 Chère maman, un de mes amis lorrains vient de partir pour sa permission. Et j’ai été pris soudain d’un tel cafard que j’ai besoin de bavarder un peu avec toi à distance. Bientôt ce sera mon tour, peut-être déjà au début du mois de septembre. tous ceux qui m’écrivent me demandent quand je pars en permission. Après toutes ces aventures en Russie et dans le nord de la France, comme je serais heureux de vous revoir, toi, ma chère mère, et vous, mes sœurs adorées ! Les jours de temps clair j’aperçois les belles Vosges au loin. Et je pense avec nostalgie à toi, ma chère petite mère. Vous allez trouver un peu ridicule qu’un jeune homme de vingt deux ans ans écrivent des choses aussi sentimentales. Mais quand on sait la vie que nous avons eue sur le champ de bataille, quand on sait les horreurs dont nous avons été témoins, il est facile de comprendre notre état d’esprit. Prie pour que Dieu me protège, pour que nous puissions bientôt mener ensemble une vie heureuse.

Portrait d’une femme d’une autre époque

 Cette sœur craintive avait peur de tout : de l’orage, des voleurs, des dépenses inutiles, des courants d’air, des chiens, de l’imprévu, de la vie toute entière. Elle avait toujours habité au rez-de-chaussée de l’immeuble de l’avenue de la liberté dans l’appartement de ses parents. À leur mort, elle avait simplement quitté sa chambre de jeune fille au bout du couloir pour occuper la chambre conjugale, plus spacieuse, sur le devant.

Le bilinguisme.

 Ma grand mère avait attribué à chacune de ses de langue une fonction bien définie. L’allemand était la langue des émotions graves et des jugements définitifs. Une langue morale et sombre chargée de toutes les misères du monde. le français était la langue légère des petits sentiments affectueux. Mathilde m’appelait « Ma chérie » et jamais « Mein Schatz » ou « Mein kind » Jamais, avant mon arrivée en Allemagne, elle ne m’avait d’ailleurs adressé la parole en allemand. jamais elle ne m’avait aidé à faire mes devoirs. Jamais elle ne m’avait fait réciter les « Gedichte », les poèmes que nous apprenions au lycée. Je n’ai compris que bien plus tard combien elle était heureuse de m’entendre parler allemand.

 

 

 


Édition Livre de poche. Traduit de l’allemand par Anne Georges

 

Lors d’une discussion pendant les vacances de la toussaint, mes petits enfants ont exprimé toute leur passion pour Harry Potter, ma soeur leur a demandé : – Connaissez-vous « Émile et les détectives » ?

Toutes les deux, nous avons partagé, alors nos souvenirs : ce roman avait enchanté notre enfance. Dans ce mois de « feuilles allemandes », ne manquait-il pas un livre jeunesse ? Celui-ci écrit en 1929 , victime de la censure nazie a, selon moi, toute sa place et je pense qu’il rappellera de bons souvenirs à beaucoup d’entre vous. Je viens de le relire, je crois qu’il va plaire aussi à mes petits enfants. Je rappelle le sujet : Émile Tischbein âgé de dix ans, part seul à Berlin, en train, pour retrouver sa grand-mère et la famille de sa tante. Sa maman est veuve et travaille comme coiffeuse chez elle, elle gagne tout juste de quoi vivre avec son petit garçon. Émile est intelligent et débrouillard son but principal est d’aider sa maman. Dans le train, il est victime d’un homme qui lui vole l’argent qui lui avait été confié pour sa grand-mère.
Arrivé à Berlin, Émile grâce à une bande d’enfants aussi débrouillards que lui prend en chasse son voleur, ensemble ils arriveront à le faire arrêter.
Ce qui fait tout l’intérêt du livre c’est le côté très vivant de la bande d’enfants, les différentes personnalités des petits lascars sont très attachantes. L’écrivain a beaucoup d’humour et je suis certaine que les enfants d’aujourd’hui peuvent sourire et se retrouver dans les dialogues de ces enfants. C’était un très bon roman jeunesse qui a presque un siècle et je parie qu’il peut encore plaire aux enfants.

Et … incroyable, j’ai trouvé un point commun avec Harry Potter  ! ! Dans le premier tome Harry, Ron et Hermione se couvrent de gloire grâce à leur courage dans des actions téméraires et courageuses. Mais Dumbledore félicite aussi le petit Neville Londubat qui est resté à son poste de veilleur toute la nuit. Dans « Émile et les détective », le policier félicite évidemment Émile et ses amis pour leur courage dans cette course haletante à travers Berlin pour attraper le voleur, mais il souligne aussi le courage du petit Vendredi qui loin des actions d’éclat est resté à son poste devant son appareil de téléphone et a permis le succès de l’opération en informant en temps et en heure du mouvement des troupes. Le courage des petits est donc mis à l’honneur dans ces deux récits.

L’adulte que je suis aujourd’hui a été étonnée par la description réaliste des difficultés sociales en Allemagne en 1920 et l’admiration pour les réalisations technologiques des villes modernes. J’ai retrouvé intact mon souvenir du rêve cauchemardesque qui bouleverse Émile dans le train : c’est vraiment bizarre de constater que des livres d’enfance peuvent rester graver dans les souvenirs à tout jamais me semble-t-il.

Citations

Genre de phrases que l’on aime bien lire dans un livre jeunesse.

Admettons que la malchance reste toujours la malchance. mais quand on a des amis qui spontanément vous viennent en aide, disons que ça fait du bien au moral.

Humour.

 – Vous jacassez pendant des heures sur des problèmes de nourriture, de téléphone, de nuits passées hors de chez nous. Par contre, sur la manière d’attraper le voleur, pas un mot. À vous écouter, on se croirait… on se croirait dans un conseil de prof ! 
Aucune injure plus forte ne lui était venue à l’esprit.

 

 

 

Édition Albin Michel
Traduit de l’allemand par Dominique Autrant
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 
Feuilles allemandes

Un livre parfait pour le mois de la découverte de la littérature allemande surtout à la veille du 11 novembre. Cette auteure Monika Helfer est autrichienne, elle a puisé son inspiration dans sa propre famille. Le titre en allemand « die bagage » (les bagages) me parle davantage. Je trouve qu’il donne mieux l’idée de ce qu’on trimballe avec soi  : les richesses et les fragilités qui seront de tous nos voyages de la vie. Les héritages c’est plus abstrait. La vie familiale de l’auteure est marquée par la guerre 14/18 , c’est là que se creusera le drame qui marquera sa grand-mère, son grand- père et tous leurs enfants et petits enfants, rejetés par une partie du village (le curé en tête) parce que sa grand mère trop belle sera accusée d’adultère pendant que son mari est à la guerre. « Les fâcheux » comme on les nomme au village vivront donc en marge de cette société peu tolérante mais dont, cependant, plusieurs personnes viendront en aide à des gens qui n’ont rien fait pour mériter cet ostracisme.

L’auteure décrit avec une grande tendresse sa grand mère qui rendait jalouse toute les femmes du village, tant les hommes la trouvait belle . Monika Helfer fait des constants allers et retours dans sa mémoire personnelle en faisant revivre les gens tels qu’elle même les a connus et ce que l’on lui a raconté pour construire un récit qui permet au lecteur de savoir qui elle est aujourd’hui. Riche et blessée à la fois d’avoir dans ses bagages toutes ses histoires où pour le dire comme le traducteur d’être l’héritière de ses « fâcheux » à qui elle dédie son livre. Sa propre mère ne sera jamais acceptée, ni même nous dit l’écrivaine, regardée par son propre père car celui-ci soupçonnera sa femme de l’avoir conçue avec un bel allemand de passage ou avec le maire du village, personnage trouble qui fait de drôles d’affaires pas très légales avec ce grand-père.
Cette plongée dans le monde rural autrichien est très agréable à lire et on comprend que l’auteure aime le tempérament de sa grand-mère une si belle amoureuse.
Je trouve toujours étrange, quand je lis des romans autrichiens, combien le nazisme est passé sous le silence. Le mot n’est même pas prononcé alors qu’elle parle de cette période puisqu’elle évoque la vie d’un oncle qui a déserté pendant la campagne de Russie et a eu une femme et un enfant russes.
Autant la guerre 14/18 est ressentie comme un drame à travers l’absence du père de famille autant le nazisme autrichien semble n’avoir eu aucune conséquence sur cette famille. Ça me dérange parce que cela est représentatif de l’état d’esprit des Autrichiens : le nazisme ce sont les Allemands pas eux .
Que cela ne vous empêche pas de lire ce livre il nous fait découvrir une ruralité qui n’a rien d’idyllique malgré le cadre enchanteur des montagnes autrichiennes.
Et voici le billet d’Eva . (J’avais déjà lu ce roman quand Eva a fait paraître son billet mais je garde tous les livres venant de littérature allemande pour le mois de novembre.)

Citations

Les sentiments dans une région rurale.

 Josef aimait sa femme. Lui-même n’avait jamais employé ce mot. En patois ce mot n’existait pas. Il n’était pas possible de dire « Je t’aime » en patois. le mot ne lui était donc jamais venu à l’esprit. Maria était à lui. Et ils voulaient que Maria soit à lui et qu’elle lui appartienne, ça voulait dire d’abord le lit, et ensuite la famille.

Départ pour la guerre 14.

 Les quatre hommes avaient mis des fleurs sur leurs chapeaux et s’étaient envoyé un petit verre en vitesse. Le maire offrait le schnaps en tant que représentant de l’empereur et il tira un coup de feu en l’air. Une bande de gamins accompagna les pioupiou, comme on appelait les conscrits. Mais seulement jusqu’au village suivant, ensuite ils firent demi-tour. De là, les futurs soldats continuèrent seuls jusqu’à L., mais ils ne marchaient pas au pas, ils ne chantaient plus et ils étaient passablement dessoûlés. Ils parlaient des choses qu’il y avait à faire et qu’ils feraient bientôt, comme s’ils devaient être de retour chez eux dans quelques jours ou dans quelques semaines. Ils ôtèrent les fleurs de leurs chapeaux et les jetèrent au bord du chemin. maintenant qu’il n’y avait plus personne de chez eux pour les voir, à quoi
bon ?

Phrases terribles.

 Oncle Lorenz avait trois enfants au pays, il tenait ses deux fils pour des bons à rien, et cela avant même qu’ils aient pu devenir bon à quoi que ce soit, si bien qu’ils n’étaient rien de venu du tout, l’un des d’eux s’est pendu à un arbre.