Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Un petit livre très agréable à lire et que toutes celles et tous ceux qui apprécient, ou, ont envie de découvrir Érik Satie, aimeront. Stephanie Kalfon ne vous expliquera pas pourquoi Satie avait chez lui, le jour de sa mort quatorze parapluies, tous noirs, mais vous racontera comment ce grand musicien a fini par mourir de faim et d’épuisement. Il marchait tous les jours d’Arcueil à Paris. Dans ce qui était une banlieue ouvrière pauvre, Érik Satie a trouvé une petite chambre où ses deux pianos ne laissaient la place qu’à un lit. C’est là qu’il a vécu et qu’il est mort après avoir quitté Montmartre.

Le style, et le rythme de la phrase épousent la musique de Satie et c’est très agréable à lire. Nous n’avons pas d’explication ni à sa misère ni à sa folie. Evidemment l’alcool y est pour beaucoup, l’absence de reconnaissance aussi. Pourtant, ses amis reconnaissaient son talent, mais rien ne pouvait visiblement effacer les paroles si dures et si terribles des professeurs du conservatoire. D’autres compositeurs sont passés par là sans pour autant douter de leur capacité à composer. Pour Satie tout était musique et imposer des règles pour en rendre compte, c’est freiner le génie musical. Il était sans doute trop sensible, trop orgueilleux, trop .. trop tout et aucun sens des contraintes. Il a vécu dans le dénuement le plus total alors que sans doute le succès était à sa porte. Il nous laisse sa musique qui a son image est peu structurée mais si belle par moments. Un génie certes mais insaisissable et si peu conventionnel.

Citations

Un mal de vivre

Où en sommes-nous chacun, de ce qui fait une vie ? Qu’a-t-on appris de tous les bruyants bavardages dont nous recouvrons nos malaise d’être là, vide et visible, mon Dieu tout se vide… À qui la donner pour ne plus l’affronter, cette perplexité d’être soi, être soi d’accord mais qui ? Il est impossible de se ressembler. Un matin, quelque chose se stabilise et une rue plus loin, on a changé de caractère ou de colère. Il n’y a pas de mots pour dire ces variations silencieuses. On s’éloigne, c’est tout. On ne se reconnaît plus, « simply like that ». Autour, tu es resté identique pourtant, sauf soi-même. On est perdu. Dépassé. Alors on attend, avec le visage intérieur de quelqu’un d’autre. Celui des mauvais jours et des incertitudes, souffle agressif, sans raison non sans raison, si ce n’est que vivre n’est plus tenable. Soudain, se tenir là dans le monde, c’est au-dessus de nos forces.

Le portrait de son ami qui lui ressemble en pire !

Contamine triste mine, ne parvenait plus à aller au bout des choses. En amitié comme en littérature, il collectionnait les débuts de phrases et les débuts de relations. Il n’osait jamais prendre le risque de travailler, se tromper où se soumettre au jugement d’un autre. C’était un peureux. En fait, derrière une apparente paresse, il avait un ego grand comme les Buttes-Chaumont. Il était fantaisiste, bourré d’idées, une vraie fourmilière son crâne. Mais rien ne se développait : une meilleure idée en chassait une bonne et puis voilà, end of the story. En parallèle de sa vie littéraires, il faisait des traductions exécrables d’auteurs qu’il execrait mais qui, eux, avaient publié. Contamine avait la naïveté de croire que le plus difficile et le plus noble se situait au commencement des choses : aborder quelqu’un, rebondir avec une idée nouvelle, lancer un nouveau parti politique, proposer un premier baiser. Il croyait réellement que le courage, c’était de se jeter à l’eau. Il découvrit qu’en vérité, le courage, c’est quand il faut tenir bon. Quand il faut continuer de nager. Il n’était ni coriace ni patient. Il était comme Éric, il lui fallait les honneurs et l’admiration immédiate, totale, l’effet quoi, le reste… C’était pour les dactylo.

Explication du titre : on a trouvé quatorze parapluie après la mort de Satie

Dès qu’il a un sou en poche, c’est pour acheter un parapluie :
un de Secours ( de couleur noire)
un « Just in case » (de couleur noire)
un Malheureux (de couleur noire)
 un plus Solide ( de couleur noire)
un qui s’Envole (de couleur noire)
 un Jetable (de couleur noire)
un très Digne (de couleur noire)
 un imperméable (de couleur noire)
un que l’on peut Casser (de couleur noire)
un qui nous Attend (de couleur noire)
 un très Intimidant (de couleur noire)
Un Alambiqué (de couleur noire)
un très Sportif qui défend bien ( de couleur noire)
et le dernier, gentil juste pour les Dimanches (de couleur noire).
Tous peuvent se porter été comme hiver. Ils sont pratiqués, indémodables, discrets et très patients. Absolument noir. Ils sont au nombre de quatorze, mais ils n’empêchent pas de se sentir seul. Ils permettent de se sentir abrités . Surtout quand il ne pleut pas.

Et ce qui est le plus important sa musique :

22 Thoughts on “Les parapluies d’Erik SATIE -Stéphanie KALFON

  1. Moi qui pourtant écoute souvent Satie, je ne connaissais pas cette histoire de parapluie. Merci pour la référence de ce livre.
    Bon week end.

  2. L’année dernière en concert (Satie, bien sûr) la pianiste avait évoqué sa vie…

  3. J’adore Erik Satie, j’avais déjà noté ce petit livre il y a quelques temps, merci de me le rappeler !

  4. un musicien que j’apprécie mais j’ignorais sa fin de vie difficile
    Attention ta vidéo a disparu des écrans

  5. J’aime bien sa musique, je note mais là, je viens d’emprunter 6 livres à la bibliothèque, ça devra donc attendre ma prochaine virée !

  6. Je suis assez peu sensible à la musique de Satie ( et en général à la musique dite « sérieuse »), mais j’aime beaucoup les textes qui évoquent des artistes, et les extraits que tu publies sont tentants !

  7. J’avais entendu une émission sur France-Culture où ils parlaient longuement de sa fin de vie et de ses conditions d’existence, qu’il cachait soigneusement à ses amis. C’est poignant quand on écoute sa musique aujourd’hui.

  8. Bonjour Luocine, je viens de parcourir la vie de Satie sur Wikipedia, pas très gaie et il est mort dans la misère entre ses deux pianos, ses parapluies, ses costumes identiques. Merci pour les Gymnopédies. Bon lundi.

  9. Dire je n’ai jamais écouté Satie. Mieux vaut connaître son oeuvre pour se lancer dans un tel roman, non ?

    • Je ne crois pas que ce soit indispensable de connaitre son oeuvre. Peut-être que ce livre te conduira à sa musique. Sinon, on peut le lire comme un livre sur un génie malheureux.

  10. Où avez-vous trouvé la magnifique photo (c’est Montmartre je crois) ? Je suppose que vous avez assemblé vous-même la peinture avec la photo ?

    • Non je n’ai aucun talent de ce genre. je crois que j’ai trouvé cette photo sur un site qui parlait de Satie à Arcueil.

      • (J’essaie don de réécrire mon commentaire).
        Merci pour les précisions. La photo est de Doisneau (1945), je m’en doutais un peu. Quelle ambiance, la rue pavée, la maison simple et maigre comme une cheminée d’usine et les deux silhouettes féminines de l’après-guerre. C’est un univers (celui de mes parents ?) qui s’en dégage.

        • Ouf…. j’aimais bien ce commentaire et je ne voulais pas le perdre. Il y a cet été une exposition de Doisneau à Dinard . Je sais qu’elle aura beaucoup de succès sans doute pour les raisons que vous évoquez.

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