Traduit de l’anglais par Marie-Odile Fortier-Mazek. Roman inscrit au « Coup de cœur des coups de cœur » année 2017/2018 de la médiathèque de Dinard.
Si ce roman participe à notre « fameux » challenge du mois de juin, c’est qu’il a déjà reçu un coup de cœur de notre club de lecture. Il m’avait échappé et je suis ravie de rattraper mon retard. Si, pour ma photo, je l’ai associé à la célèbre série « Downton Abbey », c’est que ce roman se situe exactement dans cette lignée. Nous sommes avec une jeune bonne de 20 ans, Jane, qui bénéficie du seul jour de congé de l’année : dans ces années-là , les riches familles de l’aristocratie donnait un jour à leurs domestiques pour qu’ils aillent voir leur mère. Ce 30 mars 1924, il fait un temps superbe et avant de partir en pique-nique, la famille Niven, s’inquiète de ce que fera Jane de cette journée de liberté puisqu’elle est orpheline. Comme le goût de le lecture est accepté, voire encouragé par ses employeurs, Jane sait déjà à quoi elle va passer son temps. Un coup de téléphone va bouleverser ses projets, son amant le jeune Paul Sheringman, un voisin d’une très bonne famille lui donne rendez-vous, chez lui. Ils pourront pour une fois bénéficier de la maison seuls sans se cacher. Il doit dans une quinzaine de jours se marier à une jeune fille de la même condition que lui. Commence alors la description de « la » journée exceptionnelle pour Jane. Elle profite délicieusement de ce rapport amoureux et elle enfouit, à jamais, en elle le secret de cette relation.
Graham Swift sait, avec un talent tout en délicatesse, nous faire revivre cette journée et comprendre les relations des differentes classes sociales brtanniques. Peut être aidés par la fameuse série télévisée, nous savons à quel point ces deux mondes : celui des serviteurs et celui des aristocrates étaient totalement séparés même si ces gens se côtoyaient tous les jours. Jane n’a aucunement l’intention de posséder le moindre pouvoir sur Paul. Et pourtant, grâce à l’acte amoureux, elle sait qu’un moment dans sa vie, elle a été l’égale de Paul. L’auteur sait rendre ce moment à la fois très érotique et chargé de la différence sociale, sans juger aucun des deux personnages. C’est un très beau moment de littérature. De plus, il projette Jane dans un futur plein de vie puisque, de ce jour si particulier, il en fait le déclencheur de sa vocation d’écrivaine.
Citations
Angleterre 1924 : le dimanche des mères
Étrange coutume que ce dimanche des mères en perspective, un rituel sur son déclin, mais les Niven et les Sheringham y tenaient encore, comme tout le monde d’ailleurs, du moins dans le bucolique Berkshire, et cela pour une même et triste raison : la nostalgie du passé. Ainsi, les Niven et les Sheringham tenaient-il sans doute encore plus les uns aux autres qu’autrefois, comme s’ils s’étaient fondus en une seule et même famille décimée.
Les rapports maître domestique Grande Bretagne 1924
« Mais bien sûr que vous avez ma permission. Jane. » avait dit Mr Niven en insérant sa serviette dans son rond en argent. Lui demanderait-il où elle voulait aller.« La Deuxième Bicyclette est à votre disposition et vous avez -hum- deux shillings et six pence en poche. Tout le comté s’offre à vous. Tant que vous revenez.Puis, comme s’il enviait vaguement la grande liberté qu’il venait de lui accorder, il avait ajouté : « C’est votre jour de congé, Jane. À vous -hum- d’en user à votre convenance. »Il savait, à présent, qu’une phrase comme celle-là ne lui passerait pas au-dessus de la tête -peut-être même fallait-il y voir un discret hommage pour la lecture.
L’Angleterre et les deuils de la guerre 14 18
Elle ne savait pas, fût-ce en ce dimanche des mères, ce que cela devait être pour une mère de perdre deux fils en l’espace de deux mois, semblait-il. Ni ce que cette mère pouvait ressentir en pareil dimanche. Ni l’un ni l’autre ne reviendrait à la maison nous offrir un petit bouquet ou des gâteaux aux raisins et aux amandes, n’est-ce pas ?
S’habiller chez les riches
De toute façon, dans leur milieu, s’habiller n’avait jamais été réduit à une simple pratique consistant à se nipper vite fait, on y voyait, au contraire, un assemblage solennel
Le charme est rompu son amant doit rejoindre sa fiancée
Il retira la cigarette de sa bouche et la tint, tout droite , sur son propre à ventre.« Je dois la retrouver à une heure et demie. Au Swann Hôtel à Bollingford. »
Bien qu’il n’eût pas bougé, ce fut comme s’il avait rompu le charme. Et quoi qu’il en fût, elle n’avait pas pu manquer de le prévoir. Même si elle s’imaginait que par quelque magique exemption elle échapperait à « ce passage obligé » . Et le reste de la journée ? Une partie de celle-ci ne pouvait -nest-ce pas ?- durer éternellement. Un fragment de vie ne saurait constituer sa totalité.Elle ne bougea pas mais, en son for intérieur, peut-être s’était-elle adaptée à la situation. Comme si elle portait à nouveau des vêtements invisibles et redevenait même une bonne.
Les dernières phrases du roman
Mais assez de baratin, de ces questions pièges des interviews. Et en quoi cela consistait-il, de dire la vérité ? Il fallait toujours leur expliquer jusqu’à l’explication ! Et toute femme écrivain digne de ce nom les duperait, les taquinerait , les mènerait en bateau. N’était-ce pas évident, non d’une pipe ? Cela revenait à être fidèle à l’essence même de la vie. Cela revenait à capter, c’est impossible que ce fût, la sensation d’être en vie. Cela reprenait à trouver un langage. Il en découle est-ce que dans la vie beaucoup de choses dirai oh ! Bien davantage que nous ne l’imagine non ! Ne saurait, en aucune façon, s’expliquer point.
Il fait partie des livres que j’ai notés à leur sortie et il est à la bibli ; c’est quand je voudrai .. (où plutôt que je pourrai lui faire une petite place).
Il mérite cette petite place.
Beaucoup aimé aussi. Et je compte bientôt me lancer dans Downton Abbey !
Le charme d’une Grande Bretagne qui n’est plus. Sauf chez la Reine … Ah ces anglais!
Idem, bien noté. Et surtout, grâce à une amie qui nous l’a offert, il attend sagement son heure dans notre bibliothèque. Thème et ambiance a priori très intéressants. Merci!
Un beau petit livre et il est rare que les britanniques parlent bien de l’érotisme.
La référence à cette fameuse série so british suffit à me convaincre !
C’est vraiment inscrit dans cette veine avec une dimension érotique pas désagréable.
je l’ai lu cet été mais comme je suis parfois paresseuse je n’ai pas fait de billet, j’ai beaucoup aimé ce roman et il a circulé en famille et a été très apprécié, comme tu le dis il y a beaucoup de délicatesse
j’ai été un rien désarçonné pendant les premières pages mais ensuite je ne l’ai plus lâché
Je crois qu’il fait l’unanimité des lectrices et peut être des lecteurs? Je ne sais pas. C’est un homme qui a écrit mais je trouve qu’il capte bien les sentiments féminins.
je suis contente que tu aies aimé, j’avais adoré la 1ère partie même si la 2nde m’avait un peu déçue. Un beau roman !
Aucune déception pour moi. Un court récit bien mené.
Trop longtemps que je n’ai lu Graham Swift. Il faudrait que je trouve le temps de caser ce petit roman dans mon agenda surchargé. Pas gagné tout ça ;)
Premier essai avec cet auteur et je n’hésiterai pas à lire d’autres textes de lui.
C’est pas bien Luocine ! nous tenter comme cela avec les DVD de « Downton Abbey »… Le livre est sorti en juin, si je compte bien, il devrait sortir en poche assez vite… Je vais patienter.
Downton Abbey est sur Netflix je regarde souvent cette série. Et il y a des liens entre ce texte et cette célèbre série.
J’ai beaucoup aimé ce court récit tellement puissant !
C’est vrai il y a un souffle dans ce texte qui est très érotique sans être impudique.
Bonjour Luocine, j’hésitais à lire ce roman. Tu m’a donné envie même si je n’ai jamais vu Downton Abbey. Même si j’ai été fan dans ma jeunesse d’une autre série britannique « Upstairs, Downstairs » (Maîtres et valets) dans les années 70: un régal. Je conseille aussi Gosford Park de Robert Altman : un chef d’œuvre. Bonne après-midi.
Ah le charme des séries britanniques…. mais ce roman transcende les rapports maître servante , grâce à une scène érotique.
Le thème a l’air attrayant mais l’histoire a l’air un peu vaine…
pour le coup mon billet passe à côté de ce que j’ai voulu transmettre de ce roman, il est vrai que les rapports serviteurs et maîtres ont donné lieu à de nombreux romans et films, mais ce qu’apporte celui-ci grâce à un érotisme fort plaisant à lire, c’est qu’au moment de l’acte amoureux, il y a un moment où cette barrière infranchissable est abolie. C’était pour moi, la première fois que je le lisais dans un roman.
J’ai beaucoup aimé ce court roman. Tu as raison, il y a une vraie ambiance Downton Abbey.
Cette série a beaucoup fait pour que je m’intéresse à cette Angleterre là.