Édition Flammarion, 284 pages, mars 2024.

Comme vous pouvez le voir sur ma photo ce roman a reçu 3 coups de cœur de notre club, cela veut dire que toutes les lectrices lui en avait attribué un, aucune n’avait de réserves. Je l’ai donc lu après elles, moi aussi, car elles en parlaient bien. Je pense que j’aurais émis une réserve, car je trouve une histoire un peu simple. En même temps, sous cette apparente simplicité du quotidien vie se cache beaucoup d’analyses exactes à propos des rapports humains aujourd’hui.

J’ai aimé le procédé de départ : elle répond à une lettre qu’elle aurait écrite quand elle avait seize ans, vingt deux ans plus tard elle répond à cette toute jeune fille. Dans la vie comme dans le roman, la narratrice a écrit un roman l’année de seize ans « Respire » qui a connu un succès immédiat, l’adulte qu’elle est aujourd’hui, sait que les médias s’emballent facilement et respectent peu quelqu’un qui ne sait pas se défendre. C’était son cas, elle a été la coqueluche des plateaux de télé, avant d’être traitée de « petite dinde » par son agent littéraire. La description du monde de l’édition, qui veut pousser les auteurs dans des succès rapides, est implacable et sans doute exacte. La jeune écrivaine se bat dans une relation amoureuse nocive, son amoureux la dévalorise sans cesse, et dans des amitiés féminines où la jalousie n’est pas absente. Elle raconte aussi la difficulté pour une femme d’être respectée, on retrouve ici tout ce qui fait notre actualité : un féminicide, une relation sexuelle pas vraiment consenti avec un vieux bien sûr de son pouvoir, une jeune femme qui fait un mariage de rêve mais lutte contre chaque gramme en trop. C’est peut être de là que ma réserve est née, c’est peut être un peu trop, mais Anne-Sophie Brasme le raconte très bien.
J’ai beaucoup aimé que finalement, elle s’épanouisse dans le métier de professeure de lettres au lycée, elle en parle très bien. Mais surtout j’aime le message que contient ce livre à l’adresse des jeunes, « devenez ce que vous voulez être, ne laisser personne vous définir ».

Pourquoi une petite réserve ? très légère d’ailleurs, peut-être une trop grande proximité avec ce récit. Je me trouve bien sévère mais je n’arrive pas à lui mettre cinq coquillages.

 

Extraits

Début .

Entre mes seize et dix huit ans, juste avant la parution du « Premier Roman » , j’ai tenu un cahier.
 Ce n’était pas vraiment un journal ni un cahier d’histoire comme ceux que je remplissais depuis le primaire. Cela ressemblait plutôt à une collection. Une superposition hétéroclite de fragments – citations, photos, collages, réflexions diverses – qui mises bout à bout, constitue désormais une sorte de portrait cubiste de mon adolescence.

L’imposture .

 L’imposture me colle à la peau. C’est à elle que je dois mes timides avancées dans l’écriture, malgré un début tonitruant. À elle que je dois mes relations toxiques. mon idolâtrie pour des êtres que je croyais supérieurs. Cette imposture, c’est cette voie encore qui me murmure en ce moment même :  » Mais pour qui tu te prends ? Qui es-tu pour raconter ta vie ? » Même à trente-huit ans, je ne peux m’empêcher de lui donner raison.

La Sorbonne, licence de lettres.

Tes profs de fac sont des pontes, ils ont écrit des livres que tu étudies. Beaucoup d’hommes, blancs, sexagénaires, alors que les trois quarts de l’amphi sont des jeunes filles. Tu te demandes ce qui se passe entre la première année de fac et le statut de professeur d’université pour que tant de femmes renoncent à leurs ambitions. Tu n’as pas encore entendu parler du « syndrome de l’imposteur », tu ne sais pas encore que le brio n’y est pour rien dans cette absence de représentativité, que c’est une question politique.

Le plaisir d’être professeure.

Toi qui n’a jamais su prendre la parole en public, toi qui n’as pour toi-même aucune estime, tu t’étonneras de faire cours avec autant d’aisance. Devant ces adolescents assis devant toi, tu te trouveras une épaisseur jamais soupçonnée. Toi l’austère, la solitaire, tu t’apprendras énergique, enthousiaste, parfois même drôle. Tu oublieras les heures de route quotidiennes, les paysages métalliques, les couloirs gris aux odeurs de cantine. La classe sera ton refuge. L’espace que tu n’auras jamais rue Taison, il est là, le voici  : dans la salle 240, où pendant des centaines d’heures tu commenteras les textes de Flaubert de Camus ou de Duras. C’est là que tu seras toi-même. Sans inquisiteur. Sans faux-semblants. Là que ton cœur recommencera à frapper, sans craindre les défis, les gamins des abusés, les misères sociales, le niveau parfois désastreux. Là te que tu te découvrira capitaine capable d’emmener loin d’autres que toi.

Liste des enseignants titulaires du département Littérature et Linguistique Françaises et Latines Sorbonne

Juste pour montrer que les temps ont bien changé il y a 40 femmes, 21 hommes , deux Dominique (hommes ou femmes ?)

8 Thoughts on “Ce qu’on devient – Anne-Sophie BRASME

  1. Il serait intéressant de savoir si les femmes, nombreuses désormais, ont réussi à obtenir aussi les postes les plus hauts prestigieux (et à devenir doyennes par exemple) ou si elles restent toujours au second plan dès qu’il s’agit de monter dans ma hiérarchie…

  2. keisha on 25 juillet 2024 at 07:18 said:

    Il serait intéressant aussi de voir ça côté plus scientifique… ^_^

  3. Malgré ce que tu en dis de positif, je vais passer ce titre, dès qu’un auteur évoque le métier de prof, je trouve qu’il y a trop de clichés !

  4. Intéressant parcours de vie (encore jeune!).
    Je crois que Dominique Demartini est une femme (en tout cas il en existe une – peut-être seulement homonyme?) qui a fait sa thèse en 2000 sur Le discours amoureux dans le Tristan en prose. Je n’ai pas trouvé d’éléments me permettant de me prononcer sur le genre de Dominique Legallois (présumé homme?). Etonnant que le site de l’Université ne précise rien?
    J’y ai en tout cas constaté en suivant le lien qu’Andrea Valentini est un homme (je ne sais pas où il était classé…), contrairement à mon intuition personnelle!
    (s) ta d loi du cine, « squatter » chez dasola

    • Moi aussi j’avais mis Andrea du côté des femmes. Merci pour cette aide mais on constate, et ce n’est pas si compliqué que les professeurs de lettres dans les Universités sont majoritairement des femmes même à La Sorbonne.

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