Édition Robert Laffont

deux cœurs au club de lecture de la médiathèque de Dinard 

J’avais tellement aimé « l’été des quatre rois » que je voulais absolument lire ce roman avant la réunion de notre club de lecture. Malheureusement, il était toujours sorti et je n’ai donc pu le lire qu’après. Je dois dire que j’aurais tout fait pour qu’il décroche ses trois cœurs même si j’ai bien compris ce que le seul homme du groupe en a dit : ce livre lui avait semblé raconter un épisode historique trop compliqué avec trop de détails dans lesquels il se perdait.

Ce récit raconte, en effet, un moment troublé de notre histoire en 1718, le régent Philippe d’Orléans doit faire face à un complot ourdit par la princesse du Maine qui veut rétablir les droit de son époux à être régent. Tout vient du fait que le duc du Maine, son mari, est le fils de Louis XIV mais un fils illégitime. Le roi lui avait donné titres et honneurs et l’avait inscrit dans l’ordre de la succession au trône. Mais le roi mort, le poids du sang prévaut à la volonté de l’ancien roi.

On est donc avec les courtisans et leur rivalité : rien ne les arrêtent quand il s’agit de pouvoir et de charges honorifiques. Le portrait de la duchesse du Maine est très bien dressé, on comprend à travers cette peinture combien les nobles de l’époque vivaient dans un monde qui n’avait absolument rien à voir avec la réalité des autres habitants de la France. Elle n’a aucune hésitation à entraîner la France dans une guerre pour assouvir sa soif de pouvoir. Elle n’a aucune idée de la valeur financière, par exemple elle est prête à payer plusieurs millions (qu’elle n’a pas !) la transformation d’un hôtel particulier pour que, dans la cour, deux carrosses puissent se croiser. Enfin, elle se séparera sans aucun scrupule de son bâtard de mari lorsque celui-ci perdra tous ses droits à la succession. C’est elle qui complote mais c’est lui qui paye ! Étant une petite fille du grand Condé, elle, cette petite femme presqu’une naine par la taille est certaine que rien ne peut lui arriver

En lisant les passages qui lui sont consacrés, on n’a aucun mal à comprendre le poids des rancœurs contre la noblesse qui amènera les paysans à brûler les châteaux en 1789.

Le portrait du régent m’a fait penser à Philippe Noiret dans « Que la fête commence » de Tavernier, on retrouve ce jouisseur intelligent mais peu déterminé

http://https://www.youtube.com/watch?v=2CG7pz-gJpA

 

On retrouve l’abbé Dubois, Saint Simon, les parlementaires qui veulent retrouver leur pouvoir muselé par Louis XIV, le banquier Law et bien d’autres personnages historiques tous fort intéressants.
Ce qui fait surtout le charme de ce roman c’est le style de l’écrivain, on a l’impression qu’il écrit comme Saint Simon. Cela donne un plaisir de lecture incroyable même si parfois je dois rechercher le mot dans un dictionnaire. Je ne savais pas qu’ « une fille de parties » désignait une prostituée mais j’aurais pu men douter car on « baise » beaucoup dans ce roman surtout quand on est prêtre .

Une époque bien décrite aussi dans le film de Tavernier et qui suivait la trop longue période d’austérité menée par Madame de Maintenon reléguée dans son couvent de Saint Cyr .

J’allais oublier de parler du premier chapitre, qui est d’une présence visuelle étonnante, on dirait que l’écrivain se transforme en cinéaste. Une pauvre femme retrousse ses jupes et part dans la boue du bord de la Seine à la recherche du corps de son fils disparu dans le fleuve. Pour mettre toutes les chances de son côté, elle lance sur l’eau un tout petit esquif avec une image pieuse accompagnée d’une bougie. Un peu comme le battement de l’aile d’un papillon, les conséquences vont être cataclysmiques, la frêle embarcation heurte un bateau rempli de paille, le bateau se détache et heurte à son tour les piliers du pont neuf couvert d’habitations, l’incendie durera trois jours : L’air était tout en feu.

Un énorme plaisir de lecture que j’aimerais partager avec vous.

Citations

Exemple du style et de l’ambiance de l’époque .

 Le duc du Maine, le faux enfant et le vrai charmant de la Maintenon, ce petit bâtard déjà intégré dans l’ordre de succession par l’édit de juillet 1714, aussitôt enregistré par le parlement de Paris avec une veulerie aussi caressante que le col fourré de ces auguste magistrats, se voyait désigné comme régent de France en lieu et place du duc d’ Orléans, dans la violation la plus extravagante des droits du sang. Pour faire bonne mesure, le maréchal-duc de Villeroy, vieille baderne complaisante, obtenait la charge de gouverneur du futur Louis XV est le père Le Tellier celle de confesseur, qu’il exerçait du reste encore auprès de son aïeul.

La condition des femmes.

Rose Delaunay tremblait telle une feuille morte. Elle maudissaient sa condition de jeune fille ayant reçu l’éducation d’une demoiselle de qualité mais sans autres ressources que son esprit – situation peut enviable qui la maintenait dans la totale sujétion d’une princesse plus capricieuse qu’une fée et plus folle qu’une pensionnaires des Petites Maisons.

L’état et le besoin d’argent .

On imagina alors plusieurs de ces expédients dont l’État, en France, avait été souvent coutumier. Le plus courant revenait à faire condamner ses propres créanciers en les traînant devant les chambres ardente dont ils sortaient tondus comme des moutons pour peu qu’ils aient eu la maladresse de ne pas en appeler aux bons protecteurs. La méthode était aussi expéditive que rentables, mais elle avait pour fâché contre. de tuer aussitôt le crédit de l’état lui-même car, le plus souvent liées au parlement ou a la cour, les puissances financières, soigneusement dissimulées derrière ces hommes de paille et d’argent, devenaient méfiantes et se gardaient bien, ensuite de répéter l’opération.

J’adore ce genre de propos .

 L’esprit de l’abbé s’égarait toujours un peu à la messe, aussi n’y assistait-il que très rarement.

Humour.

 Si Philippe d’Orléans resta du marbre dont on fait les bustes, il n’en fut pas tout à fait de même des membres du conseil auxquels il avait expressément demandé de ne pas quitter la pièce avant l’arrivée des parlementaires. Le parlement étant venu se jeter lui-même dans la gueule du loup, il n’était plus nécessaire de tenir tous ces messieurs enfermés dans une pièce. C’est donc bruyamment qu’ils manifestaient leur joie de pouvoir enfin aller pisser, car la vessie de tout ces seigneurs entendait rien à la politique

 

16 Thoughts on “L’air était tout en feu – Camille Pascal

  1. keisha on 28 mars 2023 at 13:49 said:

    Oups je réalise que j’ai lu ce livre il y a un bout e temps, le billet est prêt, mais d’autres billets sont passés avant;
    Cci étant, 5 coquillages, c’est parfait!

  2. Pascal on 29 mars 2023 at 00:02 said:

    Chère Luocine,
    Je viens de lire votre recension de mon livre sur Babelio et je voulais simplement vous remercier de l’avoir si bravement défendu devant votre cercle de lecture et tant pis si ce monsieur n’entend rien à la généalogie des Bourbons ni à la Régence. Je suis toujours un peu étonné lorsque des lecteurs – heureusement peu nombreux – reprochent à mes livres de traiter du sujet dont justement ils traitent…Si j’écris c’est justement pour ressusciter des moments oubliés de notre histoire mais sans les dénaturer par un regard contemporain ou les simplifier à l’excès…
    Je suis simplement heureux de vous avoir procuré ce « plaisir de lecture »

    • Je suis très touchée par votre commentaire.
      Je rectifie je n’avais pas pu défendre votre livre à la réunion du club car je ne l’avais pas encore lu.
      J’ai adoré cette lecture comme avec « l’été des quatre rois », je suis partie dans une autre époque grâce à votre style. Merci d’écrire si bien , j’espère lire votre prochaine découverte d’un autre moment de notre Histoire.
      Luocine

  3. Je n’ai pas encore lu cet auteur dont je vois pourtant souvent des billets élogieux sur les blogs. Il faut que je lui trouve une petite place.

  4. Ce n’est pas facile du tout de trouver de bons romans historiques. Je note le nom de l’auteur mais je pense plutôt commencer par « L’été des quatre rois ». Ton avis et ceux de Aleslire et Keisha sont très élogieux.

  5. Je ne suis pas très fan de romans historiques, mais ça peut me faire changer d’air parfois… Je note cette autrice en tout cas (oups, cet auteur, j’ai eu un doute en écrivant !) car il semble que ce soit un incontournable de ce genre de roman…

    • Les deux romans que j’ai lus de lui m’ont emportée dans un autre temps. Il écrit très bien. Parfois les lecteurs lui reprochent l’accumulation de détails mais c’est ce qui me plaît dans ses livres.

  6. Je crains un peu l’épisode historique trop compliqué, d’une période qui ne me passionne pas plus que ça. pendant presque 2 décennies, je ne lisais aucun roman « historique ». je m’y suis mise avec mon blog, mais en remontant moins loin en général !

  7. Bonsoir Luocine, tu m’as convaincue d’autant plus que le Régent était un homme assez extraordinaire. Un bon vivant voire plus mais aussi un vrai bosseur. Les dix ans de régence ont bien préparé le règne de Louis XV. Bonne soirée.

    • mais les intrigues de cour sont des horreurs qui n’ont rien à envier au pouvoir d’aujourd’hui!
      un livre très bien documenté et tellement bien écrit.

  8. Bonsoir,
    Tu piques ma curiosité ! Je note donc, et je l’offrirai sûrement à mon papa qui est plus habitué que moi à cette époque.
    Merci de la découverte
    Anne

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