Édition Acte Sud
J’avais beaucoup aimé le roman d’Emmanuel Dongala « Photo de groupe au bord du fleuve », et ce roman-ci avait été chaudement défendu à une de nos rencontre au club de lecture. Cet auteur est un grand conteur et excellent écrivain. Il raconte cette fois, la vie du jeune George Brigetower, celui-ci vient en France au printemps 1789, avec son père . En suivant les traces de Léopold et Wolfgang Mozart, le jeune George va se faire connaître à la cour du roi Louis XVI parce que, à 9 ans, il joue déjà comme un grand virtuose. George et son père sont noirs, son père a connu esclavage dans les îles des Caraïbes, a réussi à venir en Grande Bretagne puis en Europe à la cour d’un prince polonais. Il a épousé une jeune Polonaise. George est donc métissé et malgré la couleur de sa peau, son talent va lui permettre de s’imposer en France, en Angleterre puis en Autriche où il rencontrera Ludwig Van Beethoven . Il se lie d’amitié avec Beethoven qui lui dédiera dans un premier temps une sonate … qui deviendra « la Sonate à Kreutzer ». Cette époque incroyablement féconde et violente traversée par le père et le fils permet à Emmanuel Dongala de faire revivre l’esclavage mais aussi la condition des femmes. Cet auteur sait parler des femmes et cela le rend très sympathique à mes yeux.
J’ai aimé cette lecture mais j’ai été un peu plus réservée que pour son premier roman, j’ai trouvé que le prétexte du roman se noyait un peu dans toutes les histoires diverses et variées que l’auteur nous raconte. Entre Olympe de Gouge, Lavoisier, la révolte de Toussaint Louverture, le sort des esclaves irlandais avant l’utilisation de la main d’oeuvre africaine, la révolution française…. Bref ce n’est pas un roman mais une dizaine qui se côtoient dans ce roman. Cela n’enlève rien au talent de l’auteur, mais par moment George et son père semblent moins intéressants que les événements qu’ils traversent.
Voici un portrait de George Bridgetower :
Citations
Le public parisien 1789
Ici, les amateurs de musique, en particulier les habitués du Concert Spirituel, venaient autant pour se montrer que pour apprécier la musique. En grande tenue, ils ne se gênaient pas pour jaser pendant l’exécution d’un morceau ou même pour exprimer leur opinion à haute et intelligible voix.
Portrait des Viennois
Ne te fais pas d’illusions sur les Viennois. Ces gens-là sont superficiels. Tant qu’on leur donne de la bière et de la saucisse, ils se tiennent tranquilles.
Dispute à propos du violon
Et cette vogue du violon ! Un instrument au son criard, dur et perçant. Qui n’a ni délicatesse ni harmonie et contrairement à la viole, à la flûte ou au clavecin, est fatigante autant pour l’exécutant que pour celui qui écoute.-Désolé, monsieur, lui rétorqua son jeune contradicteur, cette prédominance du violon est là pour rester. Vous savez pourquoi ? Parce qu’à lui tout seul, il peut être l’instrument principal d’un orchestre.
Portrait d’Olympe de Gouge
Elle est folle, celle-là. Je ne vois pas vraiment pourquoi Etta l’admire tant ! Trouvez-vous normal qu’elle demande l’abolition du mariage, qu’elle qualifie de « tombeau de l’amour » ? Qu’elle prône sans vergogne le vagabondage sexuel en demandant de prendre en compte les penchants naturels des partenaires à nouer des liaisons hors mariage ? Qu’elle exige que la loi institue un droit au divorce ? Pas étonnant qu’elle demande aux enfants nés hors mariage, je veux dire les bâtards, soient octroyés les mêmes droits qu’aux enfants légitimes. Rendez-vous compte ! Une femme qui ignore l’ordre naturel des choses et veut politiquer comme un homme, voilà l’Olympe de Gouge qu’admire tant notre cher Etta .
Un des aspects de l’esclavage
Avant de les vendre, on castrait les garçons et les hommes dans des conditions effroyables. L’opération était si barbare que très peu y survivaient : pour un rescapé, une douzaine trépassait (… )Frédérick de Augustus était médusé. Il connaissait les horreurs de l’esclavage transatlantique, mais personne auparavant ne lui avait raconté l’esclavage arabo-musulman, tout aussi horrible, pire peut-être, sur certains aspects. Surtout, il ne trouvait aucun sens économique à cette castration qui provoquait la mort de tant d’esclaves. Il avait posé la question à Soliman qui lui avait répliqué :– Vois-tu, ces esclavagistes-là ne raisonnent pas comme ce que ton père a connu dans les Caraïbes. Pour ces derniers, que les esclaves se reproduisent est souhaité et même encouragé car essentiel pour leur prospérité. C’est comme avoir du cheptel ; plus il se multiplie, plus le propriétaire devient riche. Cette logique économique n’existe pas chez les négriers arabo-musulmans, obnubilés qu’ils sont par la crainte de voir ces Noirs prendre souche et avoir des relations sexuelles avec les femmes des harems dont ils sont les gardiens et les serviteurs. Il fallait donc en faire des eunuques, c’est-à-dire les castrer. Pire encore, comme eux-mêmes ne se privaient pas de violer les esclaves noirs, les enfants qui en résultaient étaient systématiquement éliminés ! (…)Pose-toi la question mon cher Frédérick, comment expliques-tu aujourd’hui la présence d’une population noire aussi nombreuses dans les Amériques alors que dans les sultanats et les candidats, malgré la masse innombrable qui y a été importée, ce n’est pas le cas ? Où sont passés tous ces Noirs qui ont traversé la mer Rouge en direction de la péninsule arabique, entassés dans des boutres dans les conditions les plus atroces ? Crois-tu qu’ils ont tout simplement disparu comme ça dans un immense trou noir ? Non. C’est le résultat de ces pratiques ignominieuses. Castration et infanticide !
J’ai eu le même cheminement (et aussi préféré le premier)
C’est un livre dont on peut conseiller la lecture avec quelques réserves.
Peut-être, si je le croise, et connaissant tes réserves, je serai moins dans l’attente…
Je crois que nous sommes nombreuses à avoir préféré le premier.
J’avais eu l’occasion de rencontrer l’auteur à la sortie de ce roman ; je l’avais trouvé fort intéressant, mais je ne suis pas passée à l’acte. Je note de plutôt lire le précédent.
Voilà tu as bien raison , et j’attends avec impatience tes nouvelles lectures.
Je note le nom de l’écrivain, car j’aime changer régulièrement d’horizon…
« Photo de groupes au bord du fleuve » est un bon roman celui-là est intéressant.
Je viens de le lire aussi (mon billet paraîtra en octobre) et je rejoins complètement ton avis. je l’ai trouvé très intéressant, mais la dimension historique prime sur le portrait des personnages, aux dépens de l’émotion.. J’avais aussi beaucoup aimé Photo de groupe au bord du fleuve, mais été très déçue par Johnny Chien Méchant, que j’avais trouvé très caricatural.
je lirai avec grand plaisir ton billet et je vais éviter « Johnny Chien Méchant », à bientôt donc.
Si j’ai bien compris, je dois lire d’abord et avant tout Photo de groupe…
Et si je ne me trompe pas, tu aimeras cette histoire de femmes courageuses africaines.
on l’a beaucoup vu sur les blogs et manifestement c’est mérité je vais aller relire ce que tu disais du premier roman
oui j’ai préféré le précédent mais celui-ci tient bien la route.
j’ai l’impression que ce roman est très, voire un peu trop foisonnant pour moi. j’ignorais l’origine de la « sonate à Kreutzer. Ce livre ne fait à priori pas partie des romans vers lesquels j’aime me ruer. Mais, sait on jamais !
tu relates exactement mon ressenti , mais cela reste un bon roman. J’étais aussi ignorante que toi et je ne savais pas qu’un jeune noir prodige avait fait une carrière au 18° siècle début 19° au piano
J’avais beaucoup aimé photos de groupe au bord du fleuve mais je ne crois pas que je vais me lancer dans celui-là qui a l’air plus fouilli
Tu peux rester sur ta bonne impression de « photos de groupe au bord du fleuve » mais celui-ci est loin d’être un mauvais roman.
Je l’avais noté lors d’une rencontre avec l’auteur, et complétement oublié depuis. Donc merci du rappel, car, malgré tes réserves, l’époque m’intéresse tellement que je vais tenter de ne pas me noyer dans le flot des histoires.
Tu ne seras pas noyée, ma seule réserve c’est que le personnage principal perd en consistance. Je pense que l’on n’en sait pas beaucoup plus sur ce virtuose qui a traversé une période sur laquelle, à contrario, on en sait beaucoup.