Édition Acte Sud, Traduit de l’allemand par Isabelle Liber
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard
Et quand je pense que j’ai hésité à choisir ce livre et cela parce que j’avais vu qu’il s’agissait de Tchernobyl …
C’est un grand bonheur ce roman, jusqu’à la dernière ligne. On regrette d’être arrivé à la page 150 aussi rapidement. Mais pourquoi donc cet enthousiasme ?
– D’abord à cause du personnage de Baba qui vit aussi bien avec les vivants que les morts, elle est si attachante dans sa simplicité et son naturel. Son ancien métier d’aide soignante lui a permis de se faire une idée assez précise de la nature humaine : ni trop idéalisée ni trop pessimiste.
Elle a un sens de la répartie à toute épreuve, et cela parce qu’elle n’a plus peur de rien puisqu’elle est une morte en sursis depuis si longtemps.
Comme elle parle assez régulièrement à Yégor son mari mort depuis un certain temps, Elle nous fait aussi connaître la vie avant l’explosion de la centrale nucléaire. On retrouve, alors, les hommes russes alcooliques violents et de bien mauvais pères. Mais aussi le plaisir de vivre dans un petit village avec la nature accueillante et nourricière autour de chaque maison.
– Les autres habitants du village sont tous des zombies rescapés de la catastrophe de Tchernobyl mais ils préfèrent mourir là que loin de chez eux dans des villes peu accueillantes et dans des immeubles vétustes.
– Le village va se souder autour d’un meurtre d’un homme qui avait décidé pour se venger de sa femme de venir dans ce village y faire mourir sa petite fille.
– Notre Baba va y tenir un rôle important mais son vrai soucis c’est de réussir à lire la lettre que sa petite fille Laura lui a envoyée. Comme Baba ne lit que Le russe elle ne peut même pas deviner en quelle langue est écrite cette lettre.
Évidemment je ne peux divulgâcher tous les ressorts de l’intrigue romanesque mais ce roman est si bien agencé que cela contribue au plaisir de la lecture.
Je suis ravie de participer avec ce roman au mois de novembre de la littérature allemande comme l’avait suggéré Eva, car ce livre tout en légèreté et humour tranche complètement avec ce que je reproche aux auteurs allemands. Je les trouve souvent trop didactiques et un peu lourds. Si, ici, le sujet reste tragique le caractère de Baba Dounia qui nous permet de sourire souvent le rend pourtant beaucoup plus proche de nous.
Citations
Son mari Yégor
Autrefois, mes pieds étaient fins et délicats, poudrés de la poussière qu’ils soulevaient dans la rue, magnifiques dans leur nudité. Yégor les aimaient. Il m’a interdit de marcher pieds nus parce qu’à la seule vue de mes orteils, les hommes avaient déjà le sang qui leur montait à la tête.Maintenant, quand Yégor passe me voir, je montre du doigt les deux boudins ficelés dans des sandales de marché et je dis : Tu vois ce qui reste de la splendeur d’antan ?Alors il rit et il affirme que mes pieds sont toujours aussi jolis. Depuis qu’il est mort, il est très poli, l’hypocrite.
Les vieux journaux
Dans le « Paysanne » que je feuillette, il y a des recettes à faire avec de l’oseille, un patron de couture, une brève histoire d’amour dans un kolkhoze et une liste d’arguments contre le port du pantalon pour les femmes, sauf au travail. Le magazine date de février 1986.
Maria sa voisine
Je me dis que Maria n’aurait jamais dû venir ici. Ce ne sont pas les radiations. C’est le calme qui lui fait du mal. Maria a sa place en ville, où elle peut tous les jours avoir son lot de querelles chez le boulanger du coin. Ici, comme personne n’a envie de se disputer avec elle, elle ne se sent plus exister , et son corps gonfle tandis que son âme rétrécit.
Le conducteur de bus
Boris raconte ce qu’il a vu à la télé. De la politique, encore et toujours ; l’Ukraine, le Russie, l’Amérique. Je n’écoute que d’une oreille. Bien sûr, c’est important la politique, mais si on veut manger de la purée un jour, c’est quand même à nous de biner les pommes de terre.
C’est bien vrai ….
Mon travail m’a enseigné que les gens n’en font toujours qu’à leur tête. Ils demandent des conseils, mais en réalité, ils n’ont que faire de l’avis des autres. De ce qu’on leur dit, ils ne retiennent que ce qui leur convient, et ils ignorent le reste. J’ai appris à ne pas donner de conseils, à moins qu’on ne me le demande expressément. Et à ne pas poser de questions.
Un soir de la vie d’une femme aide-soignante en Russie
Je ne retrouve mes esprits que le soir venu. Il est dix heures , les enfants dorment dos à dos dans le grand lit et je sors leur cahier de leur cartable pour contrôler leurs devoirs. La vaisselle est lavée , les chaussettes reprisée. Je suis loin d’exceller dans les tâches ménagères, mais je fais de mon mieux. Je vais à la cuisine et je bois un verre d’eau du robinet. Elle a un goût salé, le goût de mes larmes. Au fond, je ne suis qu’une femme comme des millions d’autres, mais ça ne m’empêche pas d’être malheureuse. Quelle imbécile je fais.
quand je vois les coquillages fleurir je note avant même d’avoir lu ton billet, c’est dire que j’ai confiance :-)
Sur Tchernobyl j’ai assez peu lu alors ….
merci beaucoup, mais surtout il ne faut pas lorsque je mets 3 coquillages s’arrêter à cela . Parfois je sens que je ne suis pas le bon public pour un roman. Cinq coquillages je crois que tout le monde peut aimer et j’ai envie de partager avec toutes celles dont je partage les lectures. Et c’est le cas ici.
J’aime ton enthousiasme, je suis obligée de noter…
Je suis certaine que tu aimerais cette femme si peu conventionnelle.
J’ai mis Alina Bronsky sur ma liste il y a déjà longtemps avec son titre Cuisine tatare et descendance, mais je ne l’ai toujours pas lu. Je sais qu’elle a beaucoup de succès en Allemagne et je suis ravie que tu puisses lui faire un peu de publicité en France ! Après avoir lu ton billet, je le note, bien évidemment. Très intéressant. Merci beaucoup pour ta contribution.
C’est une auteure que je trouve peu germanique dans la forme d’esprit mais j’ai peut être des clichés concernant les écrivains de nos voisins.
Je n’ai pas été très convaincue par « cuisine tatare et descendance » de cette auteure. Ce titre-là me conviendrait peut-être davantage.
Je n’ai pas lu le roman dont tu parles mais je me promettais de le faire. Comme tu le vois celui-ci m’a beaucoup plu pour son optimisme et aussi la construction de son récit.
Je note aussi, de confiance … Et un peu d’optimisme ne peut pas faire de mal !
Oui c’est vrai même quand la vie est tragique savoir garder toute les facette de son humanité cela fait du bien.
Je ne connaissais pas, merci pour cette belle découverte…
J’espère que tu l’as lu.
Pingback: Les feuilles allemandes 2019 – le bilan – Et si on bouquinait un peu ?
J’ai cliqué sur un lien dans un billet d’Eva de « Si on bouquinait un peu » et j’arrive ici. Du coup, j’aime l’idée de pouvoir découvrir deux ouvrages d’un même auteur, vus par différent(e)s lecteurs (trices). Je note donc les deux titres.
c’st ce qu’il y a de sympa avec les liens on peut élargir sa blogosphère. Je vais de ce pas(plutôt de ce clik) aller me promener sur ton blog.