Édition Seuil . Traduit du finnois par Sébastien Cagnoli

A obtenu un coup de coeur au club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

De la Finlande pendant la deuxième guerre mondiale , j’avais retenu peu de choses. Je savais que les Finlandais avaient repoussé les Russes en 1940 et que la fameuse « finlandisation » voulait dire qu’ils avaient cédé après la guerre une partie de leur territoire contre une paix avec les Soviétiques. Le roman de Petra Rautiainen nous plonge dans une autre réalité qui n’est pas sans rappeler « Purge » traduit aussi par Sébastien Cagnoli. entre les Nazis-racistes et les soviétiques-exterminateurs qui choisir pour rester en vie ?

Ici, se mêle deux moments assez proche 1944 et les camps de prisonniers tenus par les allemands et 1949 la quête d’une femme qui veut connaître le sort de son mari dont le dernier signe de vie se situe dans un de ces camps. Ce qui se passe en 1944 est décrit à travers un journal tenu par un gardien finnois qui décrit au jour le jour le sort réservé aux pauvres hommes sous la coupe de sadiques nazis allemands. Le récit de la femme se heure à une omerta : personne ne veut se souvenir de cette époque. Et cela pour une simple raison c’est qu’il n’y a pas de frontières entre les gentils et les méchants. Au delà du nazisme et des soviétiques il y a donc les Finnois qui ont lutté pour leur indépendance, mais ils ont été eux-mêmes gangrénés par l’idéologie raciale en vigueur et pour bâtir une Finlande de race pure il faut « contrôler » voire « supprimer ? » les Samis ceux que vous appeliez peut-être comme moi les Lapons. (J’ai appris en lisant ce roman que lapon est un terme raciste qui veut dire « couvert de haillons »)

Alors, dans ces camps on fait des recherches sur la forme des crânes et on prend en photos tous les prisonniers et on l’envoie dans un grand centre de recherche pour la race qui bien sûr sera supprimé après la guerre.
C’est cet aspect de la guerre qui rendra muets tous les témoins qui auraient pu expliquer à Inkeri Lindviste ce qui est arrivé à son mari Karloo.

L’atmosphère est pesante, l’angoisse de la mort toujours présente dans le journal du gardien et cela ne rend pas la lecture facile. J’aurais vraiment aimé avoir un petit résumé historique pour m’y retrouver et un détail m’a beaucoup déplu le traducteur ne traduit pas les dialogues quand ils sont dit en Sami. Je n’arrive pas à comprendre l’utilité d’un tel procédé. Autant pour des Finnois cela peut leur montrer qu’ils ne comprennent pas une langue parlée par des populations vivant dans le même pays qu’eux autant pour des français, ça n’a aucune utilité.

Les deux autres reproches que je fais à ce roman, c’est le côté très confus des différentes révélations et le peu de sympathie que l’on éprouve pour les personnages. Mais c’est un roman qui permet de découvrir une époque très importante pour la Finlande et rien que pour cela, je vous le conseille. Mais ayez à côté de vous Wikipédia pour vous éclairer sur ce moment si tragique de l’histoire de l’humanité.

 

 

Citations

Dans des camps prisonniers en Finlande en 1944.

 Lorsque le médecin est ici avec son assistante, les mesures sont de son ressort ; le reste du temps, elles nous incombent aussi. Je n’avais encore jamais fait ce travail, c’est répugnant. On a beau laver et astiquer les prisonniers russes, leur odeur est épouvantable. Nous mesurons la largeur de la tête et vérifions l’état des organes génitaux, en particulier la présence du prépuce.

Un pays aux multiples ethnies appelées en 1944 des races inférieures.

Quelqu’un m’a dit qu’elle est du fjord de Varanger, où de plus loin encore, vestige de temps reculés, apparenté aux Aïnous et aux nègres du Congo. Un autre, en revanche, est convaincu qu’elle ne vient pas du fjord de Varanger : ce serait une Same d’Inary ou d’Utsjoki, ou bien une Skoltec du pays de Petsamo, ou encore une Finnoise de la péninsule de Kola. Un troisième a déclaré que c’est une Kvène du Finnmark. Ou peut-être un peu tout ça, une bâtarde. De race inférieure, en tout cas, m’a-t-on certifié. « Elle est prisonnière, alors ? »ai-je demandé mais personne n’est sûr de rien. De mémoire d’homme, elle a toujours été là.

Les rapports des allemands avec des femmes de races inférieures.

 Pour les nazis, la trahison à la race, c’est encore plus grave que d’appartenir à une race inférieure. Les nazis qui se sont accouplés avec une dégénérée, ils sont exécutés le dimanche matin sur le coup de six heures.

Enfin(page 171)une explication sur ce qu’est une boule de « komsio » car aucune note n’explique ce genre de mots.

 Ensuite, elle a arraché la trachée et l’a mise à sécher pendant deux jours. Elles avait ramassé un bout d’os quelque part, je ne sais pas, s’il venait aussi du cygne. Sans doute. Peut-être. Le dernier soir, elle l’a glissé dans la trachée, puis elle a tordu le tout pour former une petite boule qui tinte lorsqu’on la secoue. 
 C’est un jouet traditionnel same : une boule de « komsio » qui chasse les mauvais esprits. En général, on l’offre au nouveau-né. Selon la légende, un hochet fabriqué à partir d’un os de cygne fait pousser les ailes aux pieds de l’enfant. Ainsi, il pourra s’envoler en cas de danger.

Les recherches pour créer une race pure .

Juin 1944
 On voit encore circuler des brochures sur l’avancement des recherches en vue de la création d’une race aryenne parfaite. Ces écrits ont pour objectif de stimuler l’esprit de groupe, tout particulièrement par les temps qui courent. Un exemplaire à faire tourner passe de gardien à l’autre. Le docteur Mengele a réussi à produire un enfant aux iris parfaitement bleus en lui injectant un produit chimique dans les yeux.
 Il y a une dizaine de globe oculaire juifs qui traînent en ce moment même à l’institut Kaiser-Wilhem, dans des bocaux en verre, dans une petite vitrine blanche.

L’horreur des camps tenus par les nazis .

Le commandant lui avait ordonné, avec l’aide d’un collègues, de ligoter le prisonnier aux barbelés. Nu. Insectes, morve, mouches et moustiques n’avaient pas tardé à recouvrir son corps. Olavi avec cru voir des mouches du renne, un parasites qu’il n’aurait pas cru susceptible de s’intéresser à l’humain. Les animaux dévoraient des yeux, le sang coulait chaque fois que le prisonnier essayait zde les chasser, car au moindre mouvement les barbelés s’enfonçaient davantage dans sa chair. Les détenus et les gardiens, et même le commandant suprême, durent assister à ce spectacle pendant un certain temps avant d’être autorisés à se retirer. 
Le type avait survécu jusqu’au lendemain. le matin on l’avait décroché. Il puait la merde et la pisse, les œufs pondus par les moustiques commençaient à éclore. Sa peau était couverte de bosses, de sang, rongée, sucée. Sa bouche ruisselante d’un rouges brillant était le seul élément encore identifiables sur son visage défiguré. Il fut envoyé aux chantiers à pied, à vingt kilomètres de là. Il avait beaucoup de difficultés à marcher et, avant d’avoir parcouru péniblement une vingtaine de mètres, il s’était affaissé définitivement. L’un des gardiens avait poussé le corps du bout de sa botte. Pas de mouvement. Il avait pris le pouls. Mort.

 

 

 

Édition Buchet-Chastel. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

Un petit roman bien sympathique, sur un sujet qui m’intéresse : le création des « livres des heures » au 15° siècle.

Ces illustrations sont tellement riches et variées ! Je me souviens d’une exposition dans une bibliothèque qui m’avait complètement séduite.

L’auteure imagine un personnage féminin (En 2022 ce serait trop banal que ce soit un homme !) qui lutte pour pouvoir devenir, elle aussi, comme son grand-père, son père, une artiste en enluminures. L’intrigue est vraiment trop attendue pour moi : sa mère ne veut que la marier et déteste qu’elle veuille devenir peintre mais grâce à son grand-père elle finira par s’imposer. La belle Marguerite va connaître un amour passion pour un « maure » qui passait par là et devra finalement se marier pour donner un père au bébé qu’elle attend.
L’intérêt du roman réside dans la reconstitution d’une ville Paris qui se remet doucement de la guerre de cent ans, et la description des techniques des coloristes qui nous ravissent encore aujourd’hui.

Un roman dont je vais très vite oublier l’intrigue mais qui m’a fait passer un bon moment dans les ateliers parisiens d’enluminures.

 

Citations

La couleur et le Moyen Âge

 Les maisons des petites gens sont couleur de bois, de pierre, de boue, de chaume, leur mobiliers de terre cuite, d’étain, leurs habits d’étoffe non teinte ou si peu. Le Moyen Âge est friand de couleurs vives autant que d’épices. La couleur est l’apanage de la nature, de nature divine, des Hommes qui en ont extrait les secrets et de ceux qui peuvent se les payer. Plus elle est vive, saturée, plus elle est enviable, enviée. Elle est la marque du puissant, de la cathédrale, du jour de fête et de procession avec ses étendards. L’absence de couleur est signe de pauvreté, d’insignifiance, d’inexistence, de mort.

 

Le sujet du roman.

 Si, comme il se doit, Marguerite équipera son livre d’heures de calendrier liturgique, d’extraits d’évangiles, d’un petit office de la Vierge organisé selon les heures canoniales, elle prendra quelques libertés. d’autres avant elle en ont prit. Il est commun que le propriétaire de livres d’heures cherche à rentabiliser sa mise, car le coût en est très élevé. On y inscrira toutes sortes de choses, des recettes locales de tisanes, d’onguent, en passant par les dates des naissances et des morts des membres de la famille. Alors pourquoi pas des pensées, des échappées intime ? Voilà pour le fond . 
Et sur la forme ?
D’austères au XII° siècle, les livres d’heures vont prendre vie, couleurs au fil du temps. Des prières, comme d’une terre, vont en pousser s’enguirlander de branches, de feuilles, de forêts entières.


Édition Zulma collection poche

Traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Renaud Morin

 

Ce n’est pas un roman qui se lit facilement, mais je n’ai pas eu envie de le lâcher avant la fin. Comme souvent dans ce genre de roman, le suspens prend trop de place surtout quand l’auteur annonce une catastrophe qui finit toujours par arriver évidemment !

Ce qui m’a attirée vers ce roman, c’est la différence sociale en Grande Bretagne, entre des jeunes dont les parents ont tellement d’argent que le dépenser est leur seule préoccupation en terminant leurs études à Oxford , (parce qu’il faut bien s’occuper à quelque chose), et un jeune homme aide soignant dans une maison de retraite qui a fui son milieu social trop étriqué.

Mais ce n’est pas le sujet du roman et on ne comprend pas très bien pourquoi Oscar est admis sans problème dans la richissime famille Bellwether et ce qu’il reproche exactement à ses parents.

En revanche, l’aspect psychologique des personnages est détaillé avec moult détails, tout tourne autour de la personnalité d’Eden le frère d’Iris l’amante d’Oscar. Celui-ci croit qu’il a un pouvoir de guérison grâce à la musique. Eden est musicien de talent et il utilise ses compétences pour dominer les autres, Oscar le naïf mais surtout Iris sa sœur qu’il se plaît à utiliser comme cobaye. Il déteste qu’Iris puisse échapper à son pouvoir et il fera tout ce qu’il peut pour séparer le couple .
Un élément en dehors des jeunes riches vient de la maison de retraite où travaille Oscar. Il s’entend bien avec un très vieux professeur qui va peu à peu initier Oscar à la culture littéraire et philosophique grâce à sa bibliothèque bien fournie. Ce professeur a été l’ami et sans doute l’amant d’un psychologue réputé qui travaille sur la manipulation mentale et les faux guérisseurs.

La rencontre entre ce psychologue réputé et Eden Bellwether est très importante car ce vieil homme est atteint d’un cancer du cerveau qui ne se soigne pas . Eden pourra-t-il comme il le prétend le guérir ? Ce professeur septique se laissera t-il convaincre parce qu’il a peur de mourir ?

C’est vraiment là le cœur du roman. Existe-t-il des gens avec des pouvoirs supérieurs ? Sont-ils des malades mentaux ? Sont- ils dangereux ?

Le roman décortique avec minutie toutes ses questions, les réponses je ne peux pas les donner sans dévoiler le suspens du récit.

Je ne suis pas très enthousiaste pour ce roman, car pour moi il manque de profondeur dans l’analyse de la réalité sociale. Je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi ces gosses de riches acceptent Oscar avec un engouement étonnant pour sa condition d’aide soignant dans cette maison de retraite. Le sentiment amoureux d’Oscar pour Iris est étrange ou alors trop anglais pour moi : quand elle est là c’est bien, quand elle n’est plus là, il fait avec, sans chercher à s’accrocher.

Bref la partie réussie et pour cela, je vous conseille de lire ce livre, c’est tout ce qui relève de la manipulation mentale, ce n’est pas agréable de lire cela mais c’est très intéressant.

 

Citations

Différences sociales .

À vrai dire, il n’était pas sûr du tout d’apprécier ses parents. Ils avaient cette insupportable assurance que confère la fortune, l’auto satisfaction que donne la piété. Combien de fois avait-il adressé la parole à Ruth Bellwether, et combien de fois l’avait-elle considéré en clignant des yeux, sans lui répondre, ne l’ayant manifestement pas non plus écouté ?

Les raisons de quitter l’école .

 Il dirait au vieil homme que quitter l’école n’avait pas été un choix mais une nécessité, l’occasion d’échapper à l’environnement de ses parents et de se trouver un chez soi à l’autre bout de la ville ; une simple chambre meublée au dessus d’un bookmaker, rien de bien luxueux, mais là au moins, il était libre de voir le genre de personnes qu’il voulait, de s’abonner à un journal sérieux s’il en avait envie, de passer ses week-ends à Londres ou de déambuler dans Cassiory park en nourrissant les canards avec son propre pain rassis. Il dirait au vieil homme qu’à dix-sept ans, l’indépendance était sa priorité, et qu’il l’avait acquise en renonçant au luxe de faire des études ; mais qu’il pourrait toujours les reprendre quand il serait plus âgé.

La richesse.

Iris donnait parfois l’impression d’avoir traversé l’existence en état d’apesanteur sans concevoir le genre de difficultés auxquelles ses semblables étaient confrontés. Non pas qu’elle soit incapable de reconnaître la misère la plus noire – les ventres distendus des familles du Lesotho frappées par la famine, les orphelins roumains entassés à onze dans un lit- , quand ces sujets passaient aux informations, elle était profondément émue et prête à réagir. Néanmoins, elle semblait avoir aucune conscience des soucis d’argent récurrents des gens normaux, ce stress permanent pour trouver de quoi réparer une chaudières en panne, acheter un nouveau pull-over pour l’école, payer les frais d’orthodontiste. S’il lui avait demandé quel était le prix de l’essence, elle ne l’aurait probablement pas su, mais elle était capable de disserter sur le raffinage du pétrole et l’importance des énergies renouvelables. Il y avait des moments où il ne pouvait s’empêcher de lui en vouloir, pour ce qu’elle possédait les dix neuf années passées dans les meilleures écoles, les vacances au ski, les bons restaurants, parce qu’on lui disait tous les jours qu’elle pouvait avoir tout ce qui lui faisait plaisir. Mais il avait fini par comprendre à quel point il avaient tort de lui en vouloir. Car c’était ce qu’il convoitait pour lui même, et ce qu’il aimerait offrir un jour à ses propres enfants. reprocher à Iris sa vie idéale n’était rien d’autre que de la jalousie le genre d’amertume qui avait détruit son père.

 

 

 

Édition Flammarion . Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

C’est un roman léger et dont la lecture si agréable nous sort un peu du monde trop violent qui est le nôtre aujourd’hui. Tout en étant léger il n’est pas pour autant superficiel. Deux histoires se rassemblent autour d’un curieux phénomène : le passage de Venus devant le soleil .

Les transits de Vénus font partie des phénomènes astronomiques prévisibles les moins fréquents et se produisent actuellement suivant une séquence qui se répète tous les 243 ans, avec des paires de transits espacés de 8 ans séparées par 121,5 puis 105,5 ans. Avant 2004, la paire de transits précédente date de décembre 1874 et décembre 1882. Le premier de la paire de transits du début du xxie siècle a eu lieu le 8 juin 2004 et le suivant a eu lieu le 6 juin 2012 . Après 2012, les prochains transits auront lieu en 2117 et 2125. selon Wikipedia .

Vénus c’est ce petit point noir sur le soleil

Guillaume Joseph Hyacinthe Jean-Baptiste Le Gentil de la Galaisière en 1760 s’embarque pour aller voir ce phénomène extraordinaire à Pondichéry. Il doit y être le 6 juin 1761. Une terrible tempête l’empêchera d’arriver à temps, il décide alors de rester à l’île Maurice, Madagascar et la Réunion pendant 8 ans pour pouvoir voir le prochain passage. En attendant, il écrit pour raconter ce qu’il voit et constitue une superbe collection de coquillages. Pour ses observations , il possède un superbe télescope objet qui émerveillera les marins et les gens qu’il rencontrera dans ses voyages.
Et voici notre deuxième personnage, Xavier agent immobilier à Paris, il retrouve cet ancien télescope dans un appartement qu’il a vendu. Il le met sur sa terrasse et observe la lune, les étoiles et sur un autre balcon une jolie parisienne dont il va tomber amoureux. Xavier est un homme de notre époque divorcé , anxieux qui se relaxe grâce à des applications sur internet . Il ne voit son fils qu’un WE à deux et il cherche des activités extraordinaires pour être bien avec lui. La jolie Alice qui a rencontré Xavier car elle recherchait un appartement travaille au musée des jardins des plantes, est taxidermique et fait revivre des animaux en les redonnant un aspect vivant.
Leur histoire sera un peu compliquée, nous ne les quitterons que pour retrouver Guillaume dans ses diverses aventures et ses rencontres avec des humains, des animaux des plantes si loin de la cour du roi Louis XVI . Nous avons quelques belles tempêtes et malheureusement la belle collection de coquillages sera sacrifiée pour sauver le bateau du retour. A son retour en France tout le monde l’ayant cru mort, il a perdu sa place à l’académie des sciences et sa famille s’est partagée son héritage.

On est bien avec les différents personnages même si quand on sort du livre, on se dit que le monde n’est pas aussi gentil que celui que nous décrit Antoine Laurain. Il a su nous faire revivre un astronaute bien oublié et nous faire partager une romance à laquelle on a envie de croire.

 

Citations

Présentation de Xavier.

 Il semblait à Xavier que sa vie avait en quelque sorte dérapée à un moment et il avait du mal à situer précisément ce moment. Souvent, il se sentait comme un célibataire sans avenir, qui vendait aux autres, plein d’entrain et de ressources, des appartements pour y construire une vie -autant de projets qui ne lui paraissaient plus à sa portée. 
Rien est vraiment compliqué. Ce que vous percevez comme difficile sont le plus souvent des constructions mentales. Vous ajoutez une couche d’angoisse dont vous n’avez nul besoin et qui est improductive. 

Les plages de l’île Maurice par rapport à la manche.

 Du bleu et de la lumière. Tout était bleu, l’eau était aussi immobile que le ciel. Jamais il n’avait vu d’autre plage que celle de la Manche, où il se rendait enfants et adolescents avec la famille. Des dunes avec des mottes d’herbe éparses balayées par le vent puis l’immensité de la mer. Le plus souvent, sa couleur était bleu foncé teintée de kaki et des rouleaux menaçaient ceux qui s’approchait et n’étaient pas marin. L’eau se retirait sur des kilomètres, et il fallait marcher longtemps sur les bosses du sable humide et dans les petits étangs de vases avant d’arriver au bord de la mer qui était en général glacée sur les pieds.

Une idée du bonheur.

 Bruno devait vivre le rêve d’une nouvelle vie en Dordogne, passer de belles journée en famille, pleines de projets pour ses chambres d’hôtes, et échanger avec Charlotte, sa femme, sur les couleurs du papier peint d’une future pièce ou encore sur l’agencement d’une rocaille dans le par paysagé. Oui, Bruno avait fait le bon choix  : il avait quitté la ville, avec ses voitures qui se reproduisaient comme des cafards, selon son expression. Il devait vivre tous les jours comme dans ses publications familiales des années 1980 dans lesquels le père et la mère retrouvaient leurs enfants le matin au petit déjeuner, dans la cour d’une belle maison ensoleillée pour partager chocolat chaud et café brûlant en éclatant de rire. En général ces spots vantaient une marque de chicorée ou des assurances ;

J’adore la fin.

 Le prochain transit de Vénus aura lieu en 2117. Soit dans quatre vingt quinze années. Vous, qui lisez ces lignes, ne serez plus là. Et moi non plus. Comme guillaume nous rateront ce rendez-vous. Mais ce n’est pas grave. Nous sommes ici. Maintenant. J’écris. Vous lisez. 
Nous respirons. 
Nous sommes vivants. 
Tout va bien.

 

 

Édition du Rocher

 

Curieuse coïncidence ce roman dont le sujet est l’amnésie est chez moi depuis un certain temps et j’ai complètement oublié comment il y est arrivé.
William Noone est un pauvre hère, il est recueilli dans un hospice pour indigents à Londres en 1889. Le médecin qui s’occupe de lui, Oscar Klives, comprend peu à peu que cet homme souffre d’une amnésie étrange. D’abord, il se croit toujours en 1847 et ne peut expliquer pourquoi il a été retrouvé sur les quais de Londres. Et de plus sa mémoire est si défaillante qu’il ne peut la faire fonctionner que par tranche de quatre minutes. Puis tout s’efface, et il repart à zéro. En revanche tout ce qui s’est passé avant 1847 est très précis dans sa mémoire. Le médecin qui le recueille est fasciné par ce cas si étrange . Lui-même a une personnalité que nous découvrirons peu à peu : son amour (hélas non partagé !) pour une infirmière plus humaine que la moyenne de celles qui s’occupent des indigents de cet hospice, ainsi que les raisons qui l’ont amené à suivre cette carrière moins glorieuse que celle à laquelle ses brillants études le destinaient.

Il comprend assez vite que le mystère de cette mémoire défaillante doit venir de traumatismes subis en 1847, date à laquelle tout s’est subitement effacé pour William Noone.
Il va donc partir au Canada pour pouvoir réécrire la vie de quelqu’un qui n’en a aucun souvenirs.

Ce roman permet de découvrir la vraie misère des gens sans ressource à la fin du 19° siècle en Angleterre ( cela ne doit guère être mieux ailleurs !). On voit aussi la dure condition des marins, mais le sujet principal c’est la souffrance apportée par l’amnésie. Jamais le malade qui en est atteint ne peut prendre sa vie en main et à l’époque, comme la médecine commençait tout juste à essayer de comprendre ce genre de phénomène le patient est considéré comme responsable de ses actes et il finit le plus souvent en prison.
Le roman m’a intéressée sans me passionner. La forme peut-être ? Nous découvrons cette histoire grâce au cahier personnel du médecin qui distille peu à peu ses confidences, sur son amour, le personnel de l’hospice, le marin amnésique, et enfin son incroyable recherche vers les trente années qui ont disparu de la mémoire de Willam Noone. Très vite le lecteur comprend qu’il n’y aura pas de solution pour ce pauvre hère et que, finalement, il a une certaine chance d’avoir oublié certains aspects de sa vie. Alors pourquoi en faire un roman ? Peut-être pour nous faire découvrir cette époque et ceux qui ont été broyés par l’ère industrielle. Sans doute, mais j’ai lu des textes plus prenants sur le sujet, tout en lisant attentivement ce roman je m’y suis ennuyée il manquait un souffle, ma lecture était plus appliquée qu’interessée.

Citations

Les hospices anglais en 1880.

 Chaque matin, ce sont plusieurs nouveaux spécimens de cette triste race qui attendent en silence, le regard éteint, sur le banc du couloir reliant mon cabinet à celui d’Irvin Owen, mon adjoint. et qu’attendent-ils ?… Leur tour de passer la visite médicale avant d’être conduit aux douches comme du bétail à l’abattoir ; le moment de se laisser dépouiller de leurs hardes et du peu qu’il leur reste, en échange de cet uniforme de pensionnaires qui sera la livrée de leur indignité. À vrai dire, ils n’attendent plus rien 

Observation logique est elle vraie ?

 J’en suis pour ma part venu à la conclusion que la folie naît et se fortifie de son propre déni ; que ce chancre de l’âme se nourrit principalement de l’horreur qu’il inspire ; ou, pour le dire autrement, que le fou ne devient (vraiment) fou que parce que l’impossibilité psychologique dans laquelle il se trouve de s’avouer qu’il déraisonne l’accule à sacrifier des pans toujours plus larges de la réalité à sa lubie initiale, exactement comme le menteur après un premier mensonges est contraint d’en inventer d’autres, toujours plus emberlificotés.

Mémoire et imagination.

 Sir Herbert insiste longuement sur les rapports étroits qu’entretiennent ces deux facultés de l’esprit humain, traditionnellement tenues pour distante par la philosophie classique, que sont la Mémoire et l’Imagination. Il y a une part d’imagination dans tout ce qui nous vient de notre mémoire, comme une part de mémoire dans tout ce que crée notre imagination, écrit-il. Et, pour suit-il, ces apports respectifs sont si bien mélangés dans notre esprit que la question de savoir laquelle de ces deux faculté s’exerce en nous à un moment donné et bien moins évidente qu’on ne poyrrair le penser au premier abord.

Les riches anglais.

Ce gentleman se trouvant néanmoins fort occupé par les préparatifs de son prochain voyage -fort occupé comme tous ceux que leur naissance et leur patrimoine dispensent de travailler : à croire que l’oisiveté est la plus apparente des conditions. 

Le Canada.

 Comme toute cette grande et forte nature n’a que peu à voir avec celle si familière et domestiqué de mon cher Devon ! C’est ici le royaume des sapins et des épinettes, des bises sifflant dans les cimes, des eaux glacées même en été. C’est ici le royaume des saumons remontant à toute force les torrents pour frayer … et des industrieux castor… et des paisibles élans. C’est ici le royaume des innombrables oiseaux de la création : fous blancs planant dans le ciel bleu, autours qui hantent les forêts, tant d’autres dont je ne sais pas les noms ! Malgré leurs trains et leurs gares, malgré leurs pauvres petites villes disséminées de loin en loin, on sent bien que les hommes ne sont point ici chez eux. Du moins pas les hommes que je connais, ceux qui portent des montres dans leurs goussets et qui ont depuis longtemps perdu l’habitude de se régler sur le lever et le coucher du soleil, ceux qui n’ont jamais eu besoin d’attraper ou de faire sortir de terre ce qu’ils mangent mais toujours de tromper leur ennui au club, au théâtre, au cabaret.

L’oubli.

 Quand les vivants qui ont connu les morts meurent à leur tour, quand plus aucun d’entre-eux n’est là pour entretenir leurs tombes et honorer leur mémoire, ces morts du temps passé meurent une seconde et dernière fois. Peu de temps sépare la mort organique de cette seconde mort définitive qui est la vrai et dont le nom est l’Oubli – une génération à peine , l’homme est si peu de choses 

Édition Quai Voltaire , Traduit de l’anglais par Jeannette Short-Payen

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Une petite plongée dans le monde abbayes du début du XVII° siècle, après la mort du roi Henry IV, dans un couvent de nonnes où l’accusation de sorcellerie n’est jamais bien loin et permet tous les abus. C’est un récit assez compliqué, une histoire de vengeance imaginée par un cerveau supérieur et féroce, un certain Guy Le Merle qui a été humilié dans sa jeunesse par un évêque tout puissant. Pour mener à bien sa vengeance, il doit utiliser les capacités de celle qu’il appelle mon Ailée parce que (du temps où elle était saltimbanque) elle se promenait sur des fils tendus dans les airs. Celle-ci a trouvé refuge dans un couvent pour élever sa fille Fleur et pendant quatre ans, elles mèneront toutes les deux une vie paisible sous l’autorité d’une mère supérieure dont l’esprit de charité faisait régner un certain bonheur dans cette abbaye de l’île de Noirmoutier, c’est amusant de voir une région que l’on connaît bien vivre sous la plume d’une auteure étrangère et situer ces descriptions au XVII° siècle , le passage du « Goa » aura évidemment son importance ! Il faut dire que l’auteure à une mère française elle a peut-être passé des vacances dans cette région.

Pour parvenir à ses fins, Le Merle dissimulé sous les traits d’un prêtre va utiliser une toute jeune nonne qu’il va mettre à la tête de cette abbaye, celle-ci voit le diable partout et les pauvres sœurs iront de châtiment en châtiment. Cette nonne est en réalité la soeur de l’évêque dont il veut se venger. Je m’arrête là pour ne pas trop en dire sur le suspens qui sous-tend ce récit. Tout le charme de ce roman vient de ce qu’on ne sait pas jusqu’à la dernière page si le personnage du « Merle » est uniquement cruel et s’il est capable d’amour pour son « Ailée ». J’ai trouvé cette histoire de vengeance bien compliquée et si j’ai retenu ce roman c’est plutôt pour la description de la vie des nonnes dans les abbayes, mais je reproche aussi à l’auteure de voir tout cela avec des yeux de femmes du XXI° siècle pour qui faire la différence entre la foi et la crédulité est si facile à faire. C’est un roman historique qui éclaire d’un œil sans complaisance la religion du XVII° siècle et la condition des femmes dans les couvents, et rien que pour cela il peut vous plaire.

 

Citations

La fondation des abbayes.

 Fondée il y a quelques deux cent ans par une communauté de frères prêcheurs, l’abbaye est très vieille. Elle a été payée grace à l’unique devise qui a court pour l’église : la crainte d’être damné. En ces temps d’indulgence et de corruption, une famille noble ne pouvaient assurer sa position dans le royaume qu’en attachant son nom à une abbaye.

Des propos qui sentent le XXI° siècle plus que le XVII° mais c’est très bien dit.

 Je n’ai jamais cru en Dieu.En tout cas, pas à celui auquel nous avons l’habitude de nous adresser, ce grands joueur d’échecs qui, de temps en temps, baisse le regard vers son échiquier, déplace les pièces selon les règles connues de lui seul et daigne regarder son adversaire bien en face et avec le sourire du grand maître qui sait d’avance qu’il va gagner la partie. Il doit y avoir, me semble-t-il une horrible paille dans l’esprit de ce créateur qui s’obstine à mettre ses créatures à l’épreuve jusqu’à ce qu’il les détruise, qui ne leur accorde un monde regorgeant de plaisir que pour l’heure annoncer que tout plaisir est péché, qui se complaît à créer une humanité imparfaite mais s’attend à ce qu’elle aspire à l’infini perfection ! Le Démon, au moins, joue franc-jeu, lui. Nous savons exactement ce qu’il veut de nous. Et pourtant, lui-même, le Malin, le Génie du mal travaille secrètement pour l’Autre, le Tout Puissant. À tel maître, tel valet.

Toujours l’effet des connaissance d’aujourd’hui sur une description du passé .

 Je leur ai recommandé d’éviter les jeûnes excessifs, de ne boire que l’eau du puits et de se laver au savon matin et soir. 
 » À quoi cela pourra-t-il bien servir ? » a demandé soeur Thomasine en entendant ce conseil. 
Je lui ai expliqué que parfois des ablutions régulières empêchaient les maladie de se propager. 
Elle a eu l’air un peu convaincue de cela. « Je ne vois pas comment ! a-t-elle dit. Pour éloigner le démon, ce n’est pas d’eau propre et de savon dont on a besoin, c’est de l’eau bénite ! »

 

 

Édition l’âge d’homme ; Traduit du tchèque par Marcella Salivarova Bideau

 

J’ai trouvé cette lecture chez Patrice et j’avoue que je pensais y trouver plus de plaisir. C’est vraiment une fable et l’humour est très daté. On sent aussi que l’auteur a eu du mal à finir son histoire et le passage dans l’île avec des cannibales est un peu lourde. C’est donc une fable autour du football et de l’envie de grandeur d’un petit village de Dolni Bukvicky qui voit naître 11 garçons dans la famille du vieux Klapzuba . Ce père très malin fait de ses fils des champions de foot . Il va leur donner le sens de l’entrainement, et le plaisir du foot. Ils sont soudés entre eux comme des frères peuvent l’être. Ils vont devenir les meilleurs joueurs du monde , si célèbres que le roi d’Angleterre leur confiera son fils le prince de Galle pour en faire un champion. Leur ascension est très intéressante et se lit agréablement avec le sourire car rien n’est sérieux dans cette fable.

Mais un jour, les frères perdront leur envie de jouer car il rencontreront un petit garçon qui leur fait comprendre qu’ils sont devenus des professionnels.

Oui, vous êtes des professionnels, et c’est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas jouer avec vous. Nous jouons pour l’honneur et vous jouez pour l’argent. Je ne veux avoir rien en commun avec vous.

Ils prennent conscience de tout l’argent qu’ils ont gagné et cela rend le football moins passionnant. On est loin du football contemporain. Avant de tout arrêter, il faudra une dernière et folle équipée vers l’Australie et les onze frères finiront dans un sursaut d’honneur par retrouver leur compétitivité.

La fin est vraiment moins intéressante, l’auteur envoie son équipe de foot sur une île de cannibales puis au milieu de l’océan .

Je pense que ce roman est plutôt un livre pour la jeunesse. Malgré l’humour, je suis restée en dehors de cette fable qui pourtant est très célèbre en Tchéquie.

 

 

 

Citation

Humour tchèque.

« C’est vous, monsieur Klapzuba ? »

Klapzuba rassembla en vitesse toutes ses réserves de vocabulaire anglais, prit son temps pour y faire son choix, hocha la tête et dit finalement :

« Yes »

 

L’apprentissage et la royauté.

 Leur Majesté d’Angleterre m’ont envoyé leur fils en apprentissage, et de ma vie je n’ai jamais vu un apprenti se faire servir. Il s’est engagé, faut qu’il porte lui-même son barda. Le meilleur des rois est celui qui a le moins de laquais autour de lui, si on oublie que pas de roi du tout, c’est encore mieux que le meilleur des rois.

Le sport et l’argent.

Il n’y a pas de quoi s’étonner, tout ce qui se répète à l’infini perd de son charme et se résume à la longue a un problème mécanique. On a vu le même phénomène avec les professionnels du Royaume-Uni. Seul un amateurisme total, celui qui exige de ses adeptes des sacrifices, apporte en récompense le plus beau cadeau que la culture physique puisse offrir : l’esprit sportif. Toutes les autres formes d’activités sportives mène à la mortification de l’esprit.

Scène avec un colonel anglais .

Le colonel ne faisait rien d’autre que de rester assis, tirer sur sa pipe et cracher alors Klapzuba faisait de même, rester assis, tirer sur sa pipe et cracher -et ainsi ils restèrent assis, tirèrent sur leurs pipes crachèrent à deux. Une heure plus tard, le colonel leva la main, montra un oiseau blanc qui passait par là et dit en anglais :
« Mouette »
Klapzuba approuva de la tête :
« Yes »
 Une heure plus tard Klapzuba aperçut un dauphin surgissant et disparaissant dans l’eau. Il observa un moment leva la main et dit posément :
 « The poisson » 
Là-dessus le colonel Ward hocha sérieusement la tête :
« Yes »
Et ils retournèrent à leurs occupations, rester assis, tirer sur leurs pipes et envoyer des crachats.


Édition Taillandier

 

 

Jai été tentée par ce roman, car j’ai souvent une tendresse pour les auteurs qui se penchent sur leur enfance, et qui savent nous faire partager « le vert paradis des amours enfantines », cette citation de Baudelaire n’est pas gratuite, car dans presque tous les moments de ses souvenirs, l’auteur fait des parallèles entre sa vie et des personnages de la littérature il convoque Proust (évidemment !) Nabokov, André Chénier et tant d’autres. Certains sont de sa famille car comme tout membre de la noblesse il parle de sa généalogie, sans en être fier car ce serait de « mauvais goût », voire vulgaire. J’ai déjà dans ma bibliothèque le livre de mémoire d’une de ses tantes, Pauline de Pange : « Comment j’ai vu 1900 » qui m’avait beaucoup plus intéressée.

L’auteur est né en 1957, et a vécu son enfance à côté de Laval dans une demeure qui devait ressembler à cela :

 

C’est là encore qu’il écrit ses livres, en particulier celui-ci.

On sent que l’auteur veut nous faire ressentir la douceur avec laquelle il a été élevée, et combien ses parents ont été mêlés de près à la vie de la France. En bon catholique, ils étaient antisémites, en amoureux de la France ils étaient résistants. Mais lui est né en 1957, donc tout cela ne lui revient que par bribes et ne doit donner lieu à aucune gloriole : toujours la peur d’en faire trop en se ventant. Alors il reste la vie de ce petit garçon qui n’a vraiment rien de passionnant. Sa tante (éloignée) nous avait fait découvrir le monde de la noblesse avant 1914, lui ne nous fait pas découvrir grand chose , sinon la vie d’un petit garçon tendrement aimé de ses parents, je suis ravie pour lui qu’il ait reçu autant d’affection. Je me demande s’il a pensé qu’en rendant publique son enfance dans ce qui doit être le château du village, il fait le même effort que la famille Crawley dans Downtown Abbey qui ouvre leur demeure aux visiteurs.

Tout est en retenu dans ce livre, en discrétion et en allusions littéraires. Ce sont peut-être ces qualités qui dans la vie sont agréables qui ont rendu ce livre si fade à mes yeux, je dois, cependant, rendre hommage aux qualités du style d’Emmanuel de Waresquiel (ce qui fait que de deux coquillages je suis passée à trois).

 

Citations

Portrait d’un oncle (avec un trait de caractère que j’ai déjà rencontré)

 Il parlait avec une légère pointe d’accent anglais qui lui venait sans doute de ses anciennes « nannies », n’écoutait pas, vous interrompait, n’entendait pas ce qu’on lui disait et pouvait reprendre très naturellement une conversation qui n’avait pas commencé ou qui avait été interrompue depuis des jours. Il m’enchantait , plus tard, par sa facilité à manier le quiproquo, les propos décalés, les réponses « ex abruto » qui laissaient pantois tous ceux qui ne le connaissaient pas. Il fallait pour l’aimer l’approcher de loin, accepter d’entrer dans son monde, l’apprivoiser, comme Le petit Prince son renard.

Fin du livre.

 Nous restons seuls avec nos souvenirs. C’est peut-être pour cela qu’on écrit. On veut en finir avec le temps, passer l’ardoise à l’éponge. Elle était devenue indéchiffrable à force de repentir et de ratures. On espère résoudre le rébus, retrouver les mots cachés comme Alice la clef de la porte au pays du lapin Blanc

 

 

 

 

 

Éditions Grasset

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Après le Secret et la Mauvaise Rencontre, je renoue avec cet auteur grâce au club de lecture. Le narrateur doit faire face au deuil de sa compagne tendrement aimé. Cela lui devrait être chose plus aisée qu’à d’autres puisqu’une de ses spécialités en tant que psychanalyste c’est justement « Le deuil ». Seulement comme chacun le sait, c’est tellement plus simple d’expliquer et d’aider les autres que de se comprendre soi-même et de ne pas faire les erreurs que l’on a vu les autres commettre. Le narrateur plonge donc dans le deuil sans que rien ne puisse le retenir : ni l’affection de sa fille, ni son ami violoncelliste, ni son médecin qui surveille la pile qui doit empêcher son coeur de s’arrêter. La nouveauté qui nous vaut ce roman, c’est le « service » que propose des « start-up » : créer un avatar de la personne récemment disparue et dialoguer avec elle . Oui, ce service existe, et non, je ne connais personne qui l’a essayé. On devine comment cela marche, et l’auteur le raconte très bien, vous laissez des créateurs de logiciel entrer dans votre vie virtuelle, vous leur confiez photos et document sonores, grâce à des entretiens, ils découvrent votre vie et celle du défunt, et moyennant un budget conséquent, ils créent l’avatar de la personne disparue qui pourra dialoguer avec vous.

Pour le romancier ce sera salutaire puisque c’est grâce à cela qu’il retrouvera l’inspiration nous raconter son deuil enrichi de cette expérience  : et hop ! la boucle est bouclée.

On apprend au passage qu’avoir une pile dans le coeur, n’est pas anodin et que vous donnez à une compagnie le droit de ralentir ou d’accélérer votre rythme cardiaque. D’ailleurs, il y a quelqu’un qui a montré qu’un hacker pourrait ainsi neutraliser des personnes très âgées porteuses de ce genre de pile (si possible des dirigeants politiques).

C’est un roman très facile à lire et qui met en lumière une pratique funéraire qui risque de se développer : notre société veut tellement fuir la mort que je pense que ce genre d’entreprise va connaître un bel essor. Malgré une écriture très agréable, je n’ai pas été touchée par ce roman que j’ai trouvé vide. Il est rare que j’apprécie un livre où l’auteur raconte comment il a du mal à écrire tout en écrivant, c’est une impudeur qui me gêne.

PS c’est tout à fait par hasard que sur mon blog deux auteurs ayant le même nom se suivent !

Citations

Un père et sa fille.

 Quelques années auparavant, Agnès avait rencontré l’homme de sa vie qui allait devenir son mari, puis le père du petit miracle devant lequel Irène et moi sommes retombés en enfance. Seule ombre au tableau : la complicité qui me liait à ma fille s’était émoussée. Il m’était difficile de percevoir encore dans la femme épanouie celle qui, autrefois blottie dans mes bras, me confiait ses secrets. La grossesse puis la maternité d’Agnès avait naturellement installé une nouvelle distance : la fille aimée était maintenant avant tout une épouse et une mère. J’ai su faire bonne figure afin que personne n’aperçoive, sous les attentions et la tendresse d’un grand-père, la nostalgie d’un père.

L’Après.

 Dans le tiroir du meuble de la salle de bain, j’avais entrepris d’enfermer ses produits de beauté mais au moment de les ranger je n’ai pu résister au besoin de dévisser le bouchon de son parfum : tel le génie de la lampe, Irène avait jailli du flacon, remplissant la pièce de ces effluves autant que de son absence.

Joli passage :

 « C’est une curieuse expérience de constater que ma vie ne tient qu’à un fil, celui qui relie cette pile à mon cœur, un cœur qui ne bat plus pour personne »
Lui confiai-je, Peu après la mort d’Irène, un jour où l’absence de mon épouse me pesait plus encore que d’ordinaire et me rendait impossible cet exercice dans j’avais pourtant la maîtrise : faire bonne figure. Une autre fois où je retrouvais un peu de mon humour, je parvins à lui demander :
 « Docteur vous qui savez redonner du rythme à ceux qui défaillent, pouvez-vous faire quelque chose pour les cœurs brisés ? »
Il répondit en souriant :
« Et vous, qui savez si bien écrire sur le deuil, votre sagesse et votre plume ne peuvent-elles vous aider à traverser cette épreuve ? »

(PS je suis désolée pour la qualité de mes photos, elles sont très bonnes sur mon téléphone mais sont dégradées sur ma boite mail sans que je sache pourquoi.)

Édition Gallimard . Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Pour le thème du mois de mars à mon club de lecture , « les écrivains et leur père », ce livre était parfaitement à sa place, en effet, Marc Dugain se penche sur le passé de son père, personnage étonnant de volonté (d’où le titre). En effet, alors qu’il est encore enfant, l’année où il devait quitter l’école primaire pour aller au lycée, en 1941, il a été atteint de la poliomyélite, il a eu la chance incroyable de pouvoir être soigné à Paris et de n’avoir qu’une jambe paralysée. Toute sa vie il marchera sur une seule jambe et une canne sans jamais renoncer à mener la vie aventureuse dont il rêvait. Ce roman, l’auteur tient à cette appellation l’épigraphe du roman, (Marc Dugain l’a écrite lui-même) dit ceci :

La plus belle des fictions est celle qu’on entretient sur ses proches dans des souvenirs qui jalonnent une mémoire flottante. Ce n’est pas la biographie d’inconnus, c’est un roman.

Ce roman nous vaut une belle balade dans le XX° siècle avec un regard très particulier, celui d’un homme du XXI° siècle qui connaît la réponse à des questions que l’on ne se posait pas à l’époque. Comme par exemple le problème des déchets nucléaires, apporté par l’indépendance énergétique voulue par de Gaulle.

L’histoire de la famille de son père est marqué par l’alcoolisme des gens simples en Bretagne et aussi la volonté de ces mêmes gens de tout faire pour que leurs enfants réussissent leur études. Il réussira mais eux se sentiront exclus de la famille bourgeoise que son fils va constituer avec une femme parisienne qui va se battre pour exister sur le plan professionnel alors que tout la poussait à devenir une bonne mère et une épouse tenant sa maison. Leurs deux fils auront du mal à se sentir aimés par des parents qui seront aussi pris par leurs destin, mais cela n’apparaît qu’épisodiquement dans le récit.

La famille de sa mère est marquée par son père qui est une « gueule cassée » qui a inspiré Marc Dugain le roman qui l’a rendu célèbre : « la Chambre des Officiers » que je n’ai pas encore lu contrairement à « l’insomnie des étoiles« . La présentation de ce futur gendre qui a perdu une jambe sera difficile à accepter pour sa future belle mère qui sait ce que cela veut dire de consacrer sa vie à aider un handicapé. Mais finalement la vie familiale se reconstruira grâce à l’énergie de cet homme que rien n’arrête et qui respectera la volonté de sa femme de s’imposer dans le monde de l’industrie. Après quelques années en Nouvelle Calédonie ils partiront en Afrique, puis reviendront en France. Son père prendra des responsabilités importantes dans l’énergie nucléaire et sera lié à un général responsable du contre espionnage français. Cela permet à l’auteur d’avoir un regard personnel sur ce siècle un peu décalé par rapport à ce que l’on lit habituellement.

C’est une roman et l’histoire d’une vie qui ne se lit pas toujours facilement car il y a beaucoup d’ellipses et il faut faire des sauts dans le temps qui m’ont souvent déroutés . Les personnages sont assez variés, j’ai un faible pour le cousin communiste qui joue à la bourse et roule en Mercédès. Je n’ai pas trop accroché à la personnalité de ses parents . On sent qu’il a voulu rendre un hommage à son père qui est resté debout malgré son handicap mais à part cela (et ce n’est pas rien) on ne sent pas la vie à travers ce qu’il nous dit de lui. Sa mère entièrement tournée vers son ambition féministe de lutter pour être employée à son niveau d’étude est de la même façon un peu glacée dans ce combat. En revanche je trouve que ses quatre grand-parents sont plus riches même si du côté breton c’est une misère terrible. L’auteur sait faire vivre sa grand-mère plus que son grand-père qui vit surtout à l’extérieur de la famille.

Un très bon livre, pour le regard sur ce siècle passé. J’y ai retrouvé des évènements que j’ai vécu moi ou ma famille, mais j’ai quelques réserves car je n’ai pas ressenti assez d’empathie avec ses parents ce qui était, je le pense, le but de l’auteur . J’avais oublié que j’avais déjà chroniqué l’insomnie des étoiles du même auteur en lui attribuant encore une fois 3 coquillages. (Je suis sévère avec cet auteur car je trouve ses romans bien écrits, il ne soulève pas mon enthousiasme.)

 

Citations

Construction du couple de ses parents.

L’attitude de l’a mère l’a blessé, mais il comprend cette réticence : le retour de l’infirmité pourrait se voir comme une malédiction. Elle a ressenti une nouvelle fois à quel point l’amour de sa mère pouvait être pesant. Lui n’a pas l’intention qu’elle interfère dans leur relation, jamais et il le dit sans ambiguïté, il n’a pas fait tous ses efforts pour perdre sa liberté retrouvée sous la coupe d’une belle mère. Les choses seront limpides, d’un côté comme de l’autre, : si fortes que soient leur affection pour leurs parents ils ne les laisseront pas guider leurs pas. C’est là le fondement de leur alliance, de l’égoïsme de leur couple qui va sceller leur comportement pour toujours.

Repas de famille.

 Les anciens de 14 ont dégainé les liqueurs en fin de repas, dans la tradition de ces déjeuners interminables qui commencent par la dispute politique pour finir dans la concorde des vapeurs d’alcool.

La nouvelle Calédonie .

Les Kanaks vouent leur circulation restreinte, doivent se soumettre à une autorisation afin de quitter leur arrondissement et, pour couronner le tout, ils doivent effectuer plusieurs jours de travaux forcés par an, au profit des colons ou de l’administration. Le code de l’indigénat, code du déshonneur qui organise la privation de droits, enferme ce peuple réputé pour son génie agricole et son culte de la terre sur la portion congrue de territoires livré à une population de repris de justice et de paysans faillis. Les prisonniers politiques, retournent systématiquement en métropole. Entre la révolte de 1878 qui tue près de trois mille Kanaks et le reste, tout le reste, y compris les maladies importées, la population indigène chute de 90 % après l’arrivée l’arrivée de la civilisation sur sa terre. C’est ce qu’on pourrait appeler une colonisation réussie.

Remarque intéressante .

Ce soir là, aidé par le vin de qualité, il se laisse aller à de sombre prévisions au sujet de la politique coloniale de la France. Il prédit qu’au tournant de la décennie l’indépendance sera la règle et la colonie l’exception. Son directeur hausse les sourcils en adressant au gouverneur un sourire apaisant, mais à la surprise générale le gouverneur avoue qu’il craint qu’il n’ait raison. Il aura d’autres occasions dans sa vie de constater que les hauts responsables ont souvent conscience individuellement des désastres auxquels conduit leur action, mais qu’ils sont submergés par la force du système et liés par leurs intérêts de carrière.

Je trouve ça très vrai.

De tous les moteurs de l’existence sociale, la revanche, parce qu’elle possède un carburant inépuisable, est le plus performant.

L’Afrique et de Gaulle.

Ils ne savent rien de la future formation d’une cellule spéciale de la présidence de la république, instaurée par de Gaulle, dont l’objectif sera de reprendre le contrôle de ce qui a été abandonné, pour éviter à ces nouvelles nations de sombrer dans la spoliation américaine où le collectivisme soviétique qui rêve de proliférer dans la chaleur africaine. On met en place des dirigeants fantoches qui recycleront l’argent détourné dans leurs pays avec notre appui, en remerciement de leur fidélité à la France, pour l’investir dans les beaux quartiers de Paris et dans nos banques. C’est ce qu’on appelle en langage politique fleuri « créer de la stabilité ». 

L’alcoolisme de ses grand-parents bretons.

 Elle boit du vin, du vin de table qu’elle cache parmi les produits de vaisselle. Son alcoolisme de pauvres la ravagera de l’intérieur au cours des dix années qui lui restent à vivre. Le bosco boit, lui aussi, mais pas comme elle. Il petit-déjeune au calva, arrose l’en-cas de dix heures, puis s’accorde une pause à midi avant de reprendre, l’après-midi, la tournée des fermes des cousins pour enfin s’accorder un dernier verre au bar du village avant de dîner, à l’eau, pour rincer tout ça. Il lui reste trente ans à vivre à ce rythme.

Est-ce vrai ?

 Il faut préciser que la CIA, craignant que les hippies ne ruinent la jeunesse américaine par son pacifisme contagieux en pleine guerre du Viêtnam, a délibérément inondé de LSD une génération qui espérait atteindre u. monde rendu inaccessible par la déraison ordinaire. Ceux qui ne meurent pas à la guerre meurent d’overdose, la boucle est une nouvelle fois bouclée.