Édition JC Lattès traduit de l’anglais(Royaume-Uni) par Dominique Edouard.

En période de confinement, la lecture reste une bon dérivatif. Je ne sais pas trop l’expliquer mais j’ai eu besoin de trouver un roman plus « agréable » pour ne pas dire « facile », pour retrouver ce plaisir qui, chez moi, est une seconde nature. C’est pour cela que je vous propose ce roman que vous pouvez classer dans la rubrique « pour le sourire » et « so british » . J’ai déjà lu de cet auteur « Passé Imparfait » qui était plus réussi sur le plan de l’intrigue romanesque. Comme je n’arrivais absolument plus à lire depuis que tous les soirs, j’entends le nombre de morts augmenter et l’épidémie frapper à nos portes sans pouvoir me réfugier auprès de mes enfants et petits enfants ce qui est, pour moi, le viatique le plus sûr, j’ai pris ce roman sur ma pile, il m’a fait sourire et je l’ai lu jusqu’au bout avec attention. Certes ce n’est pas le roman du siècle et en d’autre temps, j’aurais été plus critique et sans doute je l’aurais lu plus rapidement mais les circonstances étaient telles, que cette vie d’Anglais de la haute société a été un très bon dérivatif. (Comme vous le savez sans doute Julian Felowes est le créateur de « Downton Abbey ») . Il a choisi pour ce roman deux univers qu’il connaît bien, celui de la noblesse anglaise et le monde des acteurs. Le snobisme est partout mais celui qui me ravit est celui des grandes familles anglaises. L’intrigue est simplissime trop sans doute, une jeune femme très belle réussit à épouser un noble anglais fortuné, cela veut dire pour elle un enfermement dans la campagne anglaise avec un mari qu’elle va vite trouver ennuyeux. (une Emma Bovary en puissance ?) Un trop bel acteur vient troubler son mariage et lui apporte la satisfaction sexuelle et une vie qu’elle croit plus trépidante, mais… Je ne divulgâche pas plus surtout que ce n’est vraiment pas le plus intéressant. Julian Fellowes est un excellent analyste de l’âme humaine et un observateur de ces deux mondes qu’il connaît bien. Il y a en lui une grande bienveillance pour les faiblesses humaines ce qui enlève du mordant à son récit mais en fait un roman agréable à lire. Personne n’est à l’abri du snobisme sauf, peut-être, la reine d’Angleterre puisqu’elle remplit toutes les cases ! Les autres, tous les autres ont toujours au dessus de leur catégorie sociale quelqu’un qu’ils aimeraient fréquenter pour « faire bien » et montrer qu’ils sont, grâce à cette fréquentation, une personne importante. Les amis du narrateur, David et Iabelle Easton, obsédés par la maison Broughton (les riches châtelain du coin) m’ont fait penser à ce passage de Proust qui décrit si bien lui aussi le snobisme :

l’absence de relations avec les Guermantes,—pourrait bien avoir été non pas subie, mais voulue par lui, résulter de quelque tradition de famille, principe de morale ou vœu mystique lui interdisant nommément la fréquentation des Guermantes. « Non, reprit-il, expliquant par ses paroles sa propre intonation, non, je ne les connais pas, je n’ai jamais voulu, j’ai toujours tenu à sauvegarder ma pleine indépendance ; au fond je suis une tête jacobine, vous le savez. Beaucoup de gens sont venus à la rescousse, on me disait que j’avais tort de ne pas aller à Guermantes, que je me donnais l’air d’un malotru, d’un vieil ours. Mais voilà une réputation qui n’est pas pour m’effrayer, elle est si vraie ! Au fond, je n’aime plus au monde que quelques églises, deux ou trois livres, à peine davantage de tableaux, et le clair de lune quand la brise de votre jeunesse apporte jusqu’à moi l’odeur des parterres que mes vieilles prunelles ne distinguent plus. » Je ne comprenais pas bien que pour ne pas aller chez des gens qu’on ne connaît pas, il fût nécessaire de tenir à son indépendance, et en quoi cela pouvait vous donner l’air d’un sauvage ou d’un ours. Mais ce que je comprenais c’est que Legrandin n’était pas tout à fait véridique quand il disait n’aimer que les églises, le clair de lune et la jeunesse ; il aimait beaucoup les gens des châteaux et se trouvait pris devant eux d’une si grande peur de leur déplaire qu’il n’osait pas leur laisser voir qu’il avait pour amis des bourgeois, des fils de notaires ou d’agents de change, préférant, si la vérité devait se découvrir, que ce fût en son absence, loin de lui et « par défaut » ; il était snob.

Oui des snobs, il y en a partout et dans tous les pays mais ils sont rarement aussi drôle que les Britanniques qui en plus le font souvent avec humour. et c’est peut être le bon moment de réécouter la chanson de Boris Vian

 

Citations

Le couple

Vu de l’extérieur, il semble essentiel à la survie de nombreux mariages que chaque conjoint devienne le fidèle complice des tricheries de l’autre. 

Portrait d Édith

Édith avait une de ces bouches ciselées, aux lèvres admirablement dessinées, rappelant celle des actrices de cinéma des années 40. Et puis, il y avait sa peau. Pour les Anglais , vanter le teint d’une femme est l’ultime ressource lorsqu’on est en panne de compliments. L’on évoque généralement un joli teint quand on parle des membres les moins flamboyants de la famille royale.

Particularisme anglais (mais je connais bien des français qui adorent cela aussi)

Les Anglais, quelle que soit la classe à laquelle ils appartiennent, adorent l’exclusivité. Mettez trois anglais dans une pièce et il inventeront une règle pour empêcher un quatrième de se joindre à eux. Ce qui rendait Édith différentes, c’est que la plupart des gens, en tout cas les membres de la noblesse, feignent de n’attacher aucune importance à leurs privilèges. Reconnaître le plaisir que l’on éprouve d’être invité alors que le public doit payer son billet, de franchir une barrière, ou pénétrer dans une pièce dont les autres sont exclus, ne vous attirera que des regards d’incompréhension des aristocrates (vrais ou faux. Les douairières chevronnées se contenteront sans doute d’un haussement de sourcil désapprobateur pour indiquer que l’idée même dénote d’un manque de savoir-vivre navrant. Si stupéfiante que soit la malhonnêteté de tout cela, la discipline avec laquelle ces gens-là respectent leurs inébranlables règles force le respect.

Très bonne analyse

Dans l’ensemble, les gens privilégié ne sont pas du genre à geindre. On ne parle pas de ces ennuis, ça ne se fait pas. Une promenade d’un pas vif ou un bon cordial sont leur façon de réagir lorsqu’ils ont des peines de cœur ou d’argent. La presse populaire décrit souvent leurs froideur or ce n’est pas le manque de sentiments qui les rend différents, plutôt leur habitude de ne pas les exprimer. Élevés dans cette discipline de pudeur, ils n’apprécient évidemment pas les débordements d’émotion chez les autres, et sont sincèrement désorientés par le chagrin des classes laborieuses, ces mère en sanglots que l’on traîne et soutient jusqu’à l’église pour l’enterrement de leur enfant, ces veuves de soldat photographiées en larmes, lisant sa dernière lettre. Le mot même de « conseiller » les révulse. Sans doute ne comprennent-ils pas que toute tragédie nationale ou personnelle -guerre meurtrière, attentat, accident de la route, offre aux gens plus simples l’occasion de connaître une célébrité éphémère. Pour une fois dans leur vie, ils peuvent apaiser le désir obsédant, et tellement humain, de vedettariat , de reconnaissance publique de leur condition. Un besoin que les privilégiés ne s’expliquent pas parce qu’ils ne le ressentent pas. Eux sont nés sur le devant de la scène.

Discussion politique

L’issue de la discussion n’avait aucune importance pour aucun d’entre nous, il n’empêche que l’appuie que m’apportait Tommy agaçait Henri. Comme tous les représentants les moins intelligents de sa classe, il s’imaginait que sur chaque sujet, du choix d’un porto à l’euthanasie, il existe une façon correcte de penser et qu’il suffit de la formuler pour emporter la position. Vu qu’il ne s’adresse généralement qu’à des gens de leur bord, la partie est souvent facile à gagner.

La lady la plus aboutie

Lady Uckfield parlait de lui comme on parle d’un vieil ami mais comme elle cachait toujours ses sentiments, y compris à elle-même, j’étais incapable d’évaluer leur degré d’intimité.

Le personnage principal tombe amoureux

Elle s’appelait Adela Fitzgerald, son père était un baronnet Irlandais, un des plus anciens, précisa-t-elle parfois d’un ton tranchant. Elle était grande, jolie, sérieuse et je perçus aussitôt que j’avais toutes les chances d’être heureux auprès d’elle pour le restant de mes jours. Aussi fus-je très occupé dans les mois qui suivirent à la convaincre de cette évidence qui, je dois l’admettre, lui paraissait moins criante qu’à moi.

Comparaison : femme d’aristocrate et femme de star

La femme d’un comte est une authentique comtesse. Les gens ne voient pas simplement en elle le moyen d’accéder à son mari. De plus, si la famille qu’elle a épousée à conserver ses biens, ce qui était le cas des Broughton, elle peut régner en souveraine sur le micro-royaume de son mari. En revanche, la femme d’une star n’est… que sa femme. Rien de plus. Les gens ne la courtisent que pour s’insinuer dans les bonnes grâces de la vedette. Il n’y a aucun domaine sur lequel régner. Le royaume de son mari, ce sont les studios et la scène où elle n’a pas sa place. Lorsqu’elle y fait de rares apparitions, elle dérange même plutôt, inactive parmi des gens en train de travailler.

 

 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Édition STOCK

Après « le roi disait que j’étais le diable » voici donc la suite de la vie mouvementée d’Aliénor d’Aquitaine. Elle n’est plus la Reine de France , ni l’épouse du trop sage et trop pieux Louis VII, mais elle est Reine d’Angleterre et l’épouse du fougueux et cruel Henri Plantagenêt. « La révolte » dont il est question ici, est celle qu’elle a fomentée avec ses trois fils pour reprendre à Henri le trône de l’Angleterre. Cela lui vaudra d’être emprisonnée pendant quinze ans dans des donjons britanniques très « inhospitaliers » (En période de confinement, elle aurait peut-être eu des conseils à nous donner !). Mais elle en sortira et soutiendra ses fils qui ne cesseront, eux, de se faire la guerre. C’est une période incroyablement violente, trop pour moi c’est sûr et je n’arrive pas à voir dans Aliénor d’Aquitaine une féministe lettrée que l’auteure veut nous présenter. C’est une femme de pouvoir cruelle et calculatrice et rien ne l’arrête quand elle veut étendre son influence. En revanche, je suis prête à croire au portrait de Henri Plantagenêt, un homme d’action violent et déterminé. Le roman se présente comme un long monologue de leur fils Richard (Cœur de Lion) qu’il adresse à sa mère. Si cette période m’intéressait, je crois que je préférerais lire l’oeuvre d’un historien, je sens trop dans ce récit l’envie de l’auteure de présenter Aliénor comme une femme moderne « féministe ». Cela n’enlève rien au style très alerte de cette auteure mon peu de goût pour ce roman en dit beaucoup sur mon dégoût des scènes de batailles successive où on embroche, on viole, on assassine allègrement.

 

Citations

Tout oppose le roi de France, Louis VII à Aliénor

Blois s’apprêtait à fêter les Rameaux. Ma mère se réjouit. Durant ces années de mariage, au côté d’un Louis si pieux, son sang d’Aquitaine a failli s’assécher. Il réclamait la foule, la musique, les façades décorées. Il était malade de calme. Mais demain, ma mère se glissera au milieu des rondes et boira du vin.

Une belle tempête

 Les marins implorent le ciel, les yeux mouillés de pluie. La mer joue avec le vaisseau comme une balle. Les vagues se dressent, s’abattent et balaient le pont telle une langue blanche surgit des tréfonds . On tombe, s’agrippe, on disparaît. Un marin hurle. Il se balance le long de la coque, son pied coincé dans un cordage la tête en bas. Des lames d’eau frappe sa silhouette, il agite les bras puis devient pantin mou, renversé, qui fait de grands allers-retours au bout de sa corde, et ce mouvement répond à la danse des tonneaux sur le pont qui roulent d’avant en arrière. Autour, dans la vapeur grise, on ne voit rien, mais tout est bruit. On jurerait que le vent ricane, le ciel rugit de joie. Le bois grince tant qu’il semble crier, la coque résonne des hennissements affolés des chevaux. La cale du bateau inondée, recrache les outils des charpentiers. Il faut éviter l’avancée fulgurante des scies, invisible dans les remous, ainsi que celles des clous. À la proue, les bannières tordues de vent rappellent la trace dérisoire d’un prestige. Soudain les nuages s’écartent et découvrent une lune pareille à un œil blanc et fixe. Chacun se tait, figé dans cette clarté sinistre. Puis les brumes se referment comme une bouche, l’obscurité tombe et la tempête reprend.

Genre de scènes « sympathique »

Nous contourneront l’abbaye de Fontevraud que certains voudraient piller, j’entends les mercenaires comparer cette abbaye à une orgie car elle est mixte, hommes et femmes y vivent ensemble, « de quoi se régaler l’heure des messes », ricanent les hommes. Mercadier essaie discrètement de les faire taire. Trop tard. Je remonte les rangs. Le plaisantin est facile à repérer. Il transpire. Je prends le temps de l’observer, puis de sortir mon épée. Elle glisse lentement le long de sa tante ruisselants. D’un seul coup, elle coupe son oreille. Le mercenaire hurle et se plie sur son cheval. Je tourne bride en veillant à ce que les sabots marchent sur l’organe sanglant. Je reprends ma place devant les troupes. Piller Fontevraud ! Ces guerriers ignorent donc que ma mère veut y être enterrée ? Il est hors de question d’y toucher.
 Je lance le départ. Ille chevaux s’ébranlent derrière moi. Ce grondement est une sève, rage et joie mêlées. Mercadier exulte. Un chant monte en puissance.
J’aime quand les coureurs
 Font fuir gens et troupeaux
Et j’aime quand je vois après eux
Venir les venir les gens d’armes…
 Mon épée cogne ma cuisse à chaque foulée, battements d’acier qui rythme ma vie, Au son d’un air gaillard repris par des ogres.

Les souvenirs d’une reine enfermée pendant quinze ans

 Mais je ne dois pas me laisser distraire. La mémoire est un soldat aux jambes maigres et infatigable. Elle attaque la nuit. Inutile de la fuir. Elle grimpe vos murs et rampe sous vos portes. Elle agit sans haine, avec la lenteur sereine de celle qui connaît ses droits. Qu’importe que son scintillement ressemble au robe des fées. Le dormeur, lui, ne peut plus bouger, et se sent gagné par le froid.

 

Édition Héloïse d’Ormesson , Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Petit livre rapidement lu mais tellement édifiant à propos de l’intolérance religieuse ! Nous sommes en Hollande et nous suivons un peintre surnommé Torrentius de son vrai nom Johannes Symonsz Jan Van der Beeck, il n’est connu que pour une seule oeuvre :

 

On sait aussi qu’il faisait partie des « Roses Croix » et qu’il a été jugé pour hérésie à Amsterdam et que toute son oeuvre a été brûlée sauf ce tableau. Le roi d’Angleterre qui admirait son oeuvre le fait venir dans son pays après son procès. Mais ce peintre brisé par la torture n’a plus rien produit. Il n’en suffisait pas plus à Colin Thibert pour nous faire revivre, dans un livre très court, ce qu’a pu être la destinée d’un peintre qui aimait trop la vie sous toute ses formes face à l’intolérance protestante qui n’aimait rien tant que la rigueur et la sécheresse de cœur. Vraiment les intolérances religieuses sont détestables et me révoltent au plus profond de moi. Ce petit roman le raconte très bien et fait donc revivre en quelques pages un grand artiste dont aujourd’hui la Hollande serait si fière si elle avait su museler au XVII° siècle les crétins qui ne voulaient pas reconnaître le génie si celui-ci ne respectait pas leurs codes complètement dépassés maintenant.

 

Citations

La Hollande

Dans ce curieux pays qui parvient à se gouverner sans le secours des Princes, il suffit de se rendre au marché, on peut s’y procurer de la peinture aussi aisément un quartier de bœuf ou un turbo pêché du jour, souvent moins cher. Brigby, en revanche, a dû débourser une somme plus conséquente pour une huile sur panneau dudit Rembrandt qui, en dépit de son jeune âge, s’entend à faire grimper sa cote ; mais son interprétation du sacrifice d’Isaac, par sa vigueur et son foudroiement de lumière dorée, éclipse le travail de tous ses concurrents. Si se Rembrandt survit aux excès de table, de boissons et de luxure qui sont le lot des Flamands, on peut gager qu’il laissera derrière lui une œuvre considérable.

Un bon repas chez les Flamands

Repus et satisfaits, il s’en faut de peu qu’ils ne lui tapent sur le ventre ou sur les cuisses. Les trognes luisent, les dents brillent entre les lèvres grasses, on allume les pipes, on claque les fesses de la servante venue débarrasser.

Torrentius et son persécuteur

Torrentius n’a jamais rencontré Velsaert et Velsaert ne le connaît que de réputation. L’antipathie entre les deux hommes est immédiate et rédhibitoire. C’est la rencontre du sanguin et du bilieux, de l’expansif et du constipé, du lion et du rat d’égout…

Déclaration après son procès

J’écris , monsieur sur l’art et la manière dont ces mêmes hommes s’acharnent à détruire, à étouffer ou à museler ce qui dépasse les étroites limites de leur compréhension. Ceux qui m’ont condamné, messieurs, ne craignent rien tant que la vie, ses débordements, ses jaillissements et ses couleurs. Aussi vont-ils la tête basse et le teint bilieux, tristement habillé de noir, rongé par l’envie et la frustration. Savez-vous pourquoi ils me détestent ? Parce que j’ai tout ce qu’ils n’auront jamais, du panache, du talent et toutes les femmes que je puis désirer !

 

 

Édition Albin Michel. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Ce roman permet de revivre les,expériences de Charcot à la Salpêtrière. Comme le célèbre tableau d’André Brouillet nous en laisse la trace.
Ce tableau m’a, de tout temps, mise mal à l’aise : je lui ai toujours trouvé une dimension d’un érotisme dérangeant. La femme est très belle, trop dénudée, entourée de regards d’hommes qui se veulent scientifiques. La science n’est très certainement qu’un alibi pour de nombreux spectateurs
 Et cette pauvre femme comment peut-elle guérir de quoi que ce soit quand on sait à quel point l’hystérie tout en ayant des manifestations publiques relève de l’intime.
Bref ce livre avait tout pour me plaire sauf que…. Il est écrit par une jeune auteure qui n’a qu’un but prouver que les hommes de cette époque sont tous des tortionnaires pervers en puissance.
On ne peut nier les méfaits de la société patriarcale et que des hommes aient abusé de leur pouvoir pour interner leur femme ou leur fille a existé, j’en suis certaine. Mais dans ce roman à part le bien pâle Theophile le frère d’Eugènie Cléry l’internée qui parle avec les défunts et dont nous allons suivre l’internement aucun homme n’est positif. Le rôle de Charcot n’est analysé qu’à travers ces séances publiques sur l’hystérie. Aucune allusion aux découvertes sur les maladies dégénératives qui sont pourtant à mettre à son crédit.
En revanche, le regard de l’écrivain sur ces femmes qu’on internait si facilement est très compatissant et sûrement proche de la réalité. Le personnage de l’infirmière responsable du pavillon est aussi très riche et on croit à ce personnage. L’héroïne qui voit et entend les défunts lui parler est touchante, mon problème est que j’ai beaucoup de mal avec le spiritisme. Je ne comprends pas le choix de l’auteure, s’il y avait tant d’internements abusifs dans des familles bourgeoises pourquoi ne pas prendre un exemple qui aurait convaincu tout le monde même ceux qui ne croient pas que les morts viennent parler aux vivants… je cite deux exemples qui hantent ma mémoire l’internement de Camille Claudel et la lobotomie en 1941 de Rose Marie Kennedy qui aimait trop les garçons… ceci dit ce roman se lit facilement et on suit avec intensité le suspens qui monte autour de la possibilité d’évasion d’Eugènie Cléry lors du bal de la Salpêtrière. Le titre vient de cet événement festif qui avait lieu tous les ans à la mi-carême, auquel le Tout-Paris se précipitait pour voir de plus près ces folles que la société avait enfermées.

 

Citations

Une assistante complètement sous le charme du grand patron

Geneviève esquisse un sourire. Chaque fois qu’elle le regarde s’adresser à ses spectateurs avides de la démonstration à venir, elle songe au début de l’homme dans le service. Elle l’a vu étudier, noter, soigner, chercher, découvrir ce qu’aucun n’avait découvert avant lui, penser comme aucun n’avait pensé jusqu’ici. À lui seul, Charcot incarne la médecine dans toute son intégralité, toute sa vérité, toute son utilité.

Deux personnages

Thérèse l’internée Geneviève l’infirmière cheffe

Thérèse est la seule que l’ancienne ne peut contredire. Les deux femmes se côtoient entre les murs de l’hôpital depuis vingt ans. Les années ne les ont pas rendues familières pour autant -concept inconcevable pour Geneviève. Mais la proximité à laquelle oblige ces lieux, et les épreuves morales auxquelles ils soumettent ont développé entre l’infirmière et st l’ ancienne putain un respect mutuel, une entente aimable, donc elle ne parle pas mais qu’elle n’ignore pas. Chacune a trouvé sa place et conçoit son rôle avec dignité, Thérèse, mère de cœur pour les aliénées , Geneviève, mère enseignante pour les infirmières. Entre elles a souvent lieu un échange de bons procédés, la Tricoteuse rassure ou alerte Geneviève sur une internée en particulier ; l’Ancienne renseigne Thérèse sur les avancées de Charcot et les événements à Paris. Thérèse est d’ailleurs la seule avec qui Geneviève se soit surprise à parler de sujet autre que la Salpêtrière. À l’ombre d’un arbre une journée d’été, dans un coin du dortoir un après-midi d’averse , l’aliénée et l’intendante ont parlé avec pudeur, des hommes qu’elles ne côtoient pas, des enfants qu’elles n’ont pas, de Dieu en qui elles ne croient pas, de la mort qu’elle ne redoute pas.

Le rôle des hommes

Mais la majorité des aliénées le furent par des hommes, ceux dont elles portaient le nom. C’est bien le sort le plus malheureux : sans mari, sans père, plus aucun soutien, plus aucune considération n’est accordée à son existence.

La peur de quitter l’hôpital après 30 ans d’internement

Son état général s’était à ce point stabilisé que lorsque le docteur Babinski l’avait examinée hier, il avait décidé aucun signe ne s’opposait plus à une sortie. Ces propos avaient ébranlé l’internée qui avait maintenant un certain âge. La perspective de sortir et de retrouver Paris, ses rues, ses parfums, de traverser la scène dans laquelle elle avait poussé son amant, de marcher à côté d’autres hommes dont elle ignorait les intentions, de fouler ses trottoirs qu’elle connaissait trop l’avait envahie d’une épouvante incontrôlable.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Édition Nouvelle Édition Ouest & Compagnie

Encore un roman policier, et sans pouvoir dire que j’aime beaucoup ce genre de lecture, j’ai trouvé celui-ci assez intéressant. En le lisant, je pensais sans cesse que cela ferait un bon film. Et pour une fois, l’écrivain présente assez bien la ville où j’habite. La réalité sociale de notre époque est bien décrite, le roman débute dans un quartier populaire de Rennes, Cleunay, où s’entraînent deux jeunes espoirs du basket local. Fatou, une jeune noire et Rim une jeune arabe. Le sport de haut niveau les a aidées à se forger un mental d’acier et un corps superbe. Leur quartier connaît l’islamisation et elles espèrent grâce au sport pouvoir échapper aux carcans de leur classe sociale. En attendant, elles se retrouvent à Dinard pour un défilé de haute couture car Rim a été recrutée pour une première expérience de mannequin. Dinard où se croisent des gens très fortunés, ce jour là des gens de la mode et des employés très sympathiques des travaux publics et des jeunes qui veulent s’en sortir. C’est dans ce creuset qu’un meurtre va éclabousser tout le monde. J’ai bien aimé le croisement des classes sociales et aussi l’écriture de cet écrivain. Mais j’espère que notre club va ralentir le rythme des romans policiers parce que, pour moi, c’est un peu un pensum à chaque fois que je dois en lire un.
Je n’ai trouvé que peu d’erreurs dans celui-ci une quand même  : Rim et Fatou s’entraînent à Rennes rue Papu et non « Paput » ; je rappelle que François Papu est honoré à Rennes car originaire de cette ville, il est mort pendant les journées révolutionnaire de 1830 ainsi que Louis Vanneau , (ayant été scolarisée à l’école Papu et mes frères à l’école Vanneau, je sais de quoi je parle !)

 

Citations

Les quartiers qui changent

Dans la cité où, depuis deux ans, les barbus et les voiles fleurissent à vue d’œil. À croire que la beauté glabre d’un visage frise l’anathème ou qu’il fallait à tout prix se voiler la face. Masque obligatoire au quotidien, poils pour les hommes, voiles pour les filles, le peuple des tours subit la férule d’un imam réactionnaire.

Description sympa et exacte

Je me retourne pour lancer un dernier regard vers Saint-Malo. Plus nous nous éloignons, plus la ville m’apparaît dans sa compacité. Construite sur la mer, elle se blottit derrière ces fortifications, monolithique, inexpugnable, élégante. La beauté austère de Saint-Malo éclate davantage depuis le large, contrairement aux rivages de Dinard dont les mystères se révèlent à mesure qu’on les approche.Vallonnés, boisés, fleuris, découpés, truffés de luxueuses maisons au parfum d’Années folles, ils offrent mille surprise à l’ombre d’une végétation exotique. Tout en festons et coquetteries, la station balnéaire s’oppose à la rectitude minérale de la cité corsaire. De part et d’autre de l’estuaire , chacun revendique sa place. Les guerriers d’un côté, leur repos de l’autre.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Édition La librairie du XXI°siècle Seuil

Il existe parfois des petits bijoux littéraires que l’on a envie de partager avec le monde entier. C’est le cas pour ce conte auquel on ne saurait ni ajouter ni enlever un seul mot. La tragédie du XX° siècle nous apparaît dans toute son horreur sous une forme de conte que l’on ne pourra pas raconter à nos enfants. Du premier mot au dernier, j’ai tout aimé de cette lecture et je pense qu’elle renouvelle complètement notre regard sur la Shoa. Il s’agit d’un bébé jeté, en 1942, d’un des trains de marchandises dont on connaît la destination aujourd’hui et recueilli par une pauvre femme qui va le sauver. Je ne peux pas en dire beaucoup plus, lisez-le, j’aimerais tant savoir ce que vous en pensez et surtout, surtout …. ne vous dites pas : « Ah, encore un livre sur ce sujet ! » .

 

 

Citations

Le début

Il était une fois, dans un bois, une pauvre bûcheronne et un pauvre bûcheron.

Non non non non, rassurez-vous, ce n’est pas « le Petit Poucet ». Pas du tout. Moi-même, tout comme vous, je déteste cette histoire ridicule. Où et quand a-t-on vu des parents abandonner leurs enfants faute de pouvoir les nourrir ? Allons…

L’apparition du bébé

Alors apparaît, oh merveille, l’objet, l’objet qu’elle appelait depuis tant de jours de ses vœux, l’objet de ses rêves. Et voilà que le petit paquet, l’objet à peine défait, au lieu de lui sourire et de lui tendre les bras, comme le font les bébés dans les images pieuses, s’agite, urgent, serre les poings les brandissant bien haut dans son désir de vivre, torturé par la fin. Le paquet proteste et proteste encore.

Retour du père des camps

Il avait vaincu la mort, sauvé sa fille par ce geste insensé, il avait eu raison de la monstrueuse industrie de la mort. Il eu le courage de jeter un dernier regard sur la fillette retrouvée et reperdue à jamais. Elle faisait déjà l’article à un nouveau chaland montrant de ces petites mains la provenance du fromage en désignant du doigt la chèvre chérie et sa maman adorée.

L’épilogue

Voilà, vous savez tout. Pardon ? Encore une question ? Vous voulez savoir si c’est une histoire vraie ? Une histoire vraie ? Bien sûr que non, pas du tout. Il n’y eut pas de trains de marchandises traversant les continents en guerre afin de livrer d’urgence leurs marchandises, oh combien périssables. Ni de camp de regroupement, d’internement, de concentration, ou même d’extermination. Ni de familles dispersées en fumée au terme de leur dernier voyage. Ni de cheveux tondus récupérés, emballés puis expédiés. Ni le feu, ni la cendre, ni les larmes. Rien de tout cela n’est arrivé, rien de tout cela n’est vrai.

 

 

Édition Gallimard

 

Je me souviens encore du plaisir que j’ai eu à lire « Balzac et la petite tailleuse chinoise » , et lorsque j’ai vu ce roman à la médiathèque, je me suis souvenue avoir lu un billet sur le blog « Journal d’une lectrice », je n’ai pas hésité, je suis donc partie avec cet auteur qui raconte si bien son pays dans la ville côtière de Putian. Yong Shen est le fils du charpentier du village, il sera marqué à tout jamais par un sermon d’un pasteur américain qui parle lui aussi d’un fils de charpentier. Il devient chrétien et fabricant de sifflets pour des colombes.

Il passe un certain temps auprès de ce pasteur et de sa fille Mary. Puis, il fait des études de théologie mais auparavant, il sera marié pour respecter d’obscures superstitions. Il revient chez lui, et il apprend que sa femme a donné naissance à une enfant aux yeux clairs, Helai, cette enfant fera son bonheur et son malheur à la fois. S’il n’en est pas le père biologique, il l’a élevée avec amour mais en périodes de folies révolutionnaires être fille de pasteur, être brillante intellectuellement, et avoir des yeux bleus , s’avèrent très dangereux . Alors, après la période de bonheur ou Yong Shen a été pasteur à l’abri de son arbre chéri, né en même temps que lui : l’aguilaire qui est -si j’ai bien compris- l’arbre qui donne de l’encens, viennent les différentes épisodes de la révolution communiste. Le « grand bon en avant », sera suivi par la révolution culturelle et si Yong Shen n’y laisse pas sa vie, il y laisse son âme et sa foi.

 

Comme souvent dans un bon roman qui s’appuie sur la tragédie historique et sur la folie des hommes, il y a des moments de détentes et même de rire. L’émeute provoquée par l’opération du petit garçon chinois d’une ectopie testiculaire est à la fois, bien racontée et très drôle, tout le village est persuadé que le médecin blanc s’en prend à la virilité de l’enfant chinois. Comme on traverse plus de la moitié d’un siècle -et quel siècle !-, ce roman est très dense et fourmille d’histoires et de personnages très divers. Même les personnages secondaires sont intéressants et lorsque le rouleau compresseur s’abat sur le peuple, il n’y a pas beaucoup de recoins pour se cacher et échapper à la terrible remise au pas de tout un peuple.

Les souffrances du pasteur reconnu comme traître à la cause du peuple et dénoncé par sa propre fille qui veut sauver sa vie et celle de son enfant sont à peu près insoutenables s’il n’y avait pas le talent de ce grand écrivain qui embarque son lecteur dans des descriptions poétiques et un monde fait de beauté et de rêve. La tragédie et la mort sont présentes jusqu’à la dernière ligne mais elle est accompagnée par le « Concerto en ré majeur de Beethoven » et cela donne une impression qui s’élève au-delà de la réalité de la souffrance humaine .

 

Citations

Traditions

C’était le ruban de satin rouge que la famille Yong espérait depuis huit ans, car, selon la coutume, à Putian, on accrochait un ruban rouge à un arbre de sa maison, pour annoncer au monde que l’épouse était enceinte.

Yong Sheng est torturé par les communistes en 1949. Il est alors directeur de l’orphelinat

Un petit de sept ou huit ans s’approcha du révolutionnaire. 
« Vous pouvez faire redescendre notre directeur ? 
-Tu ne dois plus l’appeler directeur, mais ordures impérialiste. 
-Vous pouvez faire redescendre notre impérialiste s’il vous plaît ? 
-Bon point pour toi, je vais le faire redescendre, et procéder à la deuxième partie de son interrogatoire. »

Les réunions publiques sous la révolution culturelle

Les paysans présents depuis le matin étaient rentrés déjeuner chez eux, mais sitôt leur repas pris, ils revinrent avec leurs enfants, et des tabourets bas pour s’asseoir. Assister à une séance de critique n’était pas un acte gratuit. Selon le barème en vigueur, une demi-journée de présence rapporter cinq points à un homme, quatre à une femme, trois au vieillard, ou malade et aux handicapés. Quant aux cadres non rémunérés par l’État, ils touchaient une prime, en plus de leur salaire régulier.

Le manchot, en tant qu’ancien droitier réhabilité, jouissait théoriquement de ses droits civiques, mais en pratique, il n’était jamais autorisé à assister à une réunion politique de la commune. Non pas qu’on lui refusât la petite compensation financière ou la journée de repos qu’impliquait une participation à de tels rassemblements, pour les paysans et les ouvriers c’était moins dur que de journée de travail, mais son statut de consigner le mettait à part. Chaque mois, en tant que boucher en attente d’emploi, il était rémunérée par le district, qui ne l’autorisait pas assister aux meetings et l’obligeait à travailler. 

Torturé pendant la révolution culturelle

La plaque de ciment de dix kilos y exerçait une pression telle que l’acier pénétrait profondément dans sa chair. La large tuméfaction qui s’était formée autour ne cessait de gonfler. Ses vertèbres cervicales semblaient sur le point de se briser.(…)
Il songea que les concepteurs de la plaque de ciment étaient d’une intelligence redoutable. Il avait vraiment été inspirés. Avec leurs inventions, il avait écrit, au vingtième siècle, un nouveau chapitre des lois de la gravité, plus le fil de fer sur lequel reposait le poids de la plaque était fin, plus la gravité en démultipliait la pesanteur. 
Il leva la tête, et, à travers la sueur épaisse qui brouillait et ses yeux, il aperçut devant lui le visage de Mao, comme une apparition confuse, entourée d’un halo trouble. C’était un portrait du président que ses accusateurs avaient installé devant lui, pour la réunion de critique .
 » Président Mao, je suis vraiment incurable. Mon infection idéologique est trop grave. Vous me donnez l’occasion d’être critiqué par les masses, mais, alors que je suis à genoux devant vous, mon cerveau malade se préoccupe encore des notions physique que j’ai étudié à la faculté de théologie, et la seule chose à laquelle je suis capable de penser, c’est la loi de la gravité découverte par un occidentale. Grâce à votre Révolution culturelle, j’espère pouvoir enfin rompre a jamais rien qui m’attache encore à la pensée des impérialiste. »

 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Édition Gallimard NRF

Quand j’ai lu ce livre, je me suis demandé ce qui se serait passé si ce manuscrit avait été proposé par un illustre inconnu à la célèbre maison NRF Gallimard. Je ne peux pas préjuger de leur réponse mais je gage quand même que le nom Pascal Quignard a beaucoup contribué à l’édition de ce roman. J’ai regardé les commentaires sur Babelio et là mon étonnement a été encore plus fort, car même si certains lecteurs avaient des réserves sur le récit tous reconnaissaient une description attachante de la Bretagne. Alors que pour moi c’est, sans doute, le point le plus faible de ce roman : j’habite à Saint-Énogat dont il est beaucoup question dans ce livre et y trouver un quelconque charme de landes sauvages, il faut être dans le romanesque le plus pur. Dinard et toute la côte jusqu’à saint Cast Guildo sont urbanisés depuis le 19° siècle et ne retrouve un aspect sauvage que vers le cap-Fréhel. Quant à Dinard son charme vient des villas construites par de riches anglais avant la guerre 14/18. Ce n’est pas grave : évidemment le romancier a le droit d’inventer une lande, des fermes là où il n’y a et depuis si longtemps que du secondaire, mais c’est bizarre de lire des critiques où des lecteurs y ont retrouvé l’âme bretonne. Dinard est en plein pays gallo et on y a peu, sinon jamais, parlé breton. Bref, je n’aurais jamais choisi ce cadre pour imaginer cette histoire d’amour si forte que chacun va en mourir. Autre point qui m’a déplu : à aucun moment je n’ai pu croire à ces personnages , pas plus qu’aux différentes péripéties du roman. Je déteste quand tout s’arrange grâce à un héritage miraculeux, ici une adoption qui rend le personnage à l’abri des contingences matérielles. Ce sont justement ces contingences qui m’intéressent. Bref je ne peux que vous recommander de fuir ce roman et surtout de la pas venir à Saint-Énogat sur la foi de ce livre, il n’y a pas de landes, il n’y a rien de sauvage sauf la mer par grand vent ; Mais c’est quand même très joli comme le montre cette photo prise en plein hiver (Cherchez la lande !)

Je dois à la vérité de dire qu’un lecteur du club (et oui il y a un homme parmi nous !) et plusieurs lectrices ont fait de ce livre un chef d’oeuvre et, j’ai même entendu que cet auteur était certainement le plus grand écrivain de sa génération ! Je suis visiblement passée à côté de ce chef d’oeuvre.

Citations

Pour vous donner une idée du style

Fabienne marche dans les mottes de terre, à l’intérieur du champ. Claire marche le long des buissons épineux. Noëlle préfère la chaussée goudronnée de la route, les pieds au sec, elle porte le sac en papier rempli des sandwichs acheter à la boulangerie de la place Jules Verne. 

Évelyne, au-dessus d’elle, sautant de roche en roche, porte dans son sac à dos des boissons.
 On voit les petits goulots des bouteilles surgir au-dessus des épaules d’Evelyne. 
Toutes les quatre traversent la lande située au-dessus de Saint-Énogat. C’est une promenade interminable. 
Il n’y a personne. 
En semaine les sentiers sont vides.

Remarque qui m’a semblé juste

Dans les églises, à chaque Office, avant de commencer, je lève les yeux, je contemple des gens que je ne vois jamais faire leurs courses ni au marché ni sur le port.

C’est toujours un mystère.
 Des gens, qu’on ne voit nulle part, s’assemble dans les églises.

Édition Six Pieds Sous Terre

Je crois que c’est impossible d’expliquer pourquoi une BD nous fait rire ou pas. L’humour de Fabcaro est pour moi, irrésistible. Après Zaï Zaï Zaï et Et Si l’Amour c’était d’Aimer voici donc Formica. J’ai passé un très bon moment , (un peu trop court), pourtant, je n’aime pas qu’on meurt dans les BD surtout pas lorsque l’on tue des enfants ! Or le fait que ce dimanche-là, comme tous les dimanches, la famille se réunit mais ne trouvera aucun sujet de discussion se soldera par la mort ‘tragique » de deux enfants. Le côté décalé de cet auteur qui n’insiste jamais sur ses blagues me réjouit beaucoup, j’ai emprunté cette BD à la bibliothèque mais je sais que je vais l’offrir et me l’offrir aussi . Voici quelques bulles pour vous donner envie de vous plonger dans ce drame en trois actes :

 

Menace de la voisine qui ne veut pas divulguer ses sujets de discussion :

 

Quand les banalités deviennent un peu floues

Le jeu de 7 familles dysfonctionnelles

et une dernière (si vous ne riez pas, ne lisez pas cette BD) , c’est une de celles qui me fait le plus rire ….

 

 

 

Édition Rouergue

 

Je dois cette lecture à Krol qui avait été très enthousiaste pour un autre roman d’Hélène Vignal, que je lirai à l’occasion celui-ci était à la médiathèque. Il se trouve que ce jour là il y avait une exposition qui va bien avec le thème du roman dont je vais vous parler. Il s’agissait de portrait de personnes âgées qui ont toutes en commun de se faire porter des livres car elles ne peuvent que difficilement se déplacer. J’ai adoré ces portraits :

Une exposition qui part à la rencontre de nos aînés…

 

De la même façon, j’ai beaucoup aimé le portrait de Jamie la grand-mère de la narratrice Louise. Cette femme qui passe son temps à soupirer, à ranger une maison ou rien de dépasse, à faire des mots fléchés et des sudoku saura-t-elle comprendre sa petite fille et s’ouvrir aux joies du camping. Parce que les vacances dont rêve Louise c’est de passer huit jours avec sa mère et son ami Théo à Bénodet. Rien ne se passe comme prévu, sa mère doit repartir travailler et Louise doit renoncer à ses vacances au camping. Or, Théo son ami homosexuel, a tout autant qu’elle besoin de ces huit jours loin de ses parents à qui il ne peut absolument pas parler de son homosexualité. Beaucoup de thèmes se croisent dans ce roman pour ado, mais qui peut facilement être lu par des adultes. La guerre d’Algérie, (c’est bizarre mais j’ai lu deux livres à la suite qui parlaient de cette guerre), la difficulté de se comprendre entre génération, l’homosexualité, mais surtout la façon dont une personne, ici Jamie, peut passer à côté du bonheur en s’enfermant dans des habitudes mortifères. Beaucoup d’humour dans ce roman, la scène où dans « la famille parfaite » du camping, les parents veulent persuader l’enfant que, puisqu’il aime les courgettes et les concombres « il doit aimer les cornichons » est très drôle. Je ne sais absolument pas si les ado aiment cet auteur mais je l’espère de toutes mes forces car elle parle de tout avec une légèreté et un sérieux qui fait du bien sans oublier son humour.

 

Citations

Les phrases d’ado que j’aime

Moi, je regardais un feuilleton américain en faisant la patate devant la télé.

Mon grand-père était-il un soldat sanguinaire ? Genre vétérans du Vietnam façon couscous ?

 

Quand elle repousse sa grand-mère

Ces phrases sonnent comme un mauvais sort. Je m’écarte comme si elle venait de me piquer avec un rouet empoisonné de sorcière. J’en veux pas, moi de sa vie compliquée. J’en veux pas de ses « jamais », des ses « tu verras », chargés comme des bombardiers. Je ne veux pas que la vie s’occupe de moi. Je veux m’occuper de ma vie toute seule. Sans subir, comme elle. Sans languir après des trucs qui n’arrivent jamais. Sans espérer que demain ça ira mieux. Sans attendre que les gens soient morts pour les comprendre.

Portrait très bien dessiné en une phrase

Elle s’éloigne, martiale,la bouche comme un smiley à l’envers, les joues qui pendent, l’œil noir, en poussant un soupir offensé.