Traduit du coréen par Lim Yeon-hee et Mélanie Basnel, lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Un petit livre étonnant et fort instructif. Je salue d’abord la performance de l’auteur qui s’est mis dans la peau d’une femme pour écrire ce livre. Il y arrive très bien et il a eu bien raison de choisir ce point de vue pour nous faire comprendre pourquoi son pays est si peu attractif. Un homme peut se réaliser dans un travail qui sera quand même une lutte de tous les instants pour sortir du lot, mais pour une femme les barrières sont encore plus hautes et peu d’entre elles arrivent à les franchir et à s’épanouir. Et pourtant, les femmes n’ont pas le poids des interdits religieux et au moins sur le plan de la sexualité, elles sont libres. Mais pour le reste que de contraintes ! En réalité, tout est déterminé par l’origine sociale, si vous êtes née dans une bonne famille, vous habitez dans un beau quartier, votre logement sera spacieux et confortable, vous n’échapperez cependant pas à la terrible sélection mais aurez 99 % de chance d’aller dans une bon établissement secondaire et donc 90 % de chance d’entrer dans une bonne université, Vos parents pouvant payer pour vous, dans le cas où vous n’êtes pas au niveau le nombre de cours particuliers qu’il vous faudra pour réussir votre concours d’entrée à l’université dans laquelle « il faut » aller. Ensuite le tapis rouge se déploie devant vous et vous aurez la carrière de cadre à laquelle vous aspirez et vous ferez le mariage qui convient. Aucune chance pour vous, si vous venez d’une université moyenne, vous serez un cadre moyen. Et si vous n’avez pas réussi vos études vous resterez au bas de l’échelle sociale.
Ce qui révolte notre héroïne Kyena, c’est que tout le monde accepte cet état de fait sans même ressentir la moindre révolte, à commencer par ses parents qui ont trimé toute leur vie pour vivre dans un logement sans aucun confort. Tout le roman est écrit en alternance, sa vie en Corée qui est étriquée, laborieuse et épuisante, et sa vie en Australie qui sans être idyllique lui semble paradisiaque. Comme la photo sur la couverture Kyena sent qu’elle peut vivre dans ce pays où elle se sent libre, je lui laisse la parole pour que vous compreniez son choix

Si je ne peux pas vivre dans mon pays…c’est parce qu’en Corée, je ne suis pas quelqu’un de compétitif. Je suis un peu comme un animal victime de la sélection naturelle. Je ne supporte pas le froid ; je suis incapable de me battre de toutes mes forces pour atteindre un but : ; et je n’ai hérité et n’hériterai jamais d’aucun patrimoine. Mais tout ça ne m’empêche pas d’avoir le culot d’être salement exigeante : je veux travailler près de chez moi, qu’il y ait suffisamment d’infrastructures culturelles dans mon quartier, que mon boulot me permette de m’accomplir personnellement, etc. Je chicane sur ce genre de choses.

Voilà pourquoi elle crie très fort, et je pense qu’après avoir lu ce roman vous la comprendrez.

Pourquoi je suis partie ? Parce que je déteste la Corée

Citations

Classe moyenne pauvre

Ma famille vivait et vit aujourd’hui encore dans un très vieil immeuble délabré dont les matériaux de construction et les encadrements de fenêtres étaient de très mauvaise qualité dès le départ. Chaque année en octobre, mon père recouvrait les fenêtres avec d’épaisses feuille de plastique, mais ça n’empêchait pas l’air glacial de pénétrer dans la chambre au plus fort de la saison froide. Quand le vent soufflait, il faisait gonfler les feuilles de plastique vers l’intérieur. Ces jours-là, nous avions beau mettre le chauffage au sol au maximum, seuls les endroits où passaient les tuyaux était chauds. Ailleurs dans la pièce on était transi de froid. Dans le lit, on avait le bout de nez gelé.

 Les contraintes qui pèsent sur la jeunesse

Je n’ai pas d’avenir en Corée. Je ne suis pas sorti d’une grande université, je ne viens pas d’une famille riche, je ne suis pas aussi belle que Kim-Tae-hui. Si je reste en Corée, je finirai ramasseuse de détritus dans le métro.

Le paradis australien

Quand on devient australien, on peut toucher des indemnités chômage sans rien faire, et quand on attrape une maladie grave, on est soigné gratuitement. Quand on achète pour la première fois une maison, on touche vingt mille dollars d’aide de la part de l’État. On reçoit aussi plusieurs dizaines de milliers de dollars pour financer les études universitaires de ses enfants. En bref tout est merveilleux. En additionnant tout ça, on peut dire que la nationalité australienne vaut environ un milliards de Wons coréen.

Traduit du russe par Sophie Benech.


Merci Dominique qui a la suite d’un article de Goran, m’a conseillé et prêté ce petit livre. Il est enrichi par des dessins d’Alexeï Rémizov et de beaux poèmes de Marina Tsvétaïeva. Cet essai témoigne d’une expérience vécue par l’auteur qui a d’abord fui la Russie tsariste pour revenir ensuite participer à la révolution. Sous le régime bolchevique, s’installe une censure impitoyable, un régime de terreur et une grande famine. Comment ces gens qui faisaient vivre une librairie indépendante ont-ils réussi à survivre et à ce qu’elle dure quelques années ? Sans doute, parce qu’au début « on » ne les a pas remarqués puis, ensuite, parce que leurs compétences étaient utiles. On voit dans cet ouvrage l’énergie que des êtres humains sont capables de déployer pour faire vivre la culture. Les écrivains créaient de petits livres manuscrits pour faire connaître leurs œuvres. J’avais appris dans mes cours d’histoire que la NEP avait été un moment de répit pour les populations. en réalité c’est la NEP qui aura raison de la librairie car si la propriété privée est bien rétablie tout ce qui peut rapporter un peu d’argent est très lourdement taxé avant même d’avoir rapporté .

L’autre aspect très douloureux qui sous-tend cet essai, c’est l’extrême pauvreté dans laquelle doivent vivre les classes éduquées à Moscou. C’est terrible d’imaginer ces vieux lettrés venir vendre de superbes ouvrages pour un peu de nourriture. Et c’est terrible aussi, d’imaginer tout ce qui a été perdu de la mémoire de ce grand pays parce qu’il n’y avait plus personne pour s’y intéresser.

Citations

Ambiance dans la librairie qui a fonctionné à Moscou jusqu’en 1924

Et le client de hasard qui entrait, attiré par l’enseigne, s’étonnait d’entendre un commis discuter avec un client de grands problèmes philosophiques, de littérature occidentale ou de subtiles questions d’art, tout en continuant à travailler, à empaqueter des livres, à faire les additions, à essuyer la poussière et à charger le poêle . La politique était le seul domaine que nous n’abordions pas -non par peur, mais simplement parce que notre but, notre principal désir était justement d’échapper à la politique et de nous cantonner dans les sphères culturelles.

La pauvreté après la révolution de 17

J’espère avoir un jour – moi ou un autre -, l’occasion de revenir sur les types humains rencontrés parmi nos fournisseurs et nos acheteurs. Nous parlerons alors de ses vieux professeurs qui arrivaient d’abord avec des ouvrages inutiles, puis avec les trésors de leur bibliothèque, ainsi qu’avec ensuite avec des vieilleries sans valeur, et pour finir… Avec des livres des autres qu’ils se chargeaient d’écouler.

Les nationalisations

À Moscou, pendant les dures années 1919-1921, les années de chaos et de famine, il était presque impossible aux écrivains d’imprimer leurs livres. Le problème ne tenait pas à la censure (elle n’existait pas encore vraiment), mais à notre immense misère. Les imprimeries, le papier, l’encre, tout avait été « nationalisé », c’est-à-dire que tout avait disparu, il n’y avait pas de commerce du livre, de même qu’il n’existait pas un seul éditeur qui ne fût au bord de la faillite. Mais la vie créatrice n’avait pas cessé, les manuscrits s’entassaient chez les écrivains, et tous avaient envie d’imprimer, sinon un livre, du moins quelques pages. Ce désir était bien sur une façon de protester contre les nouvelles conditions de travail des écrivains. Et puis il fallait bien vivre. Nous décidâmes donc d’éditer et de vendre des plaquettes manuscrites, chaque auteur devant écrire et illustrer son ouvrage à la main.

Traduit de l’anglais par Marie-Odile Fortier-Mazek. Roman inscrit au « Coup de cœur des coups de cœur » année 2017/2018 de la médiathèque de Dinard.

Si ce roman participe à notre « fameux » challenge du mois de juin, c’est qu’il a déjà reçu un coup de cœur de notre club de lecture. Il m’avait échappé et je suis ravie de rattraper mon retard. Si, pour ma photo, je l’ai associé à la célèbre série « Downton Abbey », c’est que ce roman se situe exactement dans cette lignée. Nous sommes avec une jeune bonne de 20 ans, Jane, qui bénéficie du seul jour de congé de l’année : dans ces années-là , les riches familles de l’aristocratie donnait un jour à leurs domestiques pour qu’ils aillent voir leur mère. Ce 30 mars 1924, il fait un temps superbe et avant de partir en pique-nique, la famille Niven, s’inquiète de ce que fera Jane de cette journée de liberté puisqu’elle est orpheline. Comme le goût de le lecture est accepté, voire encouragé par ses employeurs, Jane sait déjà à quoi elle va passer son temps. Un coup de téléphone va bouleverser ses projets, son amant le jeune Paul Sheringman, un voisin d’une très bonne famille lui donne rendez-vous, chez lui. Ils pourront pour une fois bénéficier de la maison seuls sans se cacher. Il doit dans une quinzaine de jours se marier à une jeune fille de la même condition que lui. Commence alors la description de « la » journée exceptionnelle pour Jane. Elle profite délicieusement de ce rapport amoureux et elle enfouit, à jamais, en elle le secret de cette relation.

Graham Swift sait, avec un talent tout en délicatesse, nous faire revivre cette journée et comprendre les relations des differentes classes sociales brtanniques. Peut être aidés par la fameuse série télévisée, nous savons à quel point ces deux mondes : celui des serviteurs et celui des aristocrates étaient totalement séparés même si ces gens se côtoyaient tous les jours. Jane n’a aucunement l’intention de posséder le moindre pouvoir sur Paul. Et pourtant, grâce à l’acte amoureux, elle sait qu’un moment dans sa vie, elle a été l’égale de Paul. L’auteur sait rendre ce moment à la fois très érotique et chargé de la différence sociale, sans juger aucun des deux personnages. C’est un très beau moment de littérature. De plus, il projette Jane dans un futur plein de vie puisque, de ce jour si particulier, il en fait le déclencheur de sa vocation d’écrivaine.

Citations

Angleterre 1924 : le dimanche des mères

Étrange coutume que ce dimanche des mères en perspective, un rituel sur son déclin, mais les Niven et les Sheringham y tenaient encore, comme tout le monde d’ailleurs, du moins dans le bucolique Berkshire, et cela pour une même et triste raison : la nostalgie du passé. Ainsi, les Niven et les Sheringham tenaient-il sans doute encore plus les uns aux autres qu’autrefois, comme s’ils s’étaient fondus en une seule et même famille décimée.

Les rapports maître domestique Grande Bretagne 1924

« Mais bien sûr que vous avez ma permission. Jane. » avait dit Mr Niven en insérant sa serviette dans son rond en argent. Lui demanderait-il où elle voulait aller.
« La Deuxième Bicyclette est à votre disposition et vous avez -hum- deux shillings et six pence en poche. Tout le comté s’offre à vous. Tant que vous revenez.
Puis, comme s’il enviait vaguement la grande liberté qu’il venait de lui accorder, il avait ajouté : « C’est votre jour de congé, Jane. À vous -hum- d’en user à votre convenance. »
Il savait, à présent, qu’une phrase comme celle-là ne lui passerait pas au-dessus de la tête -peut-être même fallait-il y voir un discret hommage pour la lecture.

L’Angleterre et les deuils de la guerre 14 18

Elle ne savait pas, fût-ce en ce dimanche des mères, ce que cela devait être pour une mère de perdre deux fils en l’espace de deux mois, semblait-il. Ni ce que cette mère pouvait ressentir en pareil dimanche. Ni l’un ni l’autre ne reviendrait à la maison nous offrir un petit bouquet ou des gâteaux aux raisins et aux amandes, n’est-ce pas ?

S’habiller chez les riches

De toute façon, dans leur milieu, s’habiller n’avait jamais été réduit à une simple pratique consistant à se nipper vite fait, on y voyait, au contraire, un assemblage solennel 

Le charme est rompu son amant doit rejoindre sa fiancée

 Il retira la cigarette de sa bouche et la tint, tout droite , sur son propre à ventre.
 « Je dois la retrouver à une heure et demie. Au Swann Hôtel à Bollingford. »
Bien qu’il n’eût pas bougé, ce fut comme s’il avait rompu le charme. Et quoi qu’il en fût, elle n’avait pas pu manquer de le prévoir. Même si elle s’imaginait que par quelque magique exemption elle échapperait à « ce passage obligé » . Et le reste de la journée ? Une partie de celle-ci ne pouvait -nest-ce pas ?- durer éternellement. Un fragment de vie ne saurait constituer sa totalité.
 Elle ne bougea pas mais, en son for intérieur, peut-être s’était-elle adaptée à la situation. Comme si elle portait à nouveau des vêtements invisibles et redevenait même une bonne. 

 Les dernières phrases du roman

 Mais assez de baratin, de ces questions pièges des interviews. Et en quoi cela consistait-il, de dire la vérité ? Il fallait toujours leur expliquer jusqu’à l’explication ! Et toute femme écrivain digne de ce nom les duperait, les taquinerait , les mènerait en bateau. N’était-ce pas évident, non d’une pipe ? Cela revenait à être fidèle à l’essence même de la vie. Cela revenait à capter, c’est impossible que ce fût, la sensation d’être en vie. Cela reprenait à trouver un langage. Il en découle est-ce que dans la vie beaucoup de choses dirai oh ! Bien davantage que nous ne l’imagine non ! Ne saurait, en aucune façon, s’expliquer point.

 

Cet auteur fait partie de ceux que je lis avec grand plaisir. Brize était enthousiaste, mais Aifelle avait un peu refroidi mon envie, pas assez tout de même pour que je ne le réserve pas à ma médiathèque. Tous les lecteurs de ce roman constatent que le récit de la catastrophe de Liévin en 1974 rend parfaitement compte de l’horreur de cette accident qui aurait pu être évité, et raconte très bien la vie des mineurs et les terribles conséquences de la silicose. J’ai relu quelques archives de l’époque, qui permettent de se rendre compte que Sorj Chalandon n’a pas exagéré. Oui, cette catastrophe était évitable et oui, ces hommes sont morts au nom du rendement du charbon, alors que les mines avaient déjà perdu leur rentabilité, elles allaient bientôt fermer les unes après les autres. Sorj Chalendon, en ancien journaliste, a sûrement vérifié la véracité des détails révoltants comme le fait que les houillères retiennent sur le salaire du mineur mort au fond de la mine, les deux jours qu’il n’a pas pu faire pour finir son mois, et encore plus sordide le prix de la tenue qu’il n’a pas pu rendre….

L’autre centre d’intérêt c’est le destin personnel de Michel, le petit frère survivant et totalement hanté par cette catastrophe. On ne peut sans divulgâcher l’intrigue, en dire trop sur ce personnage. Pour Aifelle il n’est pas crédible et cela enlève du poids au roman. Je dois être une véritable inconditionnelle de cet auteur, car si comme elle j’ai des doutes sur la vraisemblance du personnage, j’ai trouvé que grâce à lui, Sorj Chalendon avait réussi à nous rendre présent l’horreur des accidents dans les mines. Et puis cela permet de tenir en haleine le lecteur jusqu’à la dernière page. Lors du procès final, j’ai beaucoup apprécié le réquisitoire et la plaidoirie de la défense. Tout est dit dans ces quelques pages. À la fois un pays qui, en 2014, ne comprend plus la vie des mineurs, l’absurdité des destins qui finissent dans des râles de respirations étouffées par les poussières de charbon, ou dans des accidents d’une violence inimaginable, et les gens qui eux sont restés à Lens ou à Liévin et qui se sentent marqués à jamais par les tragédies du charbon.

C’est donc une quatrième fois que Luocine accueille un roman de cet auteur et même si j’ai un peu plus de réserves que pour « Retour à Killyberg » , « le quatrième mur » prix Goncourt lycéen 2013,et « Profession du père » il m’a quand même beaucoup plu.

 

Citations

Tous les bricoleurs de mobylettes se reconnaîtront

À vingt sept ans, mon frère avait aussi abandonné son vieux vélo pour le cyclomoteur.

– La Rolls des gens honnête, disait-il aussi.

Une tragédie évitable

La presse l’avais compris, le juge Pascal l’avait découvert. Rien n’avait été dégazé. Le système pour mesurer le grisou n’était pas achevé. La machine qui servait à dissiper les poches de méthane fonctionnait dans un autre quartier. Les gaziers n’avaient pas mal travaillé. Pas leur faute, les pauvres gars. Ils n’étaient que deux mineurs à effectuer des mesures manuelles .Un seul, pour inspecter des kilomètres de galeries. Par mesure d’économie, les Houillères avaient pris le risque de l’accident.

 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Prix Renaudot 2017 . Félicitations !


Quel livre ! La bibliothécaire nous avait prévenu, ce roman est intéressant à plus d’un titre, ce n’est pas seulement un livre de plus sur l’horreur d’Auschwitz. Olivier Guez commence son récit lorsque Josef Mengele débarque en Argentine sous le nom d’Helmut Gregor, après avoir passé trois ans à se cacher dans une ferme en Bavière non loin de Günzburg sa ville natale où son père occupe des fonctions très importantes à la fois, industriel prospère, et maire de sa ville. Toute sa vie de fuyard, Mengele sera soutenu financièrement par sa famille. Deux périodes très distinctes partagent sa vie d’après Auschwitz, d’abord une vie d’exilé très confortable en Argentine. Sous le régime des Peron, les anciens dignitaires Nazis sont les bienvenus et il devient un industriel reconnu et vend aussi les machines agricoles « Mengele » que sa famille produit à Günzburg.

Tout le monde tire profit de la situation, l’industrie allemande prend pied en Amérique latine et Josef s’enrichit. Son père lui fait épouser la veuve de son frère pour que l’argent ne sorte pas de la famille. Et la petite famille vit une période très heureuse dans un domaine agréable, ils participent à la vie des Argentins et se sentent à l’abri de quelconques représailles.

Tout s’effondre en 1960, quand le Mossad s’empare d’Eichmann et le juge à Jérusalem. Mengele ne connaîtra plus alors de repos, toujours en fuite, de plus en plus seul et traqué par les justices du monde entier. Mais jusqu’en février 1979, date de sa mort, sa famille allemande lui a envoyé de l’argent. On aurait donc pu le retrouver, pour information l’entreprise familiale Mengele n’a disparu qu’en 1991 et le nom de la marque en 2011.

La personnalité de ce médecin tortionnaire tel que Olivier Guez l’imagine, est assez crédible, jusqu’à la fin de sa vie, il se considérera comme un grand savant incompris et il deviendra au fil des années d’exil un homme insupportable rejeté de tous ceux qui se faisaient grassement payer pour le cacher. La plongée dans cette personnalité est supportable car Mengele n’a plus aucun pouvoir et même si on aurait aimé qu’il soit jugé on peut se réjouir qu’il ait fini seul et sans aucun réconfort. Ce qui n’est pas le cas de beaucoup d’industriels allemands qui ont établi leur fortune sous le régime Nazi. L’aspect le plus étonnant de ce roman, c’est la complaisance de l’Argentine de l’Uruguay vis à vis des Nazis. Cette communauté de fuyards Nazis a d’abord eu pignon sur rue et a contribué au développement économique de ces pays, puis ces hommes ont peu peu à peu perdu de leur superbe et se sont avérés de bien piètres entrepreneurs.

Citations

L’Allemagne nazie

Tout le monde a profité du système, jusqu’aux destructions des dernières années de guerre. Personne ne protestait quand les Juifs agenouillés nettoyaient m les trottoirs et personne n’a rien dit quand ils ont disparu du jour au lendemain. Si la planète ne s’était pas liguée contre l’Allemagne, le nazisme serait toujours au pouvoir.

L’Allemagne d’après guerre

À la nostalgie nazi les Allemands préfèrent les vacances en Italie. Le même opportunisme qui les a incités à servir le Reich les pousse à embrasser la démocratie, les Allemands ont l’échine souple et aux élections de 1953, le Parti impérial est balayé.

Les industriels allemands

À Auschwitz, les cartels allemand s’en sont mis plein les poches en exploitant la main d’oeuvre servile à leur disposition jusqu’à l’épuisement. Auschwitz, une entreprise fructueuse : avant son arrivée au camp, les déportés produisait déjà du caoutchouc synthétique pour IG Farben et les armes pour Krupp. L’usine de feutre Alex Zink achetait des cheveux de femmes par sacs entiers à la Kommandantur et en faisait des chaussettes pour les équipages de sous-marins ou des tuyaux pour les chemins de fer. Les laboratoire Scherring rémunéraient un de ses confrères pour qu’il procède à des expérimentations sur la fécondation in vitro et Bayer testait de nouveaux médicaments contre le typhus sur les détenus du camp. Vingt ans plus tard, bougonne Mengele, les dirigeants de ces entreprises ont retourné leur veste. Ils fument le cigare entourés de leur famille en sirotant de bon vin dans leur villa de Munich ou de Francfort pendant que lui patauge dans la bouse de vache ! Traites ! Planqués ! Pourritures ! En travaillant main dans la main à Auschwitz, industries, banques et organismes gouvernementaux en ont tiré des profits exorbitant, lui qui ne s’est pas enrichis d’un pfennig doit payer seul l’addition.

Description de Mengele à Auschwit par son adjoint

Mengele est infatigable dans l’exercice de ses fonctions. Il passe des heures entières plongé dans le travail, debout une demi-journée devant la rampe juive ou arrive déjà quatre ou cinq trains par jour chargés de déportés de Hongrie. Son bras s’élance invariablement dans la même direction, à gauche. Des trains entiers sont envoyés au chambre à gaz et au bûcher. Il considère l’expédition de centaines de milliers de Juifs à la chambre à gaz comme un devoir patriotique. Dans la baraque d’expérimentation du camp tsigane on effectue sur les nains et les jumeaux tous les examens médicaux que le corps humain est capable de supporter. Des prises de sang, des ponctions lombaires, des échanges de sang entre jumeaux d’innombrables examens fatigants déprimants, in-vivo. Pour l’étude comparative des organes, les jumeaux doivent mourir en même temps. Aussi meurent-ils dans des baraques du camp d’Auschwitz dans le quartier B, par la main du docteur Mengele.

La bande annonce pour vous mettre dans l’ambiance…

https://www.youtube.com/watch?v=MebwGf3pcS

Ce festival permet de voir deux sortes de films. Les films en compétition qui sont des films de jeunes réalisateurs et qui ont le mérite d’être audacieux et permettent de se rendre compte que même sans gros budget on peut réaliser des films qui ont beaucoup d’intérêt.
Depuis quelques années je participe à ce festival avec ma sœur, et c’est important de le faire à deux car parfois au bout d’une dizaine de films, on se décourage et à deux on se remotive.

Pour les films en compétition un film que nous avons adoré a eu le Hitchcock d’or du jury

Seule la terre

Un film de Francis Lee.

Film qui a pour sujet central, l’homosexualité dans une ferme anglaise. Mais qui est surtout un éveil au sentiment amoureux. Très beau film très sensible. Aucun personnage n’est dans la caricature, tout est plausible et filmé avec beaucoup de délicatesse.

Notre film préféré qui n’a eu aucune récompense.

Jawbone

Un film de Thomas Napper.

Nous avons pleuré et été très émues par le personnage principal un ancien boxeur. Son combat le plus difficile n’est pas celui où il reçoit le plus de coups. C’est un alcoolique et cet homme qui a un courage incroyable se laisse dominer par l’alcool. Ce film est servi par des personnages secondaires très émouvants.

Pili , Hitchcock du public

Film documentaire de Leanne Welham.

Les femmes africaines portent beaucoup sur leur dos. Et cette maman Pili, contaminée par le Sida que son mari lui a transmis avant de l’abandonner a touché le cœur des festivaliers. Ce film a été tourné par les femmes du village qui jouent leur propre rôle et cela donne un accent de vérité à ce film qui se passe en Tanzanie.


Trois films en compétition, nous ont moins plu :

Une prière avant l’aube

D’un français Jean Stéphane Sauvaire qui raconte le parcours d’un jeune drogué anglais dans les prisons thaïlandaises . C’est encore la boxe qui lui permettra de s’en sortir mais que de violence avant la lueur d’espoir ! C’est tiré d’une histoire vraie.

Daphné

De Peter Mackie Burns, une très jolie actrice pour un film dont nous n’avons pas du tout compris l’intérêt. En revanche la présidente du Jury Nicole Garcia aurait aimé récompenser ce film , il a obtenu le prix du scénario alors que justement, je n’ai pas vu qu’il y en avait un, de scénario.

England is mine

De Mark Gill, un film qui raconte l’adolescence du chanteur Morrissey avant qu’il ne soit célèbre. Un personnage odieux que le film n’arrive pas à rendre intéressant.


Dans les avant-premières nous n’avons pas pu tout voir mais ne ratez surtout pas dès qu’il passera :

À l’heure des souvenirs

De Ritesh Batra.

Nous avons eu la chance que l’acteur principal Jim Broadbent vienne nous présenter son film. C’est un petit chef d’oeuvre, on ne peut absolument pas le raconter sans risquer de ce faire traiter de divulgâcheuse, et pour une fois je suis absolument d’accord. Tout l’intérêt du film vient de ce que l’on se prend de sympathie pour certains personnages et que peu à peu la réalité transforme notre opinion. Peut-être, en ai-je trop dit déjà !

Une belle rencontre

De Lone Sherfig.

J’ai adoré ce film, même si j’ai trouvé la fin un peu longuette, mais c’est sans doute l’effet festival : le rythme s’accélère qu’on le veuille ou non. L’histoire : les anglais décident en 1942, de tourner un film pour remonter le moral des Britanniques. Un film dans un film, avec en toile de fond la guerre c’est vraiment passionnant. Le numéro d’acteur de Bill Nighly est génial.

In Another life

De Jason Wingard.

C’est trop dur les films sur l’immigration actuelle, cela passe par Calais et et tout me bouleverse dans ce genre de film. J’ai juste une remarque, je n’arrive pas à comprendre pourquoi la Grande Bretagne semble pour eux un Eldorado et la France un enfer.

Patrick’s day

De Terry Mc-Mahon.

Les rapports entre la mère et son fils schizophrène sont poignants et la souffrance de cet homme très bien rendu. Nous avons toutes les deux (ma sœur et moi)été très émues par ce film.

Final portrait

De Stanley Tucci.

C’est toujours un peu compliqué les films sur la création artistique, ici on suit bien les évolutions du peintre et sculpteur Giacometti mais quel odieux personnage !

La mort de Staline

De Armando Lanucci.

Ce film respecte bien la vérité historique mais fait des hauts dignitaires soviétiques  : des marionnettes absolument creuses, lâches, stupides qui veillent simplement à sauver leur peau . Le film ne choisit pas entre humour et tragédie et c’est un peu gênant.

Un documentaire, culpabilisant et pas très bien fait à notre avis.

Douleur de la mer

De Vanessa Redgrave.

Une séance de courts métrages

À boire et à manger mais c’est assez normal le genre veut ça.


et enfin nous avons eu la chance de voir aussi…

 Confident Royal

De Stephen Frears.

Un classique dans le genre des films britanniques. Que tous ceux et toutes celles qui aiment Downton Abbey se précipitent !

Tout cela en 5 jours ! Pas mal les sœurs !

Traduit de l’allemand et annoté par Élisabeth Guillot.


Les cinq coquillages veulent dire, tout simplement, qu’il faut lire ce livre car il nous en apprend tant sur une période qu’on voudrait à jamais voir bannie et fait réfléchir sur la langue du monde politique qui veut manipuler plus que convaincre. Rosa Montero dans « la folle du logis« en parlait et elle m’a rappelé que je voulais le lire depuis longtemps. À mon tour de venir conseiller cette lecture à toutes celles et tous ceux qui se posent des questions sur le nazisme en particulier sur l’antisémitisme des Allemands. Ce pays hautement civilisé qui en 1933 permit que l’on inscrive à l’entrée de l’université de Dresde où Victor Klemperer enseignait la philologie  :

« Quand le Juif écrit en allemand, il ment. »

Comment cet homme qui se sent tellement plus allemand que juif peut-il comprendre alors, qu’aucun de ses chers confrères n’enlèvent immédiatement cette pancarte ? Cet homme qui a failli laisser sa vie pour sa patrie durant la guerre 14-18 ne peut accepter le terrible malheur qui s’abat sur lui. Pour ne pas devenir fou, il essaie d’analyser en bon philologue la langue de ses bourreaux. Il cachera le mieux qu’il peut ses écrits et leur donnera une forme définitive en 1947. Comment a-t-il survécu ? contrairement à son cousin Otto le chef d’orchestre, il est resté en Allemagne, marié à une non-juive ; il a survécu tout en subissant les lois concernant les Juifs alors qu’il était baptisé depuis de longues années. La veille des bombardements de Dresde, il devait être déporté avec sa femme, les conséquences tragiques du déluge de feu qui s’est abattu sur sa ville lui ont permis de fuir en dissimulant son identité.

Son essai montre de façon très précise comment on peut déformer l’esprit d’un peuple en jouant avec la langue et en créant une pseudo-science . Il semble parfois ergoter sur certains mots qui ne nous parlent plus guère, mais ce ne sont que des détails par rapport à la portée de ce livre. Il est évident que Victor Klemperer réussit à survivre grâce à l’amour de sa femme et le dévouement d’amis dont ils parlent peu. Il est tellement choqué par la trahison des intellectuels de son pays qu’il a tendance à ne rien leur pardonner et être plus attentif aux gens simples, qu’ils jugent plus victimes du régime que bourreaux . Pour ceux qui avaient la possibilité de réfléchir, il démontre avec exactitude qu’ils ont failli à leur mission d’intellectuels. Malheureusement dans un passage dont je cite un court extrait, on voit que sa clairvoyance s’est arrêtée au nazisme et qu’il est lui-même aveuglé par l’idéologie communiste. Le livre se fait poignant lorsque Victor Klemperer se laisse aller à quelques plaintes des traitements qu’il subit quotidiennement. Que ce soit » le bon » qu’il reçoit pour aller chercher un pantalon usagé réservé aux juifs, puisqu’il ne peut plus acheter ni porter des vêtements neufs, ou le geste de violence qui le fait tomber de la plate-forme du bus, seul endroit que des juifs peuvent utiliser dans les transports en commun. Avec, au quotidien, la peur d’enfreindre une des multiples règles concernant les juifs et l’assurance, alors, d’être déporté : avoir un animal domestique, avoir des livres non réservés aux juifs, dire Mendelssohn au lieu du « juif Mendelssohn », sortir à des heures où les juifs n’ont pas le droit d’être dehors, ne pas laisser la place assez rapidement à des aryens, ne pas claironner assez fort « Le juif Klemperer » en arrivant à la Gestapo où de toutes façon il sera battu plus ou moins fortement … un véritable casse-tête qui fait de vous un sous-homme que vous le vouliez ou non.

Lors de la réflexion sur le poids des mots et des slogans en politique, j’ai pensé que nous avions fait confiance à un parti qui s’appelle « En marche », et que ces mots creux ne dévoilaient pas assez, à travers cette appellation, les intentions de ceux qui allaient nous gouverner. En période troublée, les mots comme « République » ou « Démocratie » sont sans doute plus clairs mais engagent-ils davantage ceux qui s’y réfèrent ?

Citations

Pour situer ce livre, on peut lire ceci dans la préface de Sonia Combe

À la fin de la guerre, Victor Klemperer et à double titre un survivant. Tout d’abord, bien entendu, parce qu’il a fait partie de ces quelques milliers de Juifs, restés en Allemagne, qui ont échappé à la déportation. Mais, en second lieu, parce qu’il demeure ce qu’il a toujours été, un Juif irrémédiablement allemand, un rescapé de la « symbiose judéo-allemande », de ce bref moment de l’histoire allemande qui permit la sécularisation de l’esprit juif, l’acculturation des juifs et leur appropriation de l’univers culturel allemand. Quoi qu’il en soit de la réalité de cette symbiose, aujourd’hui le plus souvent perçu comme un mythe ou l’illusion rétrospective d’une relation d’amour entre Juifs et Allemands qui ne fut jamais réciproque, Klemperer est l’héritier spirituel de cette Allemagne fantasmé et désiré – au point qu’elle restera, quoi qu’il arrive et pour toujours, sa seule patrie possible.

La mauvaise foi des scientifiques allemands de l’époque nazie

Le congrès de médecine de Wiesbaden était lamentable ! Ils rendent grâce à Hitler, solennellement et à plusieurs reprises, comme « Au Sauveur de l’Allemagne »-bien que la question raciale ne soit pas tout à fait élucidée, bien que les « étrangers » , August von Wassermann médecin allemand 1866 1925, Paul Ehrlich,médecin allemand 1854 1915 prix Nobel de médecine en 1908 et Neisser aient accompli de grandes choses. Parmi « mes camarades de race » et dans mon entourage le plus proche, il se trouve des gens pour dire que ce double « bien que » est déjà un acte de bravoure et c’est ce qu’il y a de plus lamentable dans tout cela. Non, la chose la plus lamentable entre toutes, c’est que je sois obligé de m’occuper constamment de cette folie qu’est la différence de race entre Aryens et Sémite, que je sois toujours obligé de considérer tout cet épouvantable obscurcissement et asservissement de l’Allemagne du seul point de vue de ce qui est juif. Cela m’apparaît comme une victoire que l’hitlérisme aurait remportée sur moi personnellement. Je ne veux pas la lui concéder.

L’influence Nazie dans les couches populaires.

Frieda savait que ma femme était malade et alitée. Un matin, je trouvais une grosse pomme au beau milieu de ma machine. Je levais les yeux vers le poste de Frieda et elle me fit un signe de tête. Un instant plus tard, elle se tenait à côté de moi : « pour ma petite mère, avec toutes mes amitiés ». Puis d’un air curieux et étonné, elle ajouta :  » Albert dit que votre femme est allemande. Est-elle vraiment allemande ? »
 La joie que m’avait causée la pomme s’envola aussitôt. Dans cette âme candide qui ressentait les choses de manière absolument pas nazie mais, au contraire, très humaine, s’était insinué l’élément fondamental du poison nazi ; elle identifiait  » Allemand » avec le concept magique d’  » Aryen » ; il lui semblait à peine croyable qu’une Allemande fut mariée avec moi, l’étranger, la créature appartenant à une autre branche du règne animal ; elle avait trop souvent entendu et répété des expressions comme « étrangers à l’espèce »,  » de sang allemand », « racialement inférieur », « nordique » et « souillure raciale » : sans doute n’associait-elle à tout cela aucun concept précis, mais son sentiment ne pouvait appréhender que ma femme pût être allemande.

L’auteur se pose cette question :

Mais voilà que le reproche que je m’étais fait pendant des années me revenait à l’esprit, ne surestimais-je pas, parce que cela me touchait personnellement de manière si terrible, le rôle de l’antisémitisme dans le système nazi ?
 Non, car il est à présent tout à fait manifeste qu’il constitue le centre et, à tout point de vue, le moment décisif du nazisme dans son ensemble. L’antisémitisme, c’est le sentiment profond de rancune éprouvés par le petit-bourgeois autrichien déchu qu’était Hitler ; l’antisémitisme, sur le plan politique, c’est la pensée fondamentale de son esprit étroit. L’antisémitisme, du début jusqu’à la fin, le moyen de propagande le plus efficace du Parti, c’est la concrétisation la plus puissante et la plus populaire de la doctrine raciale, oui, pour la masse allemande c’est identique au racisme. effet, que sait la masse allemande des dangers de l » negrification » (Verniggerun) et jusqu’où s’étend sa connaissance personnelle de la prétendue infériorité des peuples de l’Est et du Sud-Est ? Mais un Juif, tout le monde connaît ! Antisémitisme et doctrine raciale sont, pour la masse allemande, synonyme. Et grâce au racisme scientifique ou plutôt pseudo-scientifique, on peut fonder justifier tous les débordements et toutes les prétentions de l’orgueil nationaliste, chaque conquête, chaque tyrannie, chaque extermination de masse.

Originalité de l’antisémitisme nazie

Dans les temps anciens, sans exception, l’hostilité envers les Juifs visait uniquement celui qui était en dehors de la foi et de la société chrétienne ; l’adoption de la confession et des mœurs locales avait un effet compensateur, et (au moins pour la génération suivante) oblitérant. En transposant la différence entre Juif et non-Juifs dans le sang, l’idée de race rend tout compensation impossible, elle rend la séparation éternelle et la légitime comme œuvre de la volonté divine

Aveuglement sur le communisme

Car il est urgent que nous apprenions à connaître le véritable esprit des peuples dont nous avons été isolés pendant si longtemps, au sujet desquels on nous a menti pendant si longtemps. Et l’on ne nous a jamais menti autant que sur le peuple russe… Et rien ne nous conduit au plus près de l’âme d’un peuple que la langue… Et pourtant, il y a  » mettre au pas » et « ingénieur de l’âme » -tournures techniques l’une et l’autre. La métaphore allemande désigne l’esclavage et la métaphore russes, la liberté.

Le cogneur et le cracheur les deux hommes de la Gestapo qui ont tourmenté Klemperer pendant de longues années, ils les opposent aux intellectuels

Le cogneur et le cracheur, c’étaient des brutes primitives (bien qu’ils eussent le grade d’officier), tant qu’on ne peut pas les assommer, il faut supporter ce genre d’homme. Mais ce n’est pas la peine de se casser la tête dessus. Alors qu’un homme qui a fait des études comme cet historien de la littérature ! Et, derrière lui, je vois surgir la foule des hommes de lettres, des poètes, des journalistes, la foule des universitaires. Trahison, où que se porte le regard.
 Il y a Ulitz, qui écrit l’histoire d’un bachelier juif tourmenté et la dédie à son ami Stefan Zweig, et puis au moment de la plus grande détresse juive, voilà qu’il dresse le portrait caricatural d’un usurier juif, afin de prouver son zèle pour la tendance dominante.

Traduit de l’anglais (américain) par Jean Esch.

Deux livres qui se suivent traduits par le même traducteur, j’aimerais tant confronter mon opinion à la sienne. Autant je me suis sentie enfermée dans le bon roman « les filles au lion » autant je me suis sentie libre dans celui-ci. Libre d’aimer , libre de croire à l’histoire , libre d’imaginer les personnages. La cuisine et la recherche (parfois très compliquée) des bons aliments sont à le mode visiblement dans tous les pays. L’avantage de prendre comme fil conducteur la cuisine , c’est de traverser toutes les couches de la société américaine. Entre le grand bourgeois raffiné qui peut payer un repas d’exception et le petit mitron qui épluche les légumes l’éventail des personnalités et des situations est assez large. L’avantage aussi, c’est que comme pour toute forme d’art, seul le travail paye. Et devenir une chef mondialement connue comme le personnage Eva Thorvald est une tension de tous les instants entre les exigences de la vie et celle du créateur.

Dans ce roman, la très bonne cuisine n’est pas tant une sophistication de la cuisson que l’exigence de la qualité des produits. Toute création cache une souffrance et celle d’Eva vient de sa naissance , abandonnée par sa mère , orpheline trop tôt d’un père qui a juste eu le temps de lui donner le goût de la bonne nourriture, elle rame pour survivre d’abord au lycée. Ah ! les lycées américains la violence qui y règne est d’autant plus surprenante que ce n’est pas l’image que j’en avais. Souvent quand j’interrogeais les étudiants américains sur leurs années lycée, ils me disaient que cela représentait pour eux un grand moment de bonheur, alors que les jeunes Français détestent presque toujours leur lycée. Le roman s’intéresse ensuite à différents personnages, l’on croit quitter Eva mais on suit son parcours et sa progression comme chef d’exception à travers les rencontres qu’elle est amenée à faire, elle n’est plus alors le personnage principal, et cela nous permet de comprendre un autre milieu à travers une autre histoire.

On passe du concours de cuisine consacré aux barres de céréales où toutes les mesquineries habituelles dans ce genre de compétition sont bien décrites, à l’ouverture de la chasse aux cerfs d’une violence que je ne suis pas prête d’oublier. La scène finale rassemble les éléments du puzzle de la vie d’Éva dans un moment d’anthologie romanesque et culinaire. Finalement c’est au lecteur de réunir tous les personnages, j’ai relu deux fois ce roman pour être bien sûre d’avoir bien tout compris. Un grand moment de plaisir dans mon été qui était plutôt sous le signe de romans plus tristes et je le dois à Aifelle qui avait été tentée par Cuné et Cathulu.

Citations

Légèreté et d’humour explication du lutefisk

Peu importe que ni Gustaf ni sa femme Elin, ni ses enfants n’aient jamais vu, et encore moins attrapé, assommé, fait sécher, trempé dans la soude, retrempé dans l’eau froide, un seul poisson à chair blanche, ni accompli la délicate opération de cuisson nécessaire pour obtenir un aliment qui, quand il était préparé à la perfection, ressemblait à du smog en gelée et sentait l’eau d’aquarium bouillie.

 Toujours le lutefisk

Lars, quant à lui, fut stupéfait par ces vieilles scandinaves qui vinrent le trouver à l’église pour lui dire :  » Un jeune homme qui prépare le lutefisk comme toi aura beaucoup de succès auprès des femmes ». Or, d’après son expérience, la maîtrise du lutefisk provoquait généralement du dégoût, au mieux de l’indifférence, chez ses rencards potentiels. Même les filles qui prétendaient aimer le lutefisk ne voulaient pas le sentir quand elles n’en mangeaient pas, mais Lars ne leur laissait pas le choix.

Rupture amoureuse

« – Mais en attendant, contentons-nous d’être amis. »
Will avait déjà entendu cette phrase et il avait appris à ne plus écouter ce que disait la fille ensuite parce que c’était du baratin.

Le maïs

Anna Hlavek cultivait un produit rare, presque inouï : une variété de maïs à pollinisation libre qui n’avait pas changé depuis plus de cent ans. D’après ce qu’elle savait, Anna avait hérité d’un stock de semences ayant appartenu à son grand-père, qui les avait achetés par correspondance ….en 1902. C’était exactement le même maïs que mangeait les arrières-grands-parents d’Octavia dans leur ferme près de Hunter dans le Dakota du Nord : des grains charnus, fermes et juteux qui explosaient dans la bouche, si sucrés qu’on aurait pu les manger en dessert.

Classe aisée américaine

 Octavia qui avait grandi à Minnetonka, entouré de gens fortunés au goût sûr, qui avait obtenu des diplômes d’anglais et de sociologie à Notre-Dame, dont le père était avocat d’affaires et la belle-mère un ancien mannequin devenue représentante dans l’industrie pharmaceutique, était destinée à épouser un homme comme Robbe Kramer. Elle n’aspirait pas à une vie meilleure que celle qu’elle avait connue dans son enfance ; elle n’avait pas besoin d’être plus riche, juste aisée, auprès d’un ami comme Robbe, attaché au même style de vie. Elle serait heureuse, elle le savait, de l’accompagner dans ses dîner de bienfaisance politique, et de charmer les épouses moins intelligentes de ces futurs associés. Elle avait même appris à jouer au golf, elle savait confectionner vingt sept cocktails différents, elle pouvait regarder un match des Minnesota Vikings et comprendre ce qui se passait sans poser de questions.

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Marie Bisseriex. Livre lu grâce à Babelio et offert par les éditions « le nouveau pont ».


Pat Conroy fait partie des auteurs qui savent me transporter dans un autre monde et dans un autre genre de vie. J’ai lu tous ses romans et sa mort m’a touchée. Le monde dans lequel il me transporte, c’est la Louisiane ou l’Alabama. Il sait me faire aimer les états du Sud, pourtant souvent peu sympathiques. Il faut dire qu’il vient d’une famille pour le moins non-conventionnelle  : sa mère qui se veut être une « parfaite dame du Sud », n’est absolument pas raciste, car si elle est en vie, c’est grâce à une pauvre famille de fermiers noirs qui l’a nourrie alors qu’elle et ses frères et sœurs mouraient de faim pendant la grande dépression. Le racisme, l’auteur le rencontrera autant à Chicago dans la famille irlandaise qu’à Atlanta mais sous des formes différentes. L’autre genre de vie, c’est sa souffrance et sans doute la source de son talent d’écrivain : une famille « dysfonctionnelle », un père violent et des enfants témoins d’une guerre perfide entre parents dont ils sont toujours les premières victimes.

Ce livre est donc paru (en France ?) après la mort de son auteur et explique à ses lecteurs pourquoi malgré cette enfance absolument abominable il s’est réconcilié avec ses deux parents. Il montre son père « le grand Santini » sous un jour différent grâce au recul que l’âge leur a donné à tous les deux. Cet homme aimait donc ses enfants autant qu’il les frappait. Il était incapable du moindre mot de gentillesse car il avait peur de les ramollir. Plus que quiconque le « grand Santini » savait que la vie est une lutte terrible, lui qui du haut de son avion a tué des milliers de combattants qui menaçaient les troupes de son pays. Un grand héros pour l’Amérique qui a eu comme descendance des enfants qui sont tous pacifistes.

Pat Conroy a fait lui même une université militaire, et il en ressort écœuré par les comportements de certains supérieurs mais aussi avec une certaine fierté de ce qu’il est un … « Américain » . Il décrit bien ces deux aspects de sa personnalité, lui qui pendant deux ans est allé enseigner dans une école où il n’y avait que des enfants noirs très pauvres. Il dit plusieurs fois que l’Amérique déteste ses pauvres et encore plus quand ils sont noirs. Mais il aime son pays et ne renie pas ses origines.

On retrouve dans cette biographie l’écriture directe et souvent pleine d’humour et dérision de cet écrivain. Il en fallait pour vivre chez les Conroy et s’en sortir. On reconnaît aussi toutes les souffrances qu’il a si bien mises en scène dans ses romans. On peut aussi faire la part du romanesque et de la vérité, enfin de la vérité telle qu’il a bien voulu nous la raconter. Ce livre je pense sera indispensable pour toutes celles et tous ceux qui ont lu et apprécie Pat Conroy

Citations

Un des aspect de Pat Conroy son estime pour certains militaires

À la dernière minute de ma vie surmilitarisée, j’avais rencontré un colonel que j’aurais suivi n’importe où, dans n’importe quel nid de mitrailleuse et avec lequel j’aurais combattu dans n’importe quelle guerre. Ce colonel, dont je n’ai jamais su le nom, me permit d’avoir un dernier aperçu du genre de soldat aux charmes desquels je succombe toujours, dévoués, impartiaux et justes. C’est lui qui me flanqua à la porte et qui me renvoya dans le cours de ma vie.

Genre de portrait que j’aime

Sa relation avec la vérité était limitée et fuyante -mais son talent pour le subterfuge était inventif et insaisissable par nature.

Toute famille a son barjot

 Autant que je sache, chaque famille produit un être marginal et solitaire, reflet psychotique de tous les fantômes issus des enfers plus ou moins grands de l’enfance, celui qui renverse le chariot de pommes, l’as de pique, le chevalier au cœur noir, le fouteur de merde, le frère à la langue incontrôlable, le père brutal par habitude, donc qui essaie de tripoter ses nièces, la tante trop névrosée pour jamais quitter la maison. Parler moi autant que vous voulez des familles heureuses mais lâchez-moi dans un mariage ou dans un enterrement et je vous retrouverai le barjot de la famille. Ils sont faciles à repérer.

Son père

Les années les plus heureuse de mon enfance étaient celles où Papa partait à la guerre pour tuer les ennemis de l’Amérique. À chaque fois que mon père décollait avec un avion, je priais pour que l’avion s’écrase et que son corps se consume par le feu. Pendant trente et un ans, c’est ce que j’ai ressenti pour lui. Puis j’ai moi-même déchiré ma propre famille avec mon roman sur lui, « Le grand Santini ».

Humour que l’on retrouve dans les romans de Pat Conroy

-Ton oncle Joe veut te voir. Il habite dans un bus scolaire avec vingt-six chiens.
-Pourquoi ?
– Il aime les chiens, je crois. Ou alors les bus scolaires

La sœur poète et psychotique

Ma sœur Carole Ann a vécu une enfance vaillante et sans louange mais surtout une enfance d’une solitude presque insupportable. Elle aurait été un cadeau pour n’importe quelle famille mais passa inaperçue la plupart du temps. À tout point de vue, c’était une jolie fille qui n’arrivait pas à la hauteur des attentes des mesures et de sa mère. Malgré elle, Peg Conroy avait le don insensé de faire croire à ses filles qu’elles étaient moches.

Son rapport à l’Irlande

Dans mon enfance, tout ceux qui me frappaient était irlandais, depuis mon père, ses frères et ses sœur, jusqu’aux nonnes et aux prêtres qui avaient été mes enseignants. Je percevais donc l’Irlande comme une nation qui haïssait les enfants et qui était cruelle envers les épouses.

L’éloge funèbre de Pat Conroy à son père

Il ne savait pas ce qu’était la mesure, ni même comment l’acquérir. Donald Conroy est la seule personne de ma connaissance dont l’estime de soi était absolument inébranlable. Il n’y avait rien chez lui qu’il n’aimait pas . Il n’y avait rien non plus qu’il aurait changé. Il adorait tout simplement l’homme qu’il était et allait au devant de tous avec une parfaite assurance. Papa aurait d’ailleurs aimé que tout le monde soit exactement comme lui.

 Son obstination été un art en soi. Le grand Santini faisait ce qu’il avait à faire, quand il le voulait et malheur à celui qui se mettait en travers de son chemin.

J’ai racontés tous les soirs, cet été, les trois albums de loup gris. Merci à leurs auteurs Gilles Bizouerne et Ronan Badel

Arthur adore les trois albums. Il est incapable de vous dire celui qu’il préfère. Il connaît certaines phrases par cœur et vous explique très bien ce que veut dire « évanoui ». Il n’a pas du tout peur de Loup gris « le plus beau le plus costaud », il le trouve même un peu bête. Et comme pour loup gris, on a beaucoup de mal à savoir si Arthur dit « chef » ou « Sef » alors il comprend très bien que l’on peut zeuzeuter « un peu », mais manger une mouche (une mousse ») ça jamais ! Son passage préféré ? quand le chien mange la queue du loup et les pages d’après, celles où on voit le loup courir avec un moignon de queue : cet âge est charmant !

J’ai pris beaucoup de plaisir à raconter ces histoires car on peur faire des effets de voix et c’est vraiment très drôle pour un adulte aussi, les dessins sont parfaits.

 

Comme le goût des loups était bien installé j’ai rajouté

 « les quatre loups » de Alain Gaussel et Caroline d’All Ava

Le problème de cet album c’est qu’il y a » le loup de la nuit » qui fait peur, donc Arthur écoute cette histoire avec son épée et menace le loup si par hasard celui-ci ne se tenait pas tranquille. Il aime beaucoup ce petit garçon qui n’a pas peur des loups et d’ailleurs au zoo de la Bourbansais, il voulait surtout voir les loups et vérifier la taille de leurs grandes dents. C’est une histoire bien écrite pour être racontée à voix haute et qui a un rythme de conte poétique. Je n’apprécie pas trop les dessins mais ils plaisent beaucoup à Arthur.

Encore un loup, et quel Loup !

Mordicus un jour, Mordicus toujours Didier Levy et Marie Novion

Encore un loup et quel loup ; Le plus féroce de tous les loups : Mordicus. Donc, quand l’épicière disparaît, ce n’est pas très compliqué de chercher qui a fait le coup. Tout le monde en est bien persuadé cela ne peut être que Mordicus. Et cela rend très triste Félix son arrière petit fils qui aime beaucoup son arrière grand-père. Je vais divulgâcher la fin pour que tout le monde puisse raconter cette histoire si Mordicus aime dire qu’il est méchant il ne l’est pas tant que ça.

Arthur a un peu de mal à comprendre pourquoi il n’a pas mangé l’épicière mais il adore cette histoire. Moi, j’aime beaucoup les dessins et j’aime faire la voix chantée, je trouve la leçon de morale un peu trop lourde mais pourquoi pas : »il ne faut pas juger les gens sur la mine ».

Cet été sous le signe du loup a inspiré Arthur voici Loup gris :

 

et voici la terrible bataille de Louis gris et le chien qui lui mange la moitié de la queue (le passage préféré d’Arthur !)

 

Quand nous quittons les loups c’est pour trouver des monstres et une sorcière

 

Dehors les monstres par Cyril Hahn

 

C’est un grand classique de ma maison mais il plaît toujours autant. J’aime beaucoup le papa flegmatique qui ne se panique jamais. J’aime que ce soit un papa qui passe l’aspirateur. Arthur est très content de voir qu’un crocodile a réussi à se cacher derrière la porte de la chambre, il est complètement dégoûté par la soupe de la sorcière, c’est sans doute son passage préféré

 

Pierre et la sorcière Gilles Bizouerne et Roland Garrigue


J’ai acheté cet album en espérant retrouvé l’humour de « Loup Gris » c’st un peu raté, mais cette histoire plaît bien à Arthur surtout quand Pierre pousse la sorcière dans le four aussi quand elle dit les gros mots. Il aime aussi répondre à la dernière question du livre : « Est ce que Pierre va aller combattre le dragon du château » . C’est un livre agréable à raconter, on peut faire des effets de voix et il y a un rythme rapide bien agréable.

 

et puis trois nouveautés

« Tu ne m’attraperas pas » de Timothy Knapman et Simona Giraolo

Pas de pitié pour Jacky la souris la plus « rapide du monde » elle est délicieuse d’après le chat le plus rusé du monde. Album agréable à raconter et pas trop long. C’est parfois un avantage

 

Lièvre et Ours , C’est à moi Emily Gravavett

Bel album , images superbes mais un peu enfantin pour Arthur qui aime bien quand même, surtout quand le ballon éclate à la tête des deux compères.

 

Profession crocodiles Giovanna Zoboli et Mariachiara di Giorgo

un flop total avec cet album pourtant conseillé par Noukette qui m’a fait découvrir des livres absolument merveilleux pour les enfants. En réalité cet album est superbement dessiné mais l’histoire est horrible, Un crocodile a comme profession d’être crocodile dans un zoo. Je me demande quel enfant peut comprendre un tel message. La seule chose qui plaise à Arthur c’est de distinguer dans des dessins très fouillés les animaux qui se sont mélangés aux humains. Pour moi c’est un livre pour adulte qui se cache derrière un album pour enfant.

 

et quand on a fini toutes les histoires on peut passer du temps avec

la famille Oukilé de Béatrice Veillon

 

Je perds plus vite patience qu’Arthur mais lui aime vraiment beaucoup et cherche avec une grande attention tous les membres de la famille. Arthur les retrouve plus rapidement à la fin de l’été qu’au début.